Boyer, Paul (sieur du Petit Puy) [1649], REMARQVES DES SIGNALEZ BIENS-FAITS RENDVS A L’ESTAT PAR SA TRES-AVGVSTE Maiesté Anne d’Austriche, Reyne de France & de Nauarre, depuis le commencement de sa Regence iusques à present. OV LES IVDICIEVX ET LES raisonnables, trouueront vne conduitte si glorieuse, que les siecles passez n’ont iamais veu rien de si genereux, ny rien de si extraordinaire, en faueur d’vne Monarchie si florissante que la nostre. DEDIÉES A SA MAIESTÉ, Par Paul Boyer, Escuyer sieur de Petit Puy. , françaisRéférence RIM : M0_3266. Cote locale : C_9_34.
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REMARQVES
DES
SIGNALEZ BIENS-FAITS
RENDVS
A L’ESTAT PAR SA TRES-AVGVSTE
Maiesté Anne d’Austriche, Reyne de France
& de Nauarre, depuis le commencement
de sa Regence iusques à present.

OV LES IVDICIEVX ET LES
raisonnables, trouueront vne conduitte si glorieuse, que
les siecles passez n’ont iamais veu rien de si genereux,
ny rien de si extraordinaire, en faueur
d’vne Monarchie si florissante que
la nostre.

DEDIÉES A SA MAIESTÉ,

Par Paul Boyer, Escuyer sieur de Petit Puy.

A PARIS,
Chez FRANÇOIS NOEL, ruë S. Iacques, aux Colonnes
d’Hercule.

M. DC. XLIX.

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A LA REYNE.

MADAME,

Si l’esprit des hommes se laisse plus facilement aller
aux exemples, qu’aux raisons les plus iudicieuses
& les plus pressantes : & que l’entendement humai
doiue beaucoup plus de respect aux actions des souuerains
qu’à l’eloquence des Orateurs & qu’aux syllogismes
des Philosophes ; i’ose esperer que vostre Maiesté
me faira l’honneur d’agréer que ie produise aux yeus
de tout l’vniuers l’image de vos bien-faits : & que
i’apprenne aux mortels l’art de considerer en vostre personne
des qualitez qui n’en eurent iamais de pareilles.
Nous ne deuons pas moins de reuerence à ce que Vostre
Maiesté a fait pour nostre salut, qu’aux incomparables
grandeurs dont le Ciel acomblé vostre naissance.
La gloire que vous auez d’auoir mis cet Estat dans
des felicitez si éminentes, veut que ie parle hautement
de vostre Generosité à vos peuples humiliez, & que

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ie fasse voir à tout l’estre creé les funestes perils que vostre
heroïque preuoyance a surmontez pour nous mettre
à couuert de la tyrannie estrangere. Les soins que
Vostre Maiesté a pris pour nous, & les moyens qu’elle
a pratiquez pour nous remettre dans la paix & dans
l’abondance, vont ternir la gloire des plus grands hommes
des siecles passez, & porter vostre renommée au
delà de la durée des choses. Aussi nous ne deuons plus
vous regarder que comme vne Princesse en qui la diuine
bonté se rend dignement visible à nos sens, ou que
comme vne Reyne doüée d’vne grace que Dieu semble
auoir desniée à la pluspart des testes couronnées : Ouy,
MADAME, nous deuons croire que vous estés l’vnique
en vostre espece, & que toutes les nations de la
terre n’ont iamais veu rien de viuant parmy nous, ny
de plus Maiestueux ny de plus Auguste. Et certes
l’administration de ceste Monarchie ne pouuoit pas
tomber entre les mains d’vn esprit plus esclairé en la
conduitte de ses affaires de quelque importance qu’elles
puissent estre. La verité est vne vertu qui ne vous doit
pas estre suspecte dans la passions, qu’elle a de vous seruir
& de vous plaire. Et de quelque modestie que
Vostre Maiesté se trouue continuellement suiuie, elle
ne laissera pas de vous obliger à luy faire part de la
plus excellente de vos passions, en faueur des hommages
qu’elle vous doit rendre. La voix de Dieu qui
veut que nous honnorions les puissances superieures, la
force à vous offrir ceste veneration, & à vous consacrer

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l’image d’vn obiet que la nature a pris plaisir de
tracer pour sa gloire. Vostre prudence & vostre Magnanimité
sont des habitudes qui ne se trouuent que par
miracle dans l’esprit des Souuerains les plus parfaits,
& dans l’estenduë des diuinitez mortelles. Et ceux
qui veulent auec vne illustre generosité prendre part
aux extraordinaires qualitez dont Dieu vous a si dignement
reuestuë, se doiuent seruir de vos exemples
comme d’vn flambeau allumé par la Grace, fille aisnée
de la lumiere increée, afin d’y auoir des pretentions
aussi raisonnables que legitimes. Il semble, MADAME,
à vous voir faire que la Prouidence Diuine
veüille que nous reglions les affections de nostre
cœur, sur les passions de vostre ame, & qu’elle vous
ait reserué la gloire de donner quelques perfections à
ses ouurages. Mais si vous sçauez conduire les passions
de vos subiets par des voyes si cheries de Dieu
& des hommes, vous sçauez encore mieux dompter
l’orgüeil de nos ennemis, & porter la terreur dans les
Prouinces estrangeres. Tant de places prises par vos
ordres, & tant de batailles gagnées par vostre commandemement,
sont des effets d’vne conduite si sage
& si merueilleuse, que comme vne autre Artemise,
vous auez obligé tous les Potentats de l’Europe ou à
se mettre sous vostre protection, ou à rechercher vostre
alliance : Et ie m’asseure, MADAME, si
Vostre Maiesté daigne prendre la peine de tourner
les yeux sur ce petit ouurage, qu’elle y trouuera non

