Guise, Henri II de [?] [1649], SECONDE LETTRE DE MONSEIGNEVR LE DVC DE GVISE A VN GRAND SEIGNEVR de France, sur sa fidelité pour Mademoiselle de Pont. , françaisRéférence RIM : M0_3614. Cote locale : B_8_37.
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SECONDE LETTRE DE
Monseigneurgr le Duc de
Guise à vn grand Seigneur
de France, sur sa fidelité pour
Mademoiselle de Pont.

MONSIEVR,

Si la passion que i’ay tousiours
euë, & que ie conserue plus violente &
plus fidelle que iamais pour Mademoiselle de
Pont, n’estoit assez connuë à vostre Eminence,
elle pourroit s’estonner que dans l’estat où ie
me trouue, ie remets sur ce qu’elle pourra apprendre

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de Monsieur le Marquis de Fontenay ;
des affaires d’icy l’entretien de mes malheurs.
C’est vn effect du desespoir où ie suis qu’il faut
que ie ne puisse auoir sentiment, pourquoy que
ce puisse estre, luy faisant vne confession tres-veritable,
que ny l’ambition, ny le desir de m’inmortaliser
par des actions extraordinaires, ne
m’a embarqué dans vn dessein si perilleux que
celuy où ie me trouue : Mais la seule pensée faisant
quelque chose do glorieux de mieux meriter
les bonnes graces de Mademoiselle de Pons,
& d’obtenir par l’importance de mes seruices
que la Reyne considerera & elle & moy ; ie pensois
apres tant de perils & de peines passer doucement
auec elle le reste de mes iours Mes esperances
sont bien trompées, ie me plains auec
raison de me voir abandonné de la protection
de vostre Eminence dans le temps où i’en auois
le plus de besoin, & ie me tenois le plus asseuré,
i’ay hazardé ma vie dans le passage sur la mer.
I’ay reduit dans ce party quasi toutes les Prouinces
de ce Royaumes. I’ay maintenu la guerre
quatre mois sans poudre & sans argent, &
reduit dans l’obeyssance vn peuple enflammé
sans auoir vn moment de repos, & mesmes ay
esté deux iours sans pain. I’ay cent fois esuité la
mort par le poison & les reuoltes. Tout le monde

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m’a trahy, mes domestiques mesmes ont
esté les premiers à tascher de me destruire ;
l’armée n’a paru que pour moster la creance
parmy le peuple, & par consequent le moyen
de reüssir parmy tous ces embarras, ne subsistant
que par mon cœur & ma resolution. Au
lieu de m’en sçauoir gré, & de me donner courage
de continuer ce que i’ay si heureusement
commẽcé, où ie puis dire sans vanité, que tout
autre que moy auroit eschoué, l’on me persecute
en ce qui m’est le plus sensible, l’on tire
auec violence vne personne que i’ayme, d’vn
Couuent où ie l’auois priée de se retirer, & durant
le temps que i’ay hazardé ma vie l’on
m’oste la seule recompense que ie pretendois
de tous mes trauaux. On l’a mal traicté, & l’on
me donne le plus grand & le plus sensible tesmoignage
de haine que l’on m’eust peu donner.
Si vostre Eminence a quelque sentiment
de l’amitié qu’elle m’a promise, & des seruices
que ie luy ay vouë, ie la suplie de remedier
à ce deplaisir. Faites moy voir en ce point
quelle est son amitié & son estime pour moy,
& en toute autre ie luy feray, voir que iamais
homme ne luy fut si veritablement aquis. Sans
cela ny fortune ny grandeur, ny mesmes la

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vie, ne me sont pas considerables : Ie m’abandonne
tout à fait au desespoir. Si ie voit qu’il
ne me reste plus d’esperance d’estre vn iour
heureux renonçant à tout sentimẽt, & d’honneur
& d’ambition. Ie n’auray de pensée au
monde que celle de perir ou de ne suruiure à
vne telle affliction qui me fait perdre le repos
& la raison. Iose me promettre que ma consideration
est assez chere à V. E. pour ne voir
pas perir la personne du monde qui malgré
les Astres & le sujet qu’il a de se plaindre, ne
laisse pas d’estre le plus veritablement

 

MONSIEVR,
De V. E.

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Guise, Henri II de [?] [1649], SECONDE LETTRE DE MONSEIGNEVR LE DVC DE GVISE A VN GRAND SEIGNEVR de France, sur sa fidelité pour Mademoiselle de Pont. , françaisRéférence RIM : M0_3614. Cote locale : B_8_37.