Anonyme [1649], RESPONSE DV ROY LOVIS XIII. en Bronze, de la Place Royale, A SON PERE HENRY IV. de dessus le Pont neuf. , françaisRéférence RIM : M0_3440. Cote locale : C_3_3.
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RESPONSE
DV ROY LOVIS XIII.
en Bronze, de la Place
Royale,
A SON PERE HENRY IV.
de dessus le Pont neuf.

A PARIS,
Chez IEAN PASLÉ, au Palais, à l’entrée de la Salle
Dauphine, à la Pomme d’Or couronnée.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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RESPONSE DV ROY LOVIS XIII.
en Bronze, de la Place Royale, à son Pere
HENRY IV. de dessus le Pont neuf.

MON TRES HONORÉ PERE,

Ie n’ay pas esté moins surpris que vous, alors qu’vn
bruit de trompettes & de tambours, qui monstroient
ne respirer que la guerre, est venu interrompre mon
repos, & le calme du sejour magnifique où ie regne si
superbement. Cette Place pompeuse, honorée continuellement
de ma presence, & qui comme vn Temple
sacré ne deuoit estre destinée qu’à des spectacles
de resioüissance, est à present troublée par vn tumulte
importun de cheuaux & d’hommes, qui ont plus la
contenance de faire des desseins pour la guerre, que
des parties de galenterie pour passer le temps. Ie n’ay
peu d’abord à quoy attribuer la cause de ces preparatifs,
les Victoires que i’ay remportées sur mes ennemis,
& où les biens & le sang des François ont tant
contribué pour ma gloire & la seureté de nostre Estat,

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destournoient de mon iugement les craintes de quelque
euenement desauantageux & funeste. Enfin ie
me suis mis à raisonner sur le gouuernement des Ministres
qui auoient les affaires de nostre Royaume entre
les mains, & ie me suis imaginé ce que i’ay connu
depuis estre veritable, que leur mauuaise conduite, &
leurs concussions excessiues, pouuoient auoir causé
ces mouuemens, & fait prendre les armes à nostre
peuple pour se deliurer de l’oppression. Les sermens
des Soldats qui iurent en ma presence vne obeïssance
fidele à leur Roy, les excusent assez du crime de rebellion
dont on tâche de soüiller leur valeur Tous ces
sousleuemens ne tendent qu’à chasser vn Estranger
impudent, qui chargé des despoüilles de toutes nos
Prouinces, impose tous les iours encore des cruelles
charges à leurs habitans qu’il a reduis à la derniere calamité.
Ces tributs effroyables qu’on exige auec des
rigueurs incroyables de leur sang & de leur sueur, ne
sont point employez à quelque pressente necessité
des affaires, elles sont en vn estat assez fauorable pour
obliger les ennemis plustost à la recherche de la paix,
qu’à de plus longs de sirs de guerre, mais ce traistre ambitieux
en rejette toutes les propositions, resolu d’entretenir
la durée de son iniuste pouuoir par celle des
miseres publiques, & de sacrifier à sa seule satisfaction
de regner, toutes les prosperitez de la France. Tant
de thresors dont il l’a toute espuisée, ne suffisent pas
à son auarice insatiable, & par le transport qu’il a fait
de tant de millions en Italie, il semble n’auoir point
d’autre enuie que de s’y procurer le moyen des y bastir

