Anonyme [1649], SECOND SERMON DE L’EVCHARISTIE POVR LE DIMANCHE DE L’OCTAVE. SECONDE PARTIE. Preschée par le R. P. A. D. , français, latinRéférence RIM : M4_75. Cote locale : C_10_9.
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SECOND SERMON
DE L’EVCHARISTIE
POVR LE DIMANCHE
DE L’OCTAVE.

QVICVMQVE MANDVCAVERIT
panem hunc, vel biberit Calicem Domini indigne
reus erit corporis & sanguinis Domini,

aux Corinthiens, chap. 11.

L’HISTOIRE Sacrée m’apprend, que lors
que la manne figure du sainct Sacrement
descendoit des Cieux, la terre pour se rendre
digne de la receuoir dans son sein, se
couuroit a vne rosée toute blanche : Quelques Autheurs
mesme disent qu’estant tombée des Cieux, les Israëlites
venant pour l’amasser la trouuoient comme enfermée
entre d’eux pierres de crystal, afin que par ce moyen elle
fut conseruée des ordures de la terre, des injures de
I’air, & de la violence des vents. Pour nous apprendre,
Messieurs, que si nous voulons dignement manger ce pain
des Anges, qu’il faut que la terre de nos corps soit plus
blanche que la neige, plus pure que les rayons du Soleil,
& plus éclattante que ses lumieres : car si elle est soüillée
de quelque crime d’impureté, ce sera vn sacrilege horrible
qui merite la mort eternelle, & le supplice des Enfers.

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Cum descenderet nocte supra castra, Ros descendebat pariter &
manna. C’est pour cela sans doute que cette viande Celeste
portoit dans sa couleur, & eu sa forme les marques
de sa vertu, & les caracteres de son innocence. Car ie reremarque
auec Dioscoride, que le grain de Coriandre
dont elle portoit la figure, a deux proprietez bien differentes.
Aux vns il sert de remede, & aux autres il est vn poison
tres-dangereux ; il conserue la vie aux hommes, & en
soulage les infirmitez, comme il donne la mort aux chiens
qui en mangent. Ce sont les deux effects que ce Diuin &
adorable Sacrement produit daus le cœur des Chrestiens.
Ceux qui le reçoiuent auec vne conscience pure & nette
y trouuent vne parfaitte santé, & l’entiere guarison de
toutes leurs maladies spirituelles ; où au contraire les ames
charnelles & adonnées à leurs plaisirs sensuels y rencontrent
la condemnation de leur mort, & la punition de leur
sacrilege horrible, si ce n’est qu’en changeant de vie elles
n’imitent la pureté de celle qui a produit dans son sein ce
germe du Ciel immediatement apres que le Seraphin l’eut
salüée de ces diuines paroles, Auc Maria.

 

IE remarque dans l’Escriture Saincte, qu’il y auoit deux
sortes de feux dont on vsoit aux ceremonies commandées
par la Loy ; l’vn estoit sacré, l’autre estoit prophane ;
l’vn estoit enuoyé du Ciel, l’autre tiroit son origine de la
terre ; celuy-cy estoit destiné pour cuire les viandes qui seruoient
à la nourriture des Prestres ; l’autre deuoit consommer
les sacrifices, les holocaustes, & les victimes offertes
à Dieu ; si bien que c’estoit vne espece de sacrilege que de
le faire seruir aux vsages profanes ; de mesme qu’il estoit
expressement deffendu que le feu commun bruslast deuant
l’Autel, où l’on presentoit des parfums à la Majesté Souueraine.
C’est pour cela qu’il est couché dans le Leuitique
que Nadab & Abiu enfans d’Acam furent punis de mort
pour auoir esté si mal auisez que d’vser d’vn feu qui
n’estant point sanctifié, ne pouuoit par consequent estre
aucunement agreable à Dieu. Offerentes coram Domino