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seulement le nombre de ses fameux exploits & de ses
illustres conquestes : mais encore vn tableau racourcy
de tout ce qu’vne experience consommée au maniment
des affaires publiques, sçauroit iamais exercer de plus
triomphant & de plus magnifique pour sa gloire.
C’est sur les traits d’vne si belle image que la vostre,
que les Roys de la terre & les Sages du monde, doiuent
former le plus beau de leur vie. Que si ie me
trouue dans l’impuissance de l’offrir à Vostre Maiesté
auec des termes aussi pompeux & aussi superbes,
qu’il faudroit pour vn subiet si noble & si sublime, du
moins i’auray l’honneur d’estre vn des premiers de
tous ceux qui traitteront iamais vne si riche matiere,
afin de tesmoigner à la plus grande Reyne de l’Vniuers,
auec quelle profonde & aueugle soumission [1 mot ill.]
reuere celuy qui est, & veut estre toute sa vie,

 

MADAME,

De vostre Maiesté,

Le tres-humble, tres-obeïssant, & tres-fidelle
subjet & seruiteur.
BOYER.

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REMARQVES DES
signalez biens-faits rendus à l’Estat, par
sa tres-Auguste Maiesté Anne d’Autriche,
Reyne de France & de Nauarre, depuis
le commencement de sa Regence iusques à
present.

Nous deuons cherir & honorer les Roys, les loüer
& prier pour eux, leur obeyr, & leur estre subiets,
& nous garder de leur indignation, comme d’vn
grand crime, parce que ce sont des Ministres, &
des puissances superieures, ordonnées de Dieu pour
rendre la Iustice aux Peuples.

Exod. 22. 28. Prob. 16. 14. 1. Pierre 2. 13. Act. 23. 5.
Rom. 13. 3. & 14. 1. Tim. 2. 1. Tit. 3. 1.

LA France quelque temperée, & quelque
noble qu’elle puisse estre, ne laisse
pas de produire des monstres & des
prodiges, aussi bien que les parties les plus reculées
de toute l’Afrique. Et si la prudence & la
magnanimité de nos Souuerains, n’auoit quelque
vertu plus genereuse & plus intellectuelle,
que celle des Cesars & des Alexandres, nous
aurions desia esté la proye de nos ennemis, & le

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tragique spectacle de ceux a qui c’est estat dõne
encore des terreurs paniques. Les exemples
n’en sont que trop sensibles à nos entendemens,
& trop recents à nostre memoire, pour
n’estre pas bien instruits de ces veritez, & pour
ne pas immoler toutes nos passions, aux graces
que sa Maiesté tres-Chrestienne, à fait descendre
du Ciel pour nostre salut, depuis que son
humilité la suscitée à se consacrer au bien public
de cette Monarchie.

 

Cette vertueuse Princesse à mieux aimé ceder
quelque chose de ce que nostre sousmissiõ
deuoit à sa grandeur, par l’entremise d’vn si
Auguste Parlement que le nostre, qu’à ses propres
interests, ny qu’à la Iustice de sa cause. Mais
pour ne me pas trop éloigner de ce que i’ay
promis à l’entrée de ce petit ouurage ; & pour
ne pas toucher aussi à des matieres s’y delicates,
à cause de la veneration que nous deuons
à son extraordinaire bonté, & mesme à
de si nobles deffenseurs de l’Estat & de la patrie ;
nous tascherons de reuenir à nostre premiere
proposition, & de considerer amoureusement
les plus signalez biens-faits que cette
puissante protectrice à communiquez à l’Estat
& au peuple, depuis le commencement de sa
Regence, iusques à present, afin de porter ses
subiets à mieux conceuoir les honneurs qu’ils

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luy doiuent rendre, en reconnoissance des insignes
bontez qu’elle à eu pour nous, & des
prodigieuses faueurs qu’il luy a pleu de faire, à
vn Empire si chery de Dieu que le nostre. Les
subiets sur qui tombent ordinairement tous les
mal-heurs du siecle, ainsi que les mauuaises
humeurs du corps, sur toutes les parties les
plus affligées, gemissent encore au seul souuenir
de toutes les calamitez passées, & ausquelles
sa Maiesté Regente prenoit la part que la
raison & sa bonté luy pouuoient donner, sur
tout ce qui regarde vniuersellement le bien
de toute la France. Non il est comme impossible
de croire auec qu’elle ardeur, & auec
quelle passion elle à non seulement depuis sa
Regence, mais encore depuis son arriuée en
cette Monarchie, recherché les moyens de la
soulager tout autant que la necessité des affaires
le pouuoit permettre. Il n’est rien que cette
digne Princesse n’ait tenté pour la rendre
heureuse. Ainsi dans la prattique des choses
s’estant renduë tres-experte en l’art de penetrer
dans les mysteres qu’elle sçait estre les plus
vtiles au bien de ce Royaume ; elle a iugé, que
la guerre estoit l’vnique suiet de tous les malheurs
qui l’accabloient, & que la seule paix
la pouuoit remettre dans sa premiere splendeur,
& la rendre plus redoutable à toutes