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vn petit Empire des ruines du nostre : Il tient à sa solde
des gens disposez à commettre toutes sortes de
meschancetez, & qui encherissans sur les impietez
plus execrables des guerres passées, font gloire de violer
tous les droits, & de porter l’horreur de leurs attentats
sur les Trônes les plus purs de la sainteté. Les
voiles sacrez ne defendent point les Vierges contre
leurs efforts abominables, & les Vaisseaux dediez à
l’honneur de leur Religion ne trouuent ny azyle, ny
priuilege sur les Autels, contre leurs sacrileges brigandages,
encore parmy tant de crimes qui doiuent
le mettre en detestation par tout où se rencontre la
vertu ; les premiers de nostre Sang embrassent à nostre
honte lâchement sa defense. Le Duc d’Orleans mon
Frere, le Prince de Condé signalé par tant de prises de
Villes, & dernierement encore par celle de Charenton,
accompagnez du Comte de Harcourt, & d’vn
grand nombre de braues Seigneurs, ne refusent point
de prodiguer pour luy seul tant d’illustres vies qui
doiuent estre conseruées pour le soustien & la grandeur
de leur Patrie. On tient que la force de quelques
charmes dont il s’est seruy, a de la sorte assujetty leurs
inclinations à sa volonté ; mais certes les caracteres
dorez dont il leur a esbloüy les yeux, & remply les
mains, ont esté les enchantemens, qui de Princes tres-affectionnez
au bien de leur païs, les ont fais deuenir
les Protecteurs de son Persecuteur. C’est nostre seul
Parlement de Paris, qui dans cét euident peril a remué
les bras pour soustenir l’Estat chancelant : Tout
le peuple esmeu d’vn si beau zele, a fortement &

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constamment secondé cette glorieuse entreprise, &
sous la conduite du Prince de Conty, des Ducs de
Beaufort & d’Elbœuf, & de plusieurs grands hommes,
a resolu de renuerser l’empire de la tyrannie
estrangere. Ie ne doute pas de vostre estonnement,
quand vous apprendrez qu’vn homme, ny de merite,
ny de naissance, a possedé si souuerainement la disposition
de toutes choses ; mais vostre Bronze toute
dure qu’elle est, sera elle capable de suspendre en
vous des sentimens d’horreur & d’indignation, si ie
vous dis que son vsurpation a creû auoir de trop
estroites bornes, si elle n’attentoit iusques à la personne
du Roy, qu’il a rauy de nuict d’entre les bras
de ses Subjets, presque desesperez par vn si perfide &
si deplorable enleuement : Et pour acheuer leur malheur,
il s’est efforcé de respandre dans Paris, les
fleaux dont la Iustice Diuine punit les plus criminels
dans ses courroux irreconciliables, & de faire
perir par la faim & le feu, cette feconde mere des
Arts & des Sciences, & cette abondante source d’où
tant de thresors & de graces celestes, se coulent iournellement
sur la Chrestienté par la bouche & la doctrine
de tant de Saints hommes, qui n’y viuent pas
moins purement que des Anges. Enfin iusques à
present il n’a sceu se preualoir de ses violences au
desaduantage de cette bonne Ville, & l’esprit de
Dieu qui combat visiblement & miraculeusement
pour elle, inspire à ceux qui la gouuernent, vne sagesse
qui fait subsister sans confusion, ce grand corps
composé de tant de parties. I’espere qu’apres ces

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desordres l’Estat se remettra dans son ancien lustre,
& les infortunes dont il estoit menacé, n’apporteront
autre chose à leur autheur, que la honte & les
punitions qui suiuent ordinairement des desseins autant
iniustes que temeraires. Il ne m’est pas permis
de vous entretenir dauantage, le iour qui commence
met fin à cette Lettre & à ce prodige, ie ne manqueray
pas à vous donner les aduis les plus certains dont
i’auray pû m’instruire. Ie suis

 

De la Place Royale à cinq
heures du matin, le 26.
Mars 1649.

Vostre tres humble & tres-obeïssant
Fils & seruiteur,
LOVIS DE BOVRBON,
en Bronze.

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SVR LE PRESENT
prodige.

 


Qvelle merueilleuse aduanture
Donne à ces Images la voix,
Et leur fait violer les Loix
De la Mort & de la Nature,
France c’est que pour tes douleurs,
L’excés de tes cruels mal-heurs,
Dans ces Princes de fer, rencontre vn cœur sensible,
Quand ceux qui deuroient t’arracher,
D’vne calamité, si longue & si terrible,
En ont de Bronze & de Rocher.

 

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