Anonyme [1649], SVITTE ET TROISIESME PARTIE DV BVRLESQVE ON DE CE TEMPS QVI SÇAIT QVI FAIT ET QVI DIT TOVT. , françaisRéférence RIM : M0_611. Cote locale : C_8_6.
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SVITTE
ET TROISIESME PARTIE
DV BVRLESQVE
ON
DE CE TEMPS
QVI SÇAIT QVI FAIT
ET
QVI DIT TOVT.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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PASSE-PORT

 


Voicy le Courier veritable,
Qui court, & n’ignore de rien,
Et qui peut seruir d’entretien,
Lors que l’on a le ventre à table ;
ON sçait, & dit tout franchement,
Vous pouuez le croire hardiment,
Il ne farde point son langage,
Que si Messieurs vous le taxez,
Qu’il n’en dit pas encor assez,
C’est qu’ON n’en sçait pas dauantage.

 

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SVITTE ET TROISIESME PARTIE
du Burlesque ON de ce temps ; Qui sçait,
Qui fait, & Qui dit tout.

 


QVE veut dire ce tintamarre,
Quel tumulte, quelle bagarre ?
Quel bruit entens-je au Carrefour ?
Quelle est cette gueule de four,
Qui nous estourdit les aureilles :
C’est vn raconteur de merueilles,
Ou pour mieux dire vn charlatan,
Qui vent ses drogues à l’Encan ;
Il a ma foy belle audiance,
Et debite bien sa science,
Ha ! que de peuple à l’escouter,
Il a beau dire & beau conter :
Iamais n’eut si belle assemblée,
Cohon cette langue dorée,
Quoy qu’il fut des Dames couru ;
Mais il auoit l’esprit bouru,
Cela soit dit par Paranthese,
Quand des billets pleins de fadeze,
Furent pour aigrir les esprits,
Par luy semez dedans Paris.

 

 


O ! quel estrange éclat de rire,
Ie ne sçay ce qu’il vient de dire,
Ce maistre conteur de fagots,
Mais ce sont quelques plaїsants mots,
Car toute l’Illustre assemblée,
En rit à gorge desployée,
Et chacun des mains applaudit ;
En approuuant ce qu’il a dit,
Vrayment il faut que ie m’approche,
Quand par vn infame reproche,

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ON me deuoit nommer badaut,
Vaille que vaille, il ne m’en chaut,
Car ainsi que dit Euripide,
Curieux vaut mieux que stupide.

 

 


Enfin i’ay bien fait d’y venir,
ON ne m’eust pas venu querir,
Et le jeu vaut bien la chandelle,
Ce n’est pas vn baille luy belle,
Il est ma foy sur le bon bout ;
ON Qui sçait, Qui fait, & dit tout,
Vient pour sa troisiesme coruée,
Nous publier son arriuée,
Il faut que i’en aye ma part,
Ne suis-ie point venu trop tart ;
Non, puisqu’ON vient de nommer Iule,
ON n’en est qu’à son preambule,
Car depuis les traitez conclus,
Les nouuelles n’en parlent plus,
On cache dessous le silence,
Le Cardinal & l’Eminence,
Et l’ON ne dit ny bien ny mal,
D’Eminence & de Cardinal,
Ou tout au moins c’est en cachette :
Aussi c’est ce que dit Paquette,
N’estoit-ce pas vn grand abus,
De patroner tant de rebus,
Tant d’inuectiues, tant d’histoires,
Et libelles diffamatoires,
Contre ce Ministre d’Estat.
Mais à propos ie suis vn fat,
De m’amuser à la moutarde,
Cependant ie ne prends pas garde,
Qu’On va commencer tout de bon,
Son conte en forme de Sermon :
Vous qui me pressez pour l’entendre,
Ie m’oblige de vous l’apprendre,
Ric à ric, & de mot à mot,
Ou dites que ie suis vn sot ;

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N’approches donc pas dauantage.

 

 


ON dit & sçait pour tout potage,
Que nous auons enfin la Paix,
Et qu’il n’y a plus desormais,
Rien à douter ny rien à dire ;
La guerre n’a plus rien à frire,
ON luy a fait le bonadiés,
Soudrilles sont congediés,
Bon temps reuient dedans la France,
ON mange, ON boit, ON rit, ON dance,
Ny plus ny moins qu’auparauant,
Dés qu’ON voit vn homme resuant,
Morne melancholique ou triste,
ON l’appelle Tabariniste.

