Anonyme [1652], REVELATION DE SAINTE GENEVIÉVE a vn Religieux de son Ordre, SVR LES MISERES du Temps. Où elle luy declare la raison pour laquelle elle n’a pas fait Miracle cette Annee. , françaisRéférence RIM : M0_3540. Cote locale : B_4_26.
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REVELATION
DE SAINTE
GENEVIÉVE
a vn Religieux de son Ordre,
SVR LES MISERES
du Temps.

Où elle luy declare la raison pour laquelle elle n’a
pas fait Miracle cette Annee.

A PARIS,

M. DC. LIII.

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REVELATION
De saincte Geneuiéue a vn Religieux
de son Ordre,
Sur les miseres du temps.

CES iours passez Monseigneur l’Archeuesque
de Paris ayant fait recommancer
les prieres des quarantes heures par
toutes les Eglises de la Ville, pour supplier
sa diuine Maiesté de rendre la paix à tout le
Royaume & le repos à cette ville & à ce Diocese,
agité miserablement de differentes conuulsions,
de la maladie aussi bien que de la guerre : Vn bon
Religieux se treuuant au pied de l’Autel de Sainte
Geneuieue, prist vne sainte hardiesse, & luy dit en
soûpirant.

Grande Sainte, prosterné deuant vos glorieuses
reliques & vos pretieuses Cendres, pardonnez-moy
fi ie prens la liberté de vous ouurir mon cœur, &
de vous descouurir mes sentimens, pour dissiper le
trouble où ie suis & la perne qui me tourmente ; i’ay
suiet d’auoir recours à vous, puisque c’est vous qui
estes la cause de mon estonnement, & qui par vos

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saintes lumieres pouuez chasser l’horreur de la nuict,
& de l’ennuy qui m’afflige, aussi bien que plusieurs
autres de vostre ville de Paris, qui pour ne prendre
pas la mesme liberté que moy de vous parler,
ne laissent pas de viure dans la mesme inquietudes
plus respectueux à l’exterieur enuers vous ce
semble que moy, mais non pas moins pressé du mesme
trouble que moy, qui demeurerois sans doute
comme les autres dans l’assoupissement de mon mal,
si ie ne suiuois le mouuement d’vne sainte confiance
que ie sens que vous faites naistre en mo-mesme
pour le soulagement de tous.

 

Donc permettez-moy, grande Sainte, que ie
vous demande auec tout le respect possible, & que
ie vous dois, non point par vn esprit de curiosité
qui me rendroit indigne d’estre écouté de vous,
ny par vn desir qui seroit temeraire d’entrer dans la
connoissance des desseins & des conseils de Dieu
que nous deuons tousiours adorer, mais poussé de
la compassion de la perte de tant de peuples qui
perissent, aussi bien peut estre eternellement, pour
estre priuez des assistances de l’Eglise, comme temporellement
pour estre despoüillez de leurs biens
& des choses necessaires à la vie. Nos maux dureront
tousiours, & par leur durée deuiendront encore
plus insupportables si nous ny cherchons du
remede, & où les treuuer ? sinon chez vous & par
vostre entremise, tant aupres de la Diuine bonte,
que parmy ce peuple qui vous honore.

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C’est donc ce seul desir de contribuer quelque chose
à la conseruation de la Religion & de la pieté qui
se destruit par cette guerre, à la reparation des Autels
qui sont abatus, des Sacrifices qui sont abandonnez,
de l’authorité Royale, ie ne diray pas qui semble
mesprisée : mais qui n’est pas assez reconnuë ny
reuerée, & enfin à la paix, au repos & à la tranquilité
publique sy non de toute l’Europe pour le moins
de la plus belle & la plus peuplée ville du monde qui
vous appartient par tant de titres, & qui vous est
consacrée par tant de vœux.

D’où vient grande Sainte, que vous ayant rendu
nos deuoirs nos soumissions & nos hommages nous
n’auons point receu les effects de vostre affection,
nous auons ieuné & pleuré deuant vous, soupiré
& prié aux pieds de vos Autels, & vous ne nous
auez point escoutez, nous auons chanté vos louanges,
& à l’imitation de nos ancestres nous auons
honoré vos saints ossemens d’vn Triomphe public,
auec tant de respect & de veneration, auec tant
d’ardeur & de pieté, & auec tant d’affluence & de
confiance que nous auions suiet d’esperer de receuoir
par vostre secours, les mesmes assistances que
vous auez renduës autrefois à nos peres, vous honorant
des mesmes ceremonies Nos ieusnes n’ont
point esté forcez, nos larmes point feintes, nos
voix point languissantes, nos prieres ardentes, nos
souspirs legitimes & nos vœux veritables & accomplis :
D’où vient donc que nous auons este priuez de

