La Mothe-Houdancourt (Henri de) [?] [1649], QVATRIEME FACTVM, OV DEFENSES DE MESSIRE PHILIPPES DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT DVC DE CARDONNE, & Mareschal de France, CY-DEVANT VICE-ROY ET CAPITAINE General en Catalogne. Auec plusieurs Requestes, Arrests, & autres Actes sur ce interuenus, tant au Conseil, qu’ailleurs. , français, latin, espagnolRéférence RIM : M0_2849. Cote locale : A_4_7.
Section précédent(e)

QVATRIEME FACTVM,
OV
DEFENSES
DE MESSIRE
PHILIPPES
DE LA
MOTHE-HOVDANCOVRT
DVC DE CARDONNE,
& Mareschal de France,
CY-DEVANT VICE-ROY ET CAPITAINE
General en Catalogne.

Auec plusieurs Requestes, Arrests, & autres Actes sur ce
interuenus, tant au Conseil, qu’ailleurs.

A PARIS,
Chez LOVIS SEVESTRE, ruë du Meurier,
prés sainct Nicolas du Chardonnet.

M. DC. XLIX.

Auec Permission & Priuilege.

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QVATRIEME FACTVM,
POVR
Messire Philippes de la Mothe Houdancourt,
Duc de Cardonne, Mareschal
de France, & cy-deuant Vice-Roy,
& Capitaine General de Catalogne,
Contenant sa Iustification :

CONTRE
Monsieur le Procureur General du Roy
au Parlement de Grenoble.

AV ROY, ET NOSSEIGNEVRS
de son Conseil.

PHILIPPES de la Mothe Houdancourt,
Mareschal de France, Duc de Cardonne,
cy-deuant Vice-Roy & Capitaine general
de Catalogne : Remonstre tres-humblement
que Sa Majesté ayant par ses Lettres
d’euocation du 17. Iuin dernier renuoyé en
son Parlement de Grenoble le procez du
Suppliant, il auroit par vn Declinatoire remonstré
qu’à cause de sa naissance, de son domicile, de ses biens
& de ses dignitez il est de la iurisdiction de vostre Parlement de
Paris, & non de Grenoble : Et qu’il ne pouuoit estre distrait de la

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iurisdiction de ses Iuges naturels, puisque les Rois vos predecesseurs
par leurs Ordonnances, & notamment par celle de Blois
articles 97. & 98. ont voulu que telles euocations, ou commissions
données de leur premier mouuement fussent declarées
nulle & de nul effet, & que nonobstant icelles l’instruction &
iugement des procez fust faite par les Iuges auquel la consequence
en appartient.

 

Neantmoins vostre Procureur general de Grenoble luy ayant
representé que son declinatoire prolongeoit sa detention &
retardoit les effets de la bonté de vostre Majesté, ledit Suppliant
auroit reconnu vostredit Parlement de Grenoble par plusieurs
Requestes qu’il luy auroit presentées pour plaider sur ledit declinatoire,
toutes les Chambres assemblées, ainsi qu’il est accoustumé
en pareils cas, ce que vostredit Procureur general
auroit contre toutes les formes empesché, & en suite obtenu
de Sa Majesté le dernier Decembre vne seconde commission
qui porte renuoy de l’instruction & iugement du procez dudit
Suppliant en la troisiéme Chambre de vostredit Parlement, en
interdisant la connoissance aux autres chambres & corps du
mesme Parlement de Grenoble, lequel Parlement lors que ladite
commission luy a esté presentée l’auroit trouuée si contraire
à vosdites Lettres d’euocation & Arrest donné en suite,
& encore aux formes, vsages & pratiques d’iceluy, qui l’en auroit
refusé l’enregistrement & renuoyé la chose par deuers vous
& en vostre Conseil.

A ces causes, SIRE, & que par les priuileges de la naissance
des dignitez de Duc & Officier de la Couronne dont est honoré
ledit Suppliant, il ne doit point auoir ny reconnoistre
d’autres Iuges que vostre Parlement de Paris, auquel seul appartient
la connoissance des accusations qui sont contre luy
par les Loix & Ordonnances du Royaume, & lequel on doit
connoistre, toutes les Chambres assemblées, ainsi qu’il a esté
iugé aux personnes du Connestable S. Paul en l’an 1475. & du
Duc de Nemours quoy que nõ Pair, qui fust iugé par vostredit
Parlemẽt de Paris, toutes les Chãbres assemblées, en l’an 1477.
Et encore au Mareschal de Gié iugé au Parlement de Thoulouse,
les Chambres assemblées, mesme que la forme, stile &

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vsage de vostredit Parlement de Grenoble a tousiours esté de
iuger les accusez, quoy que simples Gentils-hommes, toutes
les Chambres assemblées. Comme il se void encore par le iugement
du procez du sieur de Montbrun iugé depuis peu, sans aucune
exemple contraire. Il plaise à vostre Majesté conformément
ausdites Lettres d’euocation du 17. Iuin, & Arrest du
Conseil donné en suite le 2. Septembre dernier, & sans s’arrester
à ladite Cõmission du dernier Decembre ordonner que le procez
dudit Suppliant sera instruit & iugé en vostredit Parlement
de Grenoble, ainsi qu’il est accoustumé toutes les Chambres
ensemble, si mieux il ne plaist à Sa Majesté le renuoyer en vostre
Parlement de Paris pardeuant ses Iuges naturels, pour y
estre procedé selon les formes, Loix & Ordõnances du Royaume,
& le Suppliant continuera ses prieres pour la santé &
prosperité de Sa Majesté.

 

Cette Requeste ayant este refusée au Conseil, attendu l’Arrest precedent,
ledit Seigneur Mareschal & son Secretaire accusé auec luy, ont
donné leurs iustifications ainsi qu’il ensuit.

A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT.

SVPPLIE humblement Iean-Baptiste Boisot
Secretaire de Monseigneur le Mareschal de la Mothe
Duc de Cardonne, & de l’Armée de Catalogne,
Commissaires des Guerres ; preuenu &
accusé à la Requeste de Mr le Procureur General.

Lequel represente que depuis trois ou quatre année il est
détenu prisonnier, sous pretexte de quelques accusations que
l’on a formées contre luy pendant qu’il a negotié en Catalogne
les affaires dudit Seigneur Mareschal Duc son Maistre.
Sur lesquelles accusations ayant esté interrogé en Catalogne
& à Grenoble, il auroit appris les chefs de ses accusations, &
par ses responses fait voir la calomnie des choses dont il est
accusé, & qu’il n’a rien fait dont il ne se puisse bien iustifier,
de mesme que ledit Seigneur Mareschal Duc le peut estre, par
le moyen des actes faits & signez par les Sieurs Dorée, Talon
& Moreau ; & autres actes publics par luy alleguez & employez

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en ses responses personnelles, qui conuaincront de faux lesdites
accusations.

 

Lesquelles consistent en ce que l’on a presupposé que le
Suppliant a sceu que Mondit seigneur le Mareschal Duc de la
Mothe a fait quelque profit sur les plus-values, qu’il en a receu
de l’argent des Tresoriers pour luy & par son ordre, en suitte
d’vn traitté fait auec les Tresoriers pour luy & par son ordre,
en suitte d’vn traitté fait auec les Tresoriers à raison de 22.
pour cent pour le Roy, par ledit Seigneur Mareschal Duc & le
sieur d’Agenson, pour lors intendant en Catalogne.

L’on a encore presupposé que le Suppliant a eu cognoissance
du diuertissement pretendu fait d’vn prest à l’Armée, & qu’il
en a receu l’argent pour ledit Seigneur Mareschal Duc.

Que dans les comptes par luy faits pour les affaires dudit
Seigneur Mareschal Duc son Maistre, auec les Tresoriers, il a
receu & retenu vne somme de quatorze mil quatre cens tant
de liures pour des interests qui doiuent estre payées à des particuliers
de Barcelonne, qui auoient presté de l’argent au Roy.

Que dans les mesmes comptes il a aussi employé vne somme
de douze mil liures, laquelle appartenoit au sieur Balthazar
Colonel de cauallerie.

Que les Commis de l’extraordinaire des Guerres luy auoient
baillé la somme de soixante & dix mille liures en sept mille pistoles,
pour les remettre entre les mains dudit Seigneur Mareschal
Duc son Maistre.

Et finalement on a presupposé par lesdites pretenduẽs accusations,
qu’il auoit aussi cognoissance de quelques fabrications
de monnoyes en Catalogne, & que ledit Seigneur Mareschal
& luy ayant pris des pierreries & vaisselle d’argent de la
Maison de Cardonne, sans les payer aux creanciers.

Sur tous lesquels faits ledit Suppliant a esté interrogé par les
sieurs Foucquet & Chirat à Perpignan, & par Messieurs les
Commissaires de ce Parlement à Grenoble.

Et pour faire voir la verité de ses responses, & la fausseté desdites
accusations ; il dit en ce qui regarde lesdites plus-values,
desquelles le traitté fut fait auec lesdits Tresoriers à raison de
22. pour cent, qu’il n’en a tiré aucun profit ny pour luy ny pour

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ledit Seigneur Mareschal Duc son Maistre : voire mesme il
estoit impossible d’en tirer aucune chose par dessus ledit traitté,
parce que ledit traitté de 22. pour cent ayant esté fait suiuant
& à la forme du Reglement General publié par toute la
Catalogne peu de iours auant ledit traitté, touchant le pied
& le prix selon lequel on estoit obligé de prendre, donner, &
receuoir les especes d’or & d’argent qui venoient de France ;
comme il est iustifié par lesdites Ordonnances & traitté desdites
plus-values, on ne pouuoit pas faire valoir lesdites especes
par dessus ce qu’elles valoient par ledit Reglement General,
auquel ledit traitté estoit conforme. Et ainsi ledit Suppliant
ny pour luy, ny pour ledit Seigneur Mareschal Duc, ne
peut auoir eu aucune part ausdites plus-values, attendu ledit
traitté & Reglement General, qui estoit notoire & public par
toute la Catalogne.

 

Et en effet ledit traitté fut lors si auantageux aux Roys, qu’il
augmentoit lesdites plus-values de huict pour cent par dessus
tous les comptes qu’en auoit arresté & signé le sieur d’Agenson,
qui administroit tout seul auparauant lesdites plus-values ;
comme il est iustifié par les Estats particuliers arrestez par ledit
sieur d’Argenson les 15 Nouembre & 28. Decembre 1642. lesquels
Estats particuliers sont rapportez dans l’Estat General de
ladite année 1642. arrestez par le sieur Doré le I. Ianuier 1643.
signé de luy & desdits sieurs Talon & Moreau, y employé.

Il se iustifie encore par l’estat general de 1643. au deuxiéme
fueillet, que ledit traitté de 22. pour cent fut donné le 18. Iuillet
de ladite année, depuis la regence au nommé le Sec sous la
caution de Me Pierre Berneuil ; de sorte que ledit traitté de 22.
pour cent se trouue ratifié par le Conseil mesme ; qui le donna
sur ledit pied audit le Sec, & dans vn temps auquel les especes
estant augmentées on pouuoit en tirer d’auantage, ce qui n’estoit
pas possible audit Seigneur Mareschal, qui les auoit mis
au dernier point.

Outre ce, pour faire voir encor d’autant plus la calomnie de
ladite accusation, il appert des Estats particuliers desdites plus-values
arrestés par ledit St Doré les 15. Auril 1643. 16. & 26.
Ianuier 1644. rapportez en l’estat general de 1643. aussi arresté

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par ledit St Dorée le 28. Ianuier 1644. signé par luy & par lesdits
Talon & Moreau, cy employé.

 

Que ledit traitté du 22. pour cent n’a esté que bien peu ou
point du tout executé ; à cause de la mort de feu Roy qui arriua
bien-tost apres, & par le changement des affaires depuis lequel
temps les especes qui ont esté renuoyées en Catalogne
n’ont esté changées que selon le pied & le cours que lesdits Intendans
& Thresoriers leurs ont donné, & non point selon ledit
traitté ; comme il paroist par l’acte de Talon, & par la
coppie du debit des especes, & de la forme que les Thresoriers
les ont fait valoir au profit du Roy, extraicte des susdits estats
particuliers. Et partant ledit traitté n’ayant point esté executé,
c’est vne calomnie de dire que le Seigneur Mareschal Duc ait
eu six pour cent par dessus le profit qui reuenoit au Roy à cause
dudit traitté.

Et tant s’en faut que ledit suppliant ny ledit Seigneur Mareschal
Duc son Maistre ayent pû ny voulu profiter desdites
plus-values au preiudice de sa Maiesté ; au contraire ayant ledit
Seigneur Mareschal Duc fait prester quelque temps
apres dans les necessités vrgentes de l’armée quatre vingt
douze ou traize mille liures au Roy sur son credit & de son argent,
il n’en tira de plus-values que sur le pied de vingt pour
cent ; enquoy ledit Seigneur Mareschal Duc son Maistre a bien
tesmoigné auoir eu plus de soin des interests du Roy que
des siens propres, ainsi qu’il est iustifié par les pieces cy-joinctes.

Et pour ce qui est du prest de la Campagne de l’année 1642
auquel consiste le second chef de ladite pretenduë accusetion :
Le suppliant a nié auoir pris & receu pour luy, ny pour ledit
Seigneur Mareschal Duc ledit prest ; & pour sa iustification il
employoit ledit estat de l’année 1642. arresté & signé par lesdits
Srs Dorée, Talon & Moreau, dans lequel on verra que tous
les prests d’estinés par sa Maiesté pour les trouppes de ladite
Campagne & des quartiers d’hyuer ont esté payés ausdites
troupes, desquels les Officiers ont donné leurs quittances ausdits
Tresoriers : ce qui a esté cogneu en toute la Catalogne par
les procedures & enquestes publiques qu’en ont fait les Sieurs

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Chirat & Goury enuers tous les Officiers de l’armée, pendant
que le suppliant estoit detenu à Perpignan, lesquelles procedures
il croit deuoir estre entre les mains de Messieurs les
Commissaires.

 

Et pour faire voir qu’il n’a iamais receu pour ledit Seigneur
Mareschal Duc, quatorze mille quatre cens tant de liures pour
interests des sommes empruntées des particuliers de Barcelonne,
le suppliant employe l’estat de l’année 1643. arresté par ledit
sieur Doré, receu & signé desdits sieurs Talon & Moreau,
dans les trois derniers fueillets, duquel estat ils nomment eux
mesmes les personnes ausquelles ont esté payez les interests
des sommes empruntées, comme il se voit dans ledit estat au
chapitre des interests.

Et quant aux douze mille liures qu’on dit que le suppliant a
receu sur vn fond destiné pour la recreuë de deux Compagnies
du Regiment du Colonel Baltazard, il employe pour sa iustification
les estats d’Armée des quatre années qu’il a demeuré
en Catalogne auec ledit Seigneur Mareschal Duc, où l’on verra
qu’il n’y a aucun fond dans la recepte destiné pour ledit sieur
Baltazard qui ne soit couché dans celuy de la despence : & si ladite
somme n’a esté payée audit sieur Baltazard, elle doit estre
entre les mains des Tresoriers qui ont esté souuent pressez &
sollicitez verbalement, & par lettres de la part dudit Seigneur
Mareschal de payer ce qui estoit deu audit sieur Baltazard.

Et pour ce qui est des sept mille pistolles qui ont seruy de fondement
à toutes ces accusations & calomnies, il paroistra bien
que le suppliant, ny ledit Seigneur Mareschal Duc son maistre
n’en ont pas fait vn mauuais vsage, & que tout ce que l’on peut
auoir dit n’est que supposition : car si elles auoient esté empruntées
des Thresoriers pour vne entreprise secrette ; il est vray
aussi que ladite entreprise ayant manqué, elles furent renduës
par ledit suppliant audit sieur Talon, comme il appert par sa
quittance du 15. Mars 1643. endossée sur la promesse d’emprunt
dudit Seigneur Mareschal Duc, du premier dudit mois
de Mars 1643. cy-jointe.

Et cette quittance du 15. Mars 1643. passée par ledit Talon,
de ladite somme de soixante & dix mille liures, iustifie bien que

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ladite somme ne peut auoir donné cause aux pretendus faux
emplois, pour faire passer dans les comptes des Tresoriers soixante
mille liures pour ledit prest, quatorze mille quatre cens
tant de liures pour lesdits interests, & lesdites douze mille liures
pour la recreuë dudit sieur Baltazar ; puisque non seulement
ladite somme de sept mille pistoles a esté effectiuement
renduë aux mesmes especes, comme il est iustifié par ladite
quittance. Mais aussi parce que ladite somme peut auoir donné
cause ausdits faux emplois, puis qu’elle n’a esté empruntée
qu’en Mars 1643. trois mois apres lesdits comptes arrestées,
ausquels l’on expose lesdits faux emplois, ainsi que ceste verité
est euidemment connuë par la lecture de la datte de l’estat de
1642. arresté le I. Ianuier 1643. & de celle de l’emprunt des sept
mille pistoles, qui est du I. Mars de l’année mesme 1643. Et aussi
il n’y auoit pas lieu de former vne accusation pour ce particulier,
soit contre luy ou ledit Seigneur Mareschal Duc : principalement
aussi puis qu’il ne s’agissoit que d’vn emprunt de ladite
somme, où il n’y pouuoit auoir aucun crime.

 

Et finalement, ledit Suppliant a nié d’auoir eu aucune connoissance
que ledit Seigneur Mareschal Duc ait pris aucunes
pierreries ny vaisselles d’argent que par ordre de Iustice, & en
payant, dont le suppliant a quittance de quelques sommes,
payées par luy à ce sujet. Ny aussi d’auoir eu aucune connoissance
ou intelligence des fabriques des monnoyes qu’on presuppose
auoir esté faites en Catalogne. C’est vne accusation inuentée
à plaisir, veu qu’il n’y a rien eu qui fust expressément
defendu par ledit Seigneur Mareschal Duc, comme il appert
des Ordonnances faites & verifiées dans le Parlement & Conseil
Royal de Barcelonne, & publiees dans toutes les Villes &
lieux de Catalogne, pour l’obseruation desquelles Ordonnances
il y auoit abolition de crimes, & promesse de recompenses
à ceux qui descouuriroient les fabriques desdites monnoyes :
comme il appert des presentes cy-jointes & des Ordonnances
dudit Seigneur Mareschal Duc. Ce qui est vne verité tellement
connuë à toute la Catalogne, que le suppliant presuppose, que
tout cela est constamment verifié par les procedures & enquestes
faites en Catalogne sur ce sujet, & par le desadueu public
dudit pays.

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Ce que consideré (NOSSEIGNEVRS) attendu que le suppliant
a respondu dés long-temps sur lesdites charges & informations :
& que par les pieces cy-jointes les preuues de sa iustification
sont bien establies, contre lesdites accusations pour
toutes les choses qu’il a geré & negotié par ledit Seigneur Mareschal
Duc en Catalogne : le bon plaisir de la Cour sera, l’absoudre
& congedier desdites accusations auec despens, dommages
& interests, & à cét effet lesdites pieces originales, dont
les copies collationnées sont attachées à la presente Requeste ;
seront remises au Greffe criminel de ladite Cour sous deub Inuentaire,
& deuëment paraffées par le Greffier ne varienturen
presence de Monsieur le Procureur General, pour seruir de descharge
& iustification audit suppliant ; & ferez bien.

BOISOT frere du suppliant.

DONYS Procureur.

Soit monstré au Procureur General du Roy. Fait en Parlement le
25. Iuin 1648. Signé BAVDET.

