B. B. G. [1649], SALADE EN RESPONCE A LA SAVLCE AV POVLET Par B. B. G. , françaisRéférence RIM : M0_3573. Cote locale : C_8_35.
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SALADE
EN RESPONCE
A LA
SAVLCE AV
POVLET
Par B. B. G.

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Poëte trop insolent, poëte sans nul merite,
Au seul ressouuenir de tes Vers ie m’irrite,
Qui me font à present de bon gré consentir
A te montrer qu’à tort me veux faire sentir
Tes efforts impudens : mais en vain, car la ioye
Que ie sens dans mon cœur, fait qu’auiourd’huy ie voye
Ton poulet, tes desirs, ta flame, ton ardeur
Que tu cache pourtant, pour te feindre veinqueur,
Mais on voit clairement, que ie peux d’vne fleche
Te consommer, ayant d’vn seul regard fait breche.

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Ie puis en vn moment abbatre vn cœur hautin,
Me seruant de l’amour pour luy brusler le sein.
Mes yeux te commandant, te contraignent d’escrite,
A celle, dont l’esclat t’oblige de luy dire.
Ah ! mon cœur, mon soleil, ma lumiere, mon iour,
Pour vous ie suis bruslé des flammes de l’amour ;
Ie pleure, ie gemis, ie chante, ie souspire,
Au lieu de m’animer, ne veuilliez pas vous rire :
Ie suis à tout iamais vostre humble seruiteur,
Si vous le permettez, i’en auray grand honneur,
Cognoissez (s’il vous plaist) l’ardeur qui me transporte.
Ie te responds aussi (maladroit) de la sorte
Apprends apprends, follet, qu’on dit vulgairement,
Que c’est le seul deuoir d’vn veritable amant.
D’estimer, de cherir, d’honorer sa maistresse,
Et pour elle employer tout ce qu’on a d’adresse,
Tout ce qu’elle te dit prens-le comme des loix,
A me auec passion ce dont elle fait choix ;
Il la faut est mer & tres-belle & puissante,
Mais, pour toy qui n’as pas vne humeur si prudente,
Et qui veux mespriser celle dont les attraits
T’auoient desia charmé, ressens donc les regrets
Que te cause auiourd’huy ta harangue insolente,
Va chercher à present ailleurs vne autre amante,
Car ie ne voudrois pas auoir pour mon espoux
Vn villain, vn badin, qui me met en courroux,
I’aimerois mieux mourir que le bel Hyme[1 lettre ill.]ée,
Vnit en mesme temps comme la destinée
Et nos biens, & nos cœurs, nos ames & nos corps :
Car s’il le permettoit, i’en aurois du remords.
Tu serois trop heureux de deuenir vn Prince,
Vn Ministre d’Estat, gouuerneur de Prouince,
Car de ce i’ay pouuoir ; si ie voulois aussi

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Accepter tes presents, i’en serois en soucy :
Impudent te dis tu d’vne race Roy le ?
Iamais tu n’eus le cœur, i’y l’ame martiale,
Tu as beau, feintamant, te plaindre & souspirer
Car ie ne te sçaurois nullement desirer,
Estant en verité le plus vil de ce monde,
Qui n’as nulle vigueur, ny vertu pour seconde,
Ie des daigne te, feux, ie mesprise ton cœur,
Confesse si tu veux, ou blasme ma blancheur.
Mais, de m’assuiettir à ta trop molle flamme,
Ie ternirois mon nom estant digne de blasme,
Au lieu d’auoir l’esprit, haut, releué & grand
Tu l’as bien bas sousmis, & Ie [illisible]rend
Indigne seulement de m’offrir vn hommage,
Que ie ne voudrois pas receuoir en partage ;
Ne t’imagine pas estre si accomply,
Si gentil si parfait, tellement annobly
Que d’oser esperer dans mon cœur vne place,
Tu n’as ny la raison, ny l’esprit, ny la grace,
Il faudroit estre aussi venu du firmament,
Pour pouuoir cet honneur meriter dignement,
Tu tasche par tes vers de feindre qui te blesse,
Deternir cet esclat qui tellement te presse ;
Tu ne pourras iamais conformer tes humeurs,
Pour dire qu’ils seront dignes de mes faueurs ;
Mes faits si glorieux ne sont que trop celebres,
Mes vaincus en tout lieu me tirent des tenebres,
Ceux qui iettent les yeux sur moy, croyent mon nom
Digne de posseder par tout vn grand renom.
Tu dis que mon esclat nullement pe[1 lettre ill.]guillonne,
Tun[1 lettre ill.]ẽs, car l’on voit bien qu’il n’est point de personne
Qui n’aille benissant hautoment mon destin :
Chacun se croit heureux de n’estre pas mutin

