Broussel, Pierre [signé] [[s. d.]], Suitte du Factum ou Inuentaire des Pieces iustificatiues des faulsetez commises par Catelan, Tabouret, Canto, Baugy, Migné, Moysel, Meyssonnier, Lombard & complices, Produites au procez poursuiuy en la Cour par Carrel & Marguerye. Contre lesdits Complices accusez. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : C_5_4.
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Suitte du Factum ou Inuentaire des
Pieces iustificatiues des faulsetez commises par
Catelan, Tabouret, Canto, Baugy, Migné, Moysel,
Meyssonnier, Lombard & complices, Produites au
procez poursuiuy en la Cour par Carrel & Marguerye.

Contre lesdits Complices accusez.

IL y a long temps que ce grand & florissant Royaume est
agité de bourasques & de tempestes continüelles excitées
par les vents de l’ambition de certain genre d’hommes appellez
Partisans, Et il est impossible de les appaiser non plus
que celles qui tourmentoient le vaisseau de Ionas, que par la
ruine & la destruction de leur cause : Il n’y a pas vn seul recoing
où l’on ne souspire contre leurs violences, & où l’on ne gemisse
encores à present de la douleur de tant de calamitez & miseres
extrêmes qu’ils ont fait & font ressentir à toutes sortes de personnes
sans distinction de sexe, de qualités ny d’aages, qui sont
autant de tesmoins irreprochables de leurs crimes, dont le
chastiment ou l’impunité affermit ou renuerse, Nosseigneurs,
vostre auctorité, qui sera reuerée ou mesprisée, Releuée ou abbaissée
selon l’euenement que vous donnerez à cette accusation
si cognuë de tout le monde ; que ce seroit vn aueuglement
ou vne conniuence d’en douter & si pleine de justice qu’il ne
reste que le genre de supplice à choisir & à prononcer, duquel
l’on peut iuger par l’exemple recent de celuy qui a esté infligé
au nommé Huet Sergent au Chastelet, qui pour auoir augmenté
seulement dix-sept liures à vn Rolle de taxes a esté condamné
estre pendu par Arrest de la Cour des Aydes du mois
de May 1646.

Que si pour vne somme si modique, parce qu’elle entraisnoit
apres soy vn vol & vne faulseté, l’on a puni de la sorte ledit
Huet : chacun considerera ce que doiuent attendre ceux qui ne

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se sont pas contentez de faire de simples augmentations dans
les Rolles, mais qui en ont fabriqué vn grand nombre de faux,
& de faulses quittances, sur lesquels ils ont leué & desrobé plus
de cinquante millions depuis le commencement de leur fortune
jusques à present, qui ont changé & signé d’autres noms
que ceux qu’ils portoient, ainsi qu’il est iustifié au procez, suiuant
les pieces cy-apres enoncées.

 

La premiere desdites faulsetez, qui est cause que les autres
cy-apres exprimées sont tombez entre les mains dudit Carrel,
est vne promesse faite par le nommé Baptiste Pynot le 4. May
1638. qu’il a signée faulsement par l’ordre & commandement
& en la presence desdits Catelan, Tabouret & complices, du
nom de Meyssonnier, de bailler audit Carrel le sol pour liure
de toutes les sommes qu’il leur feroit payer en vertu des Rolles
& Arrests du Conseil & quittances du Tresorier des parties
Casuelles & quittances signées Meyssonnier qu’ils luy mettroient
entre les mains. Qui sont autant de faulsetez insignes
dont la moindre est mille fois plus punissable que celle dudit
Huet, & l’exemple d’autant plus important, que l’impunité
ne feroit qu’accroistre la liberté d’en commettre à l’aduenir
sans crainte, & ne pourroit produire que des desordres & des
desreglemens, & la ruine entiere des familles & de tout le
Royaume.

La deuxiéme du mois d’Avril 1628. est vn faux Rolle au bas
d’vn imprimé d’Arrests du Conseil, signé par collation Tabouret,
& en fin & suitte de ladite collation vn exploict signé
Remy, en vertu duquel Rolle lesdits accusez ont fait contraindre
les Maistres des Eaux & Foretz de Calais à payer chacun la
somme de huict cens liures pour l’heredité de leurs charges &
augmentations de gages à eux attribuez au lieu de cinq cens
liures chacun à laquelle ils auoient esté taxez par le veritable
Rolle du Conseil, & payé ausdits accusez mil liures por les deux
taxes du sieur Grimoult Maistre ancien & alternatif, auquel les
deux quittances de cinq cens liures chacune furent deliurées,
ainsi que l’inuentaire dudit Carrel & le procez verbal signé
dudit Remy produites au procez le iustifient.

La troisiéme du 29. Decembre audit an 38. est vn autre faux
rolle sur lequel lesdits accusez ont fait expedier vne quittance

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de trois mil liures par le sieur Leau, Commis des Parties Casuelles,
au lieu de quatre mil liures qu’ils ont receuë, à laquelle
auoit esté taxé le sieur Galland Payeur des gages & droicts des
Officiers du Bureau des Finances de Tours, pour jouїr de l’heredité,
augmentation de gages & droicts y attribuez par le
veritable rolle de l’année 1637. & ils ont seulement compté &
fait estat d’vne somme de trois mil liures, suiuant ce faux rolle
& quittance dudit sieur Leau.