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vostre protection, vous Patronne de cette Ville
contre ses ennemis, Aduocate de cette populace
deuant le Throsne de Dieu, Protectrice de nos Autels,
Ange tutelaire de nostre Religion, refuge ordinaire
en nos aduersitez, asile dans nos mal-heurs,
bergere de nos troupeaux, pourquoy sont-ils dissipez
sous vostre conduitte, mere de nos peuples pourquoy
sont-ils perdus entre vos bras, remede asseuré
de nos malades, pourquoy sont-ils estouffez de
la mort, port ouuert à nos debris, pourquoy perissons
nous dans la tempeste, nos prieres nont-elles
pas esté accompagnez de penitence, nos souspirs
de repentence, & nos vœux de fidelité ? peut-estre
nous n’auons pas merité d’estre escoutez de Dieu,
mais vous que nous auons priée, vous auez tousiours
merité & tousiours esté digne d’estre escoutée
& exaucée de sa diuine Maiesté, nous n’auons
rien demandé sans vous, & n’auons rien esperé qu’auec
vous, nous auez vous frustrez de vostre attente,
auez vous prié auec nous, auez vous demandé pour
nous ? si cela est ainsi, pourquoy nos miseres durent
elles, nos mal-heurs sont-ils prolongez, nos l’armes
ne sont point essuyez, nos desordres point finis
& nos peines point terminées ?

 

Il continuoit ainsi ses soupirs dans la Meditation
des causes de nos disgraces, quand s’estant assoupy
du sommeil, Sainte Genneuiefue reuestuë de lumiere,
& portant vn flambeau blanc dans la main,
s’apparut à luy, & luy dit.

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IL est vray que i’ay tousiours eu compassion de
vos miseres & de vos afflictions, & tousiours conserué
mes premiers desseins de vostre protection,
qui se sont augmentez aussi bien par le nombre de
vos mal-heurs, que par vos soupirs & par vos prieres,
que i’ay escoutées auec tendresse de mere, & auec le
soin que demande la charge que i’ay prise d’estre
vôtre Aduocate, & auec plus de sincerité & d’affectio
de vous soulager, que vous n’auez pas monstré de
passion pour vostre propre repos : Il est encore plus
vray que i’ay tousiours veu sa diuine bonté plus preste
& plus prompte à vous secourir, que vous n’auez
esté à luy demander de l’assistance, que ses bras vous
ont esté plutost tendus & offerts, que vous n’auez
esleué vos mains pour implorer sa misericorde.
Mais ny la faueur qu’il me fait de mescouter quant
ie luy parle pour vous, ny sa bonté sollicitée par tant
de gens de bien qui viuent parmy vous, n’ont encore
peu obtenir la fin de vos disgraces, ny le remede
de toutes vos miseres, par ce que vous mesmes
vous vous opposez à ce que vous souhaitez. Dieu
pour accorder à ses Saints qui ioüissent de sa gloire
dans le Ciel & aux prieres de ses vrays seruiteurs
qui sont sur la terre ; ce que les vns & les autres luy
demandent, voit dans ses creatures de certaines dispositions,
desquelles vous vous esloignez aussi souuent
que l’on tasche de vous y remettre. En vn mot
Dieu veut vne humilité, & qui est vn assuietissement

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entier de l’esprit des hommes à l’ordre qu’il a
estably dans la terre, non pas seulement à la diuersité
des saisons de la nature : mais aussi aux puissances
qu’il a ordonnées dans le monde, ausquelles il
faut rendre vn Religieux respect, vne obeissance
parfaitte, & vne soubmission entiere de l’esprit qui
ne censure point leurs desseins, ne combat point
leurs entreprises, execute leurs volontez & accomplisse
leurs commandemens quels qui soient dans
leurs mœurs & dans leurs vies, & quoy qu’ils commandent
qui ne soit point contre Dieu.

