F. de S. (Dom) [signé] [1650 [?]], MANIFESTE OV NOTABLE discours que Dom. F. de Silves cy-deuant Ministre d’Estat du Roy Catholique, a fait à tous les peuples d’Espagne, & particulierement à ceux qui gouuernent à present les affaires de cette Monarchie, touchant l’Eslection du Souuerain, qu’ils doiuent auoir, aprez la mort de leur Roy. Traduit d’Espagnol en François. , françaisRéférence RIM : M0_2397. Cote locale : B_19_34.
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MANIFESTE OV NOTABLE
discours que Dom. F. de Silves cy-deuant
Ministre d’Estat du Roy Catholique, a fait
à tous les peuples d’Espagne, & particulierement
à ceux qui gouuernent à present
les affaires de cette Monarchie, touchant
l’Eslection du Souuerain, qu’ils doiuent
auoir, aprez la mort de leur Roy.

Traduit d’Espagnol en François.

MESSIEVRS,

Les maximes d’Estat, qui sont les plus conformes
aux volontez de Dieu, sont tousiours les
plus excellentes, les plus glorieuses, & les moins
sujettes aux reuers de la fortune. Ce sont en effet
celles qui doivent faire des miracles pour
nostre salut, & qui doiuent redonnr vn nouuel
estre à tout cet Empire. C’est donc pourquoy
à l’imitation de cet Adorable modelle de toutes
les actions humaines, vous estes obligez en conscience
de ne rien faire, Messieurs, qui ne soit
vtile à la gloire de la sagesse infinie qui vous a
crées, & qui ne soit pareillement aussi necessaire
au bien de ses creatures : principalement en
l’élection d’vn souuerain, d’où depẽd toute la felicité
de l’Estat, & toute la gloire de la Monarchie.

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C’est la raison pour la quelle vous deuez chercher
vn Roy, dans toute l’estenduë de l’vniuers,
qui sache aymer Dieu de tout son cœur & son
prochain comme soy mesmes, apres que son immense
bonté aura placé le nostre dans son eternelle
beatitude. Mais ie ne sache pas vn Souuerain
qui puisse arriuer à cette eminante dignité,
qu’en espousant l’Infante que ce grand Monarque
nous laisse, si par malheur il n’y venoit par
la force des armes Voyez apres cela, Messieurs,
si vous n’estes pas obligez de dessiller les yeux à
quelque chose de grand, en faueur d’vn gage si
precieux, & mesme en faveur de cette Monarchie.

La fin & le bien sont tellement semblables,
qu’ils sont pris assez souuent l’vn pour l’autre,
quoy que pourtant à la rigueur, ils sachent conseruer
entre eux vne difference formelle, ou
pour mieux dire vne definition distincte & toute
particuliere. Neantmoins de quelque disconuenance
que leur estre soit doüe, vous ne laisserez
pas, s’il vous plaist, de considerer que ce
sont les deux mobiles qui doiuent dõner le branle
à tous vos sentimens, & qui doiuent susciter
toutes vos inclinations à pancher du costé que le
Ciel veut, & que vous devez vouloir comme luy,
si vous ne desirez faire vostre perte.

Ie sçay bien que le fils de l’Empereur pretend
d’espouser nostre Infante, à cause du traicté que
le Roy en a fait auec son pere : & que cela, sa

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grandeur & son merite luy donne vne grande
opinion, d’arriuer à ce qu’il desire. Mais s’il considere
que le pere ne peut, ny ne sçauroit en aucune
façon, engager sa fille dans vn lien coniugal
sans son consentement : qu’il n’y à que Dieu
seul qui puisse disposer des volontez de ses creatures :
Que le bien de l’Estat doit estre preferé
à tout autre consideration, de quelque importance
qu’elle soit : & qu’à toute extremité, s’il veut
iniustement passer outre, qu’on luy fera voir que
la Couronne appartient à Louys quatorze, surnommé
Dieu donné, Roy de France & de Nauarre,
à cause de la Reyne sa mere, qui comme
veritable heritiere presomptiue, n’a iamais en
cette qualité, renoncé à la succession, comme
nous dirons tanstost, & que par consequent il
ne sçauroit auoir la Princesse, quand bien mesme
elle y voudroit consentir, pour auoir l’honneur
d’estre Imperatrice. Ce que ie ne puis pas
croire en aucune sorte, veu que la Princesse sçait
bien que le veritable motif de toutes les inclinations
qu il à pour elle, n’ont autre but que la
possession de cette Monarchie.