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les nations de la terre. C’est pourquoy nostre
illustre Princesse à resolu de retrancher toutes
les occasions qui pourroient exciter l’vn ; &
troubler l’autre, & qui pourroient pareillement
auoir l’adresse de trauerser les sainctes
intentions que sa Maiesté peut auoir, pour
vne entreprise si honorable & si glorieuse, à
quoy elle à si heureusement trauaillé, que
nous n’auons plus besoin que d’vn peu de patience,
& d’vne genereuse disposition à reçeuoir
des graces si passionnement desirées, &
si longuement attenduës que les siennes. Desia
sa Maiesté touchant du bout du doigt à la fin
qu’elle s’est tousiours proposée, ne se prepare
plus qu’à nous faire gouter des felicitez, qui
n’en eurent iamais de pareilles. Rien que nous
mesmes ne se sçauroit opposer à nostre propre
bien, & rien que nous mesmes ne se sçauroit
rendre complice de nostre mauuaise destinée.
Qu’elles faueurs n’auons nous pas continuellement
receuës du Sauueur de nos ames, depuis
que la pieté de cette Princesse enuers
Dieu, à seruy d’exemple à tout l’vniuers, &
que son amour, & sa charité ont obligé ce diuin
Seigneur à prester l’oreille à nos plaintes ? Cette
genereuse presence d’esprit, qui la fait admirer
dans la conduitte des plus importantes
necessitez de cet Empire, doit faire nostre repos,

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& rendre la paix que sa Maiesté vient de
nous donner, d’vne nature inuiolable.

 

Aprez la mort si regrettée de Louys le Iuste,
ne fit elle pas assembler toutes les Chambres
du Parlemẽt, où elle fût pour les porter vnanimement
tous à l’assister dors en auant de leurs
Conseils, pour le bien de cette Couronne ?
Et depuis n’a telle pas fait tout ce qui luy à
esté possible, pour leur tesmoigner que sa
Maiesté n’auoit point d’interest qui luy fût
plus considerable que celuy du Prince & du
peuple. Ce qui obligea Monsieur le Chancelier,
de dire en cette celebre Assemblée qui
fut faite pour la Declaration de sa Regence,
que l’authorité de cette illustre Princesse ne
sçauroit estre trop grande ; puis qu’elle se trouuoit
entre les mains de la vertu mesme. Et cette
genereuse Princesse pour tesmoigner qu’elle
auoit en plus grande veneration, la qualité
de Reyne de Paix, que le titre de Reyne de
France, ne fût pas plustost receuë dans cette
dignité de Regente, qu’elle fit vne nouuelle
Declaration, par laquelle sa Maiesté confirmoit
les Edicts de pacification, voulant qu’ils
fussent exactement obseruez, pour le maintient
de la paix, & pour la continuation de la
tranquilité publique. Aussi à t’elle regné depuis
par sa vertu, aussi puissamment dans le

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cœur de ses bons subiets, que dans le pays de
l’ennemy par sa puissance.

 

Si la France n’a rien espargné pour elle,
nous pouuons dire pareillement aussi sans flaterie,
qu’elle n’a iamais espargné, ny ses soins,
ny ses sueurs, ny ses veilles, ny mesme le plus
beau d’vne vie si precieuse que la sienne,
pour la rendre comme elle est vne des plus
florissantes Monarchies du monde. En suitte
de tous les honneurs que sa Maiesté venoit de
rendre aux funerailles de Louys le Iuste, elle
fût au Louure pour faire dignement executer
les ordres qui auoient esté donnez pour les
guerres d’Allemagne, & des Pays-bas, afin de
preuenir les desseins de nos ennemis, qui se
promettoient que la mort du Roy causeroit de
grands changemens à l’Estat, & que par consequent
ils pourroient plus librement entreprendre
sur nos frontiers. Et pendant six semaines
que cette merueilleuse Princesse ne
sortit point du Louure, (ainsi que les Reynes
de France ont accoustumé de faire en des rencontres
d’vne nature si funeste) elle ne laissa
pas d’agir continuellement pour nostre salut
auec vn zele incroyable. Monsieur le Duc
d’Orleans, & Monsieur le Prince, assistez de
plusieurs Conseillers d’Estat, ont tousiours esté
tesmoins oculaires des estrãges inquietudes

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qu’elle s’est continuellement données, pour
le bien de nostre repos, & pour la gloire de
la patrie. Et pour seconder les desseins de nostre
genereuse Regente, Dieu par vne prouidence
toute particuliere, inspira tous nos Princes,
& tous les plus grands du Royaume, à demeurer
dans vne parfaite vnion, afin de tenir
les estrangers dans vne prodigieuse terreur, &
les subiets dans vne merueilleuse obeyssance.
Cela fait bien voir que la Reyne n’a iamais eu
aucun desir de faire la guerre, que pour nous
donner la paix, suiuant en cela l’intention que
le feu Roy auoit, auant que sa Souueraine bonté
luy eut fait part, de la mesme beatitude dont
il glorifie ses Anges.

