D. L. [1649], LE VISAGE DE BOIS AV NEZ DV MAZARIN. ET SON EXCLVSION DE LA Conference qui se tient à Ruel. Par le Che. D. L. , françaisRéférence RIM : M0_4032. Cote locale : C_10_51.
SubSect précédent(e)

LE VISAGE DE BOIS
AV NEZ
DN MAZARIN.
ET
SON EXCLVSION DE LA
Conference qui se tient à Ruel.

BIEN que les vertus qui sont opposées
aux vices les tiennent tousiours soûmis
à leur éclatante superiorité, & que ce
combat dont l’issuë n’est iamais incertaine,
fasse incessamment triompher
les filles du Ciel, des monstres qu’engendre la terre :
Toutes fois ces foibles & lasches ennemis de la
gloire de Dieu, les vices osent bien encore armer
des Geans de temerité pour dethrôner les puissances
Souueraines.

L’insolence & l’effronterie qui depuis la naissance
du monde persecutent incessamment la prudence
& la retenuë, n’ont point encore rougi de
la confusion qu’ils remportent tous les jours de
leurs vains & ridicules efforts. Herennius qui par ses

-- 4 --

dissolutions & ses desbauches enormes perdit les
bonnes graces de Cesar Auguste, se voyant honteusement
chassé de l’Armée de ce sage Empereur,
eût encore assez d’effronterie pour se plaindre
de ce iuste traittement, & demander de quel
pretexte il couuriroit la honte de son prompt retour
prés de son Pere, dis luy, respondit l’Empereur,
que ie ne t’ay pas esté agreable : Et Ciceron
voyant que Laberius l’ennemy des bons Senateurs,
auoit encore l’impudẽce de se presenter pour auoir
seance auprés de luy. Ie te receurois, dit-il, si ie
n’estois placé si à l’estroit. Ce Prince de l’Eloquence
voulant témoigner par cette responce, &
le demerite de cét importun, & la trop grande facilité
de Cesar, qui admettoit pour lors trop de
monde au Senat.

 

Iamais nostre Roy de France Louys Hutin, n’eût
permis que l’on eût fait le procés à Enguerand de
Marigny Grand-Chambellan de France & Sur-Intendant
des Finances, bien qu’il fut accusé d’auoir
eu intelligence auec les Flamans ennemis de
cét Estat, s’il n’eust eû l’audace de respondre insolemment
à Charles Comte de Valois, Oncle du
Roy, lors qu’estant appellé au Conseil pour rendre
compte de l’administration des Tresors du Royaume,
il iura insolemment, que c’estoit ce Prince
qui les auoit enleuez.

Mais qui peut conceuoir vne temerité plus insupportable,
que celle d’auoir veu ces derniers iours le
Mazarin, à Ruel, se presenter pour entrer dans la

-- 5 --

Conference, où les Deputez de nostre auguste Parlement
se sont trouuez pour trauailler aux remedes
de l’Estat, & au recouurement de la Paix ? qu’elle
arrogance sans exemple, que le Criminel qui est
desia mort ciuilement, ose pretendre seance auec
les Iuges qui l’ont condamné, que ce coupable à
qui toute l’Europe dénie la protection, ose se presenter
deuant ce Tribunal où la Iustice preside auec
tant de majesté ? cherche-t’il d’estre combatu par
leurs paroles, apres auoir esté vaincu par la force de
leur integrité ? ou bien, veut-il entrer dans cette
Conference comme vn pecheur humilié, qui veut
rendre autant de larmes de repentir, qu’il a fait répandre
de ruisseaux de sang des meilleurs suiets de
ce Royaume ? Mais qui pourroit estre touché des
pleurs de celuy qui a fait verser sans horreur le sang
de tant de bons François ? Non, non ; il faut bien
plus de temps à consummer la roüille, dont la pratique
des crimes a desia défiguré son esprit : quoy
donc ? veut il voir le premier appareil que ces illustres
Senateurs estiment necessaire pour consolider
les playes dont il nous a navrés ; & cette ame artificieuse
croit-elle faire changer de face à la bonace
presente ? cét Hidre enuenimmé contre la pureté
des intentions de nostre Parlement, veut-il r’alumer
vn nouueau flambeau de desordre & de rebellion,
veut-il destruire la Nation Françoise s’il n’en
peut empieter le gouuernement ? mais il faut auparauant
qu’il face perir tous ceux qui sont affectionnez
à cette Couronne, & le Roy n’a point de sujets

-- 6 --

qui ne se sacrifient pour la conseruation de
son autorité, si bien qu’il faut massacrer tout vn
peuple, pour occuper cette Monarchie.