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ignem alienum quod eis prœceptum non crat. Cette verité,
Messieurs, nous apprend qu’il est bien necessaire que les
Chrestiens n’apportent point d’autre feu à ce sacrifice d’amour
& d’innocence que celuy qui vient du Ciel : feu qui
n’est autre chose que la chasteté, puis qu’il est le Symbole
de la pureté qui est en Dieu ; & qu’Heraclite asseure qu’il
n’a point de termes propres pour exprimer sa Diuine nature,
que de l’appeller vn feu intelligible : Deus est ignis intelligibilis. C’est la pensée d’Ouide qui veut que les Vierges
qui gardoient le feu sacré soient nommées vestalles,
parce que ce mot vesta ne signifie autre chose qu’vne viue
flamme tellement destachée de la matiere, qu’elle est incapable
de receuoir la moindre soüilleurre, & qu’elle n’a-pas
assez de pouuoir pour faire aucune production : De
mesme que les veritables Vierges ne doiuent conceuoir
ny de pensée, ny de volonté, ny d’effet : Nec tu aliud vestam
quam viuam intellige flammam, nataque de flamma corpora
nulla vides, iure ergo Virgo est quœ semina nulla remittit, nec
capit. Car si par mal-heur nous en approchons auec des
feux estrangers, auec vn cœur embrasé de flammes illicites :
auec vne ame qui soit bruslée des ardeurs de la concupiscence,
nous commettons le plus horrible sacrilege
qui se puisse imaginer. Les Theologiens reconnoissent
trois sortes de sacrileges, l’vn du lieu, l’autre de la chose,
& le dernier de la personne ; & tous ces trois se commettent
par des actes contraires à la saincteté, soit du lieu, soit
de la chose, ou de la personne. Or ie dis que celuy qui
communie indignement est coupable de tous les trois ensemble,
puis qu’il offence la Saincteté de l’Autel qu’il approche,
celle du Sacrement qu’il reçoit, & celle encor de
la personne adorable de Iesus-Christ qu’il touche de ses
lévres infames, & loge dans vne conscience corrompuë.
O dieux qu’elle horreur contre ce corps enrichy de toute la
saincteté de la terre & des Cieux. Sainct Chrysostome fait
icy Miracle, & prouue cette verité par deux raisons, dont
la premiere est tirée de la pureté de ceux qui participoient
aux anciens sacrifices ; Cogita qui sacrificij veteris participes

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erant quanta vtebantur continentia : Pense ie te prie Chrestien,
dit ce grand Pere, auec quelle retenuë, auec quels
lauemens, auec quelle modestie, & quelle netteté exterieure
ces creatures se preparoient pour approcher dignement
de l’Autel, où leurs fausses diuinitez estoient adorées.
Sur quoy ie remarque auec l’Escriture Saincte, qu’il
est necessaire que nous apportions deux sortes de dispositions
pour receuoir ce Diuin Sacrement, l’vne doit
estre exterieure, l’autre interieure, & toutes les
deux me sont signifiées par ces paroles de la Genese,
où il est rapporté, que lors que le Patriarche Iacob eut
cuité la rencontre de son frere Esaü qui le poursuiuoit
à mort, & qu’en reconnoissance de cette faueur Dieu luy
eut commandé de luy offrir des sacrifices, exhortant ceux
de sa famille à s’y preparer dignement, il leur dit, Abijcite
deos alienos qui in medio vestrisunt, & mundamini ac mutate
vestimenta vestra. Deuant que d’approcher de cét Autel, où
la Majesté de Dieu habite ; ostez ces Idoles que les Estrangers
adorent, purifiez vos cœurs, & vos ames ; & faites en
en sorte que vos habits portent dans leur changement les
marques de, vostre pureté, & les tesmoignages de vostre
innocence. Les Payens Idolastres superstitieux en leurs
ceremonies ne mesprisoient par cette preparation exterieure ;
In sacrificiis pulchra veste, aureisque ornatus coronis Sacerdos
rem diuinam faciat : Lors dit Platon, qu’il est question de
faire des Sacrifices aux Dieux, le Prestre vestu tout de blãc,
portant sur sa teste vne couronne d’or tres-pur, vient
à l’Autel auec le respect qui est deu à la Majesté qu’il veut
aborder. C’est pour cela que les Prestres Egyptiens estoient
appellez Linigeri, c’est à dire, habillez de fin lin. Parmy
les Romains celuy qui auoit la charge des victimes, estoit
vestu d’vne robbe qui luy couuroit tout le corps, portant
sur sa teste vn bonnet de laine, & sur le front vne Couronne
de Laurier. Ænée ne voulut iamais sacrifier aux
Dieux qu’auparauant il ne se fut laué au courant d’vn fleuue :
Et Numa Pompilius outre qu’il s’habilloit fort modestement
dans le temps qu’il offroit de l’encens aux diuinitez