VEV les Requestes & autres Pieces cy-jointes, & attendu
qu’il n’y a encor au procez dont il s’agist aucune accusation
formée, conclusions prises ny interdits donnez à ma requeste
contre le Suppliant, qu’il est contre tout ordre de Iustice
qu’il pretende se iustifier auant qu’il soit accusé qu’il a esté
arresté par ordre du Roy auant la connoissance du procez du
Sieur Mareschal de la Mothe ait esté attribuée au Parlement,
& que i’aye eu ordre d’en faire la poursuite, & que d’ailleurs il
paroist euidemment que les Requestes & les Pieces presentées
par le suppliant Secretaire dudit Sieur Mareschal de la Mothe
accusé & contumax, sont vn artifice du conseil dudit accusé
pour le defendre & le faire parler par la bouche d’autruy, pendant
qu’au mépris des Arrests de la Cour il refuse de recõnoistre
sa Iurisdiction, & que son procez luy soit fait cõme à vn muet
& vray contumax. Ce qui seroit vne surprise qui ne peut estre
tolerée en Iustice, de tres-pernicieuse consequence en toutes

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matieres criminelles, i’empesche formellement pour le Roy
que lesdites Requestes du Suppliant & les Pieces iointes à icelles
soient receus audit procez, & requiers que sur les fins y
contenuës il soit dit n’y auoir lieu, sauf apres que ledit Sieur
Mareschal de la Mothe accusé aura respondu, & qu’il y aura
des accusations contre les complices des mesmes crimes dont il
est chargé, estre procedé contre eux ainsi qu’il appartiendra, &
cependant que le Decret que la Cour rendra sur cette Requeste
& mes conclusions soient registrées. Fait ce 27. Iuin 1648.
Signé P. DV FAVRE Procureur General.

 

Les originaux des Pieces cy-jointes seront remis au Greffe
de la commission sous bon Inuentaire en presence du Procureur
General du Roy ou iceluy appellé deuëment à ce faire,
lesquels actes seront paraffées par le Secretaire de ladite Commission
ne varientur,pour seruir ce que de raison & pour le surplus,
le cas y escheant sera pourueu, & soit enregistré. Fait à
Grenoble en Parlemẽt le 15. Iuillet 1648. signé L. DE SIMIANNE
& BAVDET.

INVENTAIRE DES ACTES QVE IOINT
à la Requeste qu’il presente à Nosseigneurs du Parlement
de Dauphiné Iean Baptiste Boisot, à present detenu prisonnier
en l’Arsenal de Grenoble, pour seruir à la descharge
& iustification de partie des choses qu’il a gerées & negotiées
estant au seruice de Monseigneur le Mareschal de
la Mothe Duc de Cardonne son Maistre, pendant qu’il
à esté Vice-Roy de Catalogne.

Premierement, vn Acte en langue Catalane du 28. Nouembre
1644. extrait des Registres de la Deputation par
Iean Bruniquez premier Secretaire d’icelle Deputation, seellé
du seau du Pays, ledit acte cotté A.

Trois Actes, dont le premier est Latin, contenant deux
Resolutions du Conseil Royal & Parlement de Catalogne, des

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14. Ianuier & 27. Aoust 1643. Les autres sont deux Ordonnances
en langue Catalane publiées au nom de Monsieur le Mareschal
de la Mothe Duc de Cardonne, Vice-Roy de Catalogne ;
pour le Reglement des monnoyes ; lesdits actes extraits des Registres
du Conseil Royal signés Patianus Roca, & seellés du
seel dudit Principat de Catalogne, lesdites actes attachez ensemble,
& cottez B.

 

Deux autres Actes en langue Catalane, extraits du Registre
de la Chancellerie de Catalogne, seellez du seel du Pays
& signez Pellicier & Roca, qui sont Ordonnances de Mr le Mareschal
de la Mothe Duc de Cardonne, Vice-Roy de Catalogne,
pour donner prix & cours public aux monnoyes d’or &
d’argent venant de France, lesdits actes aussi attachez ensemble,
& cottez C.

Estat de la recepte & despense faite par Me Pierre le Clerc
Thresorier de l’Extraordinaire des Guerres, pour le payement
de l’Armée de Catalogne pendant l’année 1641. signez & arrestez
le 23. Decembre de la mesme Année par Mr le Vayer d’Argenson ;
ledit estat contenant 78. feuillets, cotté D.

Autre estat de la recepte & despense faite en l’Armée de Catalogne
l’an 1642. par Me Guillaume Brossier Tresorier de l’Extraordinaire
des Guerres, arresté à Barcelonne le I. de Ianuier
1643. signé Doree, & collationné signé Moreau & Talon ; ledit
estat contenant 70. feuillets, & en la copie collationnee
par le Sieur Dupré Secretaire de la Cour 84. fueillets,
cotté, E.

Autre estat de la recepte & despense faite en l’Armée de
Catalogne pendant l’annee 1643. par Me Nicolas le Page
Thresorier de l’Extraordinaire des Guerres arresté par le Sieur
Doree, & collationné Talon & Moreau. Ledit estat contenant
118. feuillets, & en sa coppie collationnee par le Sieur Dupré
Secretaire de la Cour 78. cotté F.

Acte, qui est vn billet seruant de descharge, audit Iean Batiste
Boisot enuers ledit Seigneur Mareschal Duc son Maistre,
pour la somme de sept mille pistoles empruntees le I. de Mars
1643 & renduës le 15. du mesme mois & an ; signe rectò le Mareschal
de la Mothe, & verso Talon, collationne à l’original

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par ledit Sieur Dupre, cotté G.

 

Acte en langue Catalane, contenant quatre feuillets en l’original
du 25. Nouembre 1644. seellé du seau Royal, & signé
par Monsieur de Marca Conseiller ordinaire du Roy en ses Conseils,
Visiteur & Intendant General de Catalogne, & par Dom
Laurent de Barutel Chancelier, Dom Ioseph de Biure de Margarita
Gouuerneur, le Docteur Guerart Regent, Franscisque
de Tamarith & Iean Bru Regens de la Thresorie,
ledit acte cotté H.

Acte en langue Catalane du 7. Decembre 1644. contenant
en son original trois feuillets escrits, seellé & signé Fran. Sangeny
Thresorier General des confiscations, cotté I.

Acte en langue Catalane contenant quatre feuillets, qui est
vn extrait du Greffe des creanciers de la Maison de Cardonne,
signé du paraffe de François Nin Sindic & Contador de Cardonne
le 23. Nouembre 1644. cotté L.

Acte en langue Catalane signé Ioseph Nonial du 23. de May
1643. pour seruir de descharge audit Boisot suppliant de la somme
de huict mil liures, qu’il a payée pour ledit Seigneur Mareschal
Duc son Maistre, ledit acte cotté M.

Autre Acte en langue Catalane, extrait des Registes de
Cardonne du mois d’Auil 1643. collationné par ledit François
Nin Contador des creanciers de Cardonne du 24. Nouembre
1644. Lequel Acte original, comme tous les autres escrits en
langue Catalane, ledit sieur Dupré a refusé de collationner
à cause qu’il n’entend pas ladite langue : Pourquoy ledit Boisot
suppliant a requis pour sa descharge, que les actes originaux
soient (en presence de Monsieur le Procureur General) produits
au Greffe de la Cour, en rendant au Procureur dudit Boisot
les copies des Actes joints à la Requeste, qu’il a presentee à
Nosseigneurs du Parlement, ledit acte cotté N.

BOISOT frere du Suppliant.

DONYS Procureur.

-- 15 --

ADDITION D’INVENTAIRE FAIT
par Maistre Iean Baptiste Boisot Commissaire des
Guerres, & Secretaire de Monseigneur le Mareschal
de la Mothe, Duc de Cardonne, prisonnier detenu
en l’Arsenac de cette Ville de Grenoble à la Requeste
de Monsieur le Procureur General, pour seruir
d’employ aux pieces joinctes à la Requeste presentée
à Nosseigneurs du Parlement de Dauphiné.

L’Acte cotté A. est vn des desadueus qu’à fait le Principat de
Catalogne, d’vn pretendu memorial presenté à la Reyne Regente
au nom du pays, par certains calomniateurs Catalans. Lequel
memorial inseré audit Acte, porte entr’autres choses, que monsieur le
Mareschal de la Mothe auoit fait de grands gains sur les plus-valuës,
la fabrique des monnoyes, & en retenant les monstres des gens
de guerre : Qu’il donnoit les charges & recompenses à des personnes de
Catalogne, qui ne le meritoient pas ; & qu’il auoit pris des pierreries
& vaisselles d’argent de la maison de Cardonne sans rien payer
aux creanciers d’icelle. Le Principat qui estoit tesmoing oculaire du
bon gouuernement dudit Seigneur Mareschal, condamne par cét Acte
telles mesdisances, & escrit à ses Ambassadeurs en Cour, de s’informer
des Autheurs de ce crime, pour en poursuiure la punition selon leurs demerites.
Sert ledit Acte pour monstrer que les peuples chez lesquels ledit
Sieur Boisot a agy auec monsieur le Mareschal Duc de la Mothe,
ne se plaignent des excez desquels on les accuse : Declarent n’auoir eu
aucune cognoissance de choses semblables. Au contraire, qu’ils desirent
que iustice soit faite des Autheurs de ces calomnies.

Les trois Actes cottez B. seruent pour monstrer les soings de monsieur
le Mareschal de la Mothe Duc de Cardonne, pour empescher les
desordres qui se commettoient en Catalogne dans les fabrications des
monnoyes. En ce qu’incontinent apres qu’il fut Viceroy, il entra dans
le Conseil Royal de Catalogne pour y apporter Reglement ; comme il
fit par des Ordonnances rigoureuses cy produites, qui ont esté plusieurs

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fois publiées à Barcelonne, & dans toutes les villes du Principat, promettant
mesme recompense aux delateurs, & abolition de leurs crimes.

 

Les deux Actes cottez C. seruent pour monstrer qu’alors que monsieur
le Mareschal de la Mothe fit le traitté des plus-valuës pour l’eschange
des monnoyes de France a 22. pour cent au profit du Roy ; il
ne le pouuoit faire à plus haut prix ; attendu que presque en mesme
temps il auoit mis prix public aux cours de l’argent venant de France,
ainsi qu’il paroist par ces deux Ordonnances publiées en toute la Catalogne,
& que ledit Boisot auoit en ses papiers.

Les Actes cottez D. E. F. sont trois Estats de comptes, desquels on
peut inferer beaucoup de consequences pour la iustification du sieur Boisot
& de mondit Seigneur le Mareschal Duc : Premierement en ce qui
est des plus-valuës ; il paroist, Que ledit Seigneur Mareschal Duc a
fait ledit traitté de 22. pour cent à l’aduantage du Roy ; Qu’il ne se pouuoit
faire de plus ; & que ledit traitté n’a iamais esté executé. Car par
le compte cotté D. il paroist qu’en toute l’année 1641. monsieur d’Argenson
qui en ordonnoit, n’a fait venir aucun profit au Roy des plus-valuës.
Au compte cottè E. qui est de l’an 1642. Il se voit au second
chapitre de la recepte feüillet 3. qu’en toute ladite année 1642. ledit
sieur d’Argenson ne fit monter les plus-valuës au profit du Roy, qu’à
dix, onze, douze, treize & quatorze pour cent : tellement que par le
traitté que fit monsieur le Mareschal Duc de la Mothe au mois de Feurier
1643. il y eut profit pour Sa Majesté de plus de 8. pour cent ; ce
que le Roy trouua si aduantageux, que six mois apres, encore que les
plus-valuës fussent augmentées, Sa Majesté fit semblable traitté à 22.
pour cent auec vn appellé le Sec soubs la caution de Berneuil, par
Traitté & Arrest du Conseil du 18. de Iuillet & 5. Aoust 1643.
mentionné dans le 5. Article du second chapitre de recepte du compte
cotté F. qui est celuy de ladite année 1643. Auquel compte il paroist de
plus au chapitre de la despence extraordinaire aux fueillets 73. verso
80. rectò & 83. verso, que lesdits Talon & Moreau ont payé en
monnoye de France les nommez Moyesner, Freresson & Cabanne, en
ne leur deduisant la plus-valuë qu’à 22. pour cent : & ainsi c’est vne
illusion à eux de dire, qu’outre les 22. pour cent ils donnassent six pour
cent audit Seigneur Mareschal, & encore quelque part audit Boisot :
Pource que c’eust esté de leur argent : Ce qui n’est pas croyable, puisqu’ils
distribuoient aux autres la monnoye de France à 22. pour cent.

-- 17 --

De plus il se iustifie par ledit compte de l’année 1643. que le traitté
de 22. pour cent n’a iamais esté executé par lesdits Commis, & qu’en
toute ladite année 1643. ils n’ont compté au Roy desdites plus values que
selon l’estat arresté par le sieur Dorée. Vray-semblablement à cause
qu’estant tous trois d’intelligence, ils y trouuoient de l’auantage pour
eux plus que pour le Roy. D’autant qu’il se void au second chapitre de
la recepte dudit compte de 1643. qu’excepté le dernier Article auquel
les plus-values se montent de 29. à 30. pour cent, à cause que sur la fin
de l’année elles estoient beaucoup augmentées en Catalogne ; en tous les
autres Articles 1. 2. 3. 4. & 6. Les plus-values de deux millions deux
cens vingt & vn mil trois cens cinquante & neuf liures, n’ont monté au
profit du Roy qu’à la somme de trois cens cinquante & sept mil quatre
cens soixante & douze liures quatre sols. Et si lesdites plus-values eussent
esté employées à 22. pour cent, conformement au traitté fait par ledit
Seigneur Mareschal Duc, elles seroiẽt montees à quatre cens quatre-vingt
quatre mil deux cens quatre-vingt dix-huict liures, qui eust esté
plus de cent vingt-six mil huict cens liures, au profit de Sa Majesté.

Sert encore le compte cotté E. pour monstrer que le dix-huictiesme
prests de la Campagne de 1642. a esté payé à l’Armee par vne mesme
Ordonnance auec les 17. & 19. prests : comme il se void au chapitre des
prests de la Campagne du 9 fueillet dudit compte : & que lesdits 3. prests
ne se montent ensemble, qu’à la somme de 129696. liures, qui est pour
chacun desdits trois prests de 43232. liures. De plus l’Ordonnance comprend
les trois prests, & suiuant icelle les Officiers n’ont baillé qu’vne
seule quittance. Ce qu’estant, il faudroit feindre contre la verité escrite,
qu’il y ait eu vne autre Ordonnance particuliere pour le 18. prest, ou dire
que ledit Seigneur Mareschal Duc a pris les trois prests qui sont contenus
en ladite Ordonnance : Ce qui n’est pas croyable, les Officiers de
l’Armee ne s’estant point plaint que ledit Seigneur Mareschal Duc
n’y ledit sieur Boisot leur ayent iamais fait tort aux prests n’y aux
montres.

De plus le compte cotté F. sert au chapitre des interests feuillet 114.
verso. & les suiuans, pour montrer qu’il y a eu 19132. liures d’interests
pour sommes empruntees l’annee 1643. & non pas seulement 14400. liures
comme on veut pretendre ; Que si lesdits interests n’ont esté payez
c’est le fait de l’Intendant & des Thresoriers : N’estant pas de la fonction
d’vn Secretaire de Viceroy, de s’enquerir si des personnes qu’il ne

-- 18 --

cognoist pas ont esté payees : Les Generaux d’Armee signent le plus souuent
les Ordonnances visees des Intendans sans cognoissance de cause,
& ainsi seroit iniuste (dans la facilité qu’il y a de les surprendre) de les
rechercher auec leurs Secretaires, des fautes que feroient lesdits Intendans
ou Thresoriers.

 

Seruent de plus lesdits comptes D. & F. pour iustifier, que Boisot
Commissaire des Guerres a fait entierement payer les prests & montres
de Caualerie & Infanterie : & que la garnison de Flix a esté entierement
payee. Seruent encore pour monstrer que tout ce qui a esté ordonné
pour le Colonel Balthazar luy a esté payé.

L’Acte cotté G. sert pour monstrer que si Talon a presté sept mille
pistoles, qu’elles luy ont esté aussi renduë à la descharge du sieur Boisot.

L’Acte cotté H. sert pour monstrer que ledit Seigneur Mareschal
Duc, depuis qu’il a esté Viceroy en Catalogne, iusques au iour qu’il en
sortit pour retourner en France : A distribué les charges & les recompenses
à des personnes qui en estoient dignes selon les vœux publics, &
par l’aduis du Consistoire, & des personnes principales du pays.

L’Acte cotté I. auec le precedent seruent, pour monstrer que la distribution
qui a esté faite des charges & biens confisquez par ledit Seigneur
Mareschal Duc, a esté selon les constitutions de Catalogne, sans
qu’il en ait gratifié le sieur Boisot, n’y aucun autre de ses Domestiques.

Les Actes cottees L. M. N. sont pour monstrer que les meubles de
la maison de Cardonne se sont vendus à l’ancant dans Barcelonne, &
que si ledit Seigneur en a eu quelques pierreries, meubles ou vaisselles
d’Argent, ledit sieur Boisot ou luy l’ont payé comme les autres Achepteurs.
Ayant grand interest que les creanciers de ladite maison de Cardonne
soient bien tost satisfaits. Le Roy par l’Inuestiture du Duché,
l’ayant obligé de payer les debtes auec les interests deubs par ceux de
ladite maison aux Catalans subjects de Sa Majesté.

BOISOT frere du suppliant.

DONYS Procureur.

-- 19 --

A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT.

SVPPLIE humblement Iean Baptiste Boisot
Commissaire des Guerres, & Secretaire de Monseigneur
le Mareschal de la Mothe Duc de Cardonne,
prisonnier detenu en l’Arsenal de cette
Ville, à la Requeste de Mr le Procureur General.

Et dit, qu’il auroit Vendredy dernier presenté Requeste à la
Cour, auec plusieurs Actes joints sous vn brief Inuentaire : Et
d’autant qu’il est à propos que la Cour sçache à quel employ le
Suppliant se veut seruir desdits Actes ; Le bon plaisir de la Cour
sera receuoir L’ADDITION d’Inuentaire joint à la presente
Requeste, par lequel la Cour cognoistra la justice de la cause
du Suppliant : Et ferez bien.

BOISOT frere du Suppliant.

DONYS Procureur.

A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT.

SVPPLIE humblement Iean Baptiste Boisot
Commissaire des Guerres, & Secretaire de Monseigneur
le Mareschal de la Mothe Duc de Cardonne,
prisonnier detenu en l’Arsenal de cette
Ville à la Requeste de Mr le Procureur General.

Et dit, qu’attendu sa longue detention, qui est de trois à quatre
années, tant audit Arsenal qu’à Pierre Encise, & en la Citadelle
de Perpignan : & que ledit Suppliant a esté interrogé
trois diuerses fois, tant à ladite Citadelle de Perpignan qu’audit
Arsenal, auec des longs interualles de temps entre sesdites responses,
Le bon plaisir de la Cour soit luy permettre, entant que
de besoin, de nommer & choisir vn Conseiller, pour de son aduis
faire toutes poursuites necessaires aux fins de son renuoy &
absolution : Et ferez bien.

BOISOT frere du Suppliant.

DONYS Procureur.

-- 20 --

EXTRAIT DES REGISTRES
de Parlement.

LA Cour, toutes les Chambres assemblées, ayant
égard à la requeste presentée par Loüis Seuestre
Maistre Imprimeur & Libraire à Paris, luy a permis &
permet d’imprimer, vendre & debiter en cette Ville
& ailleurs, les premier, second, trois & quatriéme Factums
du Sieur Mareschal de la Mothe Houdancourt,
pour sa iustification pendant sa detention, auec plusieurs
Requestes presentées au Roy & à ladite Cour,
& les Arrests sur ce interuenus, lesquels ledit suppliant
a recouuerts. Fait defenses à toutes autres personnes
de les imprimer & debiter pendant vn an, à peine d’amende
arbitraire & confiscation. Fait en Parlement
le vingt sixiéme Feurier 1649.

