F. D. F. [signé] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX DE COMPIEGNE, ESCRITE A VN NOTABLE BOVRGEOIS DE PARIS, Sur les asseurances d’amitié que leurs Majestés donnent à leur dite Ville: Contre les faux bruits que sement les perturbateurs de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1894. Cote locale : A_5_84.
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LETTRE D’VN
RELIGIEVX DE
COMPIEGNE, ESCRITE A VN NOTABLE
Bourgeois de Paris : Sur les asseurances d’amité
que leurs Majestés donnent à leurdite
Ville : Contre les faux bruits que sement
les perturbateurs de l’Estat.

MONSIEVR,

COMME vous estes vn des
principaux Bourgeois de Paris, ma conscience
m’oblige de vous faire part de l’ingenuë declaration
de ce que la Reine ma fait l’honneur
de me temoigner de la pureté de ses intentions,
& du deplaisir que sa Majesté ressent
dans son cœur pieux & Royal, sur les mauuais

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bruits que les ames pernicieuses vont semant
contre ses desseins, qui sont de soulager le
peuple, & de faire vne bonne paix, quoy qu’il
y ait dans Paris des esprits si perturbateurs de
l’Estat, qui font courir des bruits que l’on veut
assieger Paris, & couper les bleds de la campagne ;
ce qui m’a obligé de vous écrire le contraire,
comme la desja dit à Paris en grande
assemblée vn grand Personnage Mercredy
dernier Iuin, de la part de leurs Majestés, &
de Nosseigneurs de son Conseil : Et j’auouë
que j’ay esté surpris d’auoir cogneu des mefiances
qui ne peuuent entrer que dans la
creance de ceux qui se laissent persuader les
choses sans fondement, & qui ne veulent penetrer
non plus la verité que la raison ; Qu’est-ce
qu’il y auroit à gaigner par les armes, toutes
submissions ont esté faites & receuës, la
guerre est le fleau vniuersel de tout le monde,
& la domestique est encor la plus dangereuse ;
Si bien qu’estans regis par vne Reine tres-Chrestienne
& tres-deuote, il y a de la manie
d’auoir de ses terreurs paniques ; & toutes les
oppositions ridicules qu’on met sur le tapis
sont des impertinences plus punissables que
supportables : Nos Princes sont satisfaits,
Nosseigneurs de Iustice, auec leur digne Chef,

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ne veillent que pour la durée de nos tranquillitez :
Qui sera donc ce malheureux qui cherchera
du desordre ; il faut auoüer que la nature
est miserable, en ce qu’elle ne sçait pas
jouïr de son bonheur, lors qu’il se presente ;
au contraire nous allons quereler les destinées
au plus fort de leur douceur ; qui n’a point de
peine en cherche, & trouue dans son illusion
ce que les plus veritables tourmens ont de plus
rude. Ie croy, MONSIEVR, que vous n’ignorés
pas la cause de ce desordre, c’est le defaut
de nostre vertu, qui ne veut pas voir ce
que nous deuons rendre d’honneur & de respect
à Dieu, & à ceux qui nous representent
son autorité ; Nous auons des pourquois qui
sont les argumens de nos maux ; & si nous
bannissions ce pourquoy cecy, & pourquoy
cela de nos vsages, nous en serions plus judicieux,
plus satisfaits, & moins criminels ;
Est-ce à nous d’alleguer ce pourquoy, nos
Maistres doiuent-ils releuer de nos fantaisies,
laissons-les agir, puis que Dieu nous les a donnez
pour nostre conduite, sans nous émouuoir
inutilement au prejusdice de nos deuoirs :
Iouïssons à plain du plaisir qu’il y a de n’auoir à
conter de nos fautes ; conseruons nos ames,
c’est ce que nous auons de plus precieux, elles

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vallent mieux que les dignitez & les couronnes ;
lors que nous meriterons des felicitez &
des contentemens, cette supresme cause nous
les distribuëra auec profusion ; Nous sommes
icy dans vn rauissement, & vne admiration des
heroïques Vertus que sa Majesté exerçe, sans
hypocrisie, les Religieuses plus consommées
dans la vie Spirituelle sont confuses de se voir
surmontées par vne grande Reine : Il est vray
que sa ferueur & son zele n’ont point d’exemple ;
& ceux qui feront l’histoire de sa vie auront
tant à exprimer, qu’à moins que son bon
Ange soit l’Historiographe, les hommes feroient
plus d’obmissions que de superfluité, La
flatterie n’a rien à controuuer dans ce beau
tissu, ny la malice du demon à inuenter ; puis
que le Seigneur manifestera la grandeur de sa
seruante, en exterminant ces langues serpentines,
qui tâchent par leurs Libelles à troubler
l’Estat ; Et ie ne demande à sa diuine Iustice,
pour la gloire de son nom, si ce n’est que
ceux qui la mécognoissent prennent le soin
d’examiner les actions admirables de ces
beaux jours ; & ie m’asseure que tous surmontez
par la grace qui l’accompagne, ils publieront
auec tendresse & joye le merite de cette
Princesse : l’estime que vous n’estes pas de sentiment

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contraire, & que dans toutes les rencontres
vous ne manquez pas de porter ce témoignage
que vous deuez à vostre probité, &
à l’éclat de la Couronne ; Les personnes bien
nées n’ont point de repugnance à vn deuoir si
agreable, & il faut laisser les incurables dans
l’attente d’vn miracle : Il est vray que la charité
nous engage à la correction des deprauez,
mais c’est en cas qu’il y ait espoir d’amandement ;
à moins de cela il faut se contenter de
les plaindre, & prier Dieu pour eux ; lors que
les crimes sont formez & cogneus, il y a des
punitions publiques, c’est l’ordre étably pour
conseruer les Peuples, & arrester les méchans :
Mais j’espere que toute la malice du siecle laissera
son fiel, par les prieres & austeritez des
gens de bien, & que la diuine Misericorde
nous fera tous jouir de sa Beatitude & vision
eternelle : Esperons de sa Bonté, & ne refusons
point d’agir à la correction des erreurs
populaires ; il y a honneur & aduantage dans
vn combat, dont la victoire est pour les Iustes ;
n’épargnez pas vostre esprit pour la defence
du Roy & de la Loy ; Bien heureux celuy qui
souffre persecution pour la Iustice, car il en
sera rempli de benediction & de joye : I’ay toûjours
loüé vostre prudence, mais ie me réjouïs

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à cette fois, de ne rien trouuer chez vous
de rebelle ny de mutin ; vous estes bon François,
& fidele à leurs Majestez : C’est ce que
j’ay ardemment souhaité, & la perseuerance
dans ce digne sentiment, auec le moyen de
vous pouuoir rendre mes seruices, en qualité
de

 

MONSIEVR,

Vostre tres-humble & tres-obeïssant
seruiteur en nostre Seigneur,
F. D. F.

De Compiegne ce 5.
Iuillet. 1649.

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F. D. F. [signé] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX DE COMPIEGNE, ESCRITE A VN NOTABLE BOVRGEOIS DE PARIS, Sur les asseurances d’amitié que leurs Majestés donnent à leur dite Ville: Contre les faux bruits que sement les perturbateurs de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1894. Cote locale : A_5_84.