Caussin, Nicolas (R. P.) [signé] [1649], LETTRE DV R. P. N. CAVSSIN DE LA COMPAGNIE DE IESVS. A VNE PERSONNE ILLVSTRE Sur la curiosité des Horoscopes. , français, latinRéférence RIM : M0_2132. Cote locale : C_3_75.
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LETTRE
DV R. P.
N. CAVSSIN
DE LA COMPAGNIE
DE IESVS.

A VNE PERSONNE ILLVSTRE
Sur la curiosité des Horoscopes.

A PARIS,
Chez DENYS BECHET, ruë sainct Iacques,
au Compas d’Or,
Et
IEAN DV BRAY, aux
Espics meurs & au Chapelet.

M. DC. XLIX.

AVEC PRIVILEGE DV ROY.

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LETTRE
DV R. P. N. CAVSSIN
DE LA COMPAGNIE DE IESVS,
A VNE PERSONNE ILLVSTRE,
sur la curiosité des Horoscopes.

MONSEIGNEVR,

I’ENTENS auec satisfaction que vostre conuersation est
toute celeste, & que vous faites souuent la Cour aux Astres,
parmy les plus innocens plaisirs de vostre solitude.

Cét exercice ne peut estre que loüable, par ce que c’est
vne marque de l’immortalité de nostre Ame, qui se laisse insensiblement
couler à la source des lumieres, & trouue ses
interests dans le Ciel comme dans sa propre maison : Mais
VOSTRE ALTESSE tombe d’accord auec moy que la Iudiciaire,
telle qu’on nous la depeint auiourd’huy, est plus
hardie en promesses que solide en raisons, Ie ne taxe point
icy plusieurs gens de condition, de sçauoir & de merite, qui
vsent de l’Astrologie auec l’innocence & la discretion que
l’Eglise prescrit, que S. Thomas approuue en l’Opuscule du

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iugement des Astres, & que les loix permettent ; mais ie parle
de ces Promethées qui se vantent d’auoir rauy le feu de son
throne, de ces Monarques des temps, qui veulent faire rouler
nos auantures & nos iours infailliblement soubs leurs
loix.

 

Dieu n’a pas donné le Ciel en proye à la curiosité des hommes,
mais il a tendu vn voile de tenebres deuant ces grands
Palais de clarté, pour n’y admettre pas indifferemment les
yeux profanes. C’est chose estrange qu’il y en a qui se promettent
de nous dechiffrer les destins des hommes, leurs
qualitez, leurs succes, leurs honneurs, leurs richesses, leurs
maladies, leurs disgraces, & leur mort, comme s’ils escriuoient
vne histoire & non pas vn Horoscope : ils ne se contentent
pas de dire les accidens, mais ils se persuadent d’en
marquer les temps par heures & par minutes, comme si
cette eternelle Prouidence leur auoit mis ses sçeaux entre
les mains.

Comment pouroient-ils donner ce qu’ils promettent, ou
dire seulement ce qu’ils professent ? Le Ciel est vne cause
vniuerselle qui est determinée par les causes secondes,
& qui ne faict non plus les choses particulieres, que le soufle
des Orgues la distinction des Cantiques. Le Soleil fait auec
l’homme vn homme, & auec le lyon vn lyon ; tous les Astres
operent, ou cessent d’operer, selon la disposition qu’ils rencontrent
dans la nature inferieure. Les peres & meres, les
nourrices, l’education, la patrie, la coustume, la loy, la conuersation,
le franc-arbitre, & la prouidence qui est sur tout,
peuuent empescher à toutes heures les effets des constellations.
Ils commettent nos vies à peu de planettes & peu d’estoilles
fixes, comme si tant de flammes celestes deuoient
estre perpetuellement oysiues sur nos testes. Les mouuemens
de ces planettes sont encores incertains. & les plus sçauans
disputent eternellement sur leur calcul. Les estoilles non errantes
ne se retrouuent plus au point auquel l’antiquité les a
autresfois obseruées. La vie de l’homme ne suffit pas à ces obseruations,
nous sommes trop bas, & le Ciel est trop haut pour
n’y trouuer point de mécompte : c’esticy que l’art est long, &

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la vie courte, les iugemens douteux, & les experiences incertaines.

 

C’est vouloir escrire sur vne riuiere courante, que d’arrester
des iugemens sur vn corps si rapide que le Ciel : l’heure
que nous pensons appartenir à nostre naissance, est des-ja passée
dans le destin d’vn autre qui nous a precedé, ou passera en
celuy qui nous suit : ils suiuent vn point qui les fuit continuellement
en cherchant le moment de la natiuité, & faute de
l’attraper, ils fondent toutes leurs predictions sur des ruines.