Signifié & baillé pour copie à Pierre Rocolet Scindicq de la Communauté
des Imprimeurs & Libraires de ceste Ville de Paris, tant
pour luy que pour ladite Communauté, le dixiesme Mars 1649. à ce
qu’il n’en ignore, & aye à le faire sçauoir ausdits Imprimeurs & Libraires,
par moy Huissier en Parlemẽt, sous-signé, DESENLEQVE.

-- 21 --

QVATRIEME FACTVM,
POVR
Messire Philippes de la Mothe Houdancourt,
Duc de Cardonne, Mareschal
de France, & cy-deuant Vice-Roy,
& Capitaine General de Catalogne,
Contenant sa Iustification :

Monsieur le Procureur General du Roy au
Parlement de Grenoble.

LA coustume des Roys, quand ils
desirent, ou qu’ils ont entrepris de
faire faire le procez aux hommes de
grãde cõdition, est de marquer dãs
la commission aux Iuges, la cause
& les sujets qu’ils en ont. Pour cela
nous lisons dans les commissions
addressées au Parlement de Paris
touchant le Cõnestable de S. Paul,
& le Mareschal de Biron ; à celuy
de Thoulouse pour les Mareschaux
de Giez & de Montmorency, que c’est pour des crimes enormes,
capitaux, & de leze-Majesté. Mais dans celle qui est addressée

-- 22 --

au Parlement de Grenoble, le Roy connoissant la fidelité
de monsieur le Mareschal de la Mothe, ne le taxe pas aussi
d’aucun crime de leze-Majesté, & ne donne pas mesme le nom
de crime aux fautes qu’il pretend auoir esté commises par luy
dans l’administration de sa charge ; il les qualifie seulement de
manquemens & de maluersations, à cause d’vn pretendu diuertissement
de quelques deniers. Voicy les termes de la Commission :

 

LOVYS par la grace de Dieu, Roy de France & de Nauarre,
Dauphin de Viennois, Comte de Valentinois &
Dioys : A nos amez & feaux Conseillers les Gens tenans
nostre Cour de Parlement de Dauphiné, Salut. Les plaintes
que Nous auons receu des manquemens & maluersations preiudiciables
à nostre seruice, commises par
de la Mothe Houdancour Mareschal de France, en l’exercice
de la charge de Vice-Roy en la Prouince de Catalogne, particulierement
en la distribution de nos deniers, Nous ayant obligé
de nous asseurer de sa personne, & de la faire conduire prisonnier
dans le Chasteau de Pierre-encise de nostre Ville de
Lion, &c.

Pour examiner la maluersation dont est question, il faut remarquer
qu’apres vne exacte recherche durant trois années
entieres, où aucun soin n’a esté oublié, & nul artifice obmis
par vn certain Chirat pour trouuer des crimes audit Sieur Mareschal,
toutes les informations faites par Messieurs de Marca,
Fouquet, ledit Chirat, le Lieutenant Criminel de Paris, & les
Commissaires du Parlement de Grenoble, n’aboutissent qu’à
soixante & dix mille liures, ainsi que Messieurs de la Troisiéme
Chambre dudit Parlement pourront voir par toutes les informations
faites sur ce sujet, que lesdits Commissaires doiuent
auoir entre les mains.

Le faict de l’accusation est tel qui suit. On accuse ledit Sieur
Mareschal de la Mothe d’auoir receu des Commis de l’Extraordinaire
vne somme de soixante & dix mille liures, pour le

-- 23 --

remplacement de laquelle, & en demeurer quitte auec eux,
Il a, dit-on, diuerty aux troupes en l’an 1642. vn Prest : retenu
quatorze mille quatre cens tant de liures pour certains interests
qui appartenoient à ceux qui auoient presté de l’argent
au Roy : pris huict mille liures au Sieur Colonel Baltazar : &
en fin tiré quelque profit sur les Plus-valuës en suite d’vn traité
par luy fait auec les Tresoriers à vingt-deux pour cent au
profit du Roy, au par-dessus duquel on pretend que ledit Sieur
Mareschal retiroit six pour cent pour luy. Toutes lesquelles
sommes, monnoye Catalanne, peuuent à peu prés reuenir aux
sept mille pistoles, pour en remplacer lesdits Commis.

 

Sur quoy on pourroit dire qu’il y auroit plus de lieu de s’estonner
de la modestie & moderation dudit Sieur Mareschal, au
siecle où nous viuons, de ce qu’on n’a pû trouuer à redire dans
vne si longue administration de pouuoir & d’authorité, qu’à
l’employ de soixante & dix mille liures, qu’il n’y en a de le
blasmer du mauuais vsage d’vne somme si modique ; & s’il auoit
esté capable d’vne telle faute, on pourroit le reprendre d’auoir
si peu failly.

Telles Accusations pretenduës n’estant en aucune façon
proportionnées aux qualitez ny aux seruices de Monsieur le
Mareschal de la Mothe, il seroit bien fondé de n’y pas respondre
par mespris, & les Iuges loüez de l’absoudre sans l’entendre
en ses iustifications, comme autrefois les Republiques
les mieux gouuernées, & les plus sages Iuges ont esté estimez
d’auoir reietté souuent des accusations contre des personnes
qui auoient bien merité du public.

A Thebes Epaminondas ayant esté deferé, aussi bien que
Timoleon à Syracuse ; Ces grands hommes mespriserent ces
accusations, & d’y respondre. La Republique de Thebes estima
Epaminondas de ce dédain, & ceux de Syracuse voulurent
faire punir les tesmoins contre Timoleon.

Claudius Marcellus, ayant esté accusé deuant le peuple d’entretenir
la guerre contre Annibal, vint à Rome pour se purger
de cette calomnie, pour laquelle ses Ennemis essayoient de
luy faire perdre son employ. Où apres auoir exposé les seruices
qu’il auoit rendu, au lieu d’entrer au détail de ses iustifications

-- 24 --

bien loin que les Iuges adjoustassent foy à ce que ses Accusateurs
& ses ennemis auoient allegué contre luy, il en fut deschargé,
& creé Consul pour la cinquiéme fois, auec ordre de
retourner commander l’armee contre Annibal.

 

Les procez criminels qu’on fit à Scipion l’Africain & à Metellus
pour quelque diuertissement d’argent dans leurs emplois
eurent semblable issuë. Les Iuges considerans leurs vies &
leurs seruices sans auoir esgard aux plaintes faites contre eux,
les iustifierent glorieusement.

Tite Liue
decad. 4.
liu. 8.
Valer.
Max.
liu. 2.
c. 5.

Ciceron pro Flacco, suiuant ces maximes, & touchant les
personnes d’esclat & de remarque, dit qu’il faut quelquefois
conniuer ou dissimuler, y ayant des accusations que le merite
des hommes confond sans respondre, ou qu’il excuse sans iustification.
Ce qui fit que le peuple Romain declara absous
Caius Pison & Muræna ; & que Marcus Aquilius mesme receut
pareille faueur nonobstant qu’il fust conuaincu de peculat &
d’auarice, d’autant qu’il auoit bien fait dans la guerre, & que
tels hommes estoient en ces temps-là vtils & necessaires à la
Republique.

Mais Monsieur le Mareschal de la Mothe n’a pas besoin d’employer
ses seruices pour se garentir de telles accusations, ny
que les Iuges y fassent reflexion pour les esmouuoir à de semblables
exemples, il a assez d’autres moyens qui l’en iustifient
sans replique. Sa qualité seule de Vice-Roy les enerue & esteint
entierement, Messieurs de la Troisiéme pour bien Iuger de ce
qu’il a fait en Catalogne, doiuent connoistre ce qu’il y a pû
faire, & apres auoir leu ses prouisions de Vice-Roy, ils n’auront
pas de peine à conclurre qu’il ne peut estre poursuiuy
pour de pareilles recherches, & confesseront librement qu’ils
deuroient plustost imposer silence au sieur Procureur General
sur icelles, que de le causer audit sieur Mareschal, qui ne
peut respondre deuant eux à cause de ses Priuileges. Verité
qui est solidement establie par son premier Factum, & manifestement
prouuée au procez par la conduite de Messieurs de
Marca, Fouquet & Chirat, Commissaires Duputez pour informer
contre luy en Catalogne ; Lesquelles, & principalement
le dernier, ayant esté obligez, suiuant les Constitutions du pais,

-- 25 --

d’appeller des Iuges de la Prouince pour faire & assister aux
informations, Il ne s’en trouuera aucune qui ayt esté faite
nommément contre Monsieur le Mareschal de la Mothe, ny
dans laquelle il y ayt interrogation directement ou indirectement
contre luy, tant à cause que n’y ayant iamais eu aucune
plainte en Catalogne contre ledit sieur Mareschal, on ne pouuoit
faire selon la Iustice d’information directe & iuridique
contre sa vie, qu’aussi estant Vice-Roy, il auoit l’aduantage
de se pouuoir mesler de toutes choses sans en rendre
compte.

 

Mondit Sieur le Mareschal pourroit mesmes reconnoistre,
en qualité de General d’armée, auoir pris & receu les sommes
dont on l’accuse, & dire les auoir employées en des occasions
& parties secrettes, n’y ayant pas de Iuges au monde, ny de
Chambres des Comptes si seueres, qui deniassent l’employ de
quelques soixante & dix mille liures à vn General, qui en quatre
ans qu’il a commandé les Armées, a ordonné d’vne despense
de plus de douze millions. Chacun sçait que le Duc d’Albe
au retour de Flandres sous Philippes second, Roy d’Espagne,
ayant eu des ennemis qui obligerent Sa Majesté Catholique à
luy demander compte de ses finances durant ses charges des
Pays-bas ; ledit Duc se trouuant en peine de quatre cens mille
escus, dit enfin les auoir employé en Espions & parties inopinées,
à quoy le Conseil d’Espagne ne trouua pas lieu de repliquer
ny de contredire.

Il pourroit encor dire par vn exemple de modestie inconnuë
dans ce siecle, qu’à mesme temps qu’on l’accuse d’auoir appliqué
& retenu à son profit par voyes indirectes sur les Plus-valuës,
& deniers des troupes de la Campagne de 1642. & 1643.
soixante & dix mille liures, qu’il a, & auoit vn breuet de don
de cent mille liures sur lesdits fonds de Plus-valuës, & deniers
reuenans bons, duquel neantmoins il ne s’est pas voulu seruir,
ny faire payer audit temps, à cause de la disette d’argent arriuée
par le manquement des assignations de Montoron, & de
ses Lettres de change qui furent protestées.

Ce Breuet du Roy se void au procez auec les Lettres de feu
Monseigneur le Cardinal Duc, du 7. Octobre 1642. qui luy

-- 26 --

mande que Sa Majesté l’auoit gratifié & monsieur le Mareschal
de Guebriant chacun de cent mille liures, ayant esgard à leurs
seruices & aux grandes despenses qu’ils auoient faites pendant
cette campagne. Et monsieur de Noyers par Lettre du
mesme iour, escrit que Son Eminence a trouué plus à propos
de luy faire toucher cette somme sur les deniers reuenans bons
& les plus-valuës de 1642. & 1643. que de luy donner des assignations
sur l’Espargne, comme on auoit fait à monsieur de
Guebriant. De laquelle preuue on peut conclure que s’il estoit
veritable, ce qui n’est pas, que ledit sieur Mareschal de la Mothe
eust retenu les soixante & dix mille liures, Sa Majesté seroit
encore obligé de luy en rendre trente mille par dessus,
pour estre quitte dudit Breuet de don de cent mille liures du
feu Roy, estant certain qu’elle ne peut pas faire repetition d’vne
somme qui appartenoit au feu Roy, qu’en qualité d’heritiere
de ses Couronnes, & partant elle est obligée d’en acquitter
les faits, promesses & debtes.

 

Que si on alleguoit qu’il ne faut pas regarder à la modicité
de la somme dont on accuse ledit sieur Mareschal, mais au preiudice
que cela a causé au seruice de Sa Majesté par le diuertissement
de cét argent qui auroit pû estre profitable aux troupes
pour des grands effects.

On respond que l’emprunt de ces deniers a esté fait en vn
temps où les troupes estoient encor en quartier d’hyuer, comme
il paroist par la datte dudit emprunt du mois de Mars, &
que ladite somme fut renduë quinze iours apres, pendant lequel
temps il ne s’est rien passé qui ait pû estre considerable au
seruice de Sa Majesté.

D’ailleurs ce fut dans ce mesme mois de Mars que monsieur
le Mareschal de la Mothe fit leuer le siege de deuant Mirauet
au Marquis d’Ynochosa ; qu’il fit deux mille prisonniers, outre
deux cens Officiers ; prit son canon & bagage, & secourut la
place, qui fut vne nouuelle qui donna beaucoup de ioye à Sa
Majesté, & de soulagement à son indisposition. Et partant on
ne peut pas dire qu’en ce temps-là, l’emprunt ou le diuertissement
de ces deniers ait causé du dommage au seruice du
Roy.

-- 27 --

En apres les soixante & dix mille liures n’ont esté données à
Monsieur le Mareschal de la Mothe que par emprunt, & prest
fait par Talon. Ores iamais on n’a entendu dire ny dans le
pays de droict escrit, ny dans le pays coustumier, qu’vn homme
soit coupable pour auoir emprunté de l’argent, ny qu’on
luy doiue faire son procez, & qu’on le traite criminellement.

Et quand bien cét argent emprunté eust appartenu au Roy,
Monsieur le Procureur General du Parlement de Grenoble ne
pouuoit auoir autre action qu’en restitution, laquelle deuroit
cesser tant à cause desdites cent mille liures que le feu Roy deuoit
à Monsieur le Mareschal de la Mothe, comme nous auons
dit, qu’à cause de la rançon du Marquis de Pouar, de laquelle
il auoit traité moyennant dix-neuf mille pistoles du viuant du
feu Roy, qui la luy auoit baillée par Breuer qui sera produit
au procez, & que les Officiers de Sa Majesté ont touchée depuis
sa detention, outre enuiron quatre cent mille liures qui
ont esté receuës par les mesmes Officiers, des reuenus qui appartiennent
audit Sieur Mareschal à cause du Duché de Cardonne,
dont il est inuesty, & des fruicts duquel sa prison n’a
pû ny deu le priuer selon les Loix de France, & de tous les
Royaumes du monde. Toutes lesquelles sommes excedans
dix ou douze fois les soixante & dix mille liures dont est question,
ledit Sieur Procureur General n’a point droit d’action
ciuile ny criminelle contre luy.

De plus en bonne Iustice la poursuite dudit sieur Procureur
General est absolument nulle, puis qu’elle est fondée sur des
informations qui sont contre les formes, en ce que celle, du
Lieutenant Criminel du Chastelet de Paris sont commencées
& faites sans plaintes de partie, ny aucune requisition du Procureur
du Roy, qui sont choses essentielles aux procedures
criminelles.

Celles de Chirat, en ce que c’est vn homme sans office &
sans caractere de Iustice, qui n’a iamais eu d’autre charge, que
de Substitut de monsieur le Tellier au Chastelet de Paris ; & de
plus il n’a agy en cette commission que par subdelegation de
monsieur de Marca Visiteur, dont le pouuoir, comme Visiteur,
ne dure que six mois selon les loix de Catalogne, & estoit pour
lors expiré.

-- 28 --

Celles de monsieur Fouquet sont faites encor sans aucunes
plaintes de parties, ny requisitions de Procureur du Roy.

Celles de Messieurs les Commissaires de Grenoble faites iusques
icy, sont aussi nulles, ledit sieur Procureur General, qui
est la partie, y ayant tousiours voulu assister, & pour auoir
rafraischy la memoire des tesmoins auparauant de les faire
oüyr.

Mais le Conseil de Monsieur le Mareschal de la Mothe n’est
pas d’auis qu’il employe toutes ces grandes & legitimes raisons,
attendu que sur chaque article particulier qu’on luy
oppose, il a des raisons particulieres, claires & conuainquantes
qui l’en deschargent.

PREMIEREMENT, les tesmoins qu’on luy presente sont
tels que selon l’equité leurs depositions ne peuuent estre receuës.
Car encor que monsieur le Mareschal de la Mothe ne
pouuant reconnoistre la Iurisdiction de la troisiéme Chambre,
soit priué par son silence du benefice des reproches verbales
qu’il auroit à dire contre eux, les Iuges sont neantmoins tenus
& obligez selon leur Droict escrit, & les Loix des Empereurs
Diocletian & Maximian, de considerer les reproches de droict
& de faict qui se rencontrent en son procez aux personnes &
qualitez de ces tesmoins, bien qu’elles ne soient pas alleguées
de bouche par luy, ny par ses Aduocats. Cod. lib. 2. tit. II. Vt
quæ desunt. l. Non dubitandum est Iudicem, si quid à litigatoribus vel
ab his qui negotiis assistunt, minus fuerit dictum, id supplere & proferre
quod sciat legibus & iuri publico conuenire.

C’est pourquoy Messieurs de la Troisieme sont suppliez de
remarquer que de tous les tesmoins que Chirat a entendu en
l’armée & prouince de Catalogne, dõt il y auroit nõbre suffisant
pour composer vn regiment entier, outre ceux qu’à entendu
le Lieutenant Criminel du Chastelet de Paris, le sieur
Procureur General se reduit aujourd’huy à trois, qui sont Dorée,
Talon, & Moreau, ces deux derniers estoient commis
de l’Extraordinaire des Guerres, & le premier faisoit la fonction
d’Intendant.

Ces trois tesmoins sont tous gens de fortune, qui ne cherchent

-- 29 --

que subsistance & employ dans les armées, qu’vn coup
de plume du Secretaire d’Estat de la Guerre donne ou renuerse,
& qui ont creu auec leurs amis, sans connoistre la generosité
de Monsieur Le Tellier, qu’il n’y auoit pas vn meilleur
moyen pour meriter ses faueurs, & luy plaire, qu’en se prostituans
à accuser Monsieur le Mareschal de la Mothe. Le droict
escrit qui est receu & en pratique au Parlement de Grenoble
exclud les tesmoins de telle nature par cette belle Loy des Empereurs
Diocletian & Maximian : Eos testes ad veritatem iuuandam
adhiberi oportet, qui omni gratiæ & potentatui fidem religioni
iudiciariæ debitam possint præponere. C. l. eos, lib. 4. tit. 20.

 

Ce sont trois personnes qui ont notoirement vescu en parfaites
amitié, n’ayans iamais eu à Barcelonne qu’vne mesme
table. La disgrace mesme ny la prison n’ont pas separé cette
vnion entre Dorée & Talon, puis qu’ils viuoient ensemble
dans la Bastille, qu’ils ont esté amenez à Lyon de compagnie,
& logez à Pierre-encise dans vne mesme chambre iusques à l’arriuée
de Messieurs les Commissaires, qui les separerent de logemẽt
& non pas d’intelligence. Choses qui doiuẽt faire croire
qu’vne vie si semblable ne doit pas produire des depositions
dissemblables, & qui donnent lieu de s’estonner comme on a
souffert contre les formes & loix de la Iustice, que deux tesmoins
qu’on destinoit contre ledit Sieur Mareschal, ayent
si long temps communiqué l’vn auec l’autre. Et l’intelligence
aussi paroist si grande parmi eux, que Doree estant interrogé
par le Lieutenant Criminel de Paris, s’il vouloit se rapporter
au Commis de sa conduite, il dit qu’oüy, en affaires où il va
de sa vie & de son honneur.

Pour Talon & Moreau compagnons de fortune & d’employ,
ils ne sont pas croyables en la nature de l’accusation presente,
puis qu’ils deposent à leurs descharges & pour leur propre
interest.

Art. II.

Il s’agit de sçauoir où ont esté employées soixantes & dix
mille liures, & de celuy qui les rendra au Roy. Car s’il se
trouuoit que Monsieur le Mareschal les eust prises & diuerties
à son profit, il les doit : sinon c’est aux Tresoriers, qui en sont
comptables, de les payer.