 

Paris, tu demande à Dieu qui tient le cœur du Roy
dans sa main, qui le conduise, & tu ne veus pas
suiure les ordres veritable qu’il te donne, tu ne
veus pas te soubmettre à ton seul Monarque, &
tu te rends captiue de ceux a qui tu ne dois point
d’obeïssance, tu te plains d’vn iouc que tu dis estre
trop rigoureux, & tu en reçois vn autre qui est bien
plus pesant, plus iniurieux à Dieu, à ta reputation,
a ta liberté & à ta vie : iniurieux à Dieu, par ce qu’il
n’est pas legitime, ce n’est pas celuy qui veut que tu
porte, tu cõmets vne espece d’idolatrie, tu te formes
de nouueaux Dieux, tu rẽds de nouuelles adoratiõs
à des Idoles, c’est à dire à ceux qui ne sont que les
foibles crayons de la veritable puissance que tu dois
reconnoistre dans ton Roy ; tu ouures tes portes à
des troupes Estrangeres & ennemies, & tu les fermes
à celle de ton Roy, tu leurs fournis des munitions
& des viures, & tu en refuses à tes Compatriotes

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qui suiuent leur Roy, tu prens les armes &
employe ton artillerie contre ton Roy, sous de faux
pretextes, & tu fauorises ceux qui sont declarez ennemis
iurez de la Couronne.

 

Ie sçay bien que tu me peux dire que ce ne sont pas
tes veritables Bourgeois, mais bien la lie du peuple,
& toute sorte de gens ramassez des Prouinces
qui sont causes de tous ses desordres. Auoüe donc
que tu as perdu ta liberté, que ton Parlement n’est
plus libre, & que plusieurs n’osent pas par la crainte,
& par la foiblesse soustenir la verité de leur sentiment,
ny maintenir la fidelité qu’ils doiuent, &
qu’ils ont iurée à leur Souueraïn. N’as-tu pas veu Peris
les premiers de ce corps mal traittés vn iour où il
commançoit à respirer & à vouloir prendre de la
franchise pour mettre ordre à tes diuisions.

De quel œil as tu veu ton Autel de Ville assiegé,
bruslé, pillé, tes meilleurs Citoyens, les vns en danger
de leur vie, les autres tuez & massacrez, & les autres
pris à rançon, seulement pour vouloir trauailler
à ta conseruation, & cét horrible spectacle se
passer au milieu de ton sein, sans que pas vn de tes
Citoyens prist les armes pour soulager & pour deliurer
leurs Chefs, leurs peres, leurs plus grand amis,
leurs protecteurs, leurs Gouuerneurs & les principaux
habitans, il n’estoit pas permis d’aller esteindre
le feu qui les alloit consommer, de leur porter
vn peu d’eau pour estancher la soif qui les tourmentoit
par la fumée, & par la crainte de la mort prochaine,

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il n’estoit pas permis de sortir de la maison
pour aller apprendre seulement des nouuelles de ce
qui se passoit, recueillir les cendres de ceux qu’on
vouloit cõsommer, d’assister d’aucuns remedes ceux
qui estoient blessez, de retirer chez soy ceux qui tiroient
à la fin, ny de prendre les corps de ceux qui
estoient desia morts pour leur donner la sepulture.

 

Paris, ton aueuglement a t’il esté si grand que de
ne pas voir que tu auois perdu toute ta franchise &
toute ta liberté. Lequel de tous tes Rois le plus iustement
irrité contre toy, ta iamais reduite en vn
estat si miserable, & tu appelle tes protecteurs les
Autheurs de toutes ces violences, tu demandes des
graces & des Amnisties les armes à la main, tu en
demandes pour des incendiaires, des prophanateurs
des Temples, pour des impies, des sacrileges &
des violateurs des loix diuines & humaines. Tu
chicane auec ton Roy sur des mots & des formalités
de paroles, & tu ne veut pas qu’abandonnant ses
propres interests, il conserue & vange ceux de Dieu
qu’il ne peut abandonner sans crime.

Tes Roys doiuent agir comme Dieu, il pardonne
& punit tout ensemble, par ce qu’il est bon &
iuste tout ensemble, il remet les fautes par l’effet de
sa bonté : mais il ne peut empescher que sa Iustice ne
les punisse tost ou tart, ou plus rigoureusement, ou
plus doucement dans cette vie ou bien dans l’autre.

L’on te fait craindre la Maiesté de ton Roy qui
n’a pour toy que des sentimens de pere, & des tendresses

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dresses dont il ta voulu donner tousiours toute sorte
de tesmoignages, tu as pensé deuiter quelques legeres
contributions necessaires pour les affaires de
la guerre, & regarde tes villages ruinez, tes mamelles
desseichées, tes campagnes desolées, tes meres
nourices estouffées, tout le plat pays perdu, & mesme
sans labour, & sans esperance pour les années
prochaines. Iamais le Roy par sa Iustice, mesme
estant iritée, & iamais des Ministres d’Estat quels
qu’ils eussent peu estre, plus violent, plus fourbes &
plus insatiables, n’eussent iamais tant fait de mal autour
de Paris, tant ruiné de villages, tant violé de
lieux sains & de saintes personnes, tant abbatu
d’Autels, tant pillé de maisons, tant commis de
massacres & de cruautés, tant respandu de sang,
tant dissipé de biens, tant accablé de miserables, que
tu as fait par ton iniuste souleuement.