Il ne leur faut pas toutefois nier cette loüange, qu’ayant
mis ce point où ils veulent par vne rectification imaginaire,
ils sont admirables à dire les accidens arriués, lors que l’on
leur en a deduit toute la suite. Ils ont encore cette proprieté
qu’a chaque natiuité ils deuinent tout ce qu’ils veulent, sans
sçauoir le iour ny l’heure, comme en celle de Luther, où tous
predirent son apostasie, quoy que pas vn n’eust le vray temps
de sa naissance. Mais comment seroient-ils d’accord en tant
d’articles si importans, veu qu’ils disputent encore du champ
de bataille où ils font combattre les Astres, & ne s’accordent
point sur le partage des maisons d’vn Horoscope.

Ils font d’agreables Romans sur les estoilles, auec leur forces
& leur debilitez qui n’ont rien de plus foible que leur
imagination. Ces maisons de peres & de meres, de mary & de
femmes, defreres & d’enfans, n’ont esté trouuées que pour
trouuer du gain dans vne science perduë. Ces triplicites,
ces ioyes, ces chariots, ces exils, ces antisces, ces brulemens
de planettes, ces termes, ces almugées, ces azemenes, ces
donneurs de temps & d’années, qui iamais ne donnerent vne
minute, & tout ce qu’ils disent de l’Hyleg, de l’Alcochodon,
de l’Algebuthar, sont des termes specieux, semblables à ceux
des Valentiniens, ou aux inuentions des Ægyptiens, qui faisoient
des temples dorez pour y loger des rats.

Leurs directions ne subsistent que dans l’agencement de l’imagination,
sans aucune raison naturelle, & trompent à tout
moment.

Toutes les autres sciences ont quelque chef qu’on peut raisonnablement
suiure, mais icy vous voyez de grands labyrinthes,

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où il n’y a personne qui vous prenne par la main que
pour vous embarasser.

 

Manile sçait mieux les mesures des vers que celles du Ciel.
Ptolomée est obscur & peu asseuré en la pratique. Iules Firmique
a plus de latin que de raison, s’estant fait Astrologue
par le desespoir de la iurisprudence ; la plus-part des Arabes
sont extrauagans en leur pensées, & hydeux en leur style.
Cardan est plus hardy que veritable, & nous meine par des
chemins inaccessibles, où il s’est extrement fouruoyé tout le
premier, apres auoir employé cent heures sur l’Horoscope
d’Eduard Roy d’Angleterre, si malheureusement, qu’il cherche
vn Roy bien auant dans la vie, qui n’en fist toutesfois que
saluer les portes. Pontan parle des Astres en Ciceron auec vn
beau langage & peu de fondement. Leouice & Pezel suiuent
le grand chemin des autres, Iunctin dit tout & ne dit rien.

Ce seroit chose superfluë de combattre cet art par l’Escriture,
par les Peres, par les conciles, par les bulles des Papes,
& par les loix qui l’ont tant de fois condãné comme preiudiciable
à la Religion, à l’Estat, à la vie ciuile, s’il n’est extremement
bien mesnagé. Ie me contente de vous dire que puisque
ils nous attaquent par les experiences, ie les feray experimenter
à l’ouuerture du premier Horoscope, qu’ils ne sçauront
asseurement si la personne est masle ou femelle, morte ou viue,
riche ou pauure, sçauante ou ignorante, bonne ou mauuaise,
heureuse ou malheureuse, & s’ils se meslent de luy
marquer ses temps, il ne le pouront faire qu’auec la perte de
leur reputation.

A tout cecy on respond, que l’experience l’emporte par
dessus la raison, & qu’il suffit de dire qu’il y à de grands Astrologues
qui ont fait tout fraischement des predictions merueilleuses
sur les euenemens de cette année. Il est aisé de repartir
sur ce point, que s’il arriue vne vraye prediction par hazard
entre mille faussetez, on releue cette seule verité apparente,
sans faire mention de la grande quantité de mensonges
qui l’ont precedée, & qui la suiuent. Outre que ces deuins
ont des souplesses & des artifices de predire les choses
arriuées, comme si elles estoient encore à venir, soit qu’ils

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antidattent leur lettres, soit qu’ils fassent glisser des cartons
aux liures dé-ja imprimés, soit qu’ils éuentent semblables
nouuelles par leur Confidens, qui sont quelquesfois gens de
condition.

