Anonyme [1649], RESPONCE FAITE PAR VN RELIGIEVX DE L’ORDRE SAINCT FRANCOIS AV PAPE SVR L’EXHORTATION FAITE A Iulle Mazarin Cardinal. , françaisRéférence RIM : M0_3448. Cote locale : A_8_77.
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RESPONCE FAITE PAR VN RE LIGIEVX
de l’ordre S. François au Pape, sur l’exhortation faicte
à Iulle Mazarin Cardinal.

SAINCT PERE.

Les graces que si liberallement distribuez vous
ont acquis & les obeyssances de tous les François
& obligent à present l’vn des moindres Religieux
de nostre Ordre, de vous asseurer de leurs vœux &
grands ressentimens qu’ils ont de la remonstrance faicte au
Cardinal Mazarin, auec commandement de partir pour
Rome, afin de rendre compte au sainct Siege de tous ses mauuais
deportemens, & y faire penitence des maux par luy causez
en France & ailleurs.

Mais comme ces maux ne vous sont pas tous connus, &
que par obmission il pourroit ne les pas confesser ; permettez
que sans aigreur, ils vous soient representez. Premierement
le Cardinal seul a prolongé la paix tant desirée de toutes les
Nations entre les Princes Chrestiens, au mespris des conseils
de vostre Nonce en France, des remonstrances de cet Auguste
Parlement de Paris, du Clergé & de la Noblesse : sous vn
faux pretexte de deffendre l’authorité Royalle qu’il opprime
dans la perte de ses Prouinces, & des degats qu’il apporte dans
ses villes contraintes en ce sainct temps de Caresme, d’en
fraindre les loix de l’Eglise, & d’vser des viandes deffenduës,
le Cardinal Mazarin s’est rendu autheur d’vne tres-cruelles &
sanglante guerre.

Ces desordres ne s’estoient iamais pratiquez en France,
aussi sont ils suiuis d’impietez, concussions, vols, incendies,
viols, massacres, abominations & sacrileges espouuentables
contre le pretieux corps de Iesus-Christ, profanation de ses
temples & vaisseaux sacrez. Neantmoins les François qu’il a
entierement escorchez, ioindroient auec tous les Chrestiens

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leurs prieres pour appaiser l’ire de Dieu, & destourner les
foudres preparez à cét Athée & deicide, s’il tesmoignoit par
la moindre action se vouloir conuertir, cét endurcissement est
vn signe de reprobation.

 

Sans doute qu’il ne croit pas la Resurrection, & qu’il luy
faut vn iour se presenter deuant le Tribunal de Dieu. Car si
cela estoit, dequoy rendroit-il coupables ces pauures Villageois
qu’il a mis en chemise, sans paille pour coucher, sans senestres
ny portes pendant la plus grande rigueur de l’hyuer,
dequoy les filles & femmes pour les violer entre les bras de
leurs Pasteurs, & leurs virginitez prostituée en la presence de
Iesus-Christ ? pourquoy piller les Eglises, profaner les Calices
& les sacrez Cyboires ; Dieu perscrutateur des cœurs sçaura
bien reietter son excuse, qu’il n’a point participe à tous ces
crimes & ne les a commandez, s’il estoit Casuiste, il sçauroit
que les fautes de ces gens luy seront imputées deuant Dieu &
deuant les hommes, son ignorance ne sera point pardonnable,
s’estant deu seruir de directeurs de conscience, & non de
volleurs, barbares, inhumains, & Athées ; il auroit apris d’eux
cette verité, & que par les loix diuines, les Chefs sont punis de
l’offence de leurs gens encore qu’absens.

Ce Temairere pourtant quelques bons & sulutaires aduis
qui luy ayent esté donnez, continuë dans sa resolution deruiner
Paris, faire non seulement perir ce qui y est de peuple innocent,
mais à vingt lieuës à la ronde de pauures Villageois
qui n’ont point offence ; il n’appartient qu’à Dieu d’exterminer
sans reproche des peuples entiers, & n’en desplaise au
Cardinal, c’est entreprendre sur les pouuoirs de Dieu, qui
pour chastier des vices abominables à lancé ses carreaux de feu
sur des villes entreprises que Dieu ne fait iamais qu’en suitte
de crimes execrables & qui sont horreur à la nature.

Le Cardinal deuoit deuant que s’engager plus auant soigneusement
examiner les crimes pour lesquels il vouloit faire
perir Paris de faim par vne si cruelle & sanglante guerre. Le
Parlement qu’auoit il faict des humbles remonstrances au

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Roy & à la Reyne, pour leur faire cognoistre que ce peuple
ne pouuoit porter les charges que l’on luy imposoit pour cela
pendant le Te Deum, falloit-il mesler la ioye publique de
cruautez exercée sur des Magistrats de bonne vie. Paris prist
les armes pour esuiter vn plus grand desordre & sacagement
de la ville, les habitans au retour de leurs Magistrats les ont
quittées & rendu toutes les obeyssances qu’vn Prince doit
attendre de ses suiets.

 

De fait, le Roy & la Reyne tesmoignerent publiquement
qu’ils n’auroient de ressentiment aucun de ce sousleuement ;
& pourtant ce Cardinal s’en est voulu venger nuictamment
a faict enleuer nostre sacré depost qu’il retient comme captif
inuestir Paris par terre & par eau, sans considerer le nombre
infiny de gens d’honneur & d’innocens qui y sont, il veut
que les Bourgeois luy liurent ses Magistrats, c’est ce qu’ils ne
seront iamais, resolus plustost de perir.