 

Enfin iusques à present il ne s’est rien passé,
ny d’illustre, ny de genereux pour la gloire de
cette Monarchie, que sa conduitte & ses soins
n’en ayent esté les premiers Motifs, & la cause
la plus pressante & la plus efficace. L’adresse
que sa Maiesté à fait paroistre aux choix
de ses Ministres, n’est-ce pas vne marque euidente
des soins qu’elle à tousiours eux pour
l’aduancement des affaires de cette Monarchie ?
N’a t’elle pas trouué l’art d’obliger à la
perseuerence, tous ceux qui dans les occasions
les plus sanglantes & les plus funestes, exposent
continuellement leurs biens & leurs vies,

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à la fureur de nos ennemis, & à la tyrannie estrangere ?
Ne s’est elle pas seruie dans les necessitez
les plus pressentes de l’aduis de ceux
qu’elle à iugez auoir vn zelle plus ardãt, & pour
la gloire du Souuerain, & pour le repos de la
patrie ? N’a t’elle pas employé toutes les forces
de son esprit, à preuenir tout ce qui pourroit
troubler la moindre des felicitez publiques ?
Et mesme ne fait elle pas tout son possible à
nous donner vne paix aussi durable que les siecles ?
Ce fût ce qui l’obligea d’enuoyer ses Plenipotentiaires
a Munster, auec ordre de la
conclurre, si les ennemis de cette couronne,
se fussent mis en estat de l’accepter, auec des
conditions tres-equitables. C’est ce qui faisoit
que sa Maiesté toute preuoyante, entretenoit
en l’année mil six cens quarente-trois,
auec des dépenses prodigieuses, quelque trente
mil-hommes en Catalogne, afin de sousmettre
plus facilement l’esprit du Roy Catholique
son frere, à donner vne paix generale
a tout le Christianisme.

 

Et bien que ses affaires fussent en estat de
luy donner assez d’exercice, cette genereuse
Princesse ne laissa pas encore de trauailler aux
moyens d’appaiser la guerre, qui s’allumoit
entre le Pape Vrbain VIII. & tous les Princes
d’Italie, où elle reussit heureusement & pour

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les vns, & pour les autres. Ouy certes sa pieté
s’estoit acquise vn Empire si absolu sur toutes
ses maximes, qu’il luy estoit impossible de
veiller moins pour le salut des autres nations,
que pour la nostre. Et vous eussiez dit veritablement
à la voir faire, que Dieu prenoit plaisir
a l’exercer en la pratique de toutes les vertus
les plus excellentes : Car aprez auoir donné
tous ses soins à bannir la guerre des quatre
coins de l’Europe, elle fut aprez contrainte
par vn esprit de charité, de chasser la famine
dont nostre France se trouuoit accablée. Ainsi
desirant de pouruoir aux necessitez plus
vrgentes où nous estions en six cens quarante-quatre
à cause de la sterilité, de l’année
precedente, sa Maiesté donna plus d’vn milion
d’or, pour faire venir de Danzic, quatre
cens vaisseaux chargez de grain, qui furent
distribuez par toutes les Prouinces de
France. Voila des bontez sans pareilles, &
des graces sans exemple. En suitte de ces extraordinaires
biens-faits, sa Maiesté enuoya
Monsieur d’Auaux, & Monsieur de Seruient
Plenipotentiaires de France a Munster, pour
traicter de la paix generale, où l’Ambassadeur
de Venise, & le Nonce du Pape estoient en
qualité de mediateurs : Mais le desordre du
Roy de Danemark contre les Suedois, fût

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cause qu’on ne voulut pas accepter les pro
positions qu’elle y faisoit faire. Outre tout cela
que n’a t’elle pas fait pour augmenter le bien
de l’Estat & soulager son peuple, depuis que
Dieu luy a donné l’entiere administration des
affaires de cette Monarchie ? Ne fut-ce pas par
ses saincts Conseils que son Altesse Royale en
l’année mil six cens quarante quatre, força
les ennemys en Flandres à reconnoistre ce
que peuuent les armes du Roy, entre les mains
d’vn Prince si magnanime ? Le suiet d’entreprendre
cette guerre, n’estoit que trop legitime :
mais le moyen d’en venir à bout, n’estoit
reserué qu’à celuy qui se chargeoit d’vn affaire
de si haute importance. Ce genereux Prince
assisté du Mareschal de la Meilleray son Lieutenant
General, & du Mareschal de Ranzeau
son sous Lieutenant, aprez auoir separé son
armée en trois corps, entra dans le pays, pour
y faire des progrez que tout autre que luy
n’eust ozé tenter, qu’auec vne presomption
extraordinaire. Ainsi ayant pris les forts de Bayette,
de la Capelle, & de Sainct Folquin, &
mis le Siege deuant Graueline, ce nouuel Alcide
les pressa si fort, qu’il obligea le Gouuerneur
à capituler & à se rendre. En l’année 1645.
poursuiuant ses premiers conquestes, il attaqua
Mont-cassel, où les Espagnols furent

