SECOND DISCOVRS
OV
DIALOGVE,
DES TROIS FIGVRES DE
Bronze, qui sont sur le pont
au Change.

Le Roy d’auiourd’huy, au feu Roy.

 

IE vous suis obligé, SIRE, de ma naissance,
Et du Sceptre Royal que m’auez mis en main,
Mais ie me plains à vous de l’extreme indigence,
Où mõ Peuple est reduit par vn traistre inhumain,
Duquel l’ambition, l’orgueil & conuoitise,
Ruine toute la France, & la met en chemise.

 

Le Roy defunt à la Reine.

 

He ! qu’est-cela, Madame, souffrez-vous ce desordre,
Où est vostre prudence, & vostre pieté
Quand ie suis mort la France estoit en si bon ordre,
A present on y void qu’horreur qu’impieté,
Et au lieu des douceurs d’vne paisible vie,
Vous y introduisez l’horrible tyrannie.

 

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La Reine Mere.

 

SIRE, pardonnez-moy, ie vous iure en mon ame,
Que ce n’est pas par moy, que ce mal est venu,
Les Ministres d’Estat doiuent porter ce blasme ;
Car trompans ma bonté, ils m’ont circonuenuë,
Mazarin, d’Emery, le Chancelier de France,
Auec les Partisans, ont pillé la Finance.

 

Le Roy deffunt.

 

Ie l’auois bien preueu, & par mon ordonnance
Et dernier Testament, expres i’ay deffendu,
Qu’on ne vous donna point, de mon Fils la Regence,
Vostre Espagnol caprice, m’estant assez connu,
Mais la Cour abusée, de vostre hypocrisie,
Mesprisant mon aduis, fit à sa fantaisie.

 

Le Roy d’auiourd’huy.

 

C’est à moy chose honteuse, à la Royne vn grand blasme,
Pendant les ieunes ans de ma minorité,
De me sousmettre aux loix de ce Ministre infame,
Qui dérobe à mon Sceptre toute l’authorité ;
Et pour ses passions, a pour bourreaux mes Princes,
Qui remplissent de meurtre & de sang mes Prouinces.

 

La Royne à son Fils.

 

Ha ! mon fils, ie l’aduouë, ie suis ensorcelée,
I’ay les yeux esblouïs, l’entendement perdu ;
I’ay le cœur endurcy, & mon ame obstinée :
Car i’ay pour Mazarin, vos thresors dependu ;
Mais vous aurez bien-tost de ce mal la vengeance,
En luy ostant la Vie, & à moy, la Regence.

 

FIN.