 

Pour sauuer la quelle faulseté, ledit Catelan plaidant au Conseil
contre ledit Carrel, a voulu dire & soustenu qu’il n’y auoit
jamais eu d’autre rolle que celuy dudit mois de Decembre
1638. de ladite somme de trois mil liures, & que le payement
allegué de quatre mil liures estoit vne supposition. Mais le procez
verbal dudit Carrel du 20. Nouembre 1638. signé dudit
Galland & Pynot, soubs le nom de Meyssonnier, portant reception
de ladite somme de quatre mil liures, & la quittance
d’icelle du sieur Martineau comprise dans l’inuentaire dudit
Carrel, qui est pardeuers lesdits accusez, & ladite promesse
premiere piece produite, justifient cette verité sans contredit.

La quatriéme du 21. Iuin 1644. est vn autre faux rolle collationné
dudit Canto, par lequel encores que les Enquesteurs
ne soient taxez par le rolle veritable qu’à la somme de cent
liures chacun pour l’extinction du droict Royal. Lesdits accusez
ont fait contraindre Maistre Pierre Blondel Enquesteur à
Caen, & tous les autres Enquesteurs, à payer chacun trois cens
cinquante liures, suiuant les quittances des payemens desdits
trois cens cinquante liures faits en vertu dudit faux rolle, lequel
& le veritable desdits cent liures chacun seulement sont pareillement
produits, auec vne quittance de ladite taxe de cent
liures, cy-deuant & auparauant la signification dudit faux
Rolle payée pour ladite extinction du droict Royal par ledit
Blondel.

La cinquiéme dudit iour 21. Iuin 1644. est vn autre faux
Rolle collationné Lombard, en vertu duquel lesdits accusez
au lieu de sept mil liures, à laquelle ont esté taxez par le veritable
Rolle les Preuost, Lieutenant, Exempts & Archers de la
Monnoye & Mareschaussée pour jouїr du mesme droict Royal,
les ont fait contraindre au payement d’vne somme de dix mil

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trois cens liures, laquelle auparauant ils auoient fait saisir entre
les mains de Maistre Louis Choizelas payeur de leurs gages
& droits, mesmes fait emprisonner iceluy Choizelas faute
d’en vuider ses mains, qui ne pût obtenir son eslargissement
qu’en leur passant dans la prison vne obligation de ladite
somme de dix mil trois cens liures, & les deux sols pour liure
soubs le nom du nommé Hubert leur commis. Le veritable
Rolle desdits sept mil liures signé de Bordeaux, l’escrouë de
l’emprisonnement dudit Choizelas & l’obligation desdits
dix mil trois cens liures sont produits auec ledit faux Rolle.

 

La sixiéme est l’escrouë d’emprisonnement fait au Fort-l’Euesque
de la personne de Martin Duclou Huissier au Bureau
des Finances de Paris à la requeste des accusez le
iour de [illisible] 1645. en vertu d’vn faux rolle pour la somme
de trois cens liures pour sa taxe d’heredité de son Office : laquelle
taxe de sondit Office pour ladite heredité n’estoit que de
cent liures seulement suiuant le veritable Rolle, laquelle somme
de cent liures ledit Duclou auoit payée ausdits accusez dés
l’année 1638. suiuant la quittance desdits cent liures signée
Garnier Tresorier des parties Casuelles & controllée, laquelle
quittance est produite auec ledit escrouë d’emprisonnement
fait en vertu dudit faux rolle.

Ledit Duclou ayant eu aduis de cette procedure criminelle
contre lesdits accusez, auroit fait dessein ces iours passez de
faire sa plainte à la Cour & interuenir en ce procez. Lesdits accusez
qui ne manquent pas d’espions & d’intelligences, ont à
l’instant recherché tous les moyens possibles d’arrester le dessein
dudit Duclou. A l’effect dequoy le quatriéme Aoust dernier
ils ont enuoyé le nommé Beauuais Huissier & son compagnon
d’office, l’vn de leurs emissaires, en sa maison pour le
prier & solliciter par diuerses promesses & autres subornations
de ne point donner de Requeste à la Cour : Qu’il valloit mieux
obliger des personnes d’honneur & de qualité (ces beaux personnages
estans sans doubtes les illustres de ce temps) qui alloient
entrer en de grandes charges, (Catelan le plus important,
quoy que petit Mercerot venu des montagnes de Dauphiné,
ayant traicté d’vne charge du Secretaire du Conseil,
qui ne sera pas mal remplie, puisque les faulsetez ne passent en

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leur esprit & des meschans que pour adresse & gallanterie)
qu’vn mal-heureux Sergent qu’ils accableroient dans peu de
temps, & feroient perir par leurs hautes alliances & leurs menées
dans lesquelles ledit Duclou seroit enueloppé, s’il ne se
desistoit de son project & s’engageoit en cette poursuitte, de
laquelle plusieurs traictez de la mesme sorte, saisis ou craintifs,
attendent le succéz qui doit faire la bonne ou mauuaise fortune
de cét Estat.