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que le peuple adoroit, il s’abstenoit mesme longtemps
deuant du vin, & des actes du Mariage. Les Sacrez
cayers nous asseurent que Moyse se deschaussa pour
voir auec estonnement vn buisson qui brusloit sans se consommer.
Les Enfans d’Israël ne celebroient la Pasque
qu’auec des ceremonies exterieures qui eussent semblé
extrauagantes si Dieu ne les eut commandées expressement ;
leur viande n’estoit assaisonnée que de laictuës
ameres, encor la deuoient ils manger tout de bout, & le
baston à la main. Hieremie pleure de ce que les pierres
du sanctuaire ont esté mesprisées iusques à ce poinct que
d’estre iettées dans les ruës, & foulées aux pieds par les
passans ; le Seraphin d’Isaye n’osa prendre l’Escarboucle
qui estoit dessus l’Autel auec les doigts, mais auec des tenailles
d’or. Adam mourut presque de honte se voyant
tout nud deuant la face de Dieu ; & Iudas Macabée differa
de luy sacrifier des animaux sur l’Autel qui auoit esté
profané par les Idoles iusques à ce qu’il eut esté sanctifié
& purifié d’vn autre Prophete. Tant il est vray que Dieu
demande de ceux qui offrent des sacrifices à sa Majesté,
ou qui sont destinez au seruice de ses Autels vne netteté
qui passe mesme iusques à l’exterieur. Iugez de là si les
Chrestiens sont obligez d’estre purs & nets mesme en leurs
habits, en leurs deportemens, en leurs visages, lors qu’ils
approchent du S. Sacrement des Autels pour y receuoir
leur Createur & leur Dieu. C’est le reproche qu’il fait
dans son Euangile à celuy qui auoit esté si peu consideré
que de venir aux Nopces auec vn habit qui n’estoit pas
conuenable à vn lieu, ny à vne ceremonie, où toutes choses
deuoient paroistre auec éclat, & auec des tesmoignages
d’vne grande resiouyssance. Amice quomodo huc intrasti
non habens vestem nuptialem. Or le Sacrement des Autels
est le veritable banquet, où les Nopces de l’Agneau sont
celebrées, & où il prepare vn magnifique festin à ses
Esleus. Beati qui vocati sunt ad cœnam Agni : Et par consequent
on doit y venir auec vn vestement digne d’vne si
haute solemnité. Quand Iacob voulut receuoir la benediction

