Anonyme [1649], TRAITÉ DE PAIX DE L’AME AVEC SON DIEV, DE DIÉ A MONSEIGNEVR DE BEAVFORT, DVC ET PAIR DE FRANCE. Propre à ce Saint temps. , françaisRéférence RIM : M0_3797. Cote locale : C_10_36.
Section précédent(e)

TRAITÉ
DE PAIX
DE L’AME AVEC SON DIEV,
DE DIÉ
A MONSEIGNEVR
DE BEAVFORT,
DVC ET PAIR DE FRANCE.

Propre à ce Saint temps.

A PARIS,
Chez IACQVES LANGLOIS, Imprimeur & Libraire ordinaire
du Roy, au Mont Sainte Geneviefve,
vis à vis la Fonteine,
A LA REYNE DE PAIX.

M. DC. XXXXIX.

AVEC PERMISSION.

-- 2 --

-- 3 --

TRAITÉ
DE PAIX
DE L’AME AVEC SON DIEV,

Propre à ce Saint Temps.

Si nous ne nous reconcilions auec Dieu, il est impossible
d’auoir la Paix, ny en nous-mesmes, ny auec
les Hommes.

Voicy mon, Dieu, Articles de Paix entre vostre
Iustice & l’impieté des hommes, que ie vous presente
pour signer, en faueur des plus Criminels :
mais quelle hardiesse ose bien prendre vne chetiue
& miserable Creature, qui n’a pour heritage que la
terre, & la bassesse de son neant ; & pour les qualitez qui l’accompagnent,
l’ignorance & la misere. Quoy ? sera-t’il dit, que
i’aborderay cette Sacrée Majesté, qui fait trembler les hommes
& les Anges, par le seul esclat de sa Grandeur & de sa
Puissance : Ie m’adresse neantmoins auec confiance au
Throsne de vostre Iustice & de vostre misericorde, parce que
i’y comparois en qualité de Criminel & le plus coulpable de
tous les hommes, pour espier mes crimes qui font rougir le
Ciel & la Terre ; faisant amende honorable, la corde au col,

-- 4 --

la torche en la main, en presence de tout le Paradis, & entre
les mains de Marie, ma chere Mere & Maistresse, le refuge
des pauures pecheurs & des affligez. Marie ie vous supplie
très-affectueusement agréer les larmes que ie répands, en
presence de vostre cher Fils : Ioignez vostre laict auec l’effusion
de son Sang, afin que ie l’applique comme vn souuerain antidotte,
pour guerir le mal qui me presse, & effacer le peché
qui me tyrannise.

 

I’aduouë, mon Seigneur, que c’est auec Iustice que vous
nous menacez de la rigueur de vos Iugemens ; apres auoir attendu
si long-temps la conuersion de nos crimes : vos vengeances
sont des coups de Tonnerre, que vous lancez sur nos
testes criminelles. Mais aussi il est vray, à ma confusion, que
mes pechez sont la seule cause de ces chastimens, car s’estans
éleuez contre le Ciel, comme des noires & grossieres vapeurs,
ils ont attiré l’orage & la tempeste, qui nous predit le naufrage,
si vous ne destournez, ô Dieu de Paix & de Benedictions !
ce funeste mal-heur qui nous attaque. Toutes les Creatures
deuroient se vanger de nos impietez, puisque nous en auons
abusé par vne ingratitude insupportable : le Ciel est irrité contre
nous, & ne fait plus découler ses graces & ses faueurs ordinaires,
puisque nous auons tant de fois méprisé ses lumieres,
qui nous esclairoient. Les Elements conspirent ensemble, à
nostre perte, pour auoir prodigué leur meilleur substance, au
luxe & à la vanité : la terre nous refuse les aliments necessaires,
apres auoir perdu la grace de mon Dieu, qui entretenoit la
vie spirituelle de mon ame. Mais ce n’est pas tout, ce ne sont
que de legeres predictions de tant de sinistres euenements ;
l’Enfer est mon dernier supplice, qui prepare ses feux & ses
flammes pour me deuorer tout viuant : Que deuiendray-ie,
mon Dieu, & contre moy mon Souuerain Iuge, si vous prononcez

-- 5 --

l’Arrest de mort & de condamnation : Helas ! ie suis
conuaincu par l’horreur de mon crime, dont les idées me
pressent si viuement, que ie deuiens insupportable à moy-mesme :
Mais i’ay mon refuge au Tribunal de vostre misericorde :
Et si i’ay consommé toutes vos graces, ie n’ay point
prodigué toutes vos misericordes, ny espuisé toutes les gouttes
de vostre Sang, il y en reste encore quelqu’vne dans vos
veines ; si petite qu’elle soit elle suffit pour me donner la vie,
que le peché m’a rauy ; & en l’apliquant sur moy, elle seruira
d’vn seau & de Sacré cachet, pour signer les articles de Paix &
de reconciliation, que ie veux d’oresnauant conseruer inuiolable,
par la fidelité de mon cœur, & les humbles respects que
ie presente à vostre Majesté, en qualité de criminel : Vous
n’estes plus le Dieu de colere & des vengeances, comme dans
l’ancienne loy, vostre puissance n’esclatte point à trauers les
foudres, & les esclairs au milieu des feux ; mais vostre misericorde
se découure en pardonnant les crimes, & faisant du
bien à ceux qui n’ont merité que des supplices. La France est
vn Theatre de sacrilege & d’impieté, qui a prouoqué vôtre
vengeance : Ie l’aduouë mon Dieu, mais vous auez pardonné
à Sodome & Gomorre, qui ne pouuoient esteindre
les brasiers ardents de l’impudicité, & de toute sorte d’abomination
qui la consommoit. Nous ne pouuons pas presenter
des personnes Iustes en sacrifice, pour appaiser vostre Iustice,
parce que nous sommes tous pecheurs ; mais nous offrons nos
corps & nos vies, comme autant de sacrifices, pour seruir
de victimes qui soient immolées à vostre vengeance. Mais
vous n’exigez de vostre Creature, que la repentance & la
Contrition de cœur : la douleur est la seule peine qui nous
blesse, & le souuenir de tant d’obligations & des bien-faits,
dont nous nous sommes rendus indignes : Ie vois bien que

