Anonyme [1649], RESPONSE DV NOVVEAV ROY d’Angleterre, cy-deuant Prince de Galle, aux Millords d’Angleterre, touchant la mort de son pere. , françaisRéférence RIM : M0_3430. Cote locale : A_8_38.
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RESPONSE
du nouueau Roy d’Angleterre,
cy-deuant Prince
de Galles, aux Milords
d’Angleterre, touchant la
mort de son pere.

MESSIEVRS les Milords, composans
la Chambre d’enhaut de nostre
Parlement. Ie ne doute point
que ce ne soit auec vn regret inexplicable au
cœur, & les larmes tres-ameres aux yeux, que
vous vous adressez à moy, pour me demander
pardon en vostre nom, & en celuy de tous nos
Subiets, de l’affront tres-sanglant que l’Angleterre
a commis contre son legitime Roy, mon
tres honoré Seigneur & Pere, & le plus infortuné
de tous les Princes, pour auoir rencontré
des Subiets si passionnez pour vn bien imaginaire
contre la Monarchie. Ie ne doute point
que ce ne soit ces fausses impressions qu’on

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vous a faittes touchant la Doctrine de Caluin ;
Ce que vous dittes des Monarchies qui vous
ont rendu coupables d’vne partie de ce desastre,
ie ne doute point que la condescendence
que vous auiez à l’humeur pacifique du Serenissime
Roy Iacques premier, nostre Grand
pere, ne vous ait obligé de permettre la publication
de la doctrine de celuy que vous estimiez
estre vn instrument de Dieu pour la reformation
de son Eglise ; & que cette doctrine
ainsi tolerée ayant pris racine dans le cœur de
plusieurs de nos Subiets, ne soit paruenuë à vn
excez que tous les siecles suiuans ne pourront
iamais croire, & dont la seule memoire me fait
horreur.

 

Vous voyez bien comme vous auez peché
dans cette rencontre, puisque vous auez oublié
les vrays sentimens de bons subiets pour permettre
vn crime si detestable. Ie sçay bien que
pour ce qui est du procez intenté contre sa personne,
vous n’y auez iamais contribué ; & que
lors qu’on proposa à vostre Chambre de luy
faire son procez, cela vous fit horreur, & que
vous n’y voulustes iamais condescendre, portant
encore quelque sorte de respect à vostre
Souuerain ; & connoissans l’iniustice qu’on
vouloit commettre enuers sa personne sacrée,
ie vous en suis obligé ; Mais l’obligation auroit

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esté toute entiere si vous auiez interposé vostre
authorité pour empescher vn si grand
mal-heur : Mais ie veux croire que vous auiez
de fortes raisons pour ne le pas faire, ne manquans
pas de volonté & d’affection ; & que c’est
la populace iniustement irritée qui a fait cét
attentat.

 

Il est vray que dans les siecles passez on a peu
voir des Subiets rebelles contre leur Roy ; &
que quelques particuliers ont esté si possedez
du Diable, qu’ils ont attenté à leur personne sacrée ;
La France nous en fournit deux exemples
tres-frequents & tres-particuliers. Il est vray
qu’on a peu voir des Roys assez mal-heureux
pour tomber entre les mains de leurs ennemis,
& pour seruir d’embellissement à leur triomphe.
L’Histoire Romaine est pleine de ces
exemples : & n’a-t’on pas veu vn Empereur
Turc reduit dans vne cage, seruir de sous-pied
à son ennemy, & amasser les mies de pain qui
tomboient sous sa table. Mais que iamais aucune
Histoire fasse voir que des Subiets ayent
entrepris de faire vn procez criminel à leur
Souuerain ; qu’ils l’ayent condamné à vne mort
ignominieuse, & que cette mort ait esté executée
par la main d’vn bourreau : C’est ce qui ne
s’est iamais veu, puisque cette seule pensée feroit
herisser les cheueux aux peuples les plus

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barbares, nourris comme des bestes dans le
sang des hommes. Certainement ie n’aurois
iamais creu que l’Angleterre eust peu produire
des personnes si denaturées ; & bien que ie le
visse prisonnier, i’esperois tousiours que Dieu
desilleroit les yeux de son peuple, & luy feroit
voir son innocence & sa bonté.

 

Mais enfin le crime est cõmis, & ie suis rauy de
vous voir confesser ingenuemẽt que vous n’auez
point d’excuse pour adoucir ce parricide,
& pour attenuer ce crime de leze-Maiesté au
premier chef, commis contre vostre Souuerain,
que les Loix diuines & humaines vous
auoient donné pour l’obiet de vos venerations.

Mais ie suis plus rauy & plus estonné en
mesme tẽps, de vous voir recourir à moy, pour
obtenir le pardon d’vn forfait si execrable. Ie
sçay bien, que la nature me fait auoir des sentimens
de vangeance, mais l’exemple du Fils
de Dieu, que vous m’obiectez, me porte à la
douceur & à la clemence, que ie sçay estre la
plus belle marque qui rende vn Roy recommandable :
La Fils de Dieu estant plus que moi,
& moy la moindre en merites, de ses creatures,
comment ne pardonneroy-ie pas à ceux
qui m’ont offencé ? puisqu’il pardonnoit à ses
ennemis si courageusement ; sa mort estoit encore

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plus ignominieuse que celle de mon Pere,
puisqu’il mouroit en vne Croix, & mon
Pere sur vn echaffaut ; Et bien, c’est vn Roy,
qui deuoit mourir, bien que sa naissance & ses
vertus luy preparassent vne autre mort, le Roy
des Rois est mort de mesme, & encore plus
honteusement.

 

Ainsi, Messieurs, ne doutez point, qu’aiant
ces iustes & pieuses considerations deuant les
yeux, vous n’obteniez le pardon de moy, que
vous me demandez, & que ie n’oublie la faute
qu’a faite le menu peuple, que ie sçay auoir
esté seduit. Il faudra par d’autres moyens reparer
le tort qu’on a fait au Roy, mon tres honnoré
Seigneur & Pere. Et puisque vous me dites
que vous auez besoin d’vn Chef, vous en
auez rencontré vn, qui oubliant genereusement
ce qui s’est passé, vous receura comme
ses fideles Suiets, & vous protegera hautement
contre les ennemis de la Monarchie, sçachant
bien que la democratie ne souffre que de l’egalité,
& point de noblesse : C’est en quoy ie reconnois
encore mieux la sincerité de vos intentions,
& l’innocence de vos deportements,
voyant que vous n’auez pas trempé dans le
meurtre & dans le parricide d’vn si grand
Prince : Aussi vous ne deuez point douter de
mes bonnes volontez puisque ie reconnois les

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vostres, & que i’iray franchement prendre possession
des Estats qui me sont écheus si legitimement.
C’est là que ie receuray fauorablement
vos seruices, & les protestations que vous
me faittes ; & c’est là aussi que ie vous confirmeray
ce que ie vous dis, & que ie seray plus
que iamais,

 

Messieurs les Milords,
Vostre Roy tres-affectionné.

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Anonyme [1649], RESPONSE DV NOVVEAV ROY d’Angleterre, cy-deuant Prince de Galle, aux Millords d’Angleterre, touchant la mort de son pere. , françaisRéférence RIM : M0_3430. Cote locale : A_8_38.