Anonyme [1649 [?]], REQVESTE DV DVC DE VANDOSME AV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_3496. Cote locale : B_9_13.
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DECLARATION DV DVC
de Vendosme, sur laquelle a esté
donnée l’abolition.

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SIRE,

Sur l’asseurance qu’il a pleu à vostre bonté de me faire donner
tant par les sieurs de Lhostelnau & Lamont premierement
que depuis par Monsieur le Duc de Bellegarde, & de nouueau
par ma sœur Madame la Duchesse d’Elbeuf, de me pardonner
toutes les choses que ie puis auoir faites, qui ont despleu à Vostre
Majesté, & qui luy ont donné sujet de me faire arrester prisonnier
dés le treiziesme de Iuin de l’année derniere, & à la
charge que ie les aduouë & confesse ingenuëment, tout mon
plus grand but n’ayant iamais esté que de luy plaire & luy donner
tous les contentemens qu’il sçauroit desirer de moy, ioint
l’entiere confiance que i’ay en la bonté de Vostre Majesté ;
Toutes ces choses, SIRE, m’ont obligé à luy declarer & aduoüer
ce qui s’ensuit : Premierement, que ie ne m’estonne point si
vostre Majesté m’a fait arrester prisonnier ; Aussi peu trouuay-ie
à redire à ceux qui le luy ont conseillé, lesquels à mon sens eussent
failly en raison d’Estat, s’ils eussent autrement fait, veu
les continuels soupçons qu’on luy donnoit de moy, & de toutes
saçons touchant mon Gouuernement. En suitte, m’examinant
sur les fautes que ie puis auoir commises en Bretagne, i’aduouë
à Vostre Majesté qu’auec trop de soin i’ay recherché & cabalé
l’amitié de Messieurs du Parlement de la Prouince, sans toutesfois
auoir autre dessein que de m’en preualoir contre mes ennemis,
& me rendre considerable. I’ay apporté le mesme soin
enuers la Noblesse & les Communautez de la mesme Prouince,
le tout pour me mettre en consideration, & par là augmenter

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ma fortune : lesquelles choses ie ne doute point qui n’ayent
donné legitime sujet de meffiance à Vostre Majesté, laquelle
i’aduouë de plus auoir auec trop de soing & d’affection visité la
coste de mondit Gouuernement, quoy qu’à la priere & requisitoire
des Estats tenus à Ploerniel la mesme année que ie fis le
tour de la coste : & sur ce qu’on m’a demandé si ie n’auois eu
entreprise sur Blauet & le Chasteau de Nantes & Brest, ie declare
à Vostre Majesté que pour Blauet quand i’y allay, & en y
arriuant lors que Monsieur de Soubize s’en voulut saisir, c’estoit
auec le seul but de secourir la place, & vous y seruir : mais depuis
y estre i’appris le mauuais ordre auquel estoit cette place lors,
& deux iours apres recogneus la capacité du Duc de Brissac pour
auoir vne place de telle importance en sa garde, & pour les
actions guerrieres, cela me fit passer en mon esprit vne pensée
du peril qu’auoit couru cette place, & du mal general à la France,
& particulier à la Prouince, que la perte eust apporté, & là
dessus meditois en moy mesme que la garde en pouuoit estre pour
le moins aussi seure entre mes mains qu’entre celles dudit Duc
de Brissac, & en mesme temps i’eu dessein de m’en asseurer,
sans toutesfois l’auoir communiqué à personne, ny l’auoir tenté.
Pour Nantes, il est vray que depuis que i’en fus despoüillé du
Gouuernement par Monsieur de Montbazon, mon but a esté
tousjours d’y rentrer : mais parce que nous auions de nouueau
fait amitié Monsieur de Montbazon & moy, ie m’estois resolu
tant qu’il le possedroit de n’y songer iamais ; mais i’esperois que
le Prince de Guimené en seroit bientost en paisible & entiere
possession, qui sans doubte changeant ceux qui commanderoient
sous son pere pour y en mettre d’autres, m’eust donné
moyen de rentrer en cette place : Ce que ie ne me resoluois pas
de faire ny d’executer que selon l’estat où pour lors eussent esté
les affaires generales de ce Royaume. Pour faciliter mon dessein
de Nantes ie trauaillois à y acquerir dans la ville le plus
d’amis que ie pourrois, afin qu’à coup prés cette Communauté
desirast & tesmoignast m’auoir plutost pour Gouuerneur que
ledit Prince de Guimené : & pourtant mon projet pour Nantes
ne m’a pas passé, car ie ne l’ay pas communiqué à personne,
non plus que celle de Blauet. Pour Brest, ie n’ay eu dessein d’y
entreprendre : Bien est il vray que la diuision des deux qui en