-- 6 --

ce sont les blasphemes, que nous auons vomy contre le Ciel,
qui nous accusent maintenant, & reprennent nostre insolence :
les sacrileges commis au milieu de nos Temples, condamnent
le peu de religion & de respect, dans les mysteres les
plus augustes du Christianisme : les plaisirs des hommes font
vn reproche continuel à nos sens, qui se sont portez auec trop
de delicatesse à la iouyssance des objets illicites. En vn mot,
l’orgueil, l’enuie, la colere, la vengeance, la mesdisance,
les parricides, les fratricides, sont les causes de vostre mort,
& qui crient vengeance pour tous ces desordres & déreglemens :
Mais ie viens maintenant, mon Souuerain Monarque,
prendre la loy de vostre Iustice, esperant de receuoir
quelque marque de vos anciennes misericordes. Vous auez
protesté mon Dieu, par l’oracle de vostre Sacrée bouche, que
vous ne desirez point la mort de l’impie, mais la conuersion
de son cœur : Et moy ie proteste en presence du Ciel & de la
Terre, sur vos Sacrez Autels, que nous abhorrons toutes les
impietez, dont nous auons soüillé nos ames & nos corps, pour
estre le Temple ou nous celebrerons vn sacrifice de loüange,
en publiant les grandeurs de vostre Diuinité, & des misericordes
pour les pecheurs : Vous auez autrefois engagé vostre parole
à vostre seruiteur Helie, qu’il ne pleuueroit pas sur la
Terre vne goutte d’eau pendant trois ans qu’à sa priere.
Helas ! mon Dieu, nous sommes plus riches qu’Helie, & que
ne deuons nous esperer en vous possedant au S. Sacrement
de l’Autel, qui est vn Pain de vie pour fortifier nos ames,
qui gemissent sous le fardeau de nos iniquitez ; les merites de
vostre Sang, que ie contemple renfermez dans ce sacré Tresor,
sont des gages precieux, qui tiennent mon salut en depost :
vous auez merité par vne oblation volontaire de vostre
Sacrée Personne, à la mort de la Croix ; mais le fruict de ce

-- 7 --

sacrifice est destiné pour les pecheurs : ce Sang respandu est
vn Baûme precieux dont la vertu doit couler dans mon ame,
en le receuant sainctement. Ie m’y dispose, mon Seigneur, si
vous jettez les yeux sur ma foiblesse, ie me surmonteray moy-mesme,
secouruë de vostre grace, que ie ne puis esperer que
d’vne Bonté Paternelle. Sauuez-nous, abysme de misericorde,
source de bonté & de grace : Ie vous adore profondement
dans le tres-Saint Sacrement de l’Autel, aneantie dans la connoissance
que vous auez de ma misere ; ne me reseruez point
à ce jour de la vengeance, qui doit estre le moment decisif de
mon Eternité ; Mais dés à present percez mon cœur, de la
crainte de vos Iugements, & que i’apprehende viuement ce
que ie ne sçaurois vn iour éuiter ; Ie me veux conuertir, mon
aimable Sauueur, s’en est fait, à ce moment ie me reconnois :
mais si vous ne me prestez la main fauorable, pour sortir de
ce precipice, où le peché m’a engagé ; ie ne me releueray iamais :
tendez-moy les bras mon Sauueur, vous les tenez ouuerts
sur la Croix, c’est pour m’embrasser, apres m’estre éloigné
par mes injustices, du chemin de la verité. C’est vous que
ie reconnois Autheur de ma justification, & dont j’adoreray à
iamais la profondeur des Iugements, & la source d’vne Bonté
infinie. Vous m’auez racheté au prix de vostre Sang, pourriez-vous
voir auec asseurance la destruction de vostre ouurage,
le pouuant reparer auec vne goutte de sang : Ie suis vostre
heritage de la Croix, acquis par tant de sueurs & de trauaux.
Conseruez, mon Dieu, cette Creature, qui ne desire que de
vous posseder, prosternée humblement à deux genoux, les
larmes aux yeux, le sanglot dans la bouche, & la Contrition
dans le cœur ; elle vous demande pardon, presente satisfaction
pour ses offenses, ne luy refusez pas l’entrée à vos

-- 8 --

Bontez, qui est le seul refuge qui l’anime au milieu de ses
amertumes ; puis qu’elle rencontrera la douceur dans ce
cœur amoureux de Iesus, qui ne respire que Paix, Grace &
Misericorde pour le pecheur.

 

Tout est promis à l’amour, mais tout est deu à la perseuerance.

Section précédent(e)


Anonyme [1649], TRAITÉ DE PAIX DE L’AME AVEC SON DIEV, DE DIÉ A MONSEIGNEVR DE BEAVFORT, DVC ET PAIR DE FRANCE. Propre à ce Saint temps. , françaisRéférence RIM : M0_3797. Cote locale : C_10_36.