Anonyme [1649], REQVESTE FAITE AV ROY, PAR LE CORPS DE LA NOBLESSE. Pour les Dignitez des Ducs & Pairs de France, et les honneurs & préminences des Nobles de ce Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_3499. Cote locale : C_9_66.
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REQVESTE FAITE
au Roy par le Corps de la Noblesse,
pour les Dignitez des Ducs &
Pairs de France, & les honneurs
& préminences des Nobles de ce
Royaume.

SIRE,

Entre tous les Ordres qui composent
vostre Estat, celuy de la Noblesse a tousjours
esté consideré comme le plus ferme
appuy de cette Monarchie. Les fidels &
continuels attachemens que tous les vrays
Gentils-hommes ont de tout temps tesmoigné
pour le maintien de la Royauté,
ont en suitte merite de la justice & bonté
des Rois vos Predecesseurs plusieurs marques
d’honneur, qui n’ont peu ni deu
estre iustement conferees qu’à ceux qui

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s’en sont rendus dignes par quelque seruice
& important au bien de cet Estat.
Tant que cette juste distribution d’honneurs
a eu lieu, on a veu tousjours ce puissant
Corps de la Noblesse respandre auec
vne louable & genereuse emulation le plus
pur de son sang pour la conseruation &
l’exaltation de vostre Couronne. Mais,
SIRE, auec tout le respect & l’humilité
que nous deuons à Vostre Majesté, nous
ne pouuons luy celer, qu’aussi-tost que
les interests & faueurs particulieres commenceront
à troubler cette juste dispensation
d’honneurs & de titres, & à jetter indifferemment
dans quelques maisons inegales
des marques extraordinaires qui les
distinguent, il est à craindre que la jalousie
se glissant dans les principales parties
de ce Corps, elle ne l’altere en sorte qu’il
ne deuienne moins vny & moins fort
pour la defense du bien & de la dignité de
cet Estat. C’est pour cette raison, SIRE,
que les Rois vos Predecesseurs ont tousjours
vsé d’vne tres-grande circonspection
lors qu’ils ont voulu honorer quelqu’vn
de leurs subjets de la qualité de Duc &
Pair ; & il ne s’est point veu, sinon depuis

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quelques années, que les enfans des Ducs
& Pairs viuans ayent ioüy des honneurs
attachez à cette Dignité deuant qu’ils fussent
transmis à leurs personnes par vne resignation
ou succession legitime : La Maison
de Montmorency qui a tant produit
de Connestables, dont on peut dire que
les marques sont aussi anciennes qu’illustres,
n’a iamais pretendu à cet aduantage,
Et nous remarquons que sous le regne de
Henry troisiesme, Monsieur le Duc de
Ioyeuse, qui auoit l’honneur d’estre beau-frere
du Roy, n’y a non plus pretendu :
Feu Monsieur le Cardinal de Richelieu,
dont tout le monde aduouë la grande
puissance & grand credit qu’il auoit aupres
de sa Majesté, n’a pourtant jamais
demandé que sa Maison ioüist des prerogatiues
du Duché & Pairie autrement que
les autres qui en sont honorez : Et nous
auons encores veu de nos jours que Monsieur
de Crequy, depuis Mareschal de France,
qui auoit obtenu vn Breuet de suruiuance
pour la Duché & Pairie de Lesdiguieres,
n’a peu ioüir des aduantages de
cette Dignité qu’apres la mort de Monsieur
le Connestable son beau-pere, du

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viuant duquel, lors qu’il voulut prendre
la place de Duc au Conseil du Roy, elle
luy fut disputée par le Doyon des Conseillers
d’Estat, qui conserua sa seance au dessus
de luy, & par le iugement mesme de
sa Majesté, laquelle nonobstant le Breuet
qu’elle auoit accordé, voulut en cette rencontre
préuenir les abus qui pouuoient
naistre de cette jouïssance prématurée.
Mais, SIRE, ce dont il s’agist maintenant
est bien plus extraordinaire & de
dangereuse consequence, sçauoir, de donner
à des Races & Maisons particulieres
des préminences au dessus du Corps de la
Noblesse, où il n’y a iamais eu d’autre distinction
que celle de l’illustre sang & des
dignitez. En effet si Vostre Majesté, par
vn excez de bonté, accordoit ces préminences
telles que quelques maisons particulieres
pretendent les obtenir contre l’vsage
& la forme de tout temps practiquée
par les Rois vos Predecesseurs, qui n’ont
jamais concedé de plus grands aduantages
que ceux qui sont contenus dans les Lettres
de Duché & Pairie, Qui ne voit que
les exemples de ces nouuelles éleuations
renuerseroient tout l’ordre de cet Estat ?

 

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Ces Raisons, SIRE, nous font supplier
tres-humblement Vostre Majesté,
qu’il luy plaise de maintenir vostre Noblesse
dans les préminences, reuoquer tout ce
qui a esté fait au contraire, & de ne plus
accorder à l’aduenir aucune Lettre ou Breuet
sur ce sujet, Et les Supplians continuëront
de rendre à Vostre Majesté leurs tres-humbles
seruices en toute obeïssance & fidelité.

FIN.

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