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de son Pere Isaac, sa Mere industrieuse, & qui l’affectionnoit
extraordinairement le couurit des plus beaux
habits qu’eut Esaü son frere ; elle le poudra de tant de muse,
de Cypre, d’Iris, qu’il sembloit que la maison fut vn
Iardin, où toutes les plus rares senteurs de l’Arabie estoient
ramassées. Et Origene remarque que bien que le Fils de
Dieu soit né dans vne estable tres-pauure qu’il ayt perdu
la vie sur vn Caluaire infame, parmy les charognes & les
puanteurs des corps morts, que lors qu’il a voulu faire ce
festin d’amour à ses Disciples qu’il a choisi vn lieu magnifique,
& digne d’vn si rare banquet, Demonstrabit vobis
cœnaculum grande stratum. Et Carthagene rapporte que cét
aymable Sauueur voulant donner son Sang à boire à ses
mesme Disciples, ne se contenta pas d’vn vase d’or, mais
choisit vne pierre pretieuse nommée Agathe, que l’on voit
encore à Valence dans vne celebre Eglise. Ie suis rauy
quand i’entens parler S. Hierosme, qui proteste que lors
que quelque phantosme de nuict troublant son imagination
luy a causé des songes deshonnestes, qu’il n’ose pas
entrer dans le Temple des Martyrs. Et Abulensis parlant
du peché d’Oza, qui fut puny pour auoir touché l’Arche
d’Alliance, n’en trouue point d’autre cause sinon qu’il
auoit couché la nuict auparaunt auec sa propre femme, &
encor qu’il ne fut pas criminel pour luy auoir rendu ce deuoir,
qu’il n’estoit pas assez innocent pour toucher vne
chose si Saincte. C’est vn conseil que S. Paul, le Concile
Elibertin, & quelques Peres de l’Eglise donnent aux
hommes qui sont mariez de s’abstenir quelques iours des
libertez que permet le Mariage, lors qu’il est question de
s’approcher de la Communion, & Denys Alexandrin en
vne certaine Epistre qu’il a fait, dit ; que les femmes deuotes
qui frequentent souuent le S. Sacrement de l’Autel
doiuent par respect & reuerence s’en esloigner, lors qu’elles
sont dans les infirmitez ausquelles la nature les a rendu
sujettes, Si piœ & fideles sint non debent sic affectœ attingere
corpus, & sanguinem Domini. Que si Dieu demande vne
si grande pureté à nos corps, qu’elle doit estre celle de nos

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ames, & s’il punit de mort des soüilleures qui pour n’estre
pas volontaires ne sont pas coupables de crime, de
quel supplice punira-il les impuretez de nos pensées, les
abominations de nos cœurs, les corruptions de nos consciences.
Les Grecs au recit de Pausanias, faisoient tant
d’estime de la pureté qui doit estre dans les personnes dédiées
aux Autels, qu’en la pluspart des lieux où il y auoit
des Temples consacrés à leurs fausses diuinitez, c’estoient
des Vierges qui en auoient l’administration, qui en estoiẽt
les prestresses, & qui en faisoient les Sacrifices ; & quand
elles estoient paruenuës iusques à vn aage où la nature
auoit assez de force pour corrompre leur innocence elles
se defaisoient du soin des choses Sacrées, aymant mieux
se priuer de cét honneur que de s’en rendre indignes par
quelque irreuerence. Le Roy Agesilaus, quoy que
Payen protestoit que nos offrandes n’estoient point agreables
aux Dieux, si elles ne partoient d’vne ame pure &
nette : Et Sainct Augustin asseure que l’abboyement des
chiens, le meuglement des bœufs, & le hannissement des
cheuaux, ne blessent pas tant l’oreille de Dieu, que le
chant des Prestres dont la langue est soüillée par les debordemens
d’vne vie licentieuse. Plus placet Deo latratus
canum, mugitus boum, quàm cantus Clericorum luxuriantium.
Il est rapporté au Liure des Nombres, qu’il falloit confesser
ses pechez auparauant que de faire le Sacrifice des
Genisses, & des Boucs : Confitebuntur peccatum suum. Le
Concile de Trente dit, que tant plus que nous auons vne
parfaite connoissance de l’excellence de ce Diuin Sacrement,
tant plus aussi nous deuons apporter de pureté à le
receuoir : & sainct Chrysostome nous aduertit sagement
de prendre garde que ce ne soit pas tant la consideration
des iours, & des Festes solemnelles, que la Saincteté
de nostre vie, & l’innocence de nos actions qui nous
oblige à nous approcher de cette Table Sacrée. Communionis
tempus non est festum atque celebritas sed conscientra pu
ra, vitaque à vitijs pur gata. C’est l’aduis que nous en donne
l’Apostre sainct Paul, Probet autem seipsum homo, & sic

