H. R. P. [signé] [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME de la ville d’Aix en Prouence, adressée à vn sien amy, à Paris. SVR CE QVI S’EST PASSÉ depuis la detention du Comte d’Alais, & du Duc de Richelieu. , françaisRéférence RIM : M0_1869. Cote locale : A_5_71.
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LETTRE D’VN GENTIL-homme
de la ville d’Aix en Prouence,
adressée à vn sien
amy, à Paris.

Sur ce qui s’est passé depuis la detention du
Comte d’Alais, & du Duc de Richelieu.

MONSIEVR,

I’estois sur le poinct de vous escrire & vous reprocher
en mesme temps le peu de soin que vous
aués eu de respondre à mes precedentes ; lors que
le Sieur Bonfis arriua de retour de la Cour, où il
auoit esté enuoyé par Messieurs de la ville, pour
asseurer le Roy de sa fidelité, & de son obeïssance,
& faire cognoistre que tout ce qui s’y estoit passé
le iour de Sainct Sebastien, ne pouuoit blesser son
seruice ; attendu que rien n’auoit esté fait que
dans l’extremité, pour repousser l’iniure que le

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Comte d’Alais vouloit faire au Comte de Carces,
à ceux du Parlement, & aux principaux
Gentils-hommes de la Prouince qui auoient
souspiré si long-temps, pour les cruautés que
ce Gouuerneur exerçoit à l’endroit de ces Messieurs,
aprés les auoir chassés de leurs sieges. Ie me
donnay l’honneur de l’aller salüer chés luy pour
aprendre des nouuelles : il me dit, comme depuis
l’enleuement du Roy, Monsieur le Prince auoit
entrepris d’affamer Paris, & auoit vne si horrible
auersion pour ceste belle & grande ville, qu’il
auoit iuré de la faire perir dans vn mois : que pour
c’est effet, il l’auoit bloquée, & auoit fait venir
toutes les troupes de tous les endrois du Royaume,
mesme les Alemans, & les Polonois, ausquels il
permettoit tous actes d’hostilité, qu’il auoit pris
Charanton de force, où Monsieur de Chastillon
auoit esté tué auec plusieurs Officiers de marque ;
qu’il estoit comme impossible de sortir de Paris,
non pas mesme auoir des lettres de ceux qui sont
dedans : Il dit neantmoins qu’il n’auoit pas esté
mal receu à la cour, & que le Conseil auoit enuoyé
le sieur Ferron qui deuoit arriuer icy dans vn iour
ou deux, lequel apportoit vne abolition generale
de tout ce qui s’estoit passé, auec la reuoquation du
Semestre ; qu’il auoit pouuoir de traiter d’accommodement
pour l’élargissement du Comte d’Alais,
du General des Galleres, de l’Intendant, & de
tous les prisonniers, lesquels sont tousiours gardés

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auec vn soin tres-grand. Toutes ces nouuelles me
donnerent enuie d’aller à la place des Prescheurs,
aprés auoir pris congé de luy, pour sçauoir quelle
impression elles auoit fait sur l’esprit du monde.

 

Ie fus surpris à l’abord de tant de resolution
que ie rencontray dans l’esprit de tous les gens
d’honneur, quoy qu’on eust sçeu dire du dessein
que Monseigneur le Prince auoit de perdre cette
grande ville, le raisonnement commun estoit que
si Paris n’auoit encores rien fait de considerable, il
estoit retenu par le grand respect qu’il a pour le
Roy.

Qu’il estoit assés fort pour passer sur le ventre de
cinquante mille hommes, quand il le voudroit
faire, & on demeuroit d’accord que Messieurs du
Parlement n’auoient iamais eu vn plus iuste dessein
que celuy de ioindre leurs interests auec ceux du
Parlement de Paris, qui n’a rien de si cher que la
grandeur, & la gloire du Roy, l’affermissement
de l’Estat, & le soulagement des peuples. Ils disoient
qu’il falloit auoir l’abolition, & la reuoquation du
Semestre, que Ferron apportoit ; mais qu’il n’y
auoit aucune raison de traiter ; puisque les deputes
du Parlement estoient à Paris pour faire entendre
les raisons qu’on auoit eües de se deffendre contre
les violences du Comte d’Alais, & des gens de
guerre qu’il auoit fait entrer dans Aix.

Et pour faire voir le preiudice que le Semestre
faisoit aux interests du Roy, ruinant ses sujets dans

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cette Prouince. Ces raisonnements ont eu vn tel
effet qu’ils ont eu force de cause iugée. Le sieur Ferron
arriuant deux iours aprés, fut forcé de donner
l’abolition, & la reuoquation du Semestre, apres
quoy ayant dit sa creance de la part du Conseil à
Messieurs du Parlement, il fut respondu qu’on ne
pouuoit parler d’aucune affaire auec luy, que les
deputés du Parlement qui sont à Paris auoient
ample pouuoir de traiter generalement de toutes
choses, mesmes depuis le dernier courrier qu’on
leur auoit despeché le vingt-quatriesme Ianuier,
& qu’il falloit attendre de leurs nouuelles. Ie ne vois
rien à craindre à present dans la Prouince : puisque
toutes les villes importantes comme Marseille,
Arles, Toulon, & les autres vont tres bien pour
le seruice du Roy, pour l’interest du pays & du
Parlement ; qu’elles ont enuoyé au Roy pour l’asseurer
de leur fidelité, comme la ville d’Aix au
nom de tout le païs : Ceste vnion fait le repos de la
Prouince, & me fait esperer de la bonté de la
Reyne, qu’elle escoutera les deputés du Parlement,
qui ont esté ioüés iusques à present par les fourbes
de son ministre, & qu’ils reuiendront dans peu de
temps auec la satis-faction de tout le païs, puis
qu’ils sont en parfaicte intelligence auec la plus
illustre compagnie du monde. Vous n’aurés rien
autre chose pour le present que le salut de tous les
chers amis qui vous coniurent d’acquiter vos
debtes, par la premiere occasion que vous aurés de

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nous donner de vos nouuelles, & de nous faire la
veritable histoire de ce qui aura esté fait pendant
le siege de Paris. Ie desire que ce soit bien-tost &
que i’aye cette satisfaction de vous embrasser, & en
entendre le recit de vostre bouche : ce nous sera vn
redoublement de ioye, & particulierement à moy
qui suis par dessus tous les hommes du monde,

 

MONSIEVR,

Vostre tres-humble &
obeïssant Seruiteur,
H. R. P.

D’AIX Ce 20. Fevrier.
1649.

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H. R. P. [signé] [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME de la ville d’Aix en Prouence, adressée à vn sien amy, à Paris. SVR CE QVI S’EST PASSÉ depuis la detention du Comte d’Alais, & du Duc de Richelieu. , françaisRéférence RIM : M0_1869. Cote locale : A_5_71.