 

La Iudiciaire entra en vne grande vogue soubs Paul III.
par vne fausse lettre qu’on feignit auoir esté trouuée dans le
cabinet de Pierre Louys Duc de Parme : cette lettre portoit
le nom de Paris Ceresarius grand Mathematicien de ce siecle
qui escriuoit à ce grand homme, l’année, le mois, le iour
l’heure, & la minute mesme du temps auquel il deuoit estre
declaré Pape au Conclaue, ce que les Demons auec toute
leur science ne pourroient pas deuiner : Il a dioustoit que cela
luy arriueroit par la direction du Trin aspect de Mercure au
Soleil, qui est vne cause si foible, que cent Trins semblables
à celuy-là, ne donneroit pas à tant d’autres vne petite chapelle,
& comment auroit-il donné le souuerain Pontificat, en ce
rencontre ? Toutes ces predictions si iustes qu’on attribuë à
l’Astrologie sont pour l’ordinaire choses supposées qu’on insinuë
par artifice. On a couru depuis peu apres vn Almanack
qui predisoit au commencement du mois de Ianuier vn grand
débordement d’eau, & vne émotion populaire causée par le
depart des Grands. Cela ne s’est point trouué dans l’original
imprimé à Troyes, mais en la copie de Paris, où vn Imprimeur
adroit a fait glisser vn carton qui portoit cette addition. Par
la mesme raison, on a fait passer Eustache Noël pour vn grand
Prophete, adjoustant à ses predictions communes & ambigues,
des choses claires & notoires, qui estoient des-ja faictes
comme si elles eussent esté pour lors à faire.

Par la mesme illusion vn celebre autheur Italien nommé
Spina, a escrit vn liure de la Catastrophe du monde, imprimé
dés l’année 1625. où il touche les reuolutions des empires
qu’il attribuë aux deux comettes des années 1572. & 1604.
sans parler de celle qui fut veuë l’année 1618. ceux qui ont
voulu donner du cours à son liure & de l’authorité à sa science
n’ont pas manqué de marquer vn grand trouble qui deuoit arriuer
dans l’Empire du Turc, l’année 1648. ce qui paroist artificieusement
adjousté, veu que ce temps assigné est contraire

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au discours, & à la deduction de l’autheur. Sa raison est que la
secte de Mahomet est gouuernée à ce qu’il dit par Mars & par
la Lune, & si l’on prend les années de durée grandes, tres-grandes,
moyennes & petites que les Astrologues leurs attribuent
& qui sont pour Mars 264. 66. 40. 15. & pour la Lune
520. 108. 66. 25. & si on adjouste ces mesmes années à celle de
la naissance de Mahomet, qui tombe en l’an 591. on trouuera
dans cette somme par la reigle d’addition, le temps auquel
ce grand ébranlement de la Monarchie des Othomans doit
eclorre. Or il est clair que cette somme ne donne point 1648.
mais 1695 ce qui fait paroistre visiblement la tromperie, &
rend le calcul de l’autheur ridicule qui assigne la mort de cét
Empire dans l’année 1663. & la maladie 1695.

 

S’il y auoit quelque apparence raisonnable de verité en cette
science, comment ses plus celebres autheurs commettroient
ils des fautes épouuantables ? Cardan l’vn des grands
Princes de la secte, a eu la curiosité de faire l’Horoscope de
l’Empereur Neron qui est le quarantiesme dans ses cent natiuités,
ou il ne manque point d’ajuster aux Astres cette vie
débordée, & cette fortune si pompeuse, mais apres tout son
trauail, on luy monstre qu’il fait naistre Neron le 14. de Iuin
qui est né assurement le 15. de Decembre selon le rapport de
Suetone autheur tres exact, outre que la plus assurée Chronologie
le fait venir au monde l’année 37. de nostre Seigneur,
& non 38. comme escrit Cardan, de sorte qu’il n’a ny l’an, ny
le mois, ny le iour de la naissance de ce Prince, & toutefois il
triomphe de ioye, admirant les verités Astrologiques sur ce
point, & dit que la neige n’est pas plus semblable à la neige
que l’Astre à la vie de Neron. Le mesme Cardan predit l’ãnée
de sa mort dans son Horoscope par la direction du [1 mot ill.]de
Venus & de Mercure à l’ascendant, ce qui deuoit plustost
naistre des funestes directions du corps de Saturne & de
Mars qui ne luy firent rien de violent : defait qu’il se trouua
encore en vie au temps predit de sa mort, & auança ses iours
comme on dit pour ajuster son Horoscope, donnant sa vie
pour la satisfaction de sa vanité. Que diray-je d’Argolus qui
entre dans des extazes sur la verité de l’Astrologie dans l’Horoscope

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de Gustaue Roy de Suede, qu’il fait mourir le 16.
d’Octobre, quoy qu’il soit mort le 16. de Nouembre, Tant il
est vray que deuinant l’auenir, ils oublient le passé, & taschant
de faire vne teste dor à leur science, ils ne voyent pas que les
pieds en sont d’argille.