-- 30 --

Lesdits Tresoriers sont accusez de fabrications & d’alteration
des monnoyes dans les Informations qui ont esté faites
en Catalogne par Chirat. Et c’est vne permission de Dieu, que
celuy qui cherchoit par tout des crimes en Monsieur le Mareschal
de la Mothe, en ayt trouué en ceux desquels il pretendoit
se seruir d’accusateurs contre luy en quelque autre chose ;
ce qui annulle leurs depositions, & les doit rendre bien suspectes
par la crainte qu’ils peuuent auoir eu d’estre chastiez,
& l’esperance qu’ils ont pû conceuoir de l’impunité de leurs
fautes & de leurs vies en blasmant celle de Monsieur le Mareschal.

Telles accusations contre eux paroissent par les Informations
de l’annee 1645. faites en Catalogne, que Messieurs les Iuges
sont supliez de voir ; & voicy la Loy qui les declare incapables
en cet estat de rendre tesmoignage, laquelle est de Charlemagne
dans ses Capitulaires, liures 7. chapitre 354. des Empereurs
Valens, Valentinian, & Gratian dans le droict ciuil, liure
9. du Code, tire I. loy 19. & se trouue aussi dans le droit Canon
en la second partie du Decret, question II. chap. I. Neganda
est accusatis licentia criminandi priusquàm se crimine quo premuntu
exuerl[illisible], quia non est credendum contra alios eorum confessioni qu
criminibus implicati sunt, nisi se priùs probauerint innocences, quonia[illisible]
periculosa est, & admitti non debet rei aduersus quemcumque
profess[illisible].

Dorée n’est pas receuable non plus dans ses depositions
pour estre parent, & attaché entierement au sieur d’Argent
sou, auec lequel mondit Sieur le Mareschal de la Mothe a eu
beaucoup de demesle en Catalogne. Il a de plus esté vlceré contre
ledit sieur Mareschal, sur la croyance qu’il l’auoit fait rappeller,
& reuoquer de son employ, ainsi que ledit sieur Dorée
& ses amis en firent plaintes à monsieur de Noyers, & qu’il
paroist par les Lettres dudit sieur de Noyers, & les responses
dudit sieur Mareschal. Mais ce qui rend reprochable sans contredit
ledit Dorée ; c’est que ledit sieur Mareschal de la Mothe
luy raya six mille liures d’vne despense de vingt mille liures, que
ledit Dorée auoit faite, monnoye Catalane, par ordre dudit
Sieur Mareschal, en plusieurs parties secrettes & despenses extraordinaires,

-- 31 --

dont la supputation reuenant à vingt mil liures
monnoye Barcelonnoise, mondit sieur le Mareschal ordonna
à Talon de luy rendre, neantmoins ledit Dorée par coll[1 lettre ill.]sion
auec les Tresoriers, receut ladite somme monnoye de France,
qui alloit à six mille liures plus qu’en monnoye de Barcelonne,
& qu’il ne luy falloit. Ce qu’estant venu à la connoissance
dudit Sieur Mareschal, il raya au payement de Talon la
somme de six mille liures, & le regla selon le cours de la despense
qu’en auoit fait ledit Dorée, auec ordre à luy de rendre
au Roy lesdites six mille liures, qu’il auoit touché de plus qu’il
ne deuoit. Cela se void dans les interrogations faites par ledit
Lieutenant Criminel de Paris, à Dorée Article 31. & à Talon
Article 9.

 

SECONDEMENT, l’estat de leur captiuité, diminuë & affoiblit
leurs depositions. Et il est vray que c’est vne meschante
posture pour rendre librement tesmoignage à la verité que
celle d’vne prison. Ce sont tels tesmoins desquels les Loix disent,
Qu’il ne faut faire aucun cas, ausquels vne partie peut commander,
que les accusateurs font interroger sans soin & sans craindre
qu’ils ne disent des choses contre leurs intentions.

Ce sont enfin tesmoins forcez & ennuyez par les miseres d’vne
prison, & par la crainte d’vne longue detention, qui ont
estimé que leur liberté dépendoit de leur accusation contre
Monsieur le Mareschal de la Mothe.

Autrefois l’ennuy d’vn exil moins fascheux qu’vne Bastille
de Paris, ou que l’Arsenal de Grenoble, conuia Liberius &
Osius (deux des plus grands hommes que l’Eglise ait porté,
& desquels le second presida aux Conciles vniuersels de Nicée
& de Sardice) d’abandonner l’innocence de Sainct Athanase
& de souscrire à sa condemnation : dont toutesfois apres ils se
repentirent bien dans leur liberté, ainsi que sans doute feront
ces bons tesmoins, si Dieu & le Roy leur font la grace de les
deliurer de la Iustice & de leurs faux tesmoignages : car pour
maintenant ils craindroient de ne plus sortir de prison, s’ils
sortoient de leurs accusations.

Au premier
Tome des
Conciles
sur le Synode
de
Smyrne.

Que si dans les sages Republiques, comme dit Valere Maxime
aussi bien que Ciceron, on n’a pas creu aux tesmoignages

-- 32 --

des plus considerables & excellens hommes, qui en accusoient
d’autres dont le merite ne leur estoit pas comparable, quand
il y a eu quelque suspicion d’inimitié ou d’Interest contre les
accusez ; Si le Senat de Rome n’adiousta point de foy aux Cnées
& Quintes Cepions, aux Luces & Quintes Metelles contre
Quintes Pompée ; Si Æmilius Scaurus le plus grand homme
de la Republique, ne fust pas crû contre Caius Fimbria, ni conter
Caius Memmius, & luy qui gouuernoit toute la terre sans iurer,
ne put auec vn serment nuire à vn seul homme ; Si Lucius
Crassus personnage plein d’honneur & dans vne tres-haute estime
de prudence, de vertu & de moderation, duquel la simple
parole auoit authorité de tesmoignage, ne fust pas receu
neantmoins a deposer contre Marcus Marcellus de bien moindre
consideration que lui ; parce qu’ils estoient poussez d’vn
esprit d’interest où d’animosité : Combien à plus forte raison
sont moins croyables les hommes de peu de consequence, comme
ceux-cy contre des gens illustres, quand on void dans leurs
Interests la cause de leurs accusations : Si qui ob aliquod emolumentum
suum cupidius aliquid dicere videntur, iis credinon conuenit.

 

Lib. 8. c. 5.
de Testibus
pro Fonteio.

Valerius
Max. lib. 8.
cap. 5.

Mais quand bien mesmes le sieur Procureur General auroit
quelque Patente pour faire receuoir leurs depositions, & qu’il
feroit accroire pour l’obtenir que ce seroit l’vsage de la troisieme
Chambre du Parlement de Grenoble de n’en reietter
aucunes, nous allons montrer par le menu & le detail qu’elles
sont toutes insoutenables & qu’elles se destruisent d’elles
mesmes.

Commençons premierement par l’article des Plus-values.

PLVS-VALVES.

Les Ennemis de Monsieur le Mareschal de la Mothe ont
fait plus de bruit des Plus-valuës que d’aucune autre accusation
qu’on ait intenté contre luy. C’est par là qu’ils ont
surpris Sa Maiesté, Son Altesse Royal, & Monseigneur le
Cardinal Mazarin, & ont voulu ietter la croyance parmy
le peuple qu’il auoit enuoyé des Tresors à Venise, à Gennes & à

-- 33 --

Strasbourg. Aujourd’huy on voit bien le contraire. Car apres
que les Tresoriers & Intendans ont deposé contre luy tout ce
que la malice leur a pû suggerer, qu’on a enuoyé en toutes les
Banques de l’Europe, qu’vn Chirat a tiré des extraicts des
Tholes, & des Tariffes de Catalogne pour voir exactement le
cours des especes d’or & d’argent de temps en temps durant les
quatre ans que le Mareschal de la Mothe y a seruy, tous ces
millions, qui deuoit auoir pris, se trouuent en son procez reduits
(selon mesme le calcul de Talon) à vne somme de vingt-quatre
mille liures dont ledit sieur Mareschal se iustifiera euidemmẽt :
& pour destruire cette calomnie n’employera que
des preuues demonstratiues & conuainquantes, qui feront
voir que ces Presteurs de charitez ont mal pris leurs mesures
en cette accusation.

 

Art. II. de
son interr.
de Paris.

Auant qu’entrer en cette matiere, il semble à propos d’expliquer
le mot de plus-valuë, qui veut dire l’augmentation
des monnoyes qui ont esté enuoyées de France en Catalogne ;
lesquelles s’y mettent & debitent à beaucoup plus haut
prix qu’en France ; Les Louis, les Pistoles, les Reales, & les
Quarts-d’escus y estant tellement augmentez dans la suitte
des temps qu’ils passent auiourd’huy quarante-trois pour cent
& on veut dire que ledit sieur Mareschal prenoit six pour cent
de cette augmentation & Plus-valuë des monnoyes : ce qui
veritablement eust monté à vne somme considerable : mais
c’est vne pure illusion, comme nous allons monstrer clairement,
& que ledit sieur Mareschal n’y a aucunement participé.

Il alla en Catalogne au commencement de l’annee 1641. &
en sortit à la fin de 1644. Il se iustifie que ladite annee 1641.
feu Monseigneur le Prince, Generalissime és prouinces de Catalogne,
Languedoc & Guyenne, faisoit payer l’armée que
commandoit Monsieur de la Mothe en monnoye de Barcelonne,
par traité fait auec les appellez Cruzel, Daillié, & autres
de Languedoc, ainsi qu’il se voit par l’estat de recepte & de
despence de ladite aunée 1641. arresté & signé par le sieur
d’Argenson le 23. iour de Decembre audit an. Voila donc vne
annee où le sieur Mareschal n’a pû rien auoir des Plus valuës

-- 34 --

puis qu’il n’y en eust aucune en Catalogne.

 

En 1642. on commença de faire passer en espece l’argent de
France en Catalogne, & la plus-valuë en fut administree iusques
au commençement de 1643. par Monsieur d’Argenson qui
auoit toute la conduitte & direction des finances, sans qu’il y
eust aucun party. Ainsi c’est audit sieur d’Argenson à en rendre
compte au Roy, ne les ayant fait monter que iusques à 10. 11.
12. 13. & 14. pour cent, comme il paroist par ses comptes. Voila
donc deux annees où le Mareschal de la Mothe ne s’est meslé
des Plus-valuës en aucune maniere.

L’annee 1644. iusques au depart dudit Mareschal, les finances
& Plus-valuës ont esté entierement administree par Monsieur
d’Aligres enuoyé Intendant par Sa Majesté en Catalogne,
& tous les Estats en ont esté aussi arrestez par Monsieur
de Marca, de sorte que les Tresoriers ne s’en mesloient pas,
ny Monsieur le Mareschal de la Mothe, ainsi que lesdits estats
font connoistre.

Ces veritez estans manifestes à ses Ennemis qui n’en peuuent
obscurcir les preuues : ils sont reduits à cõfesser qu’il n’y a qu’en
l’annee 1643. où monsieur le Mareschal de la Mothe ait pû faire
quelque profit sur les Plus-valuës, à cause du traitté qu’il en fit
auec lesdits Tresoriers à vingt-deux pour cent, au dessus duquel
ils disent qu’il y en auoit six pour luy.

Pour destruire cette calomnie, il faut sçauoir qu’il est vray
que le 12. Fevrier 1643. Le sieur d’Argenson, qui seul manioit
les Plus-valuës, se retirant à la Cour, monsieur le Mareschal
de la Mothe en sa presence & de son consentement, en fit vn
traitté auec les Tresoriers à vingt-deux pour cent produit au
procez, lequel fut enuoyé au Roy pour estre ratifié, comme il
lefut, ainsi qu’il doit paroistre audit procez par vne Lettre de
Monsieur de Noyers qui a esté prise dans les papiers de Monsieur
le Mareschal de la Mothe, desquels on aura fait inuentaire :

De plus ce mesme Traité fut encor depuis approuué dans
la Regence le 18. Iuillet de ladite annee par Messieurs du Conseil
qui le donnerent à vn nommé Le-Sec, sous la caution de
Maistre Pierre Berneuil, lequel en vertu d’iceluy fournit vn milion

-- 35 --

de liures en Catalogne, ainsi qu’on peut voir au 2. feuillet
de l’estat general de l’armée de l’an 1643.

 

Certainement monsieur le Mareschal de la Mothe deuoit
attendre plustost des remerciemens, & quelque gré de son entremise
en ce Traitté, au temps qu’il fut fait, que des plaintes
qu’il impute à son malheur, & de ce que Sa Maiesté n’est pas si
bien informée de la verité que ses ennemis.

Le seruice donc qu’il rendit au Roy lors de ce Traite, paroist
en ce que Sa Maiesté en l’annee 1641. ne tiroit aucune Plus-valuë
de l’argent qui se debitoit en Catalogne, Monseigneur le
Prince faisant faire tous les payemens en monnoye Barcelonnoise
par traité fait auec lesdits Cruzel, Daillié, & autres de
Languedoc, ainsi que nous auons dit, & qu’il se void par l’estat
de 1641. produit au procez par Boisot : Et Monsieur d’Argenson
durant l’administration qu’il a faite des Plus-valuës des especes
qui ont passé l’année 1642 en Catalogne, n’en donne de
profit ou Roy que sur le pied de 9. à 10. & les plus hautes ne
vont selon les derniers Estats arrestez à la fin du mois de Decembre
1642. qu’à 12. pour cent de benefice, ce qui se prouue &
verifie par son premier Estat desdites Plus-valuës arresté par
luy le 15. Nouẽbre 1642. où ledit sieur d’Argenson tient compte
à Sa Maiesté de cent six mil liures de Plus-valuës prouenantes
d’vn million, quatre vingt sept mille six cens quatre vingt dix sept
liures, quinze sols. Ores à dix pour cent la somme d’vn million
quatre vingt huict mil liures, feroit de Plus-values cent huit mil,
huit cens liures,& partant ledit sieur d’Argenson n’en rendoit de
benefice que sur le pied de neuf & de demy pour cent.

Par le second Estat des plus-valuës arresté par ledit sieur d’Argenson
le 28. Decembre 1642. il paroist qu’elles n’arriuent pas
à douze & vn cinquiesme pour cent, d’autant qu’il ne les fait
monter qu’à la somme de cent soixante & deux mille trois cens vingt
huit liures, huit sols, six deniers prouenant la somme de treize cens
trente deux mil cinq cens liures. Ores treize cens trente deux mil cinq
cens liuresà douze & vne cinquiéme pour cent de Plus-valuës, reuiennent
à la somme de cent soixante & deux mil cinq cens soixante
cinq liures desquelles ledit sieur d’Argenson tint cõpte tandis
qu’il a eu l’administration des Plus-values. Donc Monsieur le

-- 36 --

Mareschal de la Mothe par ledit traitté de 22. faisoit le profit
du Roy d’enuiron dix pour cent au dessus de tout ce qu’auoit
fait & venoit de faire ledit sieur d’Argenson.

 

Mondit sieur le Mareschal de la Mothe ne pouuoit pas lors
du traitté, en tirer vn plus grand profit pour Sa Majesté, d’autant
qu’il estoit necessité de suiure le reglement vniuersel du
pays, fait auec le Conseil Royal de Barcelonne, & publié par
toute la Catalogne, il y auoit vn mois, touchant l’or & la monnoye,
le pied & le prix selon lequel on estoit obligé de prendre,
donner, & receuoir les especes d’or & d’argent. Par exemple,
les Louys venans de France, selon l’Edict alloient à trente
trois Reaux de sept sols trois deniers le Real : Les demy-Louys
à seize & demy, les Pistoles d’Italie à trente-deux Reaux, &
ainsi des autres especes : comme il se lit par lesdites Ordonnances
qui sont au procez entre les mains de Messieurs les Commissaires.
Ores le traitté de vingt-deux pour cent, lors qu’il
fut fait, estoit entierement conforme à cet Edit vniuersel de la
Prouince, & au reglement general des monnoyes.

Donc on connoist euidemment par le pied des plus-valuës
de ce traitté, & son rapport auec ledit reglement general de
la Prouince touchant les monnoyes, que le sieur Mareschal
les mettoit au plus haut poinct qu’elles pouuoient monter, &
s’il eust voulu y gagner six pour cent, il n’auoit qu’à les laisser
comme elles estoient sous monsieur d’Argenson, les Thresoriers
en auroient encor eu quatre pour eux, ou les mettre à vn
pied au dessous du debit ordinaire ; Autrement si on en conte
au Roy comme on les mettoit dans le pays, ie ne sçay pas par
qu’elle regle on en peut tirer du profit. Si les Pistoles ne valent
que dix liures à Paris, & que celuy à qui on en enuoyeroit en
telle espece en tint compte fur ce pied-là, ou seroit son profit ?

Pour monstrer que les Thresoriers se contredisent clairement
en vne telle accusation, messieurs de la troisiéme Chambre
remarqueront s’il leur plaist, à combien les Commis & Intendans
donnoient & exposoient les pistolles qui venoient de
France dans les payemens qui se faisoient par eux à des particuliers
pour les besoins de l’armée lors du traitté, & enuiron
deux ou trois mois encor apres, & ils trouueront dans les 73.

-- 37 --

80. & 83. feuillets de l’estat de 1643. qu’ils ne les changeoient
par leurs comptes qu’à 22. pour cent, conformément au pied
du traitté qu’ils auoient fait au profit du Roy auec le sieur Mareschal,
ou plustost au cours des monnoyes de la Prouince.
Comment donc luy eussent-ils donné six pour cent pour luy,
par dessus les 22. pour le Roy, si eux mesmes n’en tiroient pas
dauantage que 22. pour le change & plus-valuës des pistolles ?
Et messieurs les Commissaires peuuent voir encore au procez
dans l’Interrogatoire de Talon, fait par le Lieutenant Criminel
du Chastelet de Paris Art. 7. qu’il reconnoist luy mesme
auoir payé en pistolles quarante mille liures à vn nommé Collogne,
à raison de vingt-quatre pour cent de plus-valuës au
profit du Roy, les especes estans pour lors vn peu augmentées.
Que s’il n’en tiroit que vingt-quatre pour cent, comme quoy
eust-il pû ou voulu en donner six à monsieur le Mareschal pardessus
ledit traitté de vingt deux ? C’eust esté tousiours sur ce
compte, quatre sur tous les cens en pure perte pour luy, ce qu’il
n’est pas croyable que telles gens puissent souffrir.

 

Et tant s’en faut que monsieur le Mareschal de la Mothe ait
pû n’y voulu profiter desdites plus-valuës au preiudice de Sa
Majesté qu’ayant fait prester quelque temps apres ledit traitté
dans les necessitez vrgentes de l’armée, quatre-vingt douze
ou treize mille liures au Roy sur son credit, & de son argent.
Il n’en tira de plus-valuë que sur le pied de vingt pour cent, en
quoy il a bien tesmoigné auoir eu plus de soin des Interests du
Roy, que des siens propres ; ce qui est iustifié par les pieces produites
au procez au susdit Interrogatoire de Talon, Art. 9.