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estoient Gouuerneurs, pere & fils, estans venus aux extremes,
l’Euesque de Leon & moy fismes tous nos efforts aupres de Monsieur
de Sourdeac qui vouloit venir demander iustice à Vostre
Majesté de ses sils, pour qu’il mist en laissant le Marquis de Timout
son Lieutenant dans la place, le vieux du Mas qui l’estoit
à cause de son extreme vieillesse en faire plus la charge : & en
cela le but de l’Euesque de Leon estoit bien different du mien,
le sien n’allant que d’asseurer la place à son pere, & le mien de
faire que le Marquis de Timour entrast en cette place, de laquelle
il se pourroit faire que par la vieillesse de Monsieur de
Sourdeac il demeureroit Gouuerneur, ou bien que la confiance
qu’il auoit en luy feroit qu’il en seroit toujours le maistre :
& ie tenois la place autant mienne entre les mains dudit Marquis
de Timour que si elle eust esté entre les miennes. Or il est
vray que nous concertasmes & resolusmes ce projet ledit Marquis
& moy lors que ie fis le tour de la coste, & excepté luy creature
viuante n’a tien sceu de ce dessein de Brest. I’aduouë aussi
que sur la demande qu’on m’a faite si ie donnois nulles pensions
en Bretagne, qu’il y a deux sortes de Gentils hommes de
la Prouince de Bretagne ausquels ie faisois tous les ans bailller
de l’argent, les vns ausquels ie donnois pension, & de ce nombre
il n y auoit que Messieurs Daradon, du Pan, de Vaudurant &
de l’Espine Boulanger ; & d’autres ausquels pour faciliter les
demandes de Vostre Majesté aux Estats, i’estois contraint de
mesnager quelque fond dans les baux à ferme pour leur en faire
gratification, & autrement Vostre Majesté n’eust pas esté
seruie. Ie declare de plus, qu’en partant de Nantes pour aller
à Blois, ie fis connoistre à Monsieur de Retz les aduis qu’on
me donnoit qu’on m’y arresteroit prisonnier, & là dessus me resoluant
d’y aller, ie luy demanday ce qu’il me conseilloit en
partant de faire de mes deux fils : il me conuia instamment de les
luy vouloir confier, au cas qu’il m’arriuast quelque disgrace, &
me força de commander à leur Gouuerneur de les mener à Anceny,
& que selon les aduis qu’il auroit il les menast donc à
Malsecou à M. de Retz : ce que ie faisois d’autant plus librement
qu’il y auoit quelque traitté entre nous du mariage de
mon fils aisné auec sa fille : & sur ce sujet ie diray à Vostre Majesté
que Monsieur de Retz reuenant de la campagne où il auoit

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esté pres de trois semaines, me dit que Chaban, lequel m’auoit
veu auparauant qu’il l’eut pû voir, luy auoit fait deffenses
de la part de Vostre Majesté d’acheuer ledit mariage : ie luy dis
là dessus que cela estoit contraire à la premiere permission qu’il
vous auoit pleu nous en donner, conditionnée à ce que Belisle
luy fust reserué, ie le priay de me monstrer ce commandement,
afin que nous n’en parlassions iamais il me dit que c’estoit vne
deffense verballe & non par escrit ; ie luy respondis que ie m’estonnois
que Chaban ne m’eust donc fait le mesme commandement,
que ie luy donnois six mois pour me faire les mesmes
deffenses, autrement que c’estoit vne deffense qu’il cherchoit.
Au bout duquel temps le pressant & voyant que de la part de
Vostre Majesté ie ne receuois nul ordre là dessus, il me dit, prenez
Belisle & i’acheueray le mariage : ie m’en excusay sur la defense
que vous m’en auiez faite, de laquelle estoit de sa connoissance :
il me demanda encore six mois que ie luy accorday.
Et sur ce que l’on m’a demandé de la part de Vostre Majesté si
ie n’auois nulle connoissance des broüilleries dernieres de la
Cour, ie luy ay respondu que cette affaire m’estoit absolument
inconneuë : bien estoit-il vray que mon frere m’escriuit il y a
vn an maintenant, qu’on trauailloit au mariage de Monsieur,
& qu’il falloit faire toutes sortes d’efforts pour l’empescher : surquoy
ie luy fis response que ie le priois de ne se mesler point de
cette affaire en laquelle il n’y auoit que perte pour ceux qui s’en
mesleroient, & que pour moy ie m’estimois heureux d’estre
esloigné de la Cour pour les broüilleries que ie pensois qui y arrieroient :
Et lors que mon frere vint à Nantes, ie luy demanday
le sujet de la prise du Mareschal d’Ornano, il me dit que cét
homme estoit insatiable d’argent, & ie n’en sceus tirer autre
chose. De là passant auec luy à la communication de diuers aduis
& en grand nombre que i’auois receus que l’on m’arresteroit
prisonnier si i’allois à la Cour, il me dit, mon frere il n’y a rien à
craindre, car Monsieur le Comte ne viendra pas au voyage, il
fera bien mine d’y aller, enuoyant son train iusques à Orleans,
de là il le renuoiera querir sous pretexte de maladie ou autre excuse :
& que Monsieur le Comte ne venant point, il n’y auoit
rien à craindre, parce que l’on ne prendroit personne qu’on ne
prist tout emsemble. Cette raison ne me satisfaisoit point, mais

