D. [signé] [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS, Pour l’obliger de reuenir à Paris, & y restablir le repos & la tranquillité publique. , françaisRéférence RIM : M0_1867. Cote locale : B_5_39.
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LETTRE
D’VN GENTIL-HOMME
A
MONSEIGNEVR
LE DVC D’ORLEANS,
Pour l’obliger de reuenir à Paris, & y restablir
le repos & la tranquillité publique.

A PARIS,
Chez PIERRE DV PONT, au Mont S. Hilaire,
ruë d’Escosse.

M. DC. XLII.

Auec Permission.

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LETTRE D’VN GENTIL-HOMME
à Monseigneur le Duc d’Orleans, pour
l’obliger de reuenir à Paris, & y restablir le
repos & la tranquillité publique.

MONSEIGNEVR,

Ie trahirois la France, le respect & l’honneur
que ie dois à vostre Altesse Royale, si
dans l’occasion la plus importante qui ayt esté
depuis l’establissement de la Monarchie, ie
ne vous representois auec toute sorte de sousmission,
le pouuoir que vous auez d’appaiser
tous nos desordres, & de donner la tranquilité
& le repos a cét Estat, qui est prest d’estre
mis en pieces, & d’estre le ioüet & le butin de
tous les Ennemis de ce Royaume. Ie sçay bien,
MONSEIGNEVR, que pour parler dignement
à vostre A. R. il saut auoir des paroles
toutes de soye, c’est à dire, pleines de complaisance
& d’agréement. Ie sçay bien aussi

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qu’il faut estudier celles qui sont de la mode
& du temps ; & que pour vous rendre mesme
iusques à la lumiere du Soleil plus agreable,
il la faut déguiser auec vn verre peint & coloré.
Ie sçay bien encore que pour complaire
absolument a vn Prince, il faut auoir l’esprit
du Fauory, c’est à dire, ne parler que par son
organe, & ne dire que ce qui luy plaist. Mais,
MONSEIGNEVR, i’ay vne si parfaite
cognoissance de la grandeur & perfection des
inclinations de V.A.R. que dans cette occasion,
elle appelleroit trahison, ce déguisement
ciuil, que quelques-vns pratiquent qui s’approchent
d’elle : La grandeur de son esprit,
qui ne peut souffrir vn nuage qu’elle ne perce,
n’est point capable ny d’illusion, ny de surprise ;
& son Iugement est si clair & illuminé, que
de quelque costé que soit la verité ombragée,
elle se la descouure. En fin, MONSEIGNEVR,
ie ne parlerois pas auec liberté, si
dissimuler n’estoit vn crime, si se taire n’estoit
vne lascheté, & si tarder plus long-temps n’estoit
perdre l’Estat, Ie Roy, & le Royaume.
C’est pourquoy, MONSEIGNEVR, vostre
A.R. me permettra de luy dire, Que ce n’est riẽ
d’estre ne de cette Tige Illustre de S. Louis,

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qui a donné des Roys à toute la Terre, Que
c’est peu de chose d’auoir eu tant de Roys
pour predecesseurs, & le Grand Henry pour
Pere, Que ce ne seroit rien encore d’estre
Frere & Oncle de Roy, d’auoir conserué ce
Royaume de l’inuasion des Estrangers, d’auoir
porté la terreur & la crainte du nom François
parmy toutes les Nations du monde, si estant
ce que vous estes à la France, vous ne sauuiez
cét Estat d’vne guerre ciuile. Vous estes,
MONSEIGNEVR, Gouuerneur & Lieutenant
General du Royaume de France, vous
auez droict de commander à toutes nos Armées ;
les Subjets du Roy, à peine de felonnie,
sont obligez de vous obeïr. Qui vous empesche,
MONSEIGNEVR, d’imposer silence aux
deux Armées, & d’apointer tous ces differents ?
Vous estes, MONSEIGNEVR, le seul Mediateur
de nos desordres, la seule personne qui ayt le
pouuoir & l’authorité. On vous a veu dans les
Conseils & au Parlement auec vne force d’esprit
& vn iugement admirable, Et toute la
France sçait que vous seul, sçauez mieux ses
maux que tous les Ministres d’Estat ensemble.
Vostre entremise ne peut estre suspecte, que
vous peut-on donner qui ne vous appartienne ?

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Et quand on auroit tous les Royaumes du
Monde à vous offrir, ne sçait-on pas que vostre
integrité & vostre conscience ne peuuent
souffrir aucune atteinte ? On sçait assez qu’on
vous a caché le mal qu’õ nous vouloit faire, &
que ce feu qui brûle estoit couuert ; que vostre
respect & vostre seule opposition empeschent
que le Roy, qu’on nous a seulemẽt esloigné, ne
nous soit rauy. Enfin, MONSEIGNEVR, vous
auez toutes les qualitez d’vn digne Entremetteur
de nos differents. Vous n’auez contribué
quoy que ce soit à nos maux, & vous ne pouuez ;
sans nous faire souffrir plus que ceux qui
nous affligent, retarder plus long-temps à nostre
tres-humble supplication, vostre royale
presence. Reuenez donc, MONSEIGNEVR,
en vostre Palais, & sçachez que ses monstres
de diuision & de desordre se dissiperont à vostre
royal aspect, que vous serez nostre Hercule,
qui par vos trauaux inuincibles donnerez
le calme à cét Estat, Et ie me promets que
le Parlement & les autres Compagnies Souueraines,
la Ville de Paris, tous les Princes &
Seigneurs qui y sont, & tout le Royaume, viendront
benir vostre saincte resolution, & que
vous serez loüé de toutes les Nations estrangeres,

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& en veneration à toutes nos races futures.
Ie suis auec toute sorte de sousmission,
d’obeïssance & de respect,

 

MONSEIGNEVR,

De vostre Altesse Royale,

Le Tres humble, tres-obeïssant &
tres-fidele seruiteur, D.

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