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battus en vne sortie qu’ils firent contre nous.
Et les nostres entrant pesle mesle auec eux,
tuerent tous ceux qui leur resistoient, & s’emparerent
ainsi de la place. De là ce genereux
triomphant prit sa marche vers Mardic, où
il y auoit vne garnison de deux mil-hommes,
& malgré les frequentes sorties des assiegez,
il ne laissa pas de les contraindre à luy liurer la
place, ainsi qu’il fit au fort de Linx, pour empescher
les courses qu’ils eussent peu faire sur
les nostres. Ceux de Bourbourg où les ennemis
faisoient leur place d’armes, apres s’estre deffendus
auec vne generosité merueilleuse, se
voyant pressez à l’extremité par vn conquerant
qui ne faisoit qu’assieger & que vaincre,
furent contraints de se rendre à sa discretion,
& comme tels ils furent conduits à Grauelines
prisonniers de guerre. Et quoy que nostre
illustre Regente, fut bien éloignée d’vn pays
où ce Prince ne faisoit pas moins de miracles
que des conquestes, en faueur de cette
Monarchie : ie ne laisseray pourtant pas de dire
que nous ne sommes pas moins obligez, à
la parfaicte conduitte de l’vn, qu’à la prodigieuse
generosité de l’autre ; puis que la cause
efficiente ne contribuë pas moins à la perfection
des choses, par le concours de ses inspirations
& de ses assistances, que la cause formelle

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par ses effects & par sa conduitte.

 

Voyons maintenant les insignes progrez
que Monsieur le Prince a faits dans les mesmes
pays, suscité d’vn mesme esprit & comblé
de mesmes graces pour le bien de l’Estat,
aussi bien que pour sa propre gloire. La Reyne
qui n’auoit autre intention que de faire la
guerre pour auoir la paix, voyant que c’est Altesse
auoit toutes les parties d’vn grand Alexandre,
& que sa naissance & sa qualité de
Prince du sang luy donnoient vn grand credit
sur toute sorte de personnes, l’obligea de se
charger du commandement de l’armée, qu’elle
enuoyoit en Picardie, afin de continuer la
guerre dans le pays de ceux qui auoient assemblé
vne puissante armée pour venir fondre sur
nos Prouinces. Il vaut bien mieux ietter dans
le pays ennemy vn deluge de fer & de feu, de
saccagemens & de disettes, de desolations &
de terreurs. Et plusieurs autres fleaux de mesme
nature, que d’attendre mal-heureusement
chez soy des disgraces si outrageuses, & si funestes.
Ce genereux Prince embrassant cet
employ du meilleur de son ame, pour les raisons
que nous venons de dire, accompagné
du Mareschal de l’Hospital, du Mareschal de
Gassion, & de plusieurs autres personnes dont
la valeur luy estoit tres-considerable, s’en alla

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(quoy que plus foible,) teste baissée droit
à l’armée des ennemis, composée de quelque
vingt-six mille-hommes, leur liura bataille,
les deffit, & sans conter six mille combattans
des leurs qui furent faits prisonniers, il en fit
demeurer quelques-sept ou huict mille sur la
place, tant le bras de cette inuincible guerier,
est funeste à ceux qui se veulent opposer à sa
valeur & a sa gloire.

 

Aprez vne si prodigieuse & si importante
victoire, ce fameux conquerant resolu de suiure
les inspirations d’vne generosité si extraordinaire
que la sienne, prist en chemin faisant le
fort de Barlemont, le Chasteau d’Aimery, &
la ville de Vvirton dans le Luxembourg, qui
nous estoient grandement necessaires pour la
facilité de nostre passage. Et comme la passion
de ce Prince n’estoit que de conquerir & de
se rendre redoutable à toutes les nations de la
terre, il fût assieger Thionville place extremement
forte, où aprez plusieurs rudes attaques
& plusieurs rudes sorties, les assiegez furent
contraints de capituler & de se rendre.

Cirq qui pouuoit donner de la ialousie à la
garnison de Thionville, à cause du nombre de
ses soldats ; considerant qu’elle auoit affaire à
vn Prince qui n’entreprenoit iamais rien qui
ne tournast à sa gloire, se rendit toute tremblante

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de peur, à la premiere sommation qui
luy fut faicte. L’année suiuante nostre Prince
touché de la demangeaison de ces grandes
ames qui ne sçauroient viure sans entasser Lauriers
sur Lauriers, trophées sur trophées, tant
elles font cas de leur reputation au plus haut
faiste de la gloire (quoy qu’elle soit plus selon
Torquate-Tasse en la disposition de celuy
qui la donne, qu’en la personne de celuy qui
la reçoit) aprez auoir pris les ordres de sa Maiesté,
fait marcher son armée à dessein d’aller
secourir Fribourg, ville que les Bauarrois tenoient
assiegée : Mais quelque diligence que
c’est Altesse peut faire, on ne laissa pas arriuant
à Tachstin, de luy apporter les nouuelles
de la prise de la place. Ce qui l’obligea de ioindre
toutes ses forces, & d’aller droit au camp
de l’ennemy, qu’il trouua retranché derriere
de bonnes palissades, & fortifié de bons forts
& de bonnes redoutes, sur vne montagne
remplie de bois qu’il auoit coupé afin de la
rendre inaccessible. Ce qui n’empécha pas
pourtant qu’aprez vne sanglante defaicte,
Monsieur le Prince ne se rendit maistre de la
campagne, qu’il ne prit Germeshin, & qu’il
n’enuoyat à mesme temps le Marquis d’Aumont,
à la teste de huict cens hommes sommer
Spire à se rendre comme elle fit, tant elle