Mais sans considerer le mesnage qu’il procuroit pour lors par
ce traitté dans les affaires du Roy au regard du passé, nous allons
sapper & battre en ruine le fondement de cette calomnie
sans replique. Pour receuoir six pour cent par dessus le traitté
de vingt-deux au profit du Roy, il faut que les Thresoriers
ayent executé ce traitté, & compté au Roy des plus-valuës sur
ledit pied pendant l’année 1643. Ores iamais ce traitté n’a esté
executé, & les Thresoriers ont tousiours compté de la recepte
des especes & du benefice qu’elles rendoient selon le cours de
la Prouince, & le prix qu’arrestoient ou mettoient les Intendans,

-- 38 --

quelques especes allans à plus ou moins, & non pas sur
vn pied esgal & certain pour toute sorte de nature d’argent :
comme porte le Traité. Ce qui se iustifie par demonstration ;
sçauoir, & par l’estat general de 1643. & par les estats particuliers
des Plus-valuës, rapportez dans l’estat general signé du
sieur Dorée, receu & approuué des sieurs Talon & Moreau.
Lesquels estats particuliers des Plus-valuës sont aussi arrestez
& signez par ledit sieur Dorée le 15. Auril 1643. le 16. & 26.
Ianuier 1644. Dans tous lesquels estats les Intendans & Thresoriers
n’ont point compté le benefice des Plus-valuës sur le
pied du traitté du Roy, fait auec monsieur le Mareschal de la
Mothe, mais seulement sur le pied du debit & de l’employ desdites
especes dans la Prouince en chaque temps & saison : comme,
sans apporter vne confusion d’Estats, il paroist par le premier
allegué en Auril 1643. deux mois apres le traitté de monsieur
le Mareschal de la Mothe, ou nous voyons la recepte &
compte des plus-valuës qu’ils rendent, prouenantes d’vne somme
de six cens quatre-vingts neuf mil deux cens quatre-vingts six liures,
ainsi qu’il ensuit, Sçauoir :

 

Quatre-vingts quatre mil liures, en pistoles à trente-trois
reaux, rendans pour la plus-valuë seize mille quatre cens quatre-vingts
six liures.

Quarante mil liures au marc, à vingt-trois pour cent, rendent
pour la plus-valuë neuf mil deux cens liures.

Cinquante mil liures en piastres de cinquante-huit sols, à
vingt-cinq pour cent, rendent pour la plus-valuë douze mil
cinq cens liures.

Trente-six mil liures en testons & francs de poids, à raison de
seize pour cent, rendent pour la plus-valuë six mil sept cens soixante
liures. Et ainsi du reste.

D’où le Conseil de monsieur le Mareschal de la Mothe infere
que les Thresoriers n’ont point du tout compté sur le pied
du traitté fait auec eux, autrement ils ne tiendroient point
compte en particulier des especes qu’ils reçoiuent du Roy, ny
du benefice qu’ils rendent en exposant & distribuant lesdites
especes. Il suffiroit auec le Roy de compter les sommes d’argent
qu’ils reçoiuent de Sa Majesté, & pour la plus-valuë en

-- 39 --

tenir compte selon la quantité dudit argent & le pied du traitté
de vingt-deux pour cent fait auec eux.

 

Et partant c’est vne calomnie euidente d’auoir voulu dire
que monsieur le Mareschal de la Mothe a receu six pour cent,
d’vn traitté qui n’a iamais esté executé, & vne honte par consequent
à ses Ennemis, apres auoir parlé des millions, d’estre
reduits à dire que les gains & profits que ledit sieur Mareschal
a faits sur ledit traitté, ne montent plus qu’à vingt-quatre mil
liures, monnoye Catalanne, qui font enuiron seize à dix-sept
mille de France. Laquelle somme est si modique, qu’elle eust
esté plus digne de mespris, que de si puissantes raisons, pour en
confondre la supposition.

PREST.

LE second Article des Accusations contre monsieur le Mareschal
de la Mothe, est vn Prest que l’on dit estre le dix-huictiéme
de l’année 1642. & auoir esté par luy pris & retenu
aux troupes.

On produit pour preuues de cette accusation, les depositions
de Dorée, Talon, & Moreau. Et monsieur le Mareschal
de la Mothe pour s’en iustifier, employe l’estat de la despence
de l’année 1642. produit au procez, & qui doit estre en la
Chambre des Comptes de Paris, arresté & signé par Dorée
Intendant, receu & signé par Talon & Moreau ; dans lequel il
paroist que le dix-huitiéme Prest a esté payé aux troupes en
suitte d’vne Ordonnance faite par ledit sieur Mareschal, visée
par ledit Dorée, & qu’il y a eu autant de Prests payée cette année-là
dans l’estat de la despence : comme il y auoit eu de fonds
dans celuy de la Recepte.

folio 9.

Quelle calomnie de trois tesmoins prisonniers peut estre
mieux destruite que celle-cy, par leurs propres signatures, contradictoirement
opposees à leurs faux tesmoignages ?

Et n’est ce pas vne chose admirable de la prouidence de
Dieu, d’auoir fait tomber ces Estats entre les mains du sieur
Mareschal, où tous ces trois Accusateurs sont conuaincus de
fausseté par leurs seings ? qui a trompé ces bons messieurs, &

-- 40 --

persuadé qu’ils reüssiroient en cette calomnie ; c’est qu’ils se
sont imaginez estans arrestez prisonniers, tous leurs estats
& papiers pris, & ceux dudit sieur Mareschal aussi, qu’il
ne luy resteroit aucun moyen de les conuaincre de cette
supposition, contre laquelle il produit ces Actes authentiques.

 

Auec quel front donc Dorée, Talon & Moreau peuuent
ils dire que le sieur Mareschal a diuerti vn prest à l’armée, duquel
il y a Ordonnance visee par ledit Doree, & dont les Tresoriers
ont cõpté, & ont toutes les quittances des Officiers de
l’Armée, ainsi qu’il paroist par l’estat susdit ?

Mais pour acheuer le pourtrait d’vne telle calomnie, nous
employons les informations mesmes qui ont esté faites en
Catalogne, au lieu de Camaras, en l’année 1645. par les soins
du Sieur Gouri Intendant, & de Chirat ; Par lesquelles Informations
tous les Officiers de l’Armée qu’auoit commandé
Monsieur le Mareschal, furent entendus sur le diuertissement
dudit Prest, & la fausseté desdites accusations conuaincuë contre
l’intention desdits Commissaires. Aussi certes Monsieur le
Mareschal de la Mothe ne deuoit pas attendre d’autre tesmoignage
que de la verité, des Officiers, & de gens si pleins d’honneur :
& hors deux ou trois, entre lesquels estoit vn nommé
Darconques, Major du regiment de Boësse, que Monsieur le
Mareschal auoit chassé sur les plaintes des Catalans, & à cause
des voleries qu’il faisoit à ses soldats sur le pain de munition, il
auroit confié sa vie & son honneur aux depositions singulieres
de chacun, sçachant bien qu’il n’auoit pas donné suiet de croire
à pas vn par sa conduite, qu’il fust capable de leur retenir
quelque chose.

Et pour connoistre encor dauantage l’innocence de mondit
sieur le Mareschal, & la fausseté de ladite accusation. Il
plaira à Messieurs de la troisiéme, de lire exactement les Interrogations
faites audit Dorée par le Lieutenant Criminel de
Paris, aux mois de Mars & d’Avril 1646. sur ledit Prest, Ils y remarqueront
des contradictions qui ne se peuuent soustenir, &
ausquelles Chirat le plus fameux Chicaneur de France ne pourroit
trouuer d’emplastre, qui consistent en celles-cy.

-- 41 --

PREMIEREMENT Doree dans l’Article 8. Dit, que ce
Prest pretendu diuerty aux troupes, se montoit à soixante mil liures,
& plus, ainsi qu’on peut voir par les Estats : Et cependant par le
calcul & supputation faite par ledit Doree dans l’estat de 1642.
à quoy reuiennent les prests de campagne & du quartier d’hyuer
dudit estat, il ne se montent qu’à trente-deux, trente-sept,
& au plus à quarante-trois mil liures, monnoye de Catalogne.
Ce qu’estant, & puisque Dorée confesse dans les mesmes
interrogations Article 31. qu’il a eu ordre de receuoir, & qu’il
a receu de Talon vingt-mil liures monnoyes de France pour
l’employ dudit Prest supposé ; Il s’ensuiuroit que Dorée auroit
fait la supposition du Prest pour luy, & non pas pour Monsieur
le Mareschal de la Mothe, parce que vingt mil liures
monnoye de France, font vingt-huit mil liures, & plus, monnoye
de Barcelonne, selon laquelle on payoit les troupes, &
partant il n’eust rien resté à monsieur le Mareschal de la Mothe,
que cinq, neuf, ou quinze mil liures tout au plus, tant pour luy
que pour les Tresoriers, à qui il auroit falu donner aussi quelque
chose. D’où on infere qu’il est donc vray que le faux
employ dudit Prest auroit esté pour Dorée, & non pas
pour le sieur Mareschal, selon la supputation de Dorée
mesme.

EN SECOND LIEV Doree reconnoist dans sesdites interrogations
Article 10. que tous les autres prests passez dans l’estat
de 1642. ont esté effectiuement payez aux troupes : D’où il s’ensuit
conferant cet Article de ses responses auec lesdits estats de
1642. que le dix-huitiéme Prest seul n’a pas esté pris comme il
dit, ou qu’il y en a eu trois à la fois. La raison & demonstration
qui se connoit à la veuë desdits estats, est que l’Ordonnance
pour le 18. Prest n’est qu’vne & la mesme pour le 16. 17. & 18.
Prests, aussi bien que la quittance des Officiers, qui est tousiours
conforme à l’Ordonnance, est pour le payement desdits
trois prests receus à vne seule fois. Et partant, où il faut que
les quittances pour lesdits trois prests soient fausses & supposées
aussi bien que l’Ordonnance ; ou par necessité toutes
les trois sont bonnes. Ce qui fait qu’il n’y auroit eu aucun

-- 42 --

Prest de supposé, comme ledit Dorée l’a malicieusement
deposé.

 

EN TROISIESME LIEV, il se iustifie euidemment par les
depositions de ces trois Tesmoins, que le sieur Mareschal n’a
receu actuellement, ny la somme entiere dudit Prest, ny aucune
partie d’iceluy, comme il paroist par le 21. Article dudit
Interrogatoire de Dorée, où Enquis en quelles especes & par qui
ledit Prest a esté payé audit sieur Mareschal de la Mothe : Il dit qu’il
n’en sçay rien, qu’apres auoir visé l’Ordonnance du 18. Prest, il ne
s’est pas informé par qui, & en quelles especes ledit sieur Mareschal
s’en est fait payer : & que c’estoit vne affaire à demesler entre luy &
lesdits Commis de l’Extraordinaire.

Pour Talon dans ses Interrogations Article 9. Il dit, qu’il
n’estoit present au compte quand il fut arresté par Monsieur Dorée, &
Dormé son Commis, & qu’il estoit malade. Il dit de plus Art. II.
que ledit Prest a esté couché & supposé dans ledit Estat pour remplacer
les sept mil pistolles qu’il auoit prestées à Monsieur le Mareschal.
Donc ny l’argent du Prest entier, ny partie d’iceluy n’ont
esté mis entre les mains dudit sieur Mareschal par leur propre
confession : Et partant ou ledit argent a esté payé aux troupes
suiuant les Ordonnances dudit sieur Mareschal visées par ledit
Dorée & le compte desdits Tresoriers : ou bien l’argent
est [illisible] mains desdits Intendant & Tresoriers, lesquels
en [illisible] en peuuent compter au Roy ; ce que ledit sieur Mareschal
n’empesche pas. Car puis qu’il conste par leurs depositions
qu’il ne l’a pas receu, il ne peut estre accusé de l’auoir fait
supposer, d’autant qu’il n’auroit pas fait diuertir ledit Prest
sans en retirer l’argent à soy.

De dire que s’il n’a pas touché actuellement ces sommes,
neantmoins il les a fait toucher aux Commis pour s’acquitter
[1 mot ill.] de sept mil pistolles qu’ils luy auoient prestées : Qui dit
cela ? & comment le prouue-on ?

Dorée Art. 25. de son Interrogatoire de Paris, declare,
qu’il ne sçait pas, & qu’il n’a iamais entendu dire que les Tresoriers
eussent presté sept mille pistolles à Monsieur le Mareschal, & partant
[1 mot ill.] pouuoit passer vn Prest supposé pour remplacer vne somme

-- 43 --

qu’il ne sçauoit pas auoir esté prise ny empruntée par mondit
sieur le Mareschal.

 

Talon ne peut pas dire aussi que ce Prestait esté supposé &
passé à faux dans l’estat pour se remplacer des sept mil pistolles
empruntées, puis qu’il paroist par sa propre quittance, que
Monsieur le Mareschal luy a rendu, & remis actüellement les
sept mil pistoles quinze iours apres les auoir empruntées ; &
partant il n’a pas esté contraint d’auoir recours à vn si mauuais
remede pour payer cette debte.

En apres la veuë de la datte de l’estat de 1642. & celle de l’emprunt
des sept mil pistolles, confondent cette response de calomnie,
puisque ledit estat où on pretend que ce Prest a esté
couché à faux estoit clos, arresté, & signé deux mois entiers
auparauant que Monsieur le Mareschal fist cet emprunt aux
Tresoriers : Lequel par consequent n’en a pû estre la cause ny
le fondement, estant bien posterieur audit estat, comme
la simple lecture & conference des dattes le fait connoistre.

Donc ou lesdits Tresoriers & Intendant sont obligez & contraints
de reconnoistre par les contradictions de leur deposition,
qu’elle est calomnieuse ; ou s’ils opiniastrent de soustenir
contre la verité, que ledit Prest n’a pas esté payé, comme il
est porté dans leurs estats, ayant euidemment montré que Monsieur
le Mareschal n’y a point participé, & qu’il ne l’a pas receu
ils doiuent estre condamnez de le rendre à Sa Majesté, & punis
pour auoir eu l’effronterie d’imposer audit sieur Mareschal qu’il
l’auoit retenu, & appliqué à son profit.

INTERESTS.

LE Troisiéme Article des accusations faites contre Monsieur
le Mareschal de la Mothe, est, Qu’il a retenu, pour
luy, la somme de quatorze mille quatre cens tant de liures, pour
des interests qui estoient deuz à des particuliers de Barcelonne,
qui auoient presté la somme de quatre cens cinquante mil liures,
dans les necessitez vrgentes des affaires du Roy sur la fin de
l’année 1643.

-- 44 --

PREMIEREMENT, C’est vne chose notoire à la Cour, à
l’Armée, & à la Catalogne, que des Marchands de Barcelonne
presterent en plusieurs fois iusques à la somme de quatre cens
cinquante mille liures, pour secourir l’armée qui languissoit, &
en empescher la ruine & la dissipation à cause du manquement
des Assignations de Montoron en la campagne de 1643. & qu’il
n’y a pas d’apparence que des Marchands eussent presté leurs
deniers au Roy pour rien, n’estant pas la coustume de ces gens-là,
ny d’autres, de bailler l’argent, auec lequel ils trafiquent
incessament, sans interests ; Aussi ledit sieur Mareschal ordonna-il
de payer lesdits interests, & cela à deux, ou deux &
demi pour cent, (ce qui n’arriue pas souuent au Roy, qu’on
luy preste, & fasse prester de l’argent à si bon marché) comme
les Ordonnances s’en lisent dans les Estats de 1643. Lesquelles
si les Tresoriers n’auoient mises à execution, ce seroit à eux &
à l’intendant qui a arresté leurs comptes, de restituer lesdits
interests à ces particuliers ; mais pour le sieur Mareschal, il
n’estoit pas de sa condition ny de sa qualité, d’aller chez lesdits
Marchands retirer leurs quittances pour en iustifier le
payement, il suffisoit de l’ordonner, comme il a fait.

SECONDEMENT, pour se iustifier encor dauantage de
cette accusation, Monsieur le Mareschal de la Mothe employe
l’estat de l’année 1643. produit au procez, arresté & signé par
ledit Dorée, receu & signé par lesdits Talon & Moreau dans le
114. feüillet verso, duquel estat ces trois bons Tesmoins nomment
eux-mesme les personnes de Barcelonne, ausquelles
ont esté payez lesdits interests des sommes empruntées. Et
comme il arriue ordinairement, que ceux qui font de fausses
accusations soient descouuerts par les contradictions qu’ils
auancent ; Dorée dans l’Article 27. de ses Interrogations de
Paris, dit, que le sieur Mareschal de la Mothe voulut que l’employ
desdits Interests dans l’estat de 1643. fust de quatorze mil quatre
cens quarante cinq liures ; Et cependant dans le Chapitre des Interests,
à la fin dudit estat, il se monte à dix-neuf mil cent tant
de liures, par le calcul de l’Intendant & des Tresoriers mesmes.

-- 45 --

TROISIEMEMENT, Pour monstrer que cette accusation
est notoirement fausse, & que ledit sieur Mareschal de la Mothe
n’a point touché lesdits Interest par la propre confession
des Tesmoins : Talon dit en l’onziéme Article de ses responses
de Paris, que ces quatorze mille quatre cens tant de liures d’interests
ont esté mises & supposees dans l’estat pour remplacer en partie les sept
mille Pistoles qu’il auoit prestées à Monsieur le Mareschal. Ores
nous auons des-ja dit, & nous verrons cy apres que les sept
mille Pistolles furent renduës dés le 15. du mois de Mars 1643.
& l’estat de 1643. où sont couchez ces Interests des sommes empruntées
n’a esté clos & arresté par Dorée, receu & signé par
Talon & Moreau, que le 28. Ianuier 1644. & partant dix mois
apres que le sieur Mareschal estoit entierement quitte de cét
emprunt auec luy, lequel par consequent n’a pû donner cause
audit sieur Mareschal de faire retenir ces quatorze mille quatre
cent tant de liures par Talon & Moreau, pour s’acquiter
auec eux d’vne chose dont il ne deuoit plus rien il y auoit si
long-temps.

Les huit mil liures du Sieur Baltazar.

LA Quatriéme accusation contre Monsieur le Mareschal de
la Mothe, est, qu’il a retenu au Sieur Baltazar Colonel
Allemand, huit mil liures destinées pour la recreuë de deux
compagnies de son Regiment.

Mais pour en connoistre la fausseté, qu’on regarde dans les
Estats des fonds de recepte de l’armée des quatre années que
ledit sieur Mareschal a demeuré en Catalogne arrestez par les
Intendans, & dans lesquels toutes les Ordonnances dudit sieur
Mareschal sont visées par eux, on ne trouuera rien ordonné
par Sa Maiesté pour ledit sieur Baltazar, qui ne soit employé
pour luy dans les Estats de despence, qui est vne justification
sans replique.

Aussi cette accusation est indigne de monsieur le Mareschal
de la Mothe, & se destruit par les soins particuliers qu’il a tousiours
eu de poursuitte la fortune dudit sieur Baltazar, de le
faire Mestre de Camp, de l’eleuer dans les employs, & de recommander

-- 46 --

à la Cour ses seruices, comme il a incessamment
fait. Et le sieur Baltazar desaduouë bien nettement vne telle
calomnie, ainsi qu’il paroist par sa lettre escritte sur ce sujet,
produitte au procez, dont voicy les termes à la marge.

 

Car mõdit
Seigneur le
Mareschal
a tres-bien
satisfait
moy & mõ
regiment,
de sorte que
vous pouuez
dire à
ses Ennemis,
que le
Colonel
Baltazar
est trop hõneste
homme
de deposer
contre vne personne,
des
mensonges

La preuue en est belle, aussi bien que toutes les autres qu’on
employe aux accusations precedentes contre ledit sieur Mareschal.
On produit au procez vne lettre que ledit sieur Mareschal
escriuit à Moreau, par laquelle il luy donne aduis de payer au
sieur Baltazar huit mil liures, que luy & Talon luy deuoient,
ou par depost, ou de ses payes, de peur qu’allant à la Cour il
se plaignist. C’estoit vn commandement que le sieur Mareschal
auoit souuent fait de viue voix à Moreau & à Talon pour
obliger & faire plaisir audit sieur Baltazar, & qu’il reitere par
sa lettre le voyant sur son depart de la Catalogne, afin qu’ils
n’vsassent plus de tant de remises & de delais enuers luy : de
sorte que l’on ne peut comprendre par quelle regle de Iustice
on veut rendre Monsieur le Mareschal de la Mothe, pour auoir
esté Solliciteur officieux des debtes, ou du depost du sieur
Baltazar aupres des Tresoriers, son debiteur. Au contraire &
puisque ledit sieur Mareschal mande à Moreau de le payer,
c’est vne marque que ce n’est pas luy qui a l’argent du
sieur Baltazar, mais Moreau, lequel deposant en ce
point à sont profit & descharge contre ledit sieur Mareschal,
aussi bien que Talon, ne sont ensemble nullement
croyables.

