Burnel,? [signé] / Jacquelin,? [signé] [1649], LES REMERCIEMENS DE LA FRANCE, Pour la Paix. A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONTY. , françaisRéférence RIM : M0_3288. Cote locale : C_8_48.
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LES
REMERCIEMENS
DE LA FRANCE,
Pour la Paix.

A MONSEIGNEVR
LE PRINCE
DE CONTY.

A PARIS,
Chez MATHVRIN HENAVLT, ruë Sainct Iacques,
à l’Ange Gardien.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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LES
REMERCIEMENS
DE LA FRANCE,
Pour la Paix.

A MONSEIGNEVR
LE PRINCE
DE CONTY.

 


EN fin nos vœux sont accomplis
Aprés de si longues souffrances,
Et nos mal-heurs enseuelis
Ont surmonté nos esperances ;
Paris plus heureux que iamais
Sera le Thrône de la Paix
Sous vn Monarque, dont l’Enfance
Fait esperer tant de douceur,
Que nostre amour de sa puissance
Sera le fondement plus seur.

 

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Ce superbe appareil de Mars,
Dont nous craignions la violence,
Et qui contraignoit tous les Arts
De demeurer dans le silence :
S’est iustement éuanoüi,
Et par vn miracle inoüi
Nous voyons qu’vne foible plume
Brise des portes que la faim
Ne pouuoit, sans quelque amertume,
Faire ouurir en faueur du pain.

 

 


C’estoit encor deuant nos yeux
Vn obiet digne de nos larmes,
Qui faisoit croire que les Dieux
Auoient pris contre nous les armes ;
Ces Fleuues autresfois si doux,
Et qui ne venoient que pour nous,
Chargez des biens de la Nature,
Ne passoient plus qu’auec des pleurs,
Au milieu de cette auanture,
Publiant nos iustes douleurs.

 

 


Tout ainsi que le mauuais sort
D’vne tristesse bien amere,
Peut tout soudain donner la mort,
Ou tarir le sein d’vne Mere :
Ainsi ce fertil element,
Comme touché sensiblement
De l’excez de nostre infortune,
Deuint sterile de douleur,
Et fuyant au sein de Neptune,
S’en prenoit à nostre mal-heur.

 

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Quelques puissances que les flots
Recognussent sur leurs riuages,
Elles formerent des sanglots
De la rigueur de nos outrages :
On dit mesme que les Rochers
Impitoyables aux Nauchers
Dans la crainte de leur naufrage,
Furent sensibles à nos cris,
Et que le bruict de cét orage
Les força de plaindre Paris.

 

 


Mais si le mal d’vne Cité,
Qu’on impute à ses destinées,
Trouua si peu de dureté
Parmy les ondes mutinées :
Faut il douter qu’en quelque endroit
Si reculé que l’on pourroit
S’imaginer dessus la terre,
La pitié ne fut en tous lieux,
Que trop visible d’vne guerre
Qui deuoit partager les Dieux ?

 

 


On croid bien que ce fut ainsi
Qu’vne ville au poinct de sa gloire
Eut contre elle, & pour elle aussi,
Ceux qui disputoient sa victoire ;
D’vn costé le Roy des Esprits
Indigné de quelque mespris,
En vouloit rechercher l’offense :
Apollon d’vn autre party
Ne s’employoit qu’à la deffense
Des remparts qu’il auoit basty.

 

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Ainsi des destins tout diuers,
Gouuernent les Estats du monde,
Dont on admire en l’Vniuers
Vne sagesse si profonde :
Ainsi deuons-nous auoüer,
Ne pouuants pas assez louër
Et ta prudence, & ton courage,
Que ce fut le Ciel qui voulut
Que nous te deussions cét ouurage,
Le plus grand de nostre salut.

 

 


Toute la France par tes soins,
Est maintenant dans l’allegresse,
Et tes conseils à nos besoins,
Ont fait retirer la tristesse ;
La Paix a ses Temples ouuerts
Aux plus beaux lieux de l’Vniuers,
Où chacun luy fait sa Victime,
Tu luy fais rendre cét honneur,
Au plus haut poinct de nostre estime,
Et de toy nous vient ce bon-heur.

 

 


Ce que la force absolument
N’auoit peu depuis tant d’années,
Tu le fais par ton iugement,
Et n’y mets que peu de iournées ;
Ta prudence en nostre mal-heur
A surmonté cette valeur
Qui donne tout à la fortune :
Que les effects en sont heureux,
Et que ta gloire est peu commune,
En vn estat si dangereux !

 

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Grand Prince, il ne faut pas douter
Qu’ainsi le Ciel donne à la terre,
Ce qu’elle doit executer,
Plus doucement que par la guerre :
Sa Prouidence a des ressorts
Plus certains que tous les efforts
De la puissance de nos armes :
Ainsi l’Amour a ses attraits,
Ainsi les esprits ont leur charmes,
Ainsi tu nous donnes la Paix.

 

 


C’est pour vn bien si precieux
Que toute la France est rauie :
Dont pour t’en rendre assez de vœux
On ne peut borner son enuie ;
Et si la conqueste des cœurs,
Donne place entre les vainqueurs,
Qui meritent le plus de gloire :
Tu seras mis au rang de ceux
Qui sont si chers en la memoire,
Qu’on les tient pour des demy-Dieux.

 

 


Les Peuples de qui les souhaits
Souffroient des attentes si vaines,
Auiourd’huy qu’ils sont satisfaits,
Ne penseront plus à leurs peines :
Et ce long & fascheux Hyuer,
Au Printemps qu’il void arriuer,
N’osera plus monstrer ses glaces ;
Ce sera bien auec raison,
Que chacun te rendra ses graces,
De ioüir de cette saison.

 

FIN.

BVRNEL.

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A MONSIEVR BVRNEL
Sur son Ode, pour la Paix.

EPIGRAMME.

 


BVRNEL, qu’vne veine feconde
Doit mettre au rang des immortels,
Et qui merite des Autels,
Plus qu’aucun Poëte du monde ;
Si ie n’estois assez instruit
De la grandeur de ton Esprit,
Et de tes autres auantages :
Le mien seroit persuadé
Qu’Apollon t’auroit secondé
A faire de si beaux Ouurages.

 

IACQVELIN.

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Burnel,? [signé] / Jacquelin,? [signé] [1649], LES REMERCIEMENS DE LA FRANCE, Pour la Paix. A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONTY. , françaisRéférence RIM : M0_3288. Cote locale : C_8_48.