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aprehendoit de tomber dans vn plus funeste
accident, si elle auoit la temerité de se faire
battre. Ainsi ce genereux conquerant voyant
que toutes ses entreprises reussissoient à sa gloire,
touché d’vne ambition que tous les mondes
d’Epicure ne sçauroient borner, fist inuestir
Philisbourg par le Mareschal de Turenne,
auec vne diligence nompareille : en sorte que
ses habitans se trouuans battus de douze pieces
de canon, qui tiroient sans cesse contre
cette place, outre que leur fossé se trouuoit
percé par les nostres, & garny d’vn pont de
fascines, ils furent contraints de parlementer
& de se rendre. La terreur des armes de ce
Prince, obligea Vvormes à receuoir ses loix
sans se battre. Oppenhein touché de mesme
aprehension en fit de mesmes : Et ceux
de Mayence, le voyant a leurs portes, & iugeant
bien qu’ils ne pouuoient pas euiter de
perir ou de se rendre, luy mirent la place, la
Citadelle, & le Chasteau Binghen entre les
mains ainsi qu’il fut arrestés dans les articles
accordez parce Prince au chapitre.

 

Voicy d’autres effects si memorables qui
ne sçauroient passer que pour des miracles,
mesmes dans l’esprit de ceux qui croyent estre
les plus doüez d’intelligeance. Les Bauarrois
ayant ramassé leurs troupes, & remit sur pied

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vne armée de seize mille-hommes, pour se
venger de la perte qu’ils venoient de faire,
obligerent nostre Prince qui ne cherchoit
qu’à combatre, de ranger son armée en bataille,
dans la pleine de Nortlinguen, afin
de la faire marcher en bel ordre, au lieu où
les ennemis auoient pris leur poste. Ce qui fut
fait auec tant de chaleur & de conduitte, qu’il y
eut quatre mil-hommes de tuez, deux mille pris
prisonniers, & tout le reste mis en deroute. Et
bien que ce soient des coups d’vne merueilleuse
nature, il semble que ce n’est pas assez pour
vn Prince qui ne demande qu’à voir & qu’à
vaincre. Les habitans de la ville de Nortlinguen
où cette sanglante tragedie s’estoit faite,
se rendirent à luy, & ne chercherent leur salut
qu’en sa Clemence.

 

L’année suiuante il s’empara du Chasteau de
Lanoy, & de la ville de Furne. De la passant
plus outre il fut mettre le siege à Dunquerque,
place qu’on tenoit estre imprenable, si
le Ciel ne l’eut reseruée à la gloire de ce Prince.
La generosité de ceux qui la deffendoient,
n’estoit qu’vne vaine protection contre vne
puissance à tout surmonter & à tout vaincre.
Cette vertu fut contrainte (quoy qu’elle soit
d’vne nature à ne se pas sousmettre) de s’humilier
aux decrets de son sort, & de chercher

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ses seuretez dans sa mauuaise destinée. De sorte
que le capituler & se rendre, luy furent des
moyens beaucoup plus aduantageux, que tout
ce qu’elle auroit sçeu pratiquer pour sa deffense.

 

Ie ne par le pas icy de Courtray, de Bergue,
& de Mardic, où son Altesse Royale, & la sienne
donnerent des loix à leur mode. La premiere
est vne des plus grandes villes de Flandres,
la seconde est vne place inaccessible à cause des
marais où elle est située. Et Mardic est vn fort
ou le canon ne sçauroit rien faire. Iugez ie vous
prie aprez cela, s’il falloit auoir le cœur d’Alexandre,
& l’esprit de Cesar, pour les auoir &
pour les reduire.

Que n’ont pas fait encore le Prince Thomas,
le Mareschal de la Meilleraye, & le Mareschal
du Plessis Praslin en Italie ? Vigeuano, la
Rocca, Piombino, & Portolongone, ne sont
ce pas des places qui tremblent encore au seul
nom de ces conquerans, & dont la France leur
estre deuable ? L’Espagne ne se plaint elle pas
encore du sang que le Comte d’Arcourt, & le
Mareschal du Plessis Praslin, lui ont fait respandre,
& des places qu’ils luy ont prises ? la Flandre
& l’Allemagne, ne fremissent elles pas encore
au seul nom d’Orleans, de Condé, de Turene,
de Guebrian, de Ranzeau, de Gassion,