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ie me laissay emporter aux persuasions de mon frere & de tous
mes amis qui estoient lors à Nantes, la puissance desquels eust
esté trop foible pour me faire faire le voyage de Blois, si mon frere
m’eust fait connoistre aucune connoissance en embarras dans
les broüilleries dernieres de la Cour. Pouuant asseurer. Vostre
Maiesté comme si i’estois deuant Dieu, que de ces affaires là ie
n’ay iamais eu aucune connoissance que de ce qui est contenu
en cette declaration, non plus que ie n’ay eu nulle intelligence
directement ou indirectement auec les Estrangers, les Huguenots,
ny Monsieur de Soubize, tant en ce qui estoit de son
dessein de Blauet qu’ailleurs : & au cas que l’on puisse prouuer
le contraire iuridiquement & deuant mes Iuges naturels, ie me
soubsmets dés à present à toutes sortes de punitions, & aduouë
qu’il ne s’en sçauroit en ce cas trouuer d’assez grandes. Voyla,
SIRE, le resultat que i’ay fait de l’examen des fautes que i’ay
peu commettre non seulement par mes actions, mais mesmes
par mes pensées ; de quoy ie demande tres humblement pardon
à Vostre Maiesté, apres l’ingenuë, si franche & entiere confession
que ie luy en fais, comme à la viue image de Dieu en terre,
duquel elle a autant essayé d’approcher des actions qu’il est possible
à l’humanité, & particulierement & principalement en
vne clemence & bonté naturelle qu’elle a fait paroistre iusques à
cette heure. Ce qui me fait plus hardiment supplier V. M. en toute
humilité qu’il luy plaise se souuenir de la memoire du feu Roy
HENRY LE GRAND, du glorieux tiltre qu’elle me donne,
m’aduoüant pour son frere, & en ces considerations me vouloir
accorder ma liberté, que ie ne demande que pour la sacrifier aux
pieds de Vostre Maiesté, & pour empescher l’entiere ruine de ma
pauure & desolée famille, qui est ineuitable, si Vostre Maiesté fait
son œuure imparfaite, en retenant prisonnier celuy à qui elle a
pardonné & donné sa grace : Ie ne peux esperet ce bien que de sa
bonté, aduoüant par tout que si le feu Roy m’a donné vne fois la
vie en me mettant au monde, Vostre Maiesté me la donnere deux
foix, l’vne par sa grace & son pardon, l’autre par ma liberté, puis
que la priuation de celle cy m’empesche la iouissance de celle la :
& qu à tout cela i’adiouste l’extremité de la maladie à laquelle ie
suis reduit Fait au Donjon du bois de Vincenne ce seiziesme
Ianuier mil six cens vingt sept.

 

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Et sur ce que Monsieur de Bellegarde m’a demandé de la pate
de Vostre Majesté si ie n’auois iamais eu dessein de m’emparer de
la Prouince de Bretagne en general, & en vsurper la Souuerain eté,
i’ay respondu que cette pensee n’estoit iamais entrée en mon
esprit, que i’aymerois mieux estre mort ; qu’il estoit vray qu’vne
fois resuant, comme l’esprit de l’homme vague vniuersellement
ie pensois en moy-mesme que si le malheur de la France estoit tel
en general & en particulier, qu’elle fust priuée de Vostre Maiesté
& de Monsieur, mal-aisement pourrois-je compatir à l’humeur
& l’esprit de Monsieur le Prince.

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