 

Apres celà ie ne pense pas qu’il ne change de
sentiment, & qu’il n’abandonne la partie, dans
vn rencontre de cette nature. Il est vray qu’vn
Prince doit estre absolument maistre de ses passiõs,
& qu’il ne doit iamais vouloir que les choses
qu’il sçait estre veritablement iustes, non plus
que le moindre de ses subjets ; puis qu’il doit

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seruir d’exemple à tous ceux qui sont au dessou
de luy & puis qu’il doit obeyr aux loix, aussi bien
que le reste des hommes, s’il ne se veut mettre
au rang des Tyrans, ainsi qu’Aristore le dit fort
bien en ses Politiques.

 

Ie sçay bien encore que le fils du Roy de Portugal
n’y a pas moins de pretentions que le Prince
que nous venons de dire, à cause des grands
progrez que son pere fait tous les iours dans ces
Estats, & mesme à cause du merite dont Dieu
la doüé sur beaucoup d’autres testes couronnees.
Il est certain que l’vnion de son Royaume à cette
Monarchie, le rend en quelque façon plus considerable
que le precedẽt, veu que le fils de l’Empereur
ne sçauroit iamais soumettre ses Estats
à celuy cy ; mais bien celuy cy à son Empire.

Ce qui na se peut faire sans vn notable prejuce
de cette Souueraineté ; puis qu’elle seroit de
pendante d’vne autre. Ce que vous deuez euiter
Messieurs, comme vn funeste precipice, où toute
la gloire de cette Monarchie seroit esteinte
Considerez de grace, s’il ne feroit pas beau voir
vne nation qui n’aspire pas à moins qu’à la conqueste
de tout l’vniuers, soumise aux loix d’vn
peuple, moins ciuile que barbare.

Ie n’ignore pas aussi l’extreme passion que la
plus part de Messieurs du Conseil d’Estat ont, de
la donner au fils du Duc de Sauoye, auec quel
que espece de raison pourtant, veu qu’on pouroi
vn iour ioindre ses Estats à ceux de cette Monarchie,

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s’il estoit assez puissant pour nous vanger de
tous les ennemis qui nous persecutẽt. Mais comme
ce la luy est impossible, il me semble qu’on
n’y doit pas songer en aucune sorte.

 

Ie n’ignore pas encore l’extreme passion que
l’Archiduc Leopold doit auoir pour nostre Illustre
Princesse, ny mesme le dessein que la plus
part de la Noblesse à de ne la donner qu’au Duc
de Medina seigneur Espagnol, pour ne pas mettre
le Sceptre entre les mains estrangeres, & pour
n’auoir riẽ à demesler auec vne personne qui leur
pouroit estre suspecte : mais toutes ces considerations,
Messieurs, ne sont pas, s’il me semble, assez
puissantes pour nous obliger vnanimemẽt tous,
vouloir contraindre les intentions de nostre Princesse,
afin de la porter à faire ce qu’elle ne doit pas
à son esgard, ny mesme à exposer le biẽ de l’Estat
& le repos de la Patrie aux funestes sentimens des
vns & des autres.

L’Empereur qui ne songe qu’à remettre l’Empire
dans son acienne splendeur ; nous tiendra
tousiours en guerre auec toutes les nations de la
terre : espuisera toutes nos finances & depeuplera
toutes nos Prouinces (qui ne sont desia que
trop depeuplees) d’vn milion d’hommes, si necessaires
à cet Estat, & de qui nous auons incomparablement
bien plus besoin que de toute autre
chose. Et pour comble de nostre malheur, nous
n’aurions iamais, apres ce là, ny plaisir, ny contentement,
ny repos, qui sont des tresors & des

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felicitez que nous deuons mille fois, bien plus
soigneusement cherir que nostre propre vie.

 

L’ambition qui ne paroist qu’auec vn empire
trop absolu, sur l’esprit de tous ceux de le maison
d’Autriche, & qui met ordinairement tant de
desordre dans les Monarchies, les plus pompeuses,
les plus magnifiques & les plus florissantes
de la terre, n’est que trop funeste à toute la nature
humaine, pour ne pas craindre de retomber
sous le regne d’vn Prince issu de cette Illustre Famille.
Et puis que vous sçauez bien, Messieurs,
(dans le desordre où sont maintenant les affaires
de l’Empire) que leur Maison ne scauroit iamais
estre en estat de nous defendre contre tant d’ennemis
que nostre malheureux sort nous a suscitez,
ny contre tant de puissances que nous voyons
de toutes parts armées pour nous destruire,
ou pour nous perdre : vous ne deuez donc iamais
consentir à la recherche que le fils de l’Empereur
en fait, ny mesme vous confier aux grandes
promesses que ce Prince vous donnne.