 

La sept & huict, & autres iusques au nombre de douze inclusiuement,
sont diuers recepissez & procez verbaux, Portant
quittances de sommes payées aux accusez par ledit Carrel de
sept mil liures, quatre mil liures, trois mil liures, douze cens
liures, neuf cens liures, quatre cens liures, & autres semblables
sommes signées par ledit Pynot du nom de Meyssonnier, par
l’ordre & commandement desdits accusez, dont quelques-vns
ont signé au bas desdits recepicez & procez verbaux, par où
ils ont plainement auctorizé les crimes & les faussetez dudit
Pynot, beaucoup moins coupable qu’eux, l’ayant vray semblablement
fait par la consideration de sa fortune, attachée à
son obeïssance, au lieu que ces scelerats ne se sont iettez éperdument
dans toutes ses abominations que par vne pure inclination
de malice & pour s’éleuer & s’enrichir sur les ruїnes de
tous les gens de bien. Risus illorum in deliciis peccati.

La dix-neufiéme du 8. Ianuier 1639. est vn pouuoir deliuré
par ledit Pynot & signé de luy du nom de Meyssonnier audit
Carrel pour emprisonner le sieur de Vaucorbeil Lieutenant des
Eeaux & Forests de Paris, pour vne taxe de dix-neuf cens liures
sur luy faite, & les deux sols pour liure, dont l’execution s’est
ensuiuie.

La 20. 21. 22. & 23. sont encores des recepissé & procez verbaux,
portans quittances de payemens faits par ledit Carrel,
que lesdits accusez ont faulsement fait signer par Pierre Catelan
neueu de ce grand personnage du nom de Moysel, qui est
vn nom emprunté & non veritable.

Ces braues gens, bien qu’ils se pretendissent estre au dessus
des loix ; comme leur insolence dans le progrez de cette action
l’a bien monstré, qui a monté iusqu’à tel point que d’aduoüer

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publiquement & hautement toutes ses faulsetez & concussions
ainsi que des exploicts heroïques à la face du Conseil, apprehandans
neantmoins d’y estre quelque iour assuiettis dans vn
rencontre de Iustice : ils se sont absolument estudiez, puis apres
d’en effacer toutes les marques ; mais tombez qu’ils sont dans
vn sens reprouué par la puissance diuine, ils les ont plus fortement
grauez en deux façons, l’vne quand ils ont reciproquement
escrit des billets les vns & les autres qui sont produits au
procez, de ne point bailler de certificat audit Carrel touchant
la faulseté des quittances qu’il auoit deliurées de leur part
au sieur Pescher Receueur du Domaine de Paris, qui s’en pleignoit
de peur de se mettre en peine, qui est vne preuue concluãte
de leurs crimes, l’autre est l’extreme violence de laquelle
ils ont vsé enuers ledit Carrel au mois de Février 1639. qu’ils
ont entré nuictament dans sa maison & rompu vn buffet duquel
ils ont enleué ses inuentaires, Arrests, Roolles & Quittances, &
grand nombre d’autres pieces, iustifiant sans contredit & plus
clairement que toutes les autres, toutes ces énormitez qu’ils
pensoient cacher dans les tenebres d’vne nuict obscure ; ce
qu’ils n’auroient pas entrepris, s’ils eussent creu laisser encore
en arriere tous ces enseignemens de leurs vie & de leurs deportemens,
l’horreur desquels ils ont dauantage fait cognoistre
par cette conduitte qui change les soupçons : s’il y en auoit, en
des veritez sensibles & manifestées de plus en plus par les pieces
subsequentes.

 

Car il y a encore dix faux rolles, outre les precedents produits
par ledit Marguerye, receu partie interuenante au procez,
par lesquels il appert que lesdits accusez ont en vertu d’iceux
leué & vollé plus de six millions sur les Subjets du Roy, qui
n’est qu’vn eschantillon des brigandages que ces infames &
leurs semblables ont commis, & d’où l’on peut iuger jusques
à quel point se montent les rauages que ces harpies ont fait
depuis quinze ou seize années dans toutes les Prouinces, que
l’on void presque desolées de toutes parts, non par d’autres
voyes que celles de la violence publique qu’ils y ont exercée,
ainsi qu’ils ont recognu par leurs interrogatoires produits au
procez, soubs le pretexte de ces faulsetez sans nombre, qui

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sont les seuls tiltres de ces beaux palais, & de ces grands biens
& honneurs qu’ils possedent, dont vostre Iustice est obligée de
faire vn grand exemple, afin d’en arrester le cours à l’aduenir,
& que les gens de bien ayent cette consolation, & les meschans
recognoissent cette verité de l’Escriture, que Laus impiorum
breuis est. Et que memoria corum perit cum sonitu.

 

Monsieur DE BROVSSEL Conseiller, Rapporteur.

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