 

L’on a veu descouurir & emporter le plomb de tes
Eglises, rompre tes tabernacles, prophaner le tres
saint Sacrement, tuer tes Prestres, violer tes Religieuses,
abbatre tes maisons, ny pas laisser vn morceau
de fer, mettre le feu aux pieds de tes arbres fruictiers,
couper tes bleds sans attendre la maturité,
en tirer vne partie, & laisser l’autre pourrir en fumier,
tes prez à l’abandon, tes vignes à la mercy
des soldats, tes villages desertés, tes peuples mourir
sans l’assistance des Sacremens, tes meilleurs Citoyens
noser parler, estre accablés & menacés par
des insolens mercenaires, gagnés auec vn peu d’argent,

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& ce qu’on tiroit de tes maisons de campagne,
l’on l’employoit pour te perdre chez toy,
Quel Roy t’eust iamais traitté de la sorte, quelle Reyne,
encore plus outragée s’il se peut, eust peu souffrir
tant de miseres franchissons le mot, cent & cent Mazarins,
c’est à dire aussi mauuais esprits qu’on te forge
estre le sien, n’auroient iamais en dix ans fait
tant de mal, commis tant de crimes, ny ruiné tant de
monde, comme ont fait ceux que tu appelle, Paris,
tes protecteurs.

 

Iusques icy, qu’on fait & que font encore tes
gardes à tes portes, sinon mettre & laisser les armes
és mains d’vne populace agitée tousiours de
nouueaux mouuemens, ou personne ne veut obeïr,
chacun veut estre maistre, & se croit estre autant ou
plus considerable que celuy qui luy veut donner
l’ordre.

C’est nourrir la liberté parmy tes artisans, qui ne
reuiennent qu’à regret à l’ouurage, c’est fomenter
l’esprit de rebellion, c’est entretenir les desordres
passez : combien à tes portes s’est il fait desmeutes
mal à propos, de surprises, ou plustost de prises &
de pilleries iniustes sous de faux pretextes & de fausses
apparences, il n’a pas esté permis d’emmener rien
pour ton Roy, ses fidels suiets n’ont pas eu la liberté
d’emporter leur argent pour luy aller rendre leurs
seruices, l’on a foullé sans raison & recherché sans
respect, iusques dans les biaires des morts, mesme de
pauures Religieuses qu’on reportoit au tombeau de

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leur maison, sous esperance de butin, & dans ces
tumultes de tes portes, combien de meurtres, combien
d’innocens immolez à la fantaisie d’vne populace
trompée tous les iours par autant de nouuelles
qu’on luy en debite. Là, combien de débauches
de ieux de iuremens, d’affrons faits aux plus
honnestes gens, mesme à tes Prestres, sortant ou reuenant
des lieux de deuotion plus proches de tes
murs, pour prier Dieu pour ton repos, lors que tu
laissois entrer & sortir toute sorte de voleurs, &
que ceux que l’on te descouuroit & arrestoit à vne
porte, sortoient le lendemain par vne autre, estant
seulement conduits à ta Maison de Ville, plustost
par apparence que par aucune iustice. Enfin n’a
t’on pas veu cette garde aller auec force & insolence
dans les maisons des pauures vefues & orphelins
leurs arracher auec paroles & menaces iniurieuses, ce
qu’ils auoient de reste pour leur vie, sous pretexte
de naller pas à vne garde plus iniurieuse à ta gloire,
que necessaire à ta tranquillité.

 

A la
porte
de
Mont-martre.

De tes portes si l’on passe dans tes ruës, on entent
autre chose que des faussetez, des mensonges,
& des medisances horribles, imprimées & debitées
par des mains & des voix mercenaires &
aiettées pour tromper la credule populace, & pour
faire gemir tes bons cytoyens, qui n’ayant pas la
liberté de se declarer seruiteurs de leur Roy, passent
pour seditieux & meschans, s’ils s’assemblent pour
mettre ordre à ces desordres, & terminer s’ils peuuent
leurs calamitez. Si l’on entre dans tes maisons ne