Le Roy de Portugal, l’Archiduc Leopold, le
fils du Duc de Sauoye, & le Duc de Medina qui
est le plus grand & le plus digne homme que nous
ayõs en toute l’estenduë de nos Provinces, sõt s’il
me semble encore moins propres à soustenir la
pesanteur des affaires de cette Couronne, pour
les mesmes raisons que nous venons de dire, &
pour celles que nous pourrions encore raporter,
en conseruant l’honneur & le respect qu’on doit

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rendre à des puissances souuerainnes. Leur foiblesse
est trop éuidente, & leur impuissance trop
manifeste, pour entreprendre des choses où leur
prudence & leur valeur pourroient succômber,
à faute d’auoir ce qui leur seroit necessaire, pour
se maintenir contre tant de nations que l’enuie
estrangere sousseueroit cõtre eux & contre nous
pour nous piller, & pour nous reduire en cendre.

 

Que si vous me demandes, Messieurs, qu’est-ce
qu’il faut donc faire ? ie vous responderay la
dessus que le premier & le plus scauant de tous les
hommes, & mesmes le plus clair-voyant aux misteres
de la science Royale & de la prudence Politique
veut, que l’electiõ que l’on doit faire d’vn
Prince, pour l’eleuer au throne d’vne Monarchie,
n’ait autre but que la grandeur de l’Estat, & que
le bien de l’Empire : & pour cela il ne faut pas cõsiderer
s’il est estranger, ny s’il est né dans la patrie.
Suffit qu’il ait les qualitez requises & necessaires
pour arriuer à la fin pour laquelle on les
doit eslire par dessus tout le reste des hommes,
quelques autres considerations que l’on puisse
auoir en faueur de la parenté, ny en faueur des
graces particulieres, que nous en pourrions auoir
receuës.

La premiere cause qui nous doit induire à
donner nostre voix à l’election d’vn Prince, doit
estre vne excellente & merueilleuse dispensation
des choses procedãt d’vne integritè de mœurs, &
d’vne vertu inimitable, ainsi que Iustin nous l’apprend

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fort bien, en l’institution qu’il a faite des
Empires.

 

La seconde cause doit estre la consideration
des grands biens que le Prince peut faire generalement
à toute la Monarchie, en luy mettant
la Couronne sur la teste, qui sont en la deliurant
des malheurs où elle se trouue, ou bien en la remettant
en son premier lustre, comme on peut
voir en la personne de Scipion l’Affricain, apres
qu’il eut demoli la nouuelle Cartage, qui persecutoit
les Romains auec vn courage extrememẽt
funeste pour cette Republique, selon que Plutarque
le recite dans ces ouurages : Ou comme Ciceron
apres qu’il eut deliuré Rome de la conjuration
de Catilina, & de plusieurs autres qui
concouroient à ses intentions, & qui prestoient
la main à la conspiration qu’il auoit faite.

La troisiesme cause doit estre la pressante necessité
que nous auons de choisir quelqu’vn qui
nous puisse deliurer presentemẽt de tous les malheurs
qui nous sont suruenus, depuis que nous
auons la guerre, contre la France, contre le Suedois,
contre le Roy de Portugal, contre la Cathalogne,
& de rechef contre les Hollandois, si l’on
n’y met ordre de bonne heur, & de tous les autres
desordres qui nous peuuẽt encore arriuer, si nous
ne prenos pas le soing d’elire quelque Souuerain
pour nostre Monarque, qui nous sache exempter
de l’vn & de l’autre fleau qui panche sur nos testes,
par vne puissance toute particuliere à ce

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Souuerain, à ses Estats, & à ses armees.

 

La quatriesme cause doit estre l’extreme bonheure
dont l’on void que le Prince est accompagné
en toutes ses entreprises, comme nous auons
veu, & comme nous voyons tous les iours qu’il
arriue au Roy de France, qui tousiours le plus foible
en ses armees, à fait des coups, qu’on ne scauroit
faire, sans auoir Dieu pour son appuy, &
pour son conducteur ordinaire ; ainsi que Iosuè
lors qu’il deffit plusieurs Roys, & lors que personne
ne pouuoit resister contre luy en la conduitte
des Israëlites.

