Anonyme [1649], REVELATION DV IEVSNEVR OV VENDEVR DE GRIS, ESTABLY DANS LE PARVIS DE NOSTRE-DAME, ÇONTENANT LES REMEDES necessaires à la maladie de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_3541. Cote locale : C_8_62.
REVELATION DV IEVSNEVR ou Vendeur de gris, estably dans le Paruis de Nostre-Dame, contenant les remedes necessaires à la maladie de l’Estat.
VN soir assez tard, que la Lune Rendoit la nuit vn peu moins brune, Ie me promenois au Paruis En ruminant sur les aduis Que chacun tire de sa teste, Car vn chacun se fait de seste En parlant d’affaires d’Estat, Et n’est pas iusques au Legat Cheualier de la courte lance Ou Sauetier par reuerence Qui ny fourre son nez punais A parler de guerre & de paix. En réuant à cette matiere Ie passe vne heure toute entiere Tant que i’entens sonner minuit, Chacun s’estoit à petit bruit Reintegré dedans sa caze, Et ie pouuois auec emphase Cheminer sans estre poussé ; Les filoux ont le nez cassé Et l’on peut sans craindre la fouille Depuis que l’on fait la patroüille Porter sur soy cent Iacobus I’entens ceux qui ont des Quibus, Car la guerre a causé des troubles Qui no ont bien reduit aux doubles Et pour moy sans faire le fin Ie seray bien-tost à la fin
Mais ou vais ie m’embarasser I’extrauague sans y penser En m’escrimant de la Satyre, Dites-moy que voulois ie dire Car ie ne sçay plus ou i’en suis I’y viendray pourtant si ie puis Ou ie suis fou de haute game C est au Paruis de Nostre-Dame, M’reuoila sans chausse pié Comme vn lapin dans le glapié.
I’allois donc ainsi solitaire Reuant à mainte & mainte affaire Alors qu’vne certaine voix M’interrompit deux ou trios fois, A mesme temps ie fais la ronde, Mais i’auois beau chercher du mõde Il n’y auoit corps de Chrestien Ny chat, ny rat, ny lou, ny chien Ce qui me donna belle transe Et ie tremble encor quand i’y pense Car en bonne soy l’on eust cru Que c’estoit le Moine bouru, Cette voix vn peu plus distincte, M’appellant redoubla ma crainte, Mais pour m’oster de cette peur, Il me dit ie suis le Ieusneur, C’est le nom donc la populace En me voyant en cette place Me coiffe comme d’vn beguin Mais sous la forme d’vn Guinguin,
Ie suis me dit-il Esculape Dieu de medecine, & premier Inuenteur de ce beau mestier A qui les Docteurs Merdifiques Les Charlatans, les Empyriques, Les fraters & les souffle-en cu Sont obligez de maint écu. Qu’ils attrapent par mes mysteres Pour ordonnance ou pour clysteres : Aussi m’a-t’on mis en ce lieu Tout vis à vis de l’Hostel-Dieu. Pour voir la couleur & les mines Des excremens & des vrines Et pour donner la guerison Aux landreux de cette maison : Et quoy que maint autheur soûtiẽne Que depuis que Frãce est Chrétiẽne I’ay tousiours croqué le marmot Et n’ay pas dit vn petit mot.
Pour n’auoir pas creu mes aduis Et ne les auoir pas suiuis. Ores qu’il faut qu’on remedie A cette grande maladie Qu’il veut trauailler cet Estat Et tasche à tenir son esclat Moy dont l’esprit taille & raffine Sur les secrets de medecine I’ay choisi ce temps à propos Pour t’enseigner en peu de mots Le remede plus necessaire Que ie te commande de faire Tout ainsi que ie l’auray dit Et pour mieux le mettre en credit,
Outre ma sublime science C’est aussi mon experience Qui me promet vn bon succez Car ie suis vn Diable en procez. Ie connois le mal & la cause I’ay veu debout en bout la chose Et les maux que i’auois predits Il me souuient dés Samedis ; Que sa Maiesté Souueraine Appellée autrement la Reyne, Venoit icy rendre ses vœux Elle est tres-bonne ie le veux. Mais elle a des gens auprés d’elle Ie sçay bien comme on les appelle Qui me semblent vn peu suspects Ce peuple auec de grands respects, Luy venoit faire humble requeste De ne mettre point sur sa teste Tant de subsides ny d’impos Et de le laisser en repos, Elle le payoit d’esperance Et le traitoit d’indifference, Mais enfin ce qui le picqua Ce fut lors que l’on pratiqua Par vne pure tyrannie Sortant d’vne ceremonie D’enleuer en catiminy Brousselle auec ques Blanmeni I’estois present à ce mystere La discretion me fit taire Mais ie vis bien que cet effort Dõt les autheurs auoient grand tort,
La France pour estre purgée N’a pas besoin de la seignée, Son corps de sang est alteré, Pour en auoir par trop tiré ; Les Partisans sont des sangsuës Insatiables & gouluës, Qui l’ont mis tellement au bas, Que son poux ne bat presque pas ; Ce seroit donc vne folie De croire qu’estant affoiblie, On la put par là soulager, Il faut seulement la purger, D’vne humeur meschante & maline Qui d’vne douleur intestine A fait le subjet principal Et l’origine de son mal. Il faut expulser cette peste, Qui par vne poison funeste, Tasche de luy gaigner le cœur, C’est le remede le plus seur, Il est vray que cette ordonnance, Suppose quelque violence, Mais quand le mal s’est rendu fort, Il est besoin de faire effort, L’vnion est la medecine
Voila ce que dit Esculape En me donnant certaine tape Pour m’en faire ressouuenir, Sur quoy ie ne me pus tenir De luy dire, Dieu vous le rande, A Dieu donc ie me recommande, Aussi-tost, ie m’en vins chercher Quelque grabat pour me coucher, Ayant tousiours l’ame troublée, De la vision reuelée, Par ce maistre Vendeur de gris, Si renommé dedans Paris Que l’õ s’en moque ou qu’on y pẽse, I’en descharge ma conscience.
FIN. |
SubSect précédent(e)
|
Anonyme [1649], REVELATION DV IEVSNEVR OV VENDEVR DE GRIS, ESTABLY DANS LE PARVIS DE NOSTRE-DAME, ÇONTENANT LES REMEDES necessaires à la maladie de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_3541. Cote locale : C_8_62.