 

Suetonius in
Nerone cap. 6
Nero natus
est 18. Kalendas
Iannuarias,
tantum quod
exoriente
Sole, pene vt
radiis eius
quam terra
contingeretur.

Le Soldat Suedois
p. 473.

On a publié depuis peu, qu’vn excellent Mathematicien
auoit predit tout le trouble de Paris, & le sousleuement, des
Prouinces, par vne lettre dattée du 17. d’Aoust, & si bien circonstantiée
qu’elle sembloit plustost vne histoire qu’vne diuination.
Ie maintiens que l’Astrologie ne peut monter iusque-la,
à raison que cela se prediroit ou par les eclipses,
ou par les grandes conionctions des trois principaux Planettes
qui sont Saturne, Iupiter & Mars, ou par les comettes,
ou par les estoilles fixes les plus sinistres, qui seroient
verticales aux lieux ausquels arriuent les calamités.
Nous n’auons rien remarqué en ces quatre principes qui nous
oblige de croire que les grands maux qui nous sont arriués
cette année, soient venus de là. Il n’y a point eu de hydeuse
eclipse de Soleil, les grands planettes n’õt point fait de ionction,
il n’y a point paru de comette depuis 30. ans, quoy qu’ils
ayent esté si miserables, & si on veut tout rapporter à celle de
l’année 1572. comme fait Spina au liure de la Catastrophe du
monde, ou à celle qui parut l’année 1618. c’est vne eschappatoire
sans fondement, qu’on ne peut deffendre par de bonnes
preuues, & qu’on peut tousiours nier auec raison. On ne peut
auoir recours aux fixes verticales, puisque nous n’en auons
aucune sur nos testes de cette funeste qualité.

Il reste vne douce réverie, de dire que les Estoilles sont au
Ciel comme des lettres, & qu’en s’assemblant elles composent
certains mots, qui disent le bon-heur, & le mal-heur des
hommes, connu seulement par les plus rares Astrologues,
qui sont eclairés de la caballe des Chaldeens. Dans cette
veuë Gafarel en ses curiosités inoüies, suiuant quelques Rabins,
dit qu’vn peu deuant la captiuité des Iuifs en Babylone,
parurent vnze estoilles verticales à la ville de Hierusalem,
lesquelles composoient le mot Hebreu, [1 mot ill.], qui signifie
abatre & destruire, en presage de la destruction totalle arriuée

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à cette ville infortunée, & il adiouste que leur nombre
estoit 505. qui est la durée de l’Empire des Iuifs, depuis Saül
iusques à Sedecias. Tout cela tient de la plus haute folie que
l’esprit humain puisse produire en ce sujet, où le mensonge
n’a pas mesme aucune suitte ny couleur ; car comment vnze
estoilles, feroient elles vn mot de trois lettres, & qui dira que
le temps est bien calculé, puisque nous sçauons de certaine
science de l’histoire, que le nombre des années du Royaume
des Iuifs de Saül à Sedecias, ne s’estend pas plus loin que 481.

 

Apres tout il faut conclure que s’il y a quelques vrayes
predictions, elles viennent de Dieu & des bons Anges qui
ont tant de fois reuelé aux Prophetes les plus grands secrets
des Empires, & qui se communiquent le plus souuent aux
ames pures & éleuées, quoy que les meschans ayent prophetisé
quelquefois, ainsi qu’il est raporte de Caïfe, les dons gratuitement
donnés, n’estans pas tousiours exclus par l’impureté
de la vie. Que si cela ne vient de Dieu & des bons Anges,
il peut venir des mauuais qui sçauent de la part de Dieu
mesme & des Anges les commissions qu’ils doiuent executer,
sur les Villes, sur les Prouinces, sur les Empires, & sur
les particuliers mesmes, portant les fleaux de la iustice diuine ;
& par ce moyen ils predisent ce qu’ils doiuent faire, &
l’annoncent volontiers à ceux qui leur seruent d’organe,
ainsi que S. Augustin l’a laissé par écrit au liure de la Diuination
des Demons, où il asseure que les pronostiques des Esprits
de mensonge qui viennent par ces voyes, ne laissent
pas d’estre fort veritables, comme estans concertés au Conseil
de Dieu.