Les sept mil Pistolles.

Mais afin que toute la terre connoisse encor mieux les
impostures de ces bons tesmoins, nous allons ruiner
leur fondement sans replique, qui fera crouler tout le bastiment
de leurs calomnies.

La cinquiesme accusation, qui est la cause qui a obligé selon
le dire de ces tesmoins monsieur le Mareschal de la Mothe à faire
retenir vn Prest aux troupes, les quatorze mil quatre cens
liures pour les Interests susdits, les huict mil liures du sieur
Baltazar, & vingt-quatre mil liures pour les Plus-valuës,

-- 47 --

c’est que ledit sieur Mareschal ayant emprunté des Tresoriers
sept mille pistoles au mois de Mars 1643. il ne les a pû rendre
pour les despenses qu’il faisoit, & partant les Intendant & Tresoriers
furent obligés de faire ce faux employ pour recouurer
cette somme, & se remplacer de celle qu’ils luy auoyent
prestee.

 

Dieu a permis que Boisot Secretaire de monsieur le Mareschal
de la Mothe ait conserué la quittance de Talon desdites
sept mille pistolles, & qu’elle n’ait point esté prise parmy ses
papiers, comme en faisant cette supposition ces tesmoins l’ont
asseurement pensé.

L’histoire est que mondit sieur le Mareschal ayant vne entreprise
sur vne Ville frontiere de Catalogne, de laquelle on
le deuoit rendre maistre moyennant la somme de cinquante
mille escus, dont il estoit conuenu, emprunta des Tresoriers
sept mil pistolles, pour, auec l’argent qu’il auançoit du sien,
faire la somme promise : mais ladite entreprise ayant esté descouuerte
à la veille de l’execution, l’argent fut rendu dans les
mesmes sacs & especes à Talon quinze iours apres le prest, de
sorte que ce fut plustost vn depost qu’vn emprunt, lequel ayant
esté remis effectiuement à Talon : comme il apparoist, ne peut
auoir esté cause qu’on ait couché des faux employs dans lesdits
estats, autrement les Tresoriers auroient touché l’argent deux
fois d’vne mesme somme par eux prestée.

Voicy l’emprunt de cette somme, & la quittance de Talon
endossée sur la promesse de monsieur le Mareschal qui est couchée
tout au long pour faire voir la malice de telle supposition.

Promesse

Nous soubsignez confessons que le sieur Talon nous a fait prester vne
somme de soixante & dix mil liures en pistolles, pour laquelle il s’est
obligé pour nous, laquelle somme nous luy promettons rendre en mesmes
especes dans vn mois. Fait ce premier Mars, mil six cens quarante
trois.

LE MARESCHAL DE LA MOTHE.

-- 48 --

Quittance du sieur Talon pour les sept mille pistoles.

Ie reconnois que Monseigneur le Mareschal m’a rendu la somme
de soixante & dix mil liures en pistoles : comme il est mentionné de l’autre
part en sa promesse du premier Mars 1643. Fait ce quinziéme du
mesme mois audit an 1643.

TALON.

Pour seruir de descharge à Monsieur Boisot, quand il
comptera auec Monseigneur le Mareschal.

Mais ce qui est plaisant, outre cela, en toutes ces accusations ;
c’est que si elles estoient veritables, elles nous feroient
voir des choses qu’on n’a iamais veuës dans la nature : Sçauoir
qu’vn pere fust moins aagé que son fils ; vn effet qui precederoit
sa cause ; vne chose existente par vne autre qui ne l’estoit
pas encor, & ne l’auoit iamais esté ; vn bastiment fait en 1648.
par vn architecte lequel doit seulement estre au monde en 1650.
bref vn posthume qui seroit né dix mois apres la mort de son
pere & de sa mere, ainsi qu’on peut induire facilement par les
seules dattes de l’emprunt fait à Talon, & de celles de l’estat de
1642. dans lequel on dit que le prest diuerty a esté couché en
faux employ pour remplacer en partie aux Tresoriers les sept
mil pistoles qu’ils auoient prestées à monsieur le Mareschal de
la Mothe, En ce que,

L’Estat de 1642. a esté clos & arresté le premier de Ianuier
1643. par Dorée, receu de Talon & Moreau, & signé d’eux, &
l’emprunt n’a esté fait que deux mois entiers apres, sçauoir au
premier de Mars de la mesme année : Comment donc cét emprunta-il
pû donner lieu à vn diuertissement de Prest d’armée
qui estoit fait, à ce compte, deux mois auparauant, si ce n’est
qu’vn pere puisse estre moins aagé que son fils, & vne cause
posterieure à son effect ? Et comment, cét argent estant rendu
quinze iours apres auoir esté liuré par Talon, comme il paroist
par sa quittance, & partant cette debte morte & esteinte entierement
par son payement, peut-il auoir esté cause que les
Tresoriers pour se remplacer de ladite somme ayent mis par

-- 49 --

l’ordre du sieur Mareschal quatorze mille tant de liures d’Interests
dans l’estat de 1643. arresté & signé le 28. Ianuier 1644.
qui sont dix mois entiers apres l’extinction de cette debte faite
au 15. Mars 1643. Ne seroit-ce pas vn posthume qui naistroit dix
mois apres le decez de pere & de mere ?

 

Ces tesmoins sont vniques en leurs depositions. Car il n’y a
que Dorée qui dise auoir diuerty vn Prest, pour le sieur Mareschal,
& couché en faux employ quatorze mil quatre cens tant
de liures d’Interests, dans les estats de 1642. & 1643. Lesquels
estats il dit auoir arresté seul auec Dormé Commis de Talon
qui est mort.

Art. 8. de
son Interrog.
de Paris.
Art. 27.
Art. 22.

Talon confesse qu’il estoit malade lors que ces estats furent
arrestez, & Moreau estoit à Paris, & absent, & partant cette
accusation reside au seul tesmoignage de Dorée.

Art. 7.

Ores les Loix Diuines au Deuteronome chap. 17. aussi bien
que les Humaines Imperiales & Royales, defendent d’auoir
esgard en quelque nature d’affaire & cause que ce soit, au tesmoignage
d’vn homme seul, quand mesmes il seroit digne de
croyance & honoré de charges dans vn grand Senat. A plus
forte raison ne doit on pas escouter la deposition d’vn seul tesmoin
dans les causes criminelles où les preuues doiuent estre
plus claires que le iour, où les Iuges pour le repos de leur conscience,
sont tenus de chercher & affecter plus que moins, de
tesmoignages qu’il n’en faut selon les Loix ; où enfin les fautes
ne se peuuent reparer, ny eux rendre ce qu’ils peuuent oster par
la precipitation d’vn Iugement : Simili modo sancimus vt vnius
testimonium nemo Iudicum in quacumque causa facilè patiatur admitti :
& tunc manifestè sancimus vt vnius omnino testis responsio non audiatur,
etiam si præclaræ Curiæ honore præfulgeat. Cod. lib. 4. tit.
de Testibus. l. Iurisiurandi religione.

Ad vnius
testimoniũ
nullus condemnabitur.
Num. 35.
Charlemagne
en ses
Capitulaires
liure 6.
chap. 40.

D’alleguer qu’outre l’authorité d’vn Tesmoin oculaire il y
en a deux autres qui deposent auoir oüy dire la mesme chose :
Les Loix reiettent & bannissent les tesmoignages auriculaires
des personnes absentes, au temps & lors que les choses se sont
passées. Nous nous contenterons dans vne infinité de Loix ciuiles,
qui s’accordent en ce poinct, d’en rapporter vne de
Charlemagne, si belle, qu’elle doit faire perdre au Procureur

-- 50 --

General la croyance de la validité de tels tesmoignages que
cette equitable Ordonnance supprime : Testes non absentes, neque
per epistolam testimonium dicant, sed præsentes, quam nouerunt
& viderunt, non taceant veritatem, nec de aliis causis testimonium dicant,
nisi de his tantummodo quæ sub præsentia eorum acta esse noscantur.

 

Cap. 145.
lib 6. Cap.

Et afin qu’il connoisse aussi par le Droict Canon, que les voix
de ceux que la diuersité des temps a empesché d’estre ensemble,
ne peuuent iamais passer pour suffrages de plusieurs, qu’il
en escoute la decision, laquelle regarde les trois tesmoins qu’il
produit, dont deux, selon leurs propres depositions, ont esté
tousiours absens, ou malades, & n’en parlent que par oüy dire :
Nec eorum voces tanquam plurium admittuntur, quos temporum quidem
diuersitas sinul interfuisse prohibuit. Decret 2. parte, quæst. 9.
cap. 16.

Si Monsieur le Mareschal de la Mothe n’auoit aucun moyen
pour se iustifier de tous ceux que nous auons proposé contre ce
que Dorée met en auant, sinon la negatiue, les Iuges ne seroiẽt-ils
pas plus obligez de croire à la foy dudit sieur Mareschal, dont
la vie, la vertu, & le merite sont connus, & qui nie vn tel faict,
qu’à celle de Dorée seul, qui l’establit sans preuues ? On doit
tirer les mesmes inductions de Moreau & de Talon. Croira-on
plustost à vn homme de cette estoffe, qui n’ouure son esprit que
pour songer aux moyens de profiter, & ses mains que pour serrer
l’argent du Roy, qu’à celuy qui employe tous ses soins à
accroistre sa gloire, & qui n’ouure ses bras que pour combattre
ses Ennemis ?

Nous lisons à ce propos, que Marcus Scaurus ayant esté accusé
par Varius Tribun du peuple, d’auoir pris de l’argent du
Roy Mithridates pour nuire à la Republique ; bien que l’accusation
fust importante, neantmoins ce grand Capitaine, au lieu
de destruire les calomnies qu’on auançoit contre luy, se iustifia
de cette sorte : Messieurs, Varius dit, que Marcus Scaurus a receu
de l’argent de Mithridates pour desseruir sa Republique ; & Marcus
Æmilius Scaurus Prince du Senat, dit le contraire ; auquel croirez
vous le plustost ? Le Peuple & les Iuges furent tellement touchez
de ses paroles, que se ressouuenans de l’estime qu’ils deuoient

-- 51 --

faire de Scaurus, & du peu de cas de Varius au regard de l’autre,
ils le renuoyerent absous.

 

Valerius
Max. l. 3.
cap. 5.
Cuius dicti
admiratione
populus
commotus,

Varium ab
illa dementissima
actione,
pertinaci
clamore
depulit.

Mais quand Monsieur le Mareschal de la Mothe ne reconnoissant
point la Iurisdiction de la Troisiéme Chambre n’ouuriroit
pas la bouche pour se procurer vne telle iustification, &
nier vne telle imposture, les Iuges doiuent en conscience en
considerer la force & les preuues.

PREMIEREMENT, vn tesmoin n’est pas creu en vne chose
où il y va de la vie, quand il depose contre soy-mesme sans aucune
preuue euidente du faict ; celuy-là est ennuyé de viure, insensé,
& desesperé, qui s’abandonne à semblables accusations ;
Telle nature de confession estant vne marque de folie, dit Quintilian,
& pour cela il faut estre poussé de fureur, yure ou contraint par les douleurs
d’vne question ; car personne ne doit deposer contre soy-mesme. Et
Seuere dit, que les confessions des coulpables ne doiuent pas estre receuës
pour des crimes auerez, si le Iuge n’a d’autres preuues qui l’instruisent.

Quintil.
declam.
314.
Leg in criminibus,
§.
Diuns Seuerus,
ff. de
quęstionib.
l. inde Neratius,
ff.
ad l. Aqu.
cap. 2.

C’est pourquoy Iulian a ordonné, que si vn homme auoit
reuelé d’auoir tué quelqu’vn qu’on reconnûst estre en vie, il
ne faudroit pas le iuger sur sa confession. Tertullian le dit aussi
in Apologetico : Qu’il ne suffit pas pour iuger vn homme comme Homicide,
ou atteint de Sacrilege, & d’Inceste, qu’il se declare tel : on
examine les circonstances, les consequences, la qualité du faict, le nombre,
le lieu, le temps, & les complices.

On ne permet pas à celuy qui veut mourir de le faire, ny de
se tuer, dit S. Cyprian ; Cupientibus mori non permittitur occidi : &
c’est vn acte souuerain de misericorde de conseruer vn homme
malgré luy, selon Quintilian declamat. 41. profilio : Misericordiæ
maximum munus est seruare nolentem.

Et c’est pour cela que le Conseil du sieur Mareschal de la
Mothe dit, que Dorée est digne de pitié, de faire vne confession
si honteuse, & de prostituer à si bon marché son honneur
& sa vie.

S’il fait en cela vn acte de faux tesmoin contre Monsieur le
Mareschal ledit sieur Mareschal en veut faire vn de misericorde
pour luy, en l’arrestant sur le bord du precipice, & monstrant

-- 52 --

par les preuues contraires à sa confession, que ledit Dorée ne
merite pas de chastiment pour le crime qu’il aduoüe, puis qu’il
ne dit pas la verité, & que les Iuges ont des preuues manifestes
qui les en esclaircissent. Mais pourtant, si ledit sieur Mareschal
le purge, & le garentit par ses iustifications, des peines & du
crime de Peculat ; en le guerissant de ce mal, il luy en laisse vn
plus grand, qui est celuy de Parjure & de faux tesmoignage,
dont Sa Majesté le peut releuer par sa grace & bonté, ou la Iustice
luy oster par sa seuerité.

 

EN SECOND LIEV, Quand ledit Dorée en sa confession
seroit croyable contre soy-mesme, sans preuue, en matiere de
crime, ce qui n’est pas, comme nous auons veu, il ne pourroit
pas estre pour cela entendu contre Monsieur le Mareschal de la
Mothe, apres s’estre accusé. En voicy les Loix des Empereurs
Honoré & Theodose addressées par eux aux Consuls, Preteurs
& Tribuns des peuples, pour les faire pratiquer par tout l’Empire
en matiere d’accusation.

Que personne ne se flatte en l’accusation d’vn crime qu’il a confessé
contre soy-mesme dans la question par l’esperance de pardon, en associant
à sa faute quelqu’vn de plus grande condition que luy, ou y embarassant
son Ennemy pour le reduire à vn pareil sort de crime, & de supplice
que le sien. Qu’il ne se flatte pas dis-je, Qu’il ne se confie pas de
se pouuoir sauuer par la consideration ou les priuileges de celuy qu’il
nomme & accuse auec luy, d’autant que l’authorité de l’ancien droit ne
souffre pas seulement d’interroger sur la conscience d’autruy ceux qui
se sont accusez & deferez eux mesmes. Que personne donc qui a fait vne
confession de son propre crime ne soit pas escouté contre vn autre.

Nemo tamen sibi blandiatur obiectu cuiuslibet criminis de se in quæstione
confessus, veniam sperans propter flagitia adiuncti, vel pro communione
criminis consortium superioris optans, aut inimici supplicio in
ipsa supremorum suorum sorte satiandus, aut eripi se posse confidens,
aut studio, aut priuilegio nominati, cùm veteris iuris authoritas de se
confessos ne interrogari quidem de aliorum conscientia sinat. Nemo igitur
de propriocrimine confitentem super conscientia scrutetur aliena.

L. Accusationis,
C. si
certum petatur.

Non seulement le droit Ciuil reiette vn tel tesmoin, mais
aussi le droit Canon exclud en termes expres, celuy-là de rendre

-- 53 --

tesmoignage contre son Compagnon en vn fait auquel il a
declaré auoir eu part & societé. C’est pourquoy Alexandre III.
au Concile de Latran, approuue & authorise vne Sentence renduë
par vn Archeuesque qui auoit absous vn Ecclesiastique
d’vn crime qu’on luy objectoit & qu’il nioit. Et le Pape rendant
raison de la confirmation de ce Iugement en faueur dudit
Ecclesiastique, dit, que c’estoit à cause du manquement de
preuues valables n’y ayant qu’vn seul tesmoin, & que le second
estant complice du fait par sa confession propre, ne se trouuoit
pas receuable à accuser autruy dans le mesme crime : en voicy
les paroles qui sont bien remarquables à ce sujet. Cùm duo apparuissent
qui iurati deposuerunt prædictum Presbyterum talem fecisse
promissionem, & cum altero illorum pactum illud factum fuisse,
tu de Presbytero prout ordo rationis exigit, iudicasti : Nos tuam sententiam
commendamus, eo quod ille qui eodem erat infectus crimine,
inde contra eum testificari non posset, nullique de se confesso aduersùs
alium in eodem crimine sit credendum, nec vnius testimonium ad condemnationem
sufficiat alicuius.

 

C. Veniens
ad nos. De
testibus &
attestationibus.

Et apres auoir produit cét exemple on en peut voir vn autre
dans le susdit droit Canon, où il est dit : Nous declarons qu’on
ne doit infliger aucune peine à ceux par la suggestion ou l’ordre desquels
ce Prestre a reuelé d’auoir commis vn homicide, si cette accusation n’est
verifiée par d’autres moyens, d’autant que selon les Statuts de toute
sorte de droit, ceux qui ont confessé quelque chose contre eux-mesmes, ne
doiuent pas estre entendus en ce fait-là sur la vie d’autruy.

C. Cùm
Monasterium,
de
Confessis.

EN TROISIEME LIEV, Quand Dorée seroit receuable ayant
deposé en cause de crime contre soy, à accuser monsieur le Mareschal,
il faut examiner les preuues qu’il donne d’vne si belle
accusation. Car qui sera sans crime, dit Iulian l’Empereur, si
pour monstrer qu’on est coulpable il suffit d’accuser, sans
auoir égard que le crime est mal prouué ? Quis insons erit si accusare
sufficit, & crimine non probato fides habeatur ? Dorée dit que
monsieur le Mareschal de la Mothe a pris aux troupes vn prest
de soixante & tant de mil liures, & quatorze mil quatre cens
tant de liures pour des Interests qui estoient deus à des particuliers,
qu’il a fait coucher dans les estats de 1642. & 1643. Pour
preuue de cette maluersation il n’y a que son dire, & point d’escrit,

-- 54 --

ny ordre, ny lettre de monsieur le Mareschal de la Mothe,
ny tesmoin contre luy. N’est-ce pas là vne belle preuue bien
concluante & qui merite l’exclamation que fait Ciceron en
son oraison pro Flacco, quand Asclepiades se produit pour tesmoin
que Flaccus auoit receu de l’argent de certaines prouinces
qu’il auoit gouuernées. Escoutons les preuues dit cét Orateur.
Dixit tantùm, nihil protulit. Quid ergo quod vnus Asclepiades
fortunâ egens, vita turpis, existimatione damnatus, impudentia
atque audacia fretus, sine tabulis, sine Authore legerit, id nos quasi
crimen aut testimonium pertimescamus ?

 

Art 8 & 27.
de son Interrog.
de
Paris.

Quoy aussi ce qu’vn Dorée, Talon ou Moreau dont la fortune
& la reputation sont rampantes, auront auancé par imprudence,
ou par vne lasche crainte de la prison, sans preuue
litterale, & sans escrit, la troisiéme Chambre passera cela pour
crime, & en receura le tesmoignage ?

Il y a des tesmoins, lesquels quand ils tiendroient les autels
en iurant, ne deuroient pas estre creus : & en verité ceux-cy resemblent
à Indiciomar duquel la Republique Romaine se mocqua
en l’absolution de Fonteius, qui selon le dire de Ciceron
pensoit qu’il ne deuoit apporter deuant les Iuges pour donner
credit à son accusation contre Fonteius que la voix, la bouche,
& l’audace : Non intelligebat se in testimonio aliud præter vocem, os,
& audaciam præstare debere.

