LETTRE D’VN
Seigneur François enuoyée au
Prince de Galles, sur la mort
du Roy d’Angleterre son Pere,
pour l’obliger à venger sa
mort, se remettre en ses Estats,
& se mesler de la Paix generalle.

SIRE,

Ie ne pretens point par des
paroles foibles & languissantes moderer lextresmes

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affliction qu’à receu vostre Serenissime
Majesté, de la perte du Roy de tres-glorieuse
memoire, vostre Seigneur & Pere : I’ay vne trop
parfaite connoissance de la grandeur de vos inclinations
pour pouuoir douter qu’en vn accident
si estrange & si inoüy, vostre ame la plus
forte qui soit au monde n’ait beaucoup souffert
d’vne si cruelle atteinte. Mais, SIRE, ie veux
prendre la liberté de conuier vostre Serenissime
Majesté, apres auoir rendu les droits que la
nature exige auecque tant de justice d’elle, de
vouloir non pas chasser cette douleur, mais la
fortifier auecque ce courage inuincible qui reluit
en toutes ses actions pour tirer vengeance
du plus horrible crime qui ayt esté imaginé
dans l’esprit des plus scelerats hommes : Toutes
sortes d’occasiõs, SIRE, semblent fauoriser vne
si glorieuse & genereuse entreprise, l’esperance
qu’on a d’vne paix generale par toute l’Europe
obligera tous les Princes Chrestiens, comme
ils sont liez tres-estroictement de sang &
d’interest auec Vous, de joindre leurs armes auecque
les vostres, pour vous mettre sur la teste
vostre Couronne vsurpée & enuahie par vn
barbare, &; aller à vostre secours comme à vne
guerre saincte. L’amour & la passion qu’ont
tous les François pour leurs Roys, fera engager
cette braue Noblesse à vostre party, pour
faire connoistre à toute la terre qu’ils sont les

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liberateurs & les conseruateurs des Empires, &
les restaurateurs des Estats renuersez. Nostre
Roy mesme dans la force de sa jeunesse donnera
les premiers ardeurs de son courage à remettre
vostre Trône abatu, & à vous faire paroistre
que sa protection est le plus fort rempart
que vous puissiez opposer à vos ennemis.
Enfin, SIRE, ce qui est necessaire pour vostre
maintien & vostre restablissement est que vostre
Serenissime Majesté fasse tous ses efforts pour
faire cõclure la paix entre tous les Princes Chrestiens,
les preparatifs en sont tous dressez, &
nous auons dans Paris vn enuoyé auecque vne
lettre de creance de la part de Monsieur l’Archiduc
Leopol, qui tesmoigne l’a sincerité des
intentions de l’Empereur, du Roy d’Espagne,
du Duc de Lorraine, & de son Altesse Imperiale.
Mais comme il est impossible que la paix
generale se puisse conclure que nos desordres
domestics ne soient appaisez, il semble que
ce seroit vne digne occupation de vostre Serenissime
Majesté, auecque celle de la Reyne vostre
Mere de s’en entremettre, en cette occasion
la France toute entiere vous seroit obligée
de son repos, & de là toute l’Europe qui vous
bailleroit des armées triomphantes pour chastier,
selon l’enormité du crime ses meurtriers

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de Roys & vsurpateurs de l’authorité Souueraine,
& en cette occasion ie ne serois pas des derniers
à vous tesmoigner que ie suis auecque
toute sorte de respect,

 

De vostre Serenissime Majesté,

Tres humble, tres obeïssant,
& tres-fidele seruiteur.
L. D. A.