S Augustinus
de diuinatione
dæmonum
cap 5.

Sciendum est
illos ea plerumque
prænunciare
quæ
ipsi facturi
sunt, accipiũt
enim potestatem
morbos
immittere, &
ipsum aerem
turbidum reddere,
& peruersis
malefacta
suadere, de
quorum moribus
certi
sunt.

Item cap. 6. si
quid de illa
Dei dispositione
prænunciant,
audiũt
vt pręnunciẽt,
& eum ea prędicunt
quæ
inde audiunt,
non fallunt
neque falluntur.

Ceux qui sçauent quantité de choses secrettes par leur
moyen, se couurent bien souuent du voyle de l’Astrologie,
ce qui la renduë fort odieuse aux gens de bien ; mais il est tres
certain que son art ne va pas iusqu’à faire des predictions si
particulieres, si iustes, & si circonstantiées, & ceux qui se hazardent
de les publier, tombent souuent en erreur & en confusion.

Ie ne veus pas toutefois nier que l’Astrologie bien entenduë,
& prudemment ménagée, selon que les loix diuines &

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humaines permettent, ne soit vne science tres-excellente,
quand il ny auroit autre chose que de reconnoistre les secrettes
& admirables liaisons que nous auons auec le Ciel,
dans les inclinations des hommes, & dans les choses qui
regardent l’estat du corps, ce ne seroit pas peu de chose.

 

Quand elle ne feroit autre profession que de predire les
dispositions de l’air & du temps, c’est vne science d’Ange,
dont les Roys & les Philosophes ont fait gloire ; mais elle
est tous les iours extremement des-honnorée par vn tas de
broüillons qui font estat d’escrire des Almanacs, sans sçauoir
le cours d’vn seul Astre, de sorte qu’ils nous renuersent
tout le Ciel en leur idée, ils ne peuuent produire autre chose
que ce qu’ils ont conçeu sans estude, & sans iugement, pour
entretenir ainsi la credulité du petit peuple. D’autres sçauent
quelque chose aux estoilles, mais ils s’atachent trop à
ces maisons, ces Seigneuries, & ces dominations des planettes
qui sont imaginaires & qui les trompent incessamment.

Il y a vne Astrologie plus sçauãte & plus naturelle, qui ne se
contente pas de suiure le leuer & le coucher des estoilles fixes,
les routes du Soleil & de la Lune, l’application des Planettes,
mais considere aussi les climats, les vents, & toute la
disposition de la nature inferieure dont elle tire des coniectures
fort iudicieuses & fort loüables ; i’en ay veu qui predisoient
la serenité, les pluyes & les orages, à iour nommé ce qui
est merueilleux dans vne si grande abondance de causes qui
se retreuuent en cette consideration, & dans vne si profonde
difficulté qui naist de l’inconstance tres variable de l’air.

Mais il y a certains esprits ignorants en ce mestier & fort
opiniastres, qui contrarient les predictions de l’Astrologie, &
ne pensent pas qu’on leur predise rien, si on ne leur compte
presque les goutes de pluyes qui doiuent tomber au iour assigné,
& si on ne leur specifie le moment de leur cheute : &
d’autres par vn esprit de contradiction nient qu’il y ait tempeste
lors que les esclairs leur donnent dans les yeux, & que
les tonnerres grondent dans leurs oreilles, & que la pluye
tombe de tous costez : i’approuue fort ce temperament de raison
qui ne donne pas tout aux Astres, & aussi qui ne leur oste
pas tout ce que Dieu leur a donné.

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Ie diray mes sentimens plus au long dans le liure de la maison
de Dieu, ou des merueilles du Ciel, que i’espere donner
au public dans quelque temps ; ie me promets aussi que i’auray
l’honneur d’entretenir V. A. de bouche sur ce sujet, & de
luy renouueler en presence les protestations que i’ay faictes
d’estre à iamais,

MONSEIGNEVR,

Vostre tres-humble & tres-obeïssant
seruiteur. N. C.

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Caussin, Nicolas (R. P.) [signé] [1649], LETTRE DV R. P. N. CAVSSIN DE LA COMPAGNIE DE IESVS. A VNE PERSONNE ILLVSTRE Sur la curiosité des Horoscopes. , français, latinRéférence RIM : M0_2132. Cote locale : C_3_75.