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de Villequier, & de la Feuillade ? Cinquante-cinq
places prises sur nos ennemis, & sept ou
huict batailles gagnées contre tant de nations
estrangeres, depuis la Regence de nostre incomparable
Princesse, ne sont ce pas des effects
qui ne tendent qu’à forcer toute l’Europe,
à faire vne paix generale ? N’enuoya t’elle
pas en l’année mil six cens quarante quatre, le
sieur de Varenes Conseiller d’Estat, à la porte
du Grand Seigneur, pour luy tesmoigner la
part qu’elle prenoit, au repos de tout l’vniuers,
& particulierement aux choses qui concernent
la Religion Chrestienne ? N’a t’elle pas fait allience
auec le Roy de Pologne, auec les Estats
de Hollande, & continué celle que nous
auions auec les Suedois, pour donner enuie
à toutes les nations de la terre dimiter ses
exemples ? N’ofrit t’elle pas de consentir à vne
suspension d’armes, afin de donner moyen à
tout les Chrestiens, de s’opposer plus librement
aux desseins, & aux inuasions de l’ennemy
commun de Dieu & des hommes, & à laquelle
le Roy d’Espagne ferma l’oreille ? Voyez
aprez tout cela de grace, les obligations que
nous auons à cette incomparable Princesse. Ie
vous ay desia dit que nous n’auions pas moins
d’obligation à la cause premiere, mouuante,
incitatiue, & inspirante, qu’à la cause formelle,

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Agissante, finale, & instrumentaire. A ce
coup ie passe bien plus outre, & ie soustiens
que nous ne luy sommes pas seulement obligez
en qualité de cause efficiente, qui par le
moyen d’vn concours continuel, & d’vne puissance
absoluë, preste la main à la perfection de
l’effet : mais aussi que nous luy sommes doublement
obligez, en qualité de cause raisonnable,
intellectuelle, & preuoyante, d’auoir sçeu si
dignement faire choix des plus illustres conquerans
de la terre, pour faire nostre salut, &
pour etreniser la gloire de la patrie. C’est vne
obligation si extraordinaire, qu’à moins de
se figurer des choses impossibles, tout le monde
ensemble ne sçauroit rien conceuoir de
plus precieux, ny de plus sublime.

 

L’intelligence est la plus noble operation
de l’entendement humain, de toutes les connoissances
spirituelles. C’est par la vertu de cette
digne faculté que sa Maiesté Regente, lit
dans les mysteres les plus cachez, & qu’elle
conduit tous ses proiets dans vne voye tres-excellente
& tres-infaillible. C’est par l’infusion
de ses graces, qu’elle est mise au nombre des
clairs voyans, & que la nature des choses luy
est descouuerte. Et c’est par elle qu’elle peut
tout entreprendre sans faillir, & que ce nombre
infiny de notions dont Dieu la si parfaittement

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doüée, luy font vn fidelle raport de
l’aduenir, & des moyens qu’elle doit suiure.
N’est ce pas vn miracle inoüy de voir que
toutes les affaires de l’europe ne sont que les
diuertissemens d’vne Princesse ? Les plus grands
hommes des siecles passez, auroient eu bien
de la peine à s’en deméler, & bien du mal à les
resoudre. Les dons de preuoir & les dons d’élire,
ne sont pas des presens enuoyez de Dieu à
vne Reyne si necessaire à c’est Empire, sans
que sa Diuine Maiesté ne l’ait premierement
iugée digne d’vne grace si particuliere. Les
passions de son ame ne s’interessent iamais que
pour des suiets de pieté, où que pour des sentimens
de Iustice. Et sa constance ne sçauroit
estre en alarme que des desordres de l’Estat,
ou des persecutions du peuple. Elle ne se reiouït
iamais que des bons succez, & ne s’afflige
iamais que de nos disgraces. Les loüanges
qu’on luy donne, ne font non plus pour son
contentement que pour son merite. Elle n’est
sensible que pour nostre bien, & que pour la
gloire du Prince. L’amour qu’elle porte à l’vn
& à l’autre, l’attache si fort à tous les deux, qu’il
ne leur sçauroit arriuer chose quelconque,
dont elle n’en soit parfaictement touchée. Ce
sont des obiets à qui elle fait vn sacrifice continuel
de tous ses soins, & de toutes ses veilles.

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Elle ne croiroit pas viure que dans des felicitez
imparfaites, si elle leur auoit denié la moindre
chose. Nos prosperitez sont le but de tous ses
desirs, & nostre repos est la fin de toutes ses
inquietudes. Aprez cela se trouueroit il quelque
monstre si dénaturé qui ne voulut pas
mettre des passions si iustes & si glorieuses au
rang des vertus les plus Heroïques ?

 

Ou sont ceux qui ne doiuent pas remercier
Dieu de l’auoir choisie pour l’Ange tutelaire
de cette Monarchie, puis qu’elle à si dignement
employé les graces que le Ciel luy à
si liberalement faictes pour le bien public, &
pour le repos de la patrie ? C’est de luy qu’elle
à sçeu l’art de l’ire dans les intantions de tous
ceux qui l’approchent, & qui luy parlent.
L’esprit dont elle se estat auec tant d’adresse,
pour attirer sur cet estat, toutes les benedictions
de ce Souuerain Seigneur, à ie ne sçay
quoy de si pieux, qu’il n’y à pas vn de ses subiets,
qui ne doiue faire vanité de viure sous
son regne. Elle nous conduit selon ses desirs,
& selon nos besoins, de la mesme façon
que Dieu nous conduit, selon nos necessitez,
& selon ce à quoy il nous a destinez de toute
eternité, par sa preuoyante infinie. Et par vne
science toute diuine, elle s’accomode à la portée
de ceux qu’elle employe aux affaires de ce