 

Mais non, ces Illustres Heros dont les armes appuyans
la cause de la Iustice, trauaillent pour nostre
commun repos, prodigueront encore leur vie
pour trouuer dans la continuation de leurs trauaux
la paix que nous demandons depuis si long-temps.
C’est par eux que les murs de cette Ville sont hors
de l’escalade & ne redoute plus l’aproche de ce Tyran ;
Ils ont guaranty nos testes du coup qui les
menaçoit : nous n’auons plus à craindre pour nous
ny pour nos familles, tandis que ces viuans Boucliers
des oppressez veilleront pour nostre deffense.
Decernons des triomphes à ces dignes Liberateurs
de la Patrie, faisons des vœux pour la longueur de
leurs années, partageons leur nos cœurs, & ne refusons
rien à la gloire de ceux qui nous donnent tout.

Mais tres-prudente, & auguste Compagnie,
n’admettez point dans vostre Assemblée ce Tyran
qui s’est tant de fois efforcé de vous diuiser,
ce Monstre qui n’a point épargné le fer ny le
poison pour destruire cét auguste Corps, auquel
sont auiourd’huy attachées les plus nobles parties
de l’Estat. Faites ressentir à ce Barbare, que c’est la
douceur & non pas la cruauté qui gaigne les cœurs
genereux. L’vne ne s’exerce iamais sans acquerir
de nouuelles creatures, & l’on ne se sert point de
l’autre qu’elle ne suscite la haine de tous les peuples.
Qu’il vse à son gré de ses forces, nous aurons

-- 7 --

assez de generosité pour ne point plier sous
les honteux liens de sa Tyrannie : la Vertu souffre
trop de contrainte sous le gouuernement des
méchans, c’est lors qu’elle n’agit pas selon ses sentimens,
& qu’elle est forcée de ceder à la corruption
des vices. Celuy qui ne sçait pas corriger le
déreglement de ses passions, est inhabile à l’administration
de la Monarchie Françoise.

 

Nous ne pouuons souffrir que le gouuernement
de nos Roys, qui n’a point de raport auec la seruitude,
puisque la liberté des bons suiets se conserue
dans la iustice de leur Prince, & que l’iniuste peut
mesme quand il veut se rendre libre sous vn semblable
gouuernement : En effet, la sujetion peut
durer sous le regne d’vn Monarque ; mais il n’en est
iamais l’autheur : & si la liberté consiste à faire ce
que l’on desire, ce n’est que le mauuais suiet qui
peut deuenir Esclaue, pource que ne faisant ce
qu’il veut, il n’agit que par la crainte de la iustice
de son Souuerain ; Mais si celuy-là n’est pas libre,
il est aussi indigne de l’estre, & s’il deuient serf,
ce n’est pas par le gouuernement du Prince, puisque
c’est le seul effet de son peché qui change sa
condition.

Cét Ennemy de tous les gens de bien, veut-il en
s’approchant de vous, combattre vostre prudente
ciuilité, de son arrogance & outrecuidance ? Ose-t’il
encore se presenter deuant ceux qui ne le peuuent
iustement regarder que dessus la Selette ; vostre
generosité seroit-elle satisfaite de perdre l’inimitié

-- 8 --

sans perdre aussi l’Ennemy ? Non, non,
Messeigneurs, qui écrase la teste du Vipere n’apprehende
plus d’en estre picqué ; & vous ne pouuez
separer le venin de ce corps infecté de crimes,
pour en composer vn bon antidote, qui vous
asseure contre la morsure de tous vos autres Ennemis.
Conseruez tousiours, Messeigneurs, cette
mesme rigueur contre l’approche des coupables :
N’admettez iamais le Cardinal Mazarin dans vostre
illustre Assemblée, & tels que cét autre Senateur
Romain, refusez vn siege à ce méchant qui
nous tient assiegez auec tant de cruauté. Il ne faut
point donner lieu de repos à celuy qui l’oste à tout
vn Royaume. Fermez les portes de Themis à celuy
qui ayant déchaisné tous les crimes que vostre
Iustice auoit écartez, les fait auiourd’huy marcher
en foule contre l’honneur des Autels, contre
la pureté des Vierges, & contre l’innocence des
oppressez, & que sa perte serue pour iamais de dictame
aux blesseures que vous trauaillez de guarir.

 

FIN.

SubSect précédent(e)


D. L. [1649], LE VISAGE DE BOIS AV NEZ DV MAZARIN. ET SON EXCLVSION DE LA Conference qui se tient à Ruel. Par le Che. D. L. , françaisRéférence RIM : M0_4032. Cote locale : C_10_51.