Pour la premiere cause, ie croy qu’elle se peut
trouuer en la persõne de tous les Souuerains que
l’on vous a desia proposez dans toutes les assemblees
qui se sont faites pour vn mesme affaire, &
pour vne chose si importante que la nostre ; mais
pour les biens qu’vn Prince peut faire à vne Monarchie
si affligee que la nostre : pour les remedes
qu’on doit apporter à la presente necessité
des affaires presentes, & pour estre accompagné
d’vn extreme bon-heur en toutes ses entreprises,
ie ne croy pas qu’il s’en puisse trouuer vn dans
toute l’estanduë de l’vniuers, plus capable de rendre
ces bons offices à cet Estat, que le Roy de
France. Ainsi possedant cette Couronne, sa Majesté
nous pourra donner vne paix aussi durable
que les siecles, & ainsi ce grand Prince remedira
par ce moyen là à la presente necessité des affaires
que nous auons, accompagné comme il est

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d’vn bon-heur qui ne l’abandonne iamais, en
quelque part qu’il soit, ou en quelque lieu
qu’il aille. A l’heure que nous pensions auoir dissipe
tous les desseins des François, & ruine toutes
leurs entreprises, par le moyen des diuisions
que nous auons pratiquees de longue main dans
tous leurs Estats, comme il se peut voir depuis
le commencement de l’annee mil six cens quarante
huict, que leurs desordres ciuils & intestins
commencerent a se former iusques à present, &
à l’heure que nous croyons les auoir reduits au
point de leur perte, nous les voyons auec vne
prudence toute extraordinaire, venir à bout de
tous les malheurs que nous leur auions suscitez,
& de tous les obstacles qu’ils auoient eux mesmes
opposez, à des actions si loüables & si glorieuses
que celles de leur Prince.

 

Considerez, Messieurs, que si nous ne l’elisons
pas pour nostre Roy, en luy offrant nostre Princesse
en mariage, continuant de nous faire la
guerre comme il fait, qu’il nous ruinera, & qu’à
la fin il se rendra maistre de toute cette Monarchie.
Ne voyez vous pas bien que c’est maintenant
le plus puissant Monarque de l’vniuers, &
celuy qui merite mieux que Prince du monde
qu’on iette les yeux sur luy, plustost que sur pas
vn Souuerain de la terre. On ne scauroit mieux
faire que de ioindre les volontez de nostre Princesse,
aux passions de ce digne Conquerant, &
par vn lien mutuel & indissoluble, vnir de telle

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sorte ces deux esprits, qu’ils ne fussent plus qu’vn
tout indivisible, afin que ces deux Estats ne fussent
plus aussi par ce moyen là, qu’vn seul Empire.
Ce seroit veritablement alors que Dieu, beniroit
nos affections, que les Espagnols & les Frãçois
se verroient vnis par l’effet d’vne amour reciproque
& inuiolable, & que les vns & les autres
se trouueroient coniointement honnorez d’vne
felicité aussi durable que les siecles.

 

Se peut il voir au monde vn Prince plus puissant,
ny vn Souuerain plus redoutable, que ce
luy que le Ciel donna aux peuples François, durant
que le temps sembloit estre passé, de pouuoir
iamais esperer ces graces ? Il faut croire que
sa Sagesse infinie ne le leur a baillé que pour remettre
leur Monarchie en l’estat qu’elle estoit
durant le regne de Saint Loüis dont il porte le
nom, ou du moins comme elle estoit durant le
regne de Charlemagne, N’a til pas malgre toutes
les forces de l’Europe iointes ensemble (depuis
l’âge de cinq ans, iusques à l’âge de dix,
qui n’est qu’vn commencement de vie sans iugement,
sans force, sans vertu, & sans conduitte,
en tout le reste des creatures) conquis plus de
soixante places, & gagne sept ou huict batailles
sur nous, sans que ce nombre infiny de legions
armees de toutes parts contre luy, l’ayent peu
empescher de faire des progrez, qu’Alexandre
n’auroit iamais sceu faire, durant vne si tendre
ieunesse que la sienne ?