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sont-elles pas pour la pluspart dépeuplées, puisque
les trois parts de tes habitans se sont écartez, & que
le reste faisant bonne mine à l’exterieur, ne laisse
pas de souffrir auec peine, & si tu ny apporte quelque
remede, souffrira dans quelque mois tant de
disette, & de viures & de bois, que la mort qui se
promene par tes ruës, acheuera de consommer ces
cadaures que la necessité reduira bien tost aux abois.
Et parmy tout cela quelques bons citoyens détachez
de tous interests, ne regardant que le bien public, &
que ce que l’on doit à son Roy, s’estant vnis dans son
Palais Royal, l’on a crié qu’il les falloit brusler, cõme
on auoit fait les autres dans l’Hostel de Ville, sans
respect d’vne maison sacrée, ny des Images de ton
Roy, qui y paressent de toutes pars, l’on s’entretenoit
des moyens de piller cette Maison Royale, sous
pretexte de se saisir de ceux qui s’y entretenoient des
moyens de reuoir & de rauoir leur Roy ; tes Colonels
& tes Capitaines pour auoir tesmoigné vouloir
rendre leurs deuoirs à S. M & la prier oubliant toute
chose, de reuenir en ton sein, sont menacez de prisons
& de fers, enfin l’on te nourrit de mensonges,
l’on te deguise la verité, l’on ne la peu publier auec
asseurance, & peut-estre toy mesme si tu respans mon
fils, comme ie le souhaitte ces lumieres dans les
esprits de tes concitoyens, seras-tu disie, peut estre
en danger de perdre ta liberté ou bien ta vie, tant
on a de la peine à souffrir les veritez du ciel & de la
terre, soit celles qui regardent Dieu, ou celles qui
touchent le respect & l’obeyssance aux puissances

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establies de sa diuine main sur la terre.

 

Tes vœux pourtant & tes prieres n’ont pas esté
inutiles ny mes soins superflus, i’ay commencé la
merueille & le miracle que tu attendois de moy, i’ay
attendry & adoucy l’esprir du Roy, iustement irrité
de tant de reuoltes, dans la premiere année de sa
maiorité, dans laquelle apres les acclamations qu’il
receut dans tes ruës, de tout ton peuple, le premier
iour qu’il fut declaré maieur, il ne pouuoit esperer
de toy, que des passions pour son seruice, & des tesmoignages
de perpetuelle obeyssance, & cependant
tu as changé tes premiers mouuemens, quitté ton
deuoir, fait breche presque irreparable à ta fidelité,
& merité plustost les effects de sa colere & de sa iustice
que ceux de son affection & bien-veillance, que
ie t’ay pourtant acquise, aussi bien que le cœur de la
Reyne que ie t’ay gagné, apres tant de noires medisances
contre sa vertu, tant de chansons & discours
insolens contre sa conduitte, apres tant de desseins
contre sa personne Royale & sacrée, apres
tant de mespris iniurieux, que la moindre femme
du Royaume n’auroit pas soufferts sans vengeance,
ie l’ay pourtant arrachée de son cœur &
de ses mains, auec dautant plus de force qu’elle a plus
de puissance & d’authorité pour l’executer. Ainsi
par mon entremise, tu n’as rien à craindre de ces puissantes
Maiestez, mais pour l’accomplissement entier
de la grace & de la merueille que tu me demandes,
ie n’ay peu faire miracle, parce que tu n’a pas
escouté mes sentimens, suiuy mes lumieres, accomply

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les ordres & les loix de Dieu, ny celles de ton
deuoir.

 

Voila donc ce qui m’a empesché iusques icy,
Paris, de te donner le repos que tu m’as demandé,
voila tes mouuemens qui m’ont lié les mains, voila
les mauuaises, dispositions qui tempeschent de receuoir
des assistances du Ciel, sors de tes aueuglemens,
reuiens à toy-mesme, reprens ton bon sens,
écoute la verité, suis la raison, humilie toy deuant
Dieu, reconnoissant tes fautes, & deuant ton Roy,
te soumettant à toutes ses volontez, Ie t’asseure de la
part du Ciel qu’il n’a que des tendresses & des bontez
pour toy, que toutes les apprehensions de chastimens
que l’on te donne sont fauses & mensongeres,
& que s’il t’apporte vn autre esprit que celuy de paix
& de douceur, le Ciel mesme prendra ton party, &
t’ayant veuë soumise aux Loix diuines & humaines,
te comblera de tant de felicitez, que tes prosperitez
égaleront ta grandeur, & donneront suiet aux autres
Royaumes de suiure ton exemple, abandonnant
toute sorte de diuisions pour s’vnir à Dieu & a leur
Roy.

Le reste de la France soumise sous sa loy te regarde,
& ce petit coin qui reste dans son embrasement,
esteindra bien-tost ses feux & se portera dans l’obeïssance,
ainsi tu rendras la paix à ton Royaume, &
par cette rencontre, tu la pourras obtenir pour toute
l’Europe, & pour toute l’Eglise.

FIN.

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