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Royaume. Sa prudence proportionne les charges,
aux diuerses inclinations, & les recompenses
aux merites des personnes, auec vne
adresse sans pareille. Elle se sert de la magnanimité
des vns pour entreprendre les choses
les plus difficiles, & les plus glorieuses, & elle
vse de la generosité des autres pour nous vanger
des ennemis de la patrie. En fin elle mesnage
si bien les diuerses passions des vns & des
autres, auec tant d’adresse, qu’elle n’entreprent
iamais rien qui ne reussisse à nostre profit
& à sa gloire. Mais si son esprit à l’adresse de
reduire sous ses loix des passions d’vne nature
si differente & si reuéche que la nostre, sa prudence
n’a pas moins d’inuention de les y maintenir,
par des moyens ou toute l’enuie estrangere
ne sçauroit attaindre.

 

Et quoy que l’art de gouuerner des suiets,
soit vn des plus dignes efforts de toute la nature
raisonnable, si est-ce pourtant que nostre
genereuse Princesse ne laisse pas d’y reüssir
heureusement, par des misteres inconnus au
reste des creatures. Il n’est point de cœur quelque
rebelle & quelque opiniastre qu’il puisse
estre, quelle ne sçache flechir, ny de passion
si prodigieuse, qu’elle ne reduise à son obeïssance.
La force n’est qu’vne maxime d’estat
dont elle se sert, pour nous apprendre à ne

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nous pas méconnoistre, & pour nous confirmer
dauantage auec plus de charité, dans ses
bonnes graces. Ainsi Dieu ce diuin Sauueur de
nos ames, nous humilie souuent pour nous
exalter, & pour nous combler de felicitez eternelles.

 

C’est dequoy les Politiques & les gens de
bien mesmes, la doiuent loüer iusques à la fin
des siecles. On cherit auec passion le vainqueur
qui n’employe que des traits d’amour,
pour se rendre maistre des cœurs, & pour rendre
la felicité publique d’vne nature inuiolable.
Si l’escriture saincte nous apprend, que
tous les peuples qui viuoient sous le regne de
Salomon estoient heureux, & que la Reyne de
Saba, se fût estimée bien glorieuse, de changer
sa condition de Souueraine en celle de sa
subiette, pour entẽdre les merueilles de la bouche,
d’vn homme si doüe de prudence & de sagesse,
que ne deuons nous pas dire en faueur
de nostre Princesse, puis qu’elle à des qualitez
qu’il n’auoit pas, & qu’on ne sçauroit iamais
accuser d’Idolatrie comme les siennes ? Aprez
la mort de Louys le Iuste, son tres-honoré &
tres-cher espoux, tout le monde iugea que la
France ne seroit que trop heureuse, d’estre
absolument gouuernée, par vne intelligence

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si prudente, & si Souueraine que la sienne, &
toute la terre void à present les effects d’vne
predition si veritable, & si diuinement infusée
dans l’esprit des hommes. Nous ioüissons maintenant
du bon heur que nous souhaitions
alors, & des faueurs que le Ciel nous promettoit
par son entremise. Ce nombre infiny de
places prises, & de batailles gaignées, en tous
les quatre coins de l’Europe, sõt vne preuue si
manifeste, des graces quelle vient de nous faire
que les estrangers & les opiniastres mesmes,
ne la sçauroient ny desaduouër ny conuaincre.
Et certes ces conquestes & ces victoires dont
sa Maiesté ne peut-estre que la cause premiere,
comme nous auons desia dit (& qui se
presentent auec vne foule & vn empressement
incroyable deuant mes yeux,) seroient capables
de me fournir toutes seules vn tres ample
suiet, de parler en faueur d’vne si digne Princesse,
si les limites que ie me suis prescrit en
cette rencontre, ne me donnoient des loix
pour me taire, & si ie n’auois fait dessein de
reseruer tous ces riches ornemens, pour en
parer vne Histoire si glorieuse que la sienne.
C’est ce qui m’oblige auiourd’huy à trahir mon
deuoir & ma passion, afin de faire voir vne
autrefois dans vn suiet mieux estudié, & plus

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estandu, vne partie de ce que nous deuons à
sa vertu, & à la plus glorieuse de toutes les Reynes
du monde.

 

FIN.

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Boyer, Paul (sieur du Petit Puy) [1649], REMARQVES DES SIGNALEZ BIENS-FAITS RENDVS A L’ESTAT PAR SA TRES-AVGVSTE Maiesté Anne d’Austriche, Reyne de France & de Nauarre, depuis le commencement de sa Regence iusques à present. OV LES IVDICIEVX ET LES raisonnables, trouueront vne conduitte si glorieuse, que les siecles passez n’ont iamais veu rien de si genereux, ny rien de si extraordinaire, en faueur d’vne Monarchie si florissante que la nostre. DEDIÉES A SA MAIESTÉ, Par Paul Boyer, Escuyer sieur de Petit Puy. , françaisRéférence RIM : M0_3266. Cote locale : C_9_34.