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de pane illo edat, & de Calice bibat. Mortels, s’escrie cét
Oracle du Ciel, ne soyez pas si hardis que de manger de
ce Pain dont les Anges se rassasient dans l’Eternité, ny de
boire de ce vin qui enyure amoureusement les Saincts
dans la gloire, & qui produit des Vierges dans la terre. Vinum
germinans Virgines : Que vous n’ayez auparauant
serieusement examiné le plus secret de vos consciences,
car quiconque s’en approche auec vn cœur soüillé
d’impuretez, & remply d’adulteres, dit le grand S.
Hierosme, quiconque baise l’humanité adorable de Iesus
mon Maistre, de la mesme bouche dont il a receu les baisers
d’vne femme impudique, sans doute ce perfide est semblable
à Iudas qui tranit son Sauueur en le baisant au visage,
Quisquis fueris qui cum bis labijs silium Dei osculatis, quibus, osculatus
es labia meretricis, O Iuda hominis filiũ osculo tradis. Omnia creatura
ingemiscit & parturit adhuc, dit l’Apostre, toutes les creatures
desplorent le miserable estat de cette ame infortunée & sacrilege :
Le Soleil luy cache sa lumiere sous le voile de ses
Eclipses, la Lune change souuent de visage pour tesmoigner
son ressentiment, l’air l’infecte de corruption ; la mer
tient tousiours ses abysmes ouuertes pour l’engloutir dans
ses ondes, le Ciel n’a pour elle que funestes influences, &
tous les elemens sont si animez de vengeance contre cette
criminelle, qu’en quelque lieu qu’elle puisse aller, elle
porte tousiours deuant ses yeux l’horreur de son crime, & la
punition de ses sacrileges. Sainct Cyprien escrit d’vne
femme Idolastre qui s’estoit approchée de ce Sacrement
auec ses pechez & ses passions, qu’elle mourut soudainement,
cõme si elle eut receu vn coup d’espée dans le milieu
du cœur, ou qu’elle eut aualé quelque poison violent. Et
Balthasar Roy de Babylone perdit la vie, & son Royaume
la mesme nuict qu’il eut manié les vases Sacrez du Temple.
Que sera-ce Chrestiens de ceux qui s’aprochent indignement
de ce buisson tout bruslant d’amour & de Saincteté
Que deuiendra celuy qui auec des mains pleines de
sang osera toucher le Sainct des Saincts, le thresor de la
Sagesse, le Temple où habite le S. Esprit, & la demeure de
la diuinité ; sans doute il sera coupable de tous les sacrileges

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qui se peuuent commettre contre la personne de Iesus-Christ.
Origene asseure qu’il estoit commandé de mãger les
Pains de proposition figure de l’Eucharistie en vn lieu qui
fut tout sanctifié. Or si les ombres demandent vne si grande
pureté que fera la lumiere. Escoutons la voix du Ciel : Anima
polluta peribit. Cette victime deuant laquelle les Anges
tremblent, polluë par cette bouche profane qui la reçoit
indignement, luy causera vne mort dont l’enfer sera le
tombeau, & la durée, l’Eternite mesme.

 

Introd

Genes.
c. 35.

Mats.
c. 7.

Apoc,
c. 8.

Ioan.
c. 19.

Num.
c. 7.

Car, 56..
11.

Rom.
c. 8.

S. Cyp.
ser. de
lapsis.

Leuit.
c. 7.

S. Crisostome tire sa seconde raison de la pureté des
vases, Calices, Corporaux, qui tous doiuent estre purs par
vne consecration particuliere. Que si Iesus-Christ demande
aux choses insensibles qui le touchent vne pureté extraordinaire,
quelle doit estre celle des hommes pour qui
toutes ces choses ont esté faictes. Nous auons bien ce respect
pour le Corps & le sang pretieux du Sauueur que nous
ne voudrions pas le receuoir dans vn vase profane ? & sacrileges
que nous sommes nous le logeons dans vne conscience
souïllée & corrompuë : In vase sordido accipere non auderes,
anima verò sordida accedis. Autrefois le diacre esleué
proche l’Autel, haussant la main en l’air s’escrioit d’vne
voix tonnante : Qui sancti sunt accedant ad sacra mysteria.
Mais que les indignes ne soiẽt pas si hardis que d’en approcher,
autrement ils seront coupables du Corps & du sang
de Iesus-Christ & punis comme violateurs de la Saincteté
de l’vn & de l’autre. Quint Curse, dit, que les sacrileges
combattent auec les Dieux : Cum diis pugnant sacrilegi ;
Non pas, dit Seneque, qu’ils puissent vaincre la diuinité,
bien qu’ils meritent d’estre punis comme s’ils auoient offencé
la saincteté de Dieu mesme. Quintus Consul en est
témoin qui apres le violement d’vn Temple proche de
Thoulouse se voit l’object des foudres & des vengeances
du Ciel. Et Philomenes, dit, Iustin, Sacrilegij pœnas impio
sanguine luit. Apres auoir corrompu la terre par ses impietés,
son sacrilege se mesle auec son sang criminel qui
tombe aneanti deuant les Dieux qu’il méprisoit. Mais
combien le sacrilege contre ce Mistere est-il horrible : puis