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Afin de m’obliger d’vne ordonnance auguste
A rassasier leurs veux ; mais ie suis bien plus iuste,
Ie pese leur espris leurs parens, leurs amis,
Leurs malheurs, leurs trauaux, & tous leurs ennemis,
Ouy, ie prends garde à tout, or iusqu’à leurs paroles
Ie vois si quelque fois ils en font de friuoles,
S’ils font bien, aussi tost I’on me voit consentir :
S’ils font mal, tout d’vn coup ie les peux dementir.
Moy seule ay le pouuoit de retenir en bride
Ceux que l’aueugle amour à mon seruice guide,
Mais petit (poetreau) iamais tous tes discours,
N’auront deton amour nul ay de, ny secours ;
Plustost à tant de fols on bastiroit vn temple,
Que d’vn si lasche fait ie laissasse vn exemple,
Moy qui par mes beaux yeux reçois de tous mortels,
Des honneurs, des presens, des vœux, & des autels,
Qui prisent grandement, & qui tiennent à gloire
De porter à l’enuy respect à ma memoire ;
Ne t’imagine pas qu’en fin ta passion
Puisse faire vn effort sur ma discretion ;
Car ie cognois trop bien que ton cœur n’est que feinte,
Et ta mine n’a pas la façon d’estre sainte,
Puisque, impudent, tu mets tout ton cher element
De faire voir à tous que tu es mon amant.
Mais apprends à ce iour qu’vne beauté diuine,
N’est pas pour seulement enflammer ta poictrine,
Il te faudroit encor bien d’autres qualités,
Pour oser aspirer à de telles beautés,
Il n’est point d’esprit meur, qui voyant tes pensées
Ne les iuge aussi ost, folles & insensées,
Me rechercher ! m’aimer ! moy (de qui la beauté
Peut certes tout charmer) quoy ta temerité
Croit dedans ce iourd’huy se rendre la maistresse

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De mon cœur ? mais helas ! ta trop grande foiblesse
Ne te doit pas pousser d’entreprendre si haut,
Si tu ne veux aussi passer pour vn lourdault :
Tu feins de te mocquer, tu fais semblant de rire,
Tu fais là le gausseur en disant qu’on m’admire,
Tu voudrois deguiser, cette grande ferueur
Qui te brusle, & te rend presque tousiours resueur,
Tu voudrois faire voir que ton cœur & ton ame
Sont desnuez d’amour ; mais, helas ! cette flame
Qui te va consommant, qui desseiche ton corps,
Monstre que le dedans dément bien le dehors,
Il ressent ce que peut de l’amour la puissance,
Et fait voir qu’en dehors tu n’es rien qu’apparence,
Chacun cognoit tres-bien la grande affection
Que tu as pour mon nom, & que ta passion
Te gesne, & fait souffrir vn mal insuportable,
Et quoy que tu voudrois, qu’on te creut vray semblable
A tout ce que tu dis, si est ce que pourtant
On recognoit par trop ce qui te va charmant,
Tu desirerois bien que d’vne humeur follastre,
Ie puisse contenter ton desir trop bigeastre,
Tu te croirois en fin au comble de l’honneur
Et croirois posseder tout le plus grand bonheur
Q’on sçauoit desirer, mais ma grande iustice
Te laissera tousiours dans ce cruel supplice ;
Car tu ne cognois pas, qu’vn orgueilleux esprit
Aupres d’vne dondon n’aura point de credit,
Chez elle ses discours passeront pour friuoles,
Elle rebutera iusqu’aux moindres paroles,
Si tu desire donc de me bien contenter
Apprends que dans l’amour il faut tout suporter,

 

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STANCES.
I’Ay receu ton poulet, mais ie te le reiette,
Car ta plume indiscrette
Se mesle de blasmer, celle de qui les liens
T’ostent tous les moyens
De te mettre en repos ; car l’on voit que ton ame
Se consomme à ma flame,
Et que tu ne pourras viure plus longuement,
Si ton aueuglement
Te fait continuer dans ces impertinences ;
Car toutes tes souffrances
Ne finiront enfin que quand il me plaira ;
Et que mon cœur ardant cela t’accordera.

 

FIN.

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