Si ce Ministre estranger estoit politique, il sçauroit qu’il
ne faut rien entreprendre qui puisse endommager le gouuernement,
que perdant Paris, il partage la Couronne ou il h’a
rien, que Paris est le lieu de Saincteté. La residence des
Roys & la terreur des ennemis de l’estat, que faisant armer
ce peuple, il sera difficile ses forces reconnues de le pouuoir
desarmer. Les Roys maieure gouuernent tout autrement
leurs suiets, ils escoutent volontiers leurs remonstrances, &
ne les reiettent point comme faict ce Ministre, pour tousiours
dans la confusion faire regner sa tyrannie.

Vostre Saincteté voit les crimes execrables dans lesquels
le Cardinal est enueloppé, faisant la guerre à Dieu & à
quantité d’innocens, le sang respandu desquels crie incessamment
vengeance, pour laquelle esuiter, il doit obeyr à
vos saincts commandemens, & par sa retraicte donner la
paix à tous les Princes Chrestiens ; il ne faut pas qu’il s’imagine
que l’on luy laisse le maniment des affaires, ayant procure
les aduantages des ennemis de l’Estat. Ne sçait on pas
qu’il a retranché les compagnies de Cauallerie & faict perir

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ce qui restoit, faute de payemens & de fourages qu’il a liuré
Armantiere, que le Gouuerneur de la place conseruoit pour
le Roy, à faict fremir le siege à Landrecy qu’il auoit dégarny
de gens de guerre, mandé les Generaux d’armée à Dourlans
pour donner lieu aux ennemis de l’emporter sans resistance ;
les Generaux vouloient ietter du secours dedans pour faire
leuer le siége aux ennemis, Lainglée courier du Cardinal
leur fit abandonner cette place, l’vne des plus fortes des
Pays bas, & les contraignit de se retirer auec leurs troupes.

 

L’Archiduc Leopold fit assieger par cinq mil hommes
Diximus de ce feu sieur de Clanleu Gouuerneur de la place
plus fort que les assiegeans (sans le secours du Mareschal de
Rantzaut) seul leur eust honteusement faict leuer le siege,
pourtant le sieur d’Ecominges porteur des ordres du Cardinalle
le força de capituler encores que les ennemis n’eussent
gaigné aucuns dehors & pour ruiner le progrez des armes du
Roy ; il mit le desordre entre les Mareschaux de Gassion &
de Rantzaut qui detestoient de faire la guerre à la mode du
Cardinal & contre leur ordinaire, & pour ce que le Prince
de Condé l’incommodoit en ses desseins, il l’enuoya en Catalogne,
luy persuada d’attaquer Lerida, place tres-forte &
dans laquelle le Cardinal auoit faict ietter toutes les troupes
du Roy d’Espagne. Les Catalans se sont plains de cette trahison,
& les Castillans en ont fait des feux de ioye, le testament
de Gennario Annese fait assez cognoistre ce qu’il a fait
pour le Royaume de Naples ; & comme par ses fourberies,
il a empesché que Madame de Guyse n’enuoyast du secours à
son fils sur les asseurances qu’il en auoit faict partir.

Qui ne sçait que le Cardinal a fait offre de deux millions
& de remettre le Duc de Lorraine en possession de ses terres,
secondant ses desseins qu’il a depuis les barricades, fait solliciter
l’Archiduc Leopold & le Roy Catholique, ausquels il
a voulu remettre toutes les places reconquises par la force
des armes leur liurer des passages, pourueu qu’ils luy enuoyassent
des armées pour perdre la France & saccager les

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Magistrats de Paris ; ces Princes doüez d’vne vertu singuliere
ont rebutté ce perfide & criminel ennemy de l’Estat.

 

Le Cardinal Mazarin seul a faict tous ces outrages, ruiné
la pudeur des femmes & la virginité des filles, pillé les Eglises,
profané les temples fait de la maison de Dieu vne retraite
à volleurs ; ne luy en desplaise, ce n’est pas suiure l’Euangile
non plus que de deffendre de donner des viures à Paris à
peine de la vie, moins encore d’appeller les estrangers pour
opprimer Paris, les François qu’ils a corrompue ne desirant
se saouler du sang de leurs freres par des cruautez & inhumanitez
innombrables.

Et neantmoins les François si miserablement traittez les
larmes aux yeux & les sanglots à la bouche, prient Dieu de
faire misericorde au Cardinal des meurtres, vols, viols, incendies
& sacrileges commis sous l’authorité du Roy luy
donner des Conseils plus Chrestiens & de retraicte à Rome
pour ses seuretez, cependant ce faux Ministre minutte leur
perte. C’est donc à vous sainct Pere qui estes l’astre auquel
Dieu départit les rayons de sa lumiere pour la distribuer à
tous ses peuples de remedier à tous ces maux & par vostre
prudence de liurer la France de cet ennemy & perturbateur
du repos public, luy faisant enioindre par vostre Nonce en
France l’execution des arrests de la Cour & l’obeyssance entiere
à vos saints commandemens pour rendre compte au
sainct Siege de ses déportemens luy faire faire penitence de
tous les maux par luy causez, par cette action si saincte, vous
serez comblé des faueurs du Ciel ; & la France qui n’a plus
que la voix, versera continuellement les prieres pour vostre
prosperité & santé.

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