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qu’il attaque la diuinité, l’humanité, la chair & le sang de
Iesus. Ie tremble lors que ie considere auec Isaie les Seraphins
prosternés deuant le Throsne de Dieu qui regne en
cét Autel, y adorer par trois fois sa saincteté, & publier aux
hommes d’vne voix éclattante qu’il est trois fois Saint. Sanctus,
Sanctus ; Sãctus dominus exercituum. Pour monstrer qu’il
est le Dieu des armées, qui vange les crimes qui combattent
son Innocence. Aussi adiouste il, commota sunt superliminaria
Cardinum à voce clamantis. Sur quoy S. Hierosme,
Cyrille, & S. Thomas croyent qu’il veut signifier par ces
paroles l’incendie & la desolation du Temple de Hierusalem
qui deuoit estre bruslé par les Chaldeens & les Romains.
Mais disons auec S. Chrisostome qu’il parle d’vne
ame sacrileges, & que ces esprits qui honorent par ce trisagion
la pureté de Dieu reprennent les trois sortes de sacrilege
que commet celuy qui communie indignemeut luy
criant d’vne voix effroyable, Sanctus ô Prophane, ce Dieu
est sainct dans son Autel & tu en noircis l’innocence ? Il
est sainct en ce Sacremẽt & tu en méprise la grandeur ? il est
Sainct dans ce corps & ce sang, & tu en ternis la blancheur
par tes ordures. Prestres dont i’adore le carractere ie vous
coniure de ioindre vos voix à la mienne puisque selon S.
Chrisostome, vous estes auec nous les Seraphins qui deuez
hautement publier la Saincteté de ce mistere, & en deffendre
la participation aux impiesqui meinent vne vie scandaleuse.
Ad vos ministrantes sermonem conuertere nomen est.
Il est necessaire que vous nous appreniez l’estrange chastiment
de Dieu sur nos testes, si vous admettés à cette table
quelqu vn qui soit soüillé de peché mortel. Sanguis de manibus
vestris exquiretur, cette hostie que vous tenés dans vos
mains, vous demandera le sang, la mort, & le sacrilege de
ce méchant pour en faire vne victime d’enfer, dittes sans
crainte. Procul hinc procul este prophani. Nullus Iudas huic
mensœ assistat. Chassés ce prophane, & luy empeschez l’attouchement
d’vne chose si Saincte, & si excellente, deffendés
en aussi l’abord aux vitieux & aux desbordés ; que les
ames cruelles n’approchent point cét Autel, où la douceur,