Les depositions que fait Talon pour les Plus-valuës sont de
mesme nature, & restraintes à son seul tesmoignage, par lesquelles
il dit qu’il donnoit à Monsieur la Mareschal de la Mothe
six pour cent par dessus le Traitté de 22. qu’il fit auec luy au
profit du Roy. Monsieur d’Argenson, qui estoit present lors
que le traitté fut fait, & qui s’estonna de l’auantage que ledit
sieur Mareschal procuroit par iceluy à Sa Majesté, ne confirmera
pas son mensonge.

Art. 3. de
son Interrogat.
de
Paris.

Pour Dorée dans les responses de son interrogatoire il dit,
qu’il n’estoit pas present audit Traité, aussi n’y est-il pas nommé
non plus que Moreau qui estoit lors à Paris. Ledit Talon
ne produit aucun ordre, aucun acte, ny aucune preuue
par escrit qu’il ait fait ce traité auec ledit sieur Mareschal
à six de profit pour luy, ou qu’il en ait receu quelque aduantage.

Art. 4. de
son Interrogat.
de
Paris.

-- 55 --

Et partant selon toutes les Loix du monde, quand Monsieur
le Mareschal ne sa defendroit pas, ces tesmoins vniques ne
sont pas receuables.

En effet si on en vsoit autrement, que les charges des Intendans
& de Commis de l’extraordinaire seroient belles & lucratiues !
On ne les pourroit assez achepter pour s’enrichir, s’il
suffisoit de dire pour retenir au Roy, cent, deux cens, & trois
cens mil liures, à leur profit, qu’ils ont baillé cet argent, à vn
General d’Armée ; Que si on s’arrestoit tellement à leurs depositions,
que sur icelles on fist arrester des Generaux d’Armée,
qui voudroit se charger de tels commandemens & emplois, si
la perte & le salut d’vn General dependoit de la bonne ou
mauuaise foy des Intendans ou Commis ? Et si telle voye d’accusasion
en matiere d’argent estoit ouuerte, & que les Iuges
receussent de semblables preuues, où y auroit il vne innocence
à l’abry, ny vn homme riche en seureté de son honneur
& de ses biens, & qui pûst estre asseuré de se les conseruer,
ou à ses enfans vn an, ou vn mois sans ioüer ny faire
aucune folle despence ? Quel comptable n’auroit pas
bien-tost vuidé ses comptes auec son maistre, si c’estoit assez
pour le contenter, de luy dire qu’on auroit deliuré son argent
à quelqu’vn sans ses ordres ny recepissé de celuy qui l’a
receu ?

En tel cas Monsieur le Mareschal de la Mothe seroit encor
obligé dans son malheur à ces Commis de ne l’auoir pas fait
plus grand, & de l’auoir accusé de si peu de chose.

Et le Roy aussi leur doit sçauoir gré de n’auoir pas appliqué
à leur profit vne plus grande somme de son argent que soixante
& dix mil liures, puis qu’il se fie à leur foy & paroles pour luy
rendre compte de l’administration des finances, dont ils sont
chargez enuers Sa Maiesté. Car ils eussent esté aussi bien fondez
à luy prendre deux cens mil escus, & à dire que Monsieur
le Mareschal les auroit retenus, & tous les prests de l’an 1642.
que d’auancer qu’il en auoit retenu vn. Ils auroient eu autant
de preuues pour les autres comme pour celuy-cy, &
Monsieur le Mareschal de la Mothe n’auroit employé que les
mesmes defences pour les vns & les autres, & pour tous ; Sçauoir,

-- 56 --

les Estats generaux visez & arrestez par les Intendans,
chacun en son temps, dans lesquels on trouuera les Estats particuliers
de despense pour tous les prests conformes à ceux de
la Recepte, & tous les payemens, tant pour les prests, monstres,
qu’autres necessitez qui sont comprises dans l’estat de
despense, faits sur les Ordonnances dudit sieur Mareschal, visez
par lesdits Intendans.

 

Apres quoy il me semble qu’on ne peut plus legerement
accuser vn General d’armée, ny luy mieux se iustifier &
defendre, & que Lucius Apuleius auoit raison de dire, que
tout Innocent pouuoit estre accusé, mais qu’il n’y auoit,
que les coulpables qui pûssent estre conuaincus & condamnez :
quippe insimulari qui vis Innocens potest, reuinci nisi nocens
non potest.

initio Apolog.
1.

Et pour plus grande esclaircissement d’vne telle iustification,
il faut remarquer les deuoirs des Generaux d’Armée,
de l’Intendant, & des Tresoriers de l’Extraordinaire des
guerres.

Chacun sçait, qui a tant soit peu d’instruction des affaires,
des finances, & de l’ordre des Armées, que Sa Maiesté ayant
fait vn fonds pour la Subsistance d’icelles, & reglé la quatité
de prests & de monstres qu’elle veut que reçoiuent ses Troupes ;
l’estat & fonds est mis entre les mains des Tresoriers pour
dispenser les deniers ausdites Troupes, suiuant les Ordonnances
du General, lequel s’acquite de sa charge & de son
deuoir, tant enuers le Roy, qu’enuers l’Armée, quand il ordonne
le payement de tous les prests & monstres, que Sa Majesté
a desiré estre faits par ses Estats de fonds & de recepte.

Du surplus ce n’est pas à faire au General, pour plus grande
seureté des deniers du Roy, & l’vtilité de leurs emplois, de
tirer quittance de tous les Officiers & soldats particuliers. C’est
la propre fonction des Commis de l’Extraordinaire, qui en
sont comptables ; & celle de l’Intendant est, d’y auoir l’œil : luy
ne se mesle que d’ordonner, & son Ordonnance ne peut preiudicier
au Roy, ny au bien de ses affaires, quand mesmes elle
n’auroit pas son effect, attendu que les Commis ne comptent

-- 57 --

pas sur les Ordonnances des Generaux, elles leur seruent bien
de loy pour le payement & le deboursement des deniers qu’ils
ont à faire ; mais il faut rapporter à la Chambre des Comptes
tous les Acquis des Officiers de l’Armée, auec tous les certificats
& controlles ; sans quoy, auec les seules Ordonnances
desdits Generaux, la despense en seroit rayée ausdits Commis,
& iettée sur eux en pure perte, outre l’amende en laquelle ils
seroient condamnez en tel cas, & la prison iusques à remplacement.

 

Et partant, puis qu’il ne se trouue aucun Prest dans l’Estat
& le fonds de la Recepte des années 1642. & 1643. qui ne soit
employé dans celuy de la despense, par Ordonnance du sieur
Mareschal, visée de l’Intendant ; qu’aucun autre payement n’a
esté fait que par les mesmes Ordonnances, visées des Intendans ;
Où y a-il lieu à la malice de trouuer à redire à vne telle
conduite ? Si ce n’est que par vne rigueur & seuerité inoüye
contre les propres fonctions & dignitez des Generaux d’Armée,
on veüille obliger monsieur le Mareschal de la Mothe à
monstrer les quittances des payemens faits aux particuliers sur
toutes ses Ordonnances, & ainsi le traitter non en Mareschal
de France, mais en Commis de l’Espargne, comme on le traitte,
l’ayant reduit à la troisiéme Chambre, non en Viceroy, ny
Officier de la Couronne, mais en simple Paysan & Laboureur
de Dauphiné.

Fabrication de Monnoye.

LA sixiéme accusation & recherche qu’on a fait contre
monsieur le Mareschal en Catalogne, & dont on ne parle
plus, est sur la fabrication, conuertissement, & alteration des
monnoyes.

Mais pour sa iustification ledit sieur Mareschal employe les
Informations mesmes faites en ladite Prouince par Chirat auec
tant d’actiuité, pour l’enuelopper dans ce crime ; dans lesquelles
le nom du sieur Mareschal ne se voit pas seulement exprimé,
tant le pays, petits & grands, ont trouué sa vie & sa conduite
innocentes de telles recherches. Peut-on auoir vne meilleure

-- 58 --

deffence & moins suspecte que celle qui se tire des trauaux
& papiers d’vn Commissaire, ou d’vne partie qui trauailloit
moins à le iustifier qu’à le noircir ? Que si Chirat n’auoit
pas mis au iour ces Informations Catalannes, & entre les mains
de Messieurs les Commissaires de Grenoble, parce qu’elles
donnent trop de lumiere à la vie de Monsieur de la Mothe &
aux crimes de ceux dont on a esté contraint de se seruir de tesmoins
contre luy, faute de meilleurs, ledit sieur Mareschal ayant
fait extraire copie d’vne bonne partie d’icelles en Catalogne
en forme Authentique, on a trouué à propos de les produire
pour suppleer aux soins de Chirat, & à la charité du sieur Procureur
General qui les iugeroit volontiers, aussi bien que l’autre,
inutiles à sa production. C’est pourquoy Messieurs les Iuges
sont requis de les lire.

 

Certes il eust esté aduantageux à Chirat aussi bien qu’aux
autres Commissaires, d’estre mieux instruit des coustumes &
vsages du pays de Catalogne ; il n’auroit pas tant perdu de
temps, de peine, & d’argent, à faire des recherches contre
monsieur le Mareschal de la Mothe sur la fabrication & alteration
des monnoyes.

Il luy estoit necessaire de sçauoir, que plusieurs villes de cette
Principauté ont le priuilege de faire battre & fabriquer des
monnoyes, aussi libre que de vendre marchandises & d’exercer
autre commerce.

Il a deu enfin connoistre cette verité par ses propres Informations
mesmes, puis qu’on lit dans icelles que la Ville de
Leyde auoit affermé & arrenté, moyennant vne somme de mil
liures par mois, sa fabrique auec ses outils à vn François nommé
Petit, qui a fait long-temps la charge de Munitionnaire
dans l’Armée, & partant ç’eust esté vn meschant mestier à
monsieur de la Mothe d’en auoir vn si commun.

Et comme dans les troubles & confusions de la guerre le
desordre se glisse aisement, beaucoup de lieux & Villes de Catalogne
autres que ceux & celles qui auoient ce priuilege auant
que ledit sieur Mareschal en fust Vice-Roy, s’emancipoient
dans ladite fabrication, mais il n’a pas esté si tost dans la charge,
qu’vn mois apres, comme il paroist par les reglemens, il a

-- 59 --

cherché les moyens de retrancher tels abus, & y a conuié la
Deputation qui represente les Estats du pays pour entretenir
la liberté de son commerce, & la facilité du trafic qui s’alloit
perdant par les alterations desdites monnoyes. Cela se voit
par la rigueur des Ordonnances qu’il a fait publier en Catalogne
pour supprimer lesdits abus, au mois de Ianuier 1643. &
celle du mois d’Aoust suiuant, par laquelle il promet recompense
aux Delateurs. Le Conseil a iugé qu’elle deuoit estre traduite
& imprimée. Pour la premiere du mois de Ianuier elle est
aussi produite au procez pour contenter la curiosité des Iuges
qui la voudront lire.

 

On fait à sçauoir à toutes sortes de personnes de la part de
l’Excellent Seigneur PHILIPPES DE LA MOTHE
HOVDANCOVR, Duc de Cardonne, Mareschal de France,
& Conseiller de sa Sacrée Majesté, Lieutenant & Capitaine
General dans le Principat de Catalogne, Comtez de
Roussillon & Sardaigne. Son Excellence considerant que par
les Publications & Ordonnances Royales qu’elle a commandé
de notifier dans la presente Cité de Barcelonne & autres parties
du Principat & Comté, qu’il a esté defendu à toutes personnes
de quelque estat & condition qu’ils soient, de faire, ny
permettre de faire fabriquer par voyes directes ny indirectes,
aucun genre de monnoye d’or & d’argent, sous les peines portées
par lesdits cris & Ordonnances, & que conformement
aussi à icelles il ne soit permis de fabriquer, ny faire fabriquer
aucunes especes de monnoye de cuiure, ny de billon, sinon que
les Villes, Citez & lieux desdits Principat & Comtez qui
pretendent auoir ce priuilege d’en pouuoir fabriquer, viennent
premierement presenter leur priuilege à Son Excellence, & au
Conseil Royal, & on leur permettra la fabrique des monnoyes
selon la forme & teneur qui leur a esté concedée par leurs
priuileges. Et desirant Son Excellence que ses Edicts soient

-- 60 --

ponctuellement gardez selon la conclusion qui en a esté prise
sur cela dans le Conseil Royal, le 26. Aoust 1643. Sans preiudicier
ny deroger ausdits Edits, ains les fortifiant, Promet
en bonne foy & parole Royale à toutes personnes de quelque
condition & qualité qu’ils soient, qui descouuriront & donneront
des preuues à la Cour Royale qu’aucuns ayent fabriqué
de cette monnoye, afin qu’ils soient punis & chastiez selon
la peine ordonnée, leur faire donner & payer pour chaque
fois qu’ils feront cette descouuerte, des deniers de la Tresorerie
Royale deux cens escus, & à ceux qui seront coulpables de
quelque crime que ce soit, pourueu que ce ne soit crime public
d’incendiaire & d’homicide, leur donner abolition. Et afin
que ces choses soient notoires & manifestes à tout le monde,
commande Son Excellence qu’il soit fait publication de la
presente Ordonnance par tous les lieux de la presente Cité de
Barcelonne, & en toutes les Citez, Villes & lieux desdits
Principat & Comtez, & par tout où besoin sera.

 

LE DVC DE CARDONNE.

V. GVERALDS DM.

V. DON GERALDS ALAMENY.

D. THEZIAM.

V. VIDAL FINIR.

HIERONYME SERAS.

Cette Ordonnance aussi bien que celle de Ianuier 1643. sur
le mesme sujet ont esté deliberées, verifiées, & registrées dans
le Conseil Royal & Parlement de Barcelonne, le sieur Mareschal
y presidant, comme on void par l’Acte extrait du Greffe
dudit Parlement produit au procez.

Mais afin que le sieur Procureur General reconnoisse la foiblesse
tant de cette accusation comme des autres, ausquelles

-- 61 --

on a respondu, & combien elles sont desapprouuées par toute
la Catalogne, il prendra la peine de lire les desaueuz qui suiuent,
qui sont signez & seellez du Seau du pays, produits au
procez. Pour l’intelligence desquels il faut remarquer que les
Ennemis de Monsieur le Mareschal de la Mothe, sçachans bien
qu’il n’y a que les plaintes des peuples qui puissent pretexter
la colere des Princes contre leurs Vice-Roys, estimerent aussi
que le moyen plus specieux pour le ruiner dans l’esprit de la
Reyne, de Son Altesse Royale, & de Monseigneur le Cardinal
Mazarin, estoit d’obliger cette Prouince à se plaindre de son
Gouuernement. A fin d’y paruenir ils vserent premierement de
toutes sortes d’intrigues & d’artifices pour faire reüssir ce dessein
en Catalogne, par l’entremise des sieurs de la Berchere,
d’vn Officier François & d’vn Catalan qui auoit charge dans
le pays appellé Montanet : & ce qu’ils ne pûrent obtenir à Barcelonne,
ils le firent en France, par vne des plus effrontées
suppositions du siecle, & qui fut neantmoins lors publiée par
tout le Royaume comme veritable.

 

Ils susciterent trois hommes Catalans qui eurent la hardiesse
de faire à la Reyne au nom du Principat de Catalogne,
des plaintes contre Monsieur le Mareschal de la Mothe, & qui
presenterent à Sa Majesté vn Memorial contenant lesdites
plaintes.

Celuy des Catalans qui porta la parole estoit l’Abbé Sales,
homme fugitif de la Prouince pour éuiter la punition des crimes
enormes dont il estoit conuaincu, & poursuiuy à l’Inquisition
par Monsieur le Nonce, ainsi qu’il paroist par son procez
& informations faites par son ordre, lesquelles furent enuoyées
aux Ambassadeurs, pour les presenter à Monsieur le Tellier,
& par luy à Nosseigneurs les Ministres, & leur faire connoistre
combien les mœurs & la vie dudit Abbé estoient éloignées de
celle d’vn bon tesmoin. Ses Assistans furent vn Moine ramasseur
des Aumosnes qui se font en France à Nostre-Dame de
Montserrat, & vn nommé Puiolar Agent de Barcelonne, qui
apprehendoit auec raison que ledit sieur Mareschal ne le fist
reuoquer pour quelques friponneries qu’il auoit faites qui luy
estoient connuës.

-- 62 --

Cette piece fut colorée & conduite auec tant d’adresse &
d’artifice qu’il eut esté mal aisé d’en descouurir la verite sans
l’arriuée impreueuë de Monsieur l’Abbé de Bagnols homme
de condition & de grand merite, & de Dom François de Sales
Conseiller de la ville de Barcelonne, qui venoient en qualité
d’Ambassadeurs du Principat, solliciter des secours. Ils furent
estonnez d’entendre par tout où ils passoient que les Deputez
de Catalogne auoient fait des plaintes & presenté des Memoriaux
à la Reyne contre le sieur Mareschal de la Mothe : Eux
qui au contraire auoient dans leurs instructions l’ordre de tesmoigner
à Sa Majesté la satisfaction que la Prouince auoit de la
conduite & douceur du Gouuernement dudit sieur Mareschal,
& n’y ayant point eu de toute la campagne d’autres deleguez en
France du Principat qu’eux-deux, ils eurent crainte qu’on ne
leur imputast dans le pays d’estre Autheurs desdites pretenduës
plaintes : pourquoy ils escriuirent à Messieurs de Catalogne
pour sçauoir s’ils auoient commandé à Puiolar, & aux autres,
vne procedure si contraire aux instructions qu’ils leur auoient
données. Surquoy la Deputation, & le Conseil Royal de Barcelonne,
estant assemblez ; Ils enuoyerent à leurs Ambassadeurs
ce desaueu & responce, qui est assez remarquable à la Iustification
dudit sieur Mareschal pour estre icy transcrit, auec la
Lettre qu’escriuit Monsieur l’Ambassadeur de Bagnols au sieur
Mareschal de la Mothe, pour luy oster la croyance qu’il eut
part à telles faussetez.

Lettres & Des-aueu de Catalogne
sur le Memorial.

Traduction d’vne Lettre escrite par Messieurs les Deputez de
Catalogne, le 16. Nouembre 1644. à Monsieur l’Abbé de
Bagnols, Ambassedeur du Principat en Cour, de laquelle
l’Original est dans les registres de la Deputation au Iournal,
en datte des mois & an cy-dessus. La version mot à mot est
couchée icy en François, le Catalan n’estant pas assez intelligible
en cette matiere.

-- 63 --

NOVS sommes tres affligez de ce que Vostre Seigneurie nous escrit
touchant la calomnie que la malice a pû introduire en cette
Cour contre nous autres sans en rien sçauoir. C’est quelqu’vn qui a
voulu se preualoir & seruir de nostre nom pour appuyer son ambition,
ou fauoriser sa passion en vne chose directement opposée à la gratitude
que toute cette Prouince & nous autres deuons auoir, & que toutes nos
acclamations professent & reconnoissent à cause de plusieurs obligations
que nous ne pouuons nier auoir au Seigneur Mareschal de la Mothe
pour les seruices & faueurs qu’il nous a faites : & ainsi autant qu’il
nous est cher & precieux, autant est grand l’ennuy & le deplaisir que
nous tous ressentons par l’auis que Vostre Seigneurie nous donne du bruit
qui court que nous y auons contribué.

Nous autres pour cet effect hier au soir fismes vne assemblée auec tous
les Conseillers : Et tous conformement declarons, que ce qui a esté fait
en nostre nom, est vne supposition, & qu’afin que nous satisfassions à
nostre obligation, il est necessaire que la reparation & satisfaction
soient egales au crime qui a esté commis & à la malice qui a esté
inuentée.