 

 


Le soir du iour qu’On publia,
Que Paix estoit, In Gallia,
Qu’ON nous l’auoit signifiée,
Et dignement verifiée,
Tout le monde fut hors des gons,
Au bruit des boëttes & canons,
Chacun tira pour la risposte,
Et trinqua tant qu’il se fit roste,
Mordiable comme l’ON tonna,
Ou plustost comme ON entonna,
Aux santez du Roy, de la Reyne,
Du Colonnel, du Capitaine,
Mais combien principalement,
Beut ON à nostre Parlement,
Qu’ON vsa de vin & de poudre,
Car chacun en vouloit descoudre,
Et n’estoit si petit morueux,
Qui ne tirast vn coup ou deux,
ON l’auroit bien enuoyé paistre,
Qui n’est fait peter le salpestre,
Et si la santé se beuuant,
On n’eust fait pouf auparauant,
Par l’aduis du Conseil de guerre,
Ou plustost du conseil de verre,

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On auroit beu le gouspillon,
ON auroit eu le morillon,
Et fait long-temps le pied de gruë,
En sentinelle dans la ruë.

 

 


Voila vous dire à peu de frais,
Comme ON canonisa la Paix,
C’est à dire pour les bons freres ;
Mais le iour que les Harangeres,
De deüil, de rage, ou de depit,
De voir le charnage en credit,
Font dit ON caca dans leurs càques,
C’est le beau lendemain de Pàques :
ON veit Messieurs du Parlement,
Ceux de ville pareillement,
Auec leurs vestes d’Escarlatte,
Doublez de fourrures de Matte,
Ou de Satin n’importe pas,
Aller tout doux, à petits pas,
A Nostre-Dame rendre graces,
De ce qu’apres-tant de disgraces,
Il rendoit l’Estat asseuré,
Comme nous l’auions desiré :
Cette grande ceremonie,
S’acompagna de l’harmonie,
Du Te Deum qui fut chanté,
En Musique & solemnité.

 

 


Quelques-vns chagrins de la goute,
Sont toutefois encor en doute,
Si cette Paix est tout à bon,
Et nous disent pour leur raison,
Que nos Generaux ne chanterent,
Ny qui le pis est assisterent,
A ce Te Deum de la Paix,
Pour n’estre pas bien satisfaits ;
Que nos troupes sont retirées,
Que les autres sont demeurées ;
Et que dix mille fanfarons,
Sont tous les iours aux enuirons

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De Paris, & qu’ils y font rage :
Mais qui dit cela n’est pas sage,
C’est faute d’en estre informé,
Car Paris n’est plus affamé,
Et tout y vient en abondance,
Iusques-là qu’ON croit d’asseurance,
Que leurs Royalles Majestez,
Pour asseurer de leurs bontez,
Viendront bien-tost en cette ville,
Ou leur presence est fort vtille.

 

 


ON a remis au ratelier,
Mousquet espée & baudrier,
Et l’on ne fait plus garde aux portes ;
D’autant qu’elles sont assés fortes,
Pour resister aux ennemis,
Quand mesme il leur seroit permis,
D’y venir trainer leurs guenilles,
Eux & leurs pestes de soudrilles,

 

 


ON murmura de dans Paris,
Et le pain rencherit de prix,
Par la faute, ou par la paresse,
De nos Boulangers de Gonesse,
Qui n’emplirent pas nos marchez,
ON tient qu’ils furent empeschez,
Par vne certaine Finance,
Qu’ON leur demandoit par auance,
Qu’ils refuserent tout à plat.

 

 


Les affaires sont en estat
Et de trousser la guerre en malle,
Et faire la paix generalle,
L’Archiduc y est resolu,
Et tout nos Princes ont conclus,
De commencer la Conferance,
Dans Arras frontiere de France ;
Monsieur le premier President,
Tres habille-homme & fort prudent,
A ce qu’ON dit pour cét affaire,
Sera le Plenipotentiaire ;

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Auecq quelques vns du Conseil ;
Il font desja leur appareil,
Pour cét honorable voyage,
Qui doit estre à nostre aduantage,
Car ON s’assure desormais,
Ou d’vne tréue, ou, d’vne Paix.
Elle nous est ma foy bien duë
Apres l’auoir tant attenduë,
Nous auons assés enduré,
Nous auons assés soupiré,
La Normandie est desolée,
Toute la Champagne est gaulée,
La Picardie est au bissac,
Et la France, abhoc & abhac,
Par cette guerre mal-heureuse,
Dont la durée est ennuyeuse,
Ce qui nous cause les souhaits,
Qu’ON fait tous les iours pour la Paix ;
Car ON a trop senti la touche,
Donc pour vous faire bonne bouche.
ON vous laisse sur ce sujet ;
Si quelqu’vn n’est pas satisfait,
Qu’il attende à l’autre ordinaire,
ON le pourra mieux satisfaire,

 

Fin de la Troisiesme Partie.

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