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la clemence & la misericorde éclattent auec tant
d’auantage ? que les voluptueuses se retirent du Sacrement
d’innocence & de pureté ; que les auares soient priués
d’vn bien qu’elles ont moins estime que la poussiere & la
bouë : que les perfides comme Iudas ne viennent pas baiser
d’vne bouche profane & mal-heureuse ce Dieu de cœur, &
de fidelité. Si quis est verus Christi dissipulus ad fit. Ait enim
cũ discipulis meis facio pascha. S’il y a quelqu’vn qui soit vray
disciple de Iesus-Christ qu’il entre à la bonne-heure, qu’il
approche, qu’il se sanctifie ; qu’il se deifie ; & qu’il deuienne
vn méme corps auec le Sauueur ; de méme qu’il n’est
qu’vn esprit auec sonPere eternel. Helas dit S. Chrisostome,
si Dieu menace les predicateurs & les prestres de les punir
comme des sacrileges & des langues pollues pour ne pas
apprẽdre aux mortels les verites qu’il doiuent sçauoir, quels
supplices donnera il à ceux qui sont les autheurs & les principes
de leur crimes Si les mains des prestres sõt coupables
pour auoir administré le S. Sacrement à des pecheuis infames
& abandonnés ! Que dirõs nous de celuy qui en le receuant
indignement souillé les pieds, le visage, la poictrine, &
tous le Corps de Iesus. Reus erit corporis violati, Porte vne version,
il sera coupable du Corps de mon Sauueur violé, comme
s’il auoit lette dans le Calïce ses vilenies, & ses ordures.
O ! estonnement du Ciel & de la terre, que diriez-vous si
vous voyez vn [1 lettre ill.]restre qui touchast l’Hostie auec des mains
sanglantes : sans doute vous auriez horreur de cette actions
& cependant vn Chrestien a donné à ses plaisirs manie esfrontemẽt
la chair Virginalle du Fils Marie. O cruauté sans
exemple qui d’esploye sa malice sur tous les membres Sacrez
& innocens d’vn Dieu humanisé. Adorable Iesus,
heureux Seraphin d’amour, faites icy le Miracle du Prophete
Isaye, prenez de cét Autel vn charbon de feu qui vous
consomme, touchez mes lévres, mes mains, les corps de
ce peuples & les sanctifiez. Approchons pecheurs, dit
sainct Iean Damascene, auec vn ardent desir d’estre meilleurs,
prenons comme ces esprits de feu le Corps du Crucifix ;
vnissons nos cœurs & nos poictrines au cœur & à

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la poictrine de Iesus ; afin que l’ardeur qui le brusle, nous enflamme,
nous purifie, & brusle tous nos pechez. Carbonem
concipiamus qui comburat peccata nostra, & illuminet corda nostra, Et
que rauis de ce changement nous disions auec Zacharie,
Quid bonum eis, & quid pulchrum eis nisi framentum Electorum, & vinum
germinans Virgines, Y a-il rien de bon sous le Soleil, &
de beau dans l’estenduë de l’Vniuers, comme ce froment
des Esleus, comme ce vin qui des Publicains en fait des
Apostres, de pecheurs des iustes, d’auares des Aumosniers,
de cruels, des Agneaux ; de voluptueux dés chastes.
Aussi S. Chrysostome remarque vne grande difference entre
la Cananée & la Magdeleine à la Table de Iesus-Christ.
L’vne ne veut que des miettes qui en tombent pour chasser
le diable qui possede sa fille, l’autre veut & embrasse tout
le corps de son bon Maistre pour oster du sien la lasciueté
qui est mille fois pire que les demons. Non quæ sumit micas sieut
Cananæs, sed ipsum panent vitæ amplexata est, hæc vt filiam à dæmonio
vexatam liberaret : illa totum corpus lasoiuiæ deditum. Que si
Chrestiens, nous n’y receuons par les douceurs, que cette
viande produit ordinairement dans les ames innocentes ;
si nous n’en retirons pas des auancemens pour la vie spirituelle :
si ce pain au lieu de nous nourrir, nous cause des
desgousts, attribuons en la faute à nous mesmes : rentrons
dans le cabinet interieur de nostre conscience, & nous
trouuerons qu’il y a là dedans des impuretez qui empeshent
l’effet de ce Diuin Sacrement, car si nous apportions
la mesme pureté, la mesme ardeur, le mesme amour
que fit cette Diuine penitence, lors qu’elle se ietta aux
pieds de Iesus en la maison du Pharisien, & oû elle fit vne
espece de Communion, dit S. Paulin, sans doute nous y
trouuerions les mesmes delices, les mesmes auantages, &
les mesmes graces qui ont rendu cette saincte l’estonnement
des siecles, & l’objet de nos admirations. Et apres
auoir imité sa pureté en ce monde, nous irions iouyr auec
elle de la gloire qui est preparée aux ames innocentes là
haut dedans les Cieux Où nous conduise, le Pere, le Fils, & le
S. Esprit, Ainsi soit il.

 

Fin de la seconde Partie.

Isaiæ.
6.

S. Crisost.

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