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Que s’il continuë ne deuons nous pas aprehender
auec le temps, que cet inimitable Conquerant
nous depoüille de tout nos Estats, & nous
rende ses subjets ou ses exclaues ? N’est til pas assez
heureux & mesme assez triomphant pour auoir
de force ce qu’on ne luy voudroit pas accorder
par iustice ? Et puis, a toute extremité,
il faut considerer que l’Espagne ne luy appartient
pas moins que la France ; puis que la Reyne
sa mere n’a iamais renoncé aux droits de cet
Estat, ny à la succession de cette Couronne. Ce
qu’on ne luy scauroit iamais denier, si on ne luy
vouloit retenir, ce que Dieu, la Nature & la Loy,
luy ont voulu donner par le moyen d’vne succession
aussi raisonnable que legitime. N’est ce pas
vne action tres glorieuse pour nous de luy rendre
genereusement par les voyes de l’honneur &
du profit, ce qui est à luy par des raisons si pressantes
& si equitables, qu’on n’en scauroit iamais
trouuer de meilleures, ny de plus excellentes ? fai-
donc de grace, Messieurs, par generosité, ce
qu’on nous pourroit obliger de faire tost où tard
par contrainte : & ne negligeons pas vn aduis,
qui nous vient plustost du Ciel, que de la part
des hommes.

Quel funeste & sensible deplaisir n’aurions
nous pas si le refus qu’on luy feroit de la Princesse,
attiroit sur cet Estat mille epouuantables legions
d’homes armez, sans aucun espoir de secours,
ny de la part de Dieu, ny de la part de ses

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creatures ? Le bras d’vn Prince victorieux &
triomphant, animé de fureur & de colere, &
mesme poussé d’vne vangence si raisonnable
que la sienne, n’est pas si peu raisonnable, qu’on
ne doiuent faire beaucoup pour en euiter les
coups, & pour aller mesme au deuant de l’orage.
Ie fremis d’horeur quand ie songe aux estranges
malheurs que la guerre attireroit sur cet Estat,
si vostre volonté, Messieurs, n’estoit conforme
à celle de ce grand Prince.

 

Considerez apres cela de grace, Messieurs,
si vous deuez donner vostre sentiment aux propositions
que ie vous faits, & si vous deuez offrir
la Princesse à vn Souuerain, qui doit faire vostre
salut ou vostre perte. Le bon heur de cet Estat,
consiste en l’vnion de ces deux Empires. Plus
vne Monarchie est de grande estanduë, plus elle
abonde en soldats, & en richesse, qui sont a
vray dire, les deux plus excellens moyens, par
où elle se rend redoutable à toutes les autres
puissances de la terre. Les guerres que les Chrestiens
se font les vns contre les autres, sont si desagreables
à Dieu, qu’a peine les peut il souffrir
sans les precipiter dans leurs pertes. N’estoit-
ce pas assez que la nature eut crée l’homme sujet
à vn nombre infiny de calamitez, sans qu’il
se procurat luy mesme encore vn malheur si
grand, qu’il surpasse effectiuement, tous les autres
malheurs de monde ? Pardonnez moy, Messieurs,
si ie vous dis que vous respondrez vn iour

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deuant Dieu, de tous les desordres qui arriueront
à cet Estat, si vous ne faites pas tous vos efforts
pour en euiter la cause. C’est donc vous
qui vous deuez porter vertement à faire les choses
qui luy sont necessaires, & qui le pouuez
mettre à couuert de tous les malheurs qu’on luy
prepare. Que si vous ne le faites pas, vostre
malheur est asseurê, & vostre salut court grand
risque. Songez y donc ie vous en suplie, puis que
vous y estes si estroitement obligez. C’est la
priere que vous fait de tout son cœur, celuy qui
est & sera passionement.

 

MESSIEVRS,

Le tres-humble seruiteur de vos seigneuries
Dom. F. de S.

Section précédent(e)


F. de S. (Dom) [signé] [1650 [?]], MANIFESTE OV NOTABLE discours que Dom. F. de Silves cy-deuant Ministre d’Estat du Roy Catholique, a fait à tous les peuples d’Espagne, & particulierement à ceux qui gouuernent à present les affaires de cette Monarchie, touchant l’Eslection du Souuerain, qu’ils doiuent auoir, aprez la mort de leur Roy. Traduit d’Espagnol en François. , françaisRéférence RIM : M0_2397. Cote locale : B_19_34.