L’intention de la Deputation est par-ainsi que coniointement auec
Dom François de Sales, à qui aussi les Conseillers escriuent, vous fassiez
en sorte par vos soins, de recouurer quelque copie de ce Memorial
qui a esté donné contre le Seigneur Mareschal, & de nous l’enuoyer auec
toute la diligence possible. Et vostre Seigneurie se pourra instruire, &
nous informer de ceux qui ont fait faire à Pujolar ces malicieuses instances,
afin que nous prenions garde de ne leur rien escrire qui puisse leur
donner occasion d’abuser de nos lettres contre vne personne à qui nous
sommes tant obligez. Et en ce rencontre elle se seruira des moyens les meilleurs
& les plus conuenables qu’elle pourra pour chercher cette verité &
la decouurir, comme tout ce qu’aura fait Pujolar en ladite Cour, abusant
de nostre nom, & sans en auoir les ordres. Afin qu’estans bien informez
de tout, nous puissions mieux satisfaire à nostre reputation, &
au Seigneur Mareschal, & donner connoissance euidente à tout le monde,
que ceux qui ont fait telle malice sont desauouez du Consistoire, &
n’en ont receu aucun ordre ; ce qu’asseurera vostre Seigneurie, & affermera
estre la verité comme il se doit. Et pour cet effect ostera l’Agence à
Puiolar, & fera contre luy tout ce qui conuient pour la satisfaction

-- 64 --

de tels excez si meschans, & si dignes de punition comme ceux qui sont
rapportez.

 

L’ABBÉ DE GALLIGANS.

LES DEPVTEZ DV GENERAL DV PRINCIPAT.

La lettre que Monsieur l’Abbé de Bagnols Ambassadeur escriuit
au Mareschal de la Mothe sur ce suiet merite bien d’estre
leuë ; laquelle pour estre conceuë en termes Castillãs assez elegans,
sera rapportée en sa langue, & à costé, tournée en François
pour ceux qui n’entendent l’Espagnol. Elle est du 28. Octobre
1644.

EL Rumor quese ha esparsido
por esta corte, que los
Embaxadores de Catalunya
hauian dado quexas de vuestra
Excelencia à su Magestad que
Dios guarde, con algunos memoriales
que contenian cosas
indecentes à la persona de vuestra
Excelencia me ha causado
viuo sentimiento ; pues fuera
el hazerlo, yo en particular, salir
del orden de los Diputados,
los quales en todas sus cartas y
ordenes recebidas tratan la persona
de vuestra Excelencia con
el respeto deuido à su persona y
a su officio ques de nuestro Vi-Rey,
Lugarteniente de nuestro
Rey y Senor.

Las prueuas desta verdad remitto
à su Magestad de la Reyna,
Principes y Ministros superiores,
a quien he yo hablado,
que todos son testigos tan

-- 65 --

calificados que por se solos
cadaqual meresce todo credito.
Faltara yo à las obligationes
de nuestro estado, à la
buena fe y lei de Embaxador
del Principado, si excediera
de lo que los Diputados me
mandan, y saliera de sus ordenes,
pues todos vienen tan
gloriosos y ajustados que
aunque vostra excellencia los
embiara, creo no fueran differentes.

 

Si otro, o otros han sido
desconpuestos en hablar, lo
siento yo viuamente y he por
my parte hecho lo que deuia
en apartarlos de my, paraque
nadie entienda que yo lo
aprueuo.

Y sobre esto tengo escritto
à los Diputados my parecer
quanto à algun memorial se
dize que han dado en nombre
de la Prouincia, he yo estoy
aguardando la respuesta para
que salga à luz la verdad,
siendo cosa digna de gran
castigo d’auer excedido sus
ordenes.

Y puede vuestra Excelencia
quedar con la satisfaction
que es justo tenga de la Prouincia
y de my. A vuestra Excelencia
embio con esta, Copia
del Memorial que por

-- 66 --

parte de los Diputados di à
su Magestad quando le beze la
mano, si en el se habla mal de
vuestra Excelencia, y no esta
todo con el deuido decoro,
yo tengo la culpa, però no sera
por auer pensado errar.

 

Supplico à vuestra Excelencia
se assigure de esta verdad,
y que los Ministros de su Magestad
conoscen muy bien à
los que han obrado en esto
con que quedaran ellos con
el discredito ques justo, y
han mostrado tener gusto de
que el Embaxador de la Ciudad
y yo, ayamos hablado de
vuestra Excelencia como se
deuia. Vuestra Excelencia se
assigure que yo no faltare a
las obligationes de my estado,
ny de my sangre, y que en
todo mostrare en obras y palabras
loque deuo, hasta aqui,
siempre publicando el valor
de vuestra Excelencia en la
guerra, y la prudentia en la
paz, pues mientras ha vuestra
Excelencia gouernado, no
ha auido contentiones, la Iustitia
se ha administrado con
tota rectitud ; y los que dizen
contra esto, son enemigos de
la verdad y de la patria, yo
confio quedaran ellos confusos,
y vuestra Excelencia

-- 67 --

siempre glorioso como desea
esto

 

Su muy humilde Criedo
y Capellan

EL ABAD de Bañols.

De Paris, ce 28. d’Octobre 1644.

LE bruit qui s’est espandu
dans cette Cour, que les
Ambassadeurs de Catalogne
auoient donné des plaintes de
vostre Excellence à Sa Maiesté
auec quelques memoires contenans
des choses indecentes à vostre
personne, m’a causé vn tres-sensible
deplaisir, puisque ce seroit
sortir des ordres que nous
auons receu de Catalogne par
les Deputez, lesquels en toutes
leurs lettres & memoires qu’ils
enuoyent, traittent la personne
de vostre Excellence auec tout
le respect qui luy est deu.

I’en appelle à tesmoins les ministres
d’en-haut, ausquels nous
auons parlé, tous rendront tesmoignage
de cette verité. I’aurois
mal vsé des obligations que
nous vous auons, si ie me fusse

-- 65 --

conduit d’autre façon, & i’aurois
manqué à la bonne foy &
loy d’vn Ambassadeur du Principat,
si ie m’estois departy de
ses commandemens, & des ordres
qu’il m’a prescrit sur ce sujet,
lesquels sont si pleins d’honneur
& fauorables pour vostre
personne, que quand vous les
auriez vous mesme enuoyez &
donnez, ils ne seroient pas dissemblables.

 

Si quelques-vns ont esté si
dereglez, que de parler mal de
vostre Excellence, ie ressens viuement
leur faute ; en cela i’ay
fait de ma part ce que ie deuois
en leur defendant de m’approcher,
afin qu’on ne m’impute
pas, ny à la Catalogne de les approuuer.

I’en ay escrit aux Deputez mes
sentimens sur vn memorial qu’ils
ont donné au nom de la Prouince.
I’en attends la response, afin
que la verité paroisse au iour,
estant vne chose digne d’vn grand
chastiment, d’auoir excedé leurs
ordres.

Vostre Excellence cependant
demeurera satisfaite, s’il luy
plaist, ainsi qu’il se doit, de la
Prouince & de moy. Ie luy enuoye
auec celle-cy, la copie du

-- 66 --

Memorial que i’ay donné à Sa
Majesté, quand ie luy baisay les
mains. Si tous les termes dudit
Memorial ne sont pas conceus
auec toute la bien-seance & les
respects possibles pour vostre personne,
i’en suis seul cause, mais
c’est sans auoir eu dessein ny pensée
de vous desplaire.

 

Les Ministres ont bien reconnu
ceux qui auoient tramé toutes
ces pieces contre vous, apres
nous auoir entendu, ce qui leur
doit oster tout credit, asseurant
à vostre Excellence que ie ne manqueray
iamais aux obligations
de mon estat & de mon sang,
& que ie monstreray tousiours en
paroles & en effet ce que ie dois,
publiant par tout, ce que i’ay fait
iusques à l’heure, vostre valeur
dans la guerre, & vostre prudence
dans la paix, puisque tandis
que vous auez gouuerné la
Prouince, il n’y a eu aucun trouble
ny contention, la Iustice y
ayant esté administrée auec l’equité
& la rectitude possible :
& ceux qui disent le contraire,
sont ennemis de la Verité & de
la Patrie ; tenant pour chose
certaine que vos Ennemis demeureront
confus de leurs calomnies,
& que vous en resterez

-- 67 --

à iamais glorieux, ainsi que le
desire.

 

Vostre tres-humble
Seruiteur,

L’ABBÉ de Bagnols.

Le Principat de Catalogne ne se tint pas encor satisfait du
desaueu qu’il auoit enuoyé à ses Ambassadeurs en France par
la Lettre cy-dessus, contre ceux qui auoient abusé de son nom
pour nuire au Mareschal de la Mothe, ains ayant veu le Memorial
calomnieux presenté à Sa Majesté, le Conseil de cent
& les Deputez du Principat s’estans rassemblez sur cette matiere ;
apres auoir meurement consideré tous les Articles dudit
Memoire, l’enuoyerent ausdits Ambassadeurs auec le desaueu
seellé du Sceau de la Prouince, dans lequel est couché le Memoire
tout au long, & en donnerent copie en forme authentique
au sieur de la Vallée, pour le pouuoir presenter à Sa Majesté
en cas que leurs Ambassadeurs ne fussent pas assez ponctuels
à executer les ordres qu’ils leur en donnoient, ou bien
mesme pour iustifier que s’ils s’estoient oubliez de leurs deuoirs,
& qu’ils eussent eu part à cette calomnie, qu’ils estoient
en cela aussi bien que tous autres desauoüez par la Catalogne.

-- 68 --

AVX ILLVSTRES SEIGNEVRS,
Dom Francisco de Montpalau Abbé de Bagnols,
Ambassadeur du General de la Catalogne, &
à François de Sales Ambassadeur de la Cité de
Barcelonne, en la Cour de Sa Majesté Tres-Chrestienne.

LE Memorial de certaines plaintes qu’on nous dit auoir esté presenté
contre le Seigneur Mareschal de la Mothe, par les nommez
Puiolar, Abbé de Sales, & Procureur de Montferrat, à la Reyne,
& aux Ministres au nom des Deputez & Conseillers de Barcelonne,
contenoit :

Que le Seigneur Mareschal, auec les Tresoriers, auoit fait de
grands gains sur la monnoye venuë de France, à cause de la Plus-valuë
d’icelle.

Qu’ils s’entendoit auec les Tresoriers, pour faire fabriquer de la
fausse monnoye qu’il faisoit faire en trois differens lieux de Catalogne,
& par ce moyen retenoit toute la bonne qui venoit de France, sans les
autres gains qu’il faisoit sur le troupes, retenant des monstres entieres
de leurs payemens.

Qu’il ne donnoit les Charges, Offices & Benefices du pays, qu’à
ceux qui ne les meritoient pas.

Que les reuenus & bien confisquez, contenus en ses Memoires
estoient pour personnes non qualifiées, & qui ne rendoient aucun
seruice.

Qu’il auoit pris quelques meubles appartenans à la maison de Cardonne,
sans les payer.

Qu’il prenoit tous les fruits de Cardonne sans payer aucun Creancier
ny Pensionnaire du Duché.

Le Consistoire & la Iunte ont deliberé d’escrire à vos Seigneuries de
faire vne exacte recherche pour verifier si les choses contenues au present
papier, ont esté données au nom du Principat, & par qui ; Parce

-- 69 --

que vos Seigneuries ne peuuent ignorer que ce memoire ne vous a pas
esté enuoyé de nostre part, & beaucoup moins à Puiolar & aux autres
susnommez auec luy : Que nous sçauons trop bien le respect auec lequel
nous deuons traiter le Seigneur Mareschal, non seulement en l’estat de
Lieutenant General de Sa Majesté, mais aussi à cause des grandes
qualitez de sa personne, & pour plusieurs obligations signalées que
toute cette Prouince a reconnu & reconnoist luy auoir : Laquelle par
vostre moyen, auec tous les respects deuz à sa personne, a representé simplemeent
à leurs Majestez les necessitez dont elle auoit besoin pour sa
conseruation, & non autre chose.

 

C’est pourquoy la Prouince a tres-grand deplaisir que quelqu’vn
se soit voulu seruir de son nom & de celuy de la Cité de Barcelonne pour
vne semblable chose. Nous supplions vos Seigneuries qu’il vous plaise
vous informer qui peut auoir commis cette faute ou crime afin que nous
puissions agir contre luy, & en pour suiure la punition selon ses demerites,
& y remedier auec toute la diligence possible. On a donné copie
autentique de la presente au sieur de la Vallée. A Barcelonne, ce 28.
Nouembre 1644.

Les DEPVTEZ du General du Principat.

Les CONSEILLERS de Barcelonne.

Certainement il ne faut pas s’estonner si les Catalans ont
la memoire du Mareschal de la Mothe en benediction. On ne
sçauroit esplucher ses actions dans la Prouince qu’on ne luy
donne de la gloire. On ne peut lire son pouuoir sans admirer
le bon vsage qu’il en a fait, ny regarder sa puissance, sans loüer
sa moderation.

Son Authorité estoit telle que les Regents n’en ont pas dauantage,
ny les Roys dans les Royaumes qu’ils regissent eux-mesmes,
ainsi que nous auons dit & qu’on peut apprendre par
les prouisions qui sont à la fin du premier Factum.

La disposition Souueraine & absoluë de toutes les charges
de la Prouince dependoit de luy Page 3. desdites denositions.

Sur cela nous n’aurions pas besoin de iustifier en particulier
les graces & dispositions qu’a sait Monsieur le Mareschal
de la Mothe, Puisque la Catalogne donne desaueu à toutes les

-- 70 --

plaintes qu’on a voulu faire de luy en son nom par ce faux Memorial,
dans lequel estoit celle-cy de n’auoir pas fait vn iuste
choix en la distribution des graces & des charges.

 

Neantmoins afin que ses Ennemis ayent confusion de leurs
calomnies, ils peuuent lire le détail de toutes les faueurs &
bien-faits qu’il a departy en Catalogne, produit au procez.
Ils connoistront que pouuant tout de luy-mesme en ces matieres
de bien-faits, il a tout distribué à ceux que la voix publique
demandoit qu’ils fussent recompensez ; à ceux seulement
pour lesquels les Regents du pays, Gouuerneur, Chancelier
& la Deputation intercedoient, comme eux-mesmes l’ont
reconnu par Acte seellé du Sceau du pays, dans lequel l’enumeration
est faite de toutes les gratifications données par ledit
sieur Mareschal, auec cét Eloge, qu’elles ont esté accordées
selon les desirs & souhaits vniuersels de la Prouince.

Il auoit la puissance de disposer des reuenus & biens confisquez
qui estoient dans le Tresor public. Qu’on considere s’il
en a espuisé le fonds, & combien il a esté discret & moderé
dans cet vsage, & si entre ceux qui ont esté gratifiez, il y est entré
aucun de ses Amis particuliers, Creatures ou Domestiques.
Cela ne se trouuera pas. L’Acte & le détail s’en void en forme
Autentique au procez, tiré de la Tresorerie de Barcelonne
auec la dispensation des deniers par Iournal, la plus
iuste & moderée qu’on puisse souhaitter & sans aucun interest.

Et pour finir toute cette matiere, on demanderoit volontiers
au Procureur General qu’il n’eust pas la bonté qu’il a eu iusques
icy pour Monsieur le Mareschal de cacher les plaintes
qu’il a contre luy, de crainte qu’elles ne luy nuisent. On le
dispense de cette charité pour le conuier à faire paroistre où est
la moindre qu’ait trouué Chirat contre luy dans ses Informations.
Où sont celles que monsieur de Marca a recueillies comme
Visiteur de la Prouince, & Monsieur le Comte d’Harcour
comme Successeur immediat des employs dudit Mareschal ?
On luy demande, où sont celles que ce peuple a fait depuis sa
prison, qui estoit vn moyen bien seur pour les receuoir & en

-- 71 --

descouurir les causes, s’il en eut donné sujet pendant son gouuernement ?
Au contraire les regrets des peuples de Catalogne
en la detention dudit sieur Mareschal tesmoignent bien qu’ils
n’ont iamais esté dans la disposition de se plaindre de sa conduitte.

 

Voicy quelques-vnes de leurs lettres que la prison & circonstances
du temps, où ils les ont escrites, rendent encor plus
considerables ; n’estant pas la coustume des peuples qui n’ont
point esté doucement traittez & soulagez par vn Gouuerneur
ou Vice-Roy de plaindre ses disgraces & mal-heurs.

Qvelques lettres icy arriuées nous aduisent qu’on a arresté
vostre personne à Lyon : & bien que nous ne
voyons aucune cause d’vn pareil effect, cette nouuelle ne laisse
pas d’apporter vne tristesse vniuerselle dans la Prouince. Et
ainsi pour en apprendre la verité on a resolu de faire cette depesche,
aussi bien que pour sçauoir si cette Prouince peut quelque
chose pour son seruice & soulagement. Elle se prosternera
aux pieds de Sa Majesté, & personne ne luy manquera,
puisque nous auons tous la memoire & le souuenir recents de
tant de soins & de seruices dont vous est obligée cette Prouince.

Escrit à Barcelonne le 15.

Ianuier 1645.

LA nouuelle de la detention de vostre Excellence à Lyon,
a causé vn estonnement à tous ceux qui l’ont veu agir
comme nous, auec tant de fidelité & de passion pour le seruice
du Roy, & d’auantages pour nostre Prouince. Et si la representation
de toutes ces choses peut alleger sa disgrace & luy
donner quelque consolation, on connoistra la gratitude & reconnoissance

-- 72 --

que tous les Catalans veulent tesmoigner à celuy
qu’ils ont experimenté si fidel au Roy, & qui a si bien fait
dans leur Prouince.

 

Escrit à Barcelonne ce 14.

Ianuier 1645.

Mais pour acheuer cette iustification par la bouche de toute
la Catalogne, nous produirons les ambassades & lettres seellées
du sceau du pays que receut l’an passé Monseigneur le Prince
de la part de la ville de Barcelonne, du Conseil Royal qui
est le Parlement, & de la Deputation qui est le General du pays,
lesquelles sont produites au procez en formes authentiques,
obmettant quant à present, que toutes les Communautez regulieres
& seculieres, Chapitres & Corps de ladite Prouince
luy firent les mesmes prieres & porterent à son Altesse les mesmes
vœux.

Lettre de Messieurs les Conseillers de Barcelonne à Monseigneur
le Prince, en faueur de Monsieur le Mareschal
de la Mothe.

SERENISSIME SEIGNEVR.

Cette Cité estant obligee d’aller au deuant des choses
les plus fauorables au Mareschal de la Mothe & à la
liberté de sa personne par le ressouuenir qu’elle a de la ferueur
& attache qu’il auoit au seruice de Sa Majesté quand il
gouuernoit en son nom cette Prouince, & mesmes des auparauant ;
& ressentant aussi les honneurs, biens faits, & seruices
que toute la Catalogne & cette Cité ont receu de sa main,
lesquels pour estre en si grand nombre nous dispensent de les raconter,
estant ledit Mareschal tres-bien voulu & respecté
de toute la Cité.

-- 73 --

Et considerant que pour obtenir la liberté si desiree en sa
personne, Vostre Altesse est le moyen le plus puissant, à cause
de sa grandeur Royalle & de la generosité de son cœur, &
aussi voyant sa bonté & liberalité à nous continuer ses
graces :

Le Sage Conseil de Cent, & la Cite, ont deliberé le 30. du
passé que nous enuoyrions vn Courrier en toute diligence porter
cette lettre à Vostre Altesse, & la supplier par les plus
grandes demonstrations d’affection, & de passion qu’il est
possible de tesmoigner, qu’il luy plaise nous faire cette faueur
que de s’employer & moyenner la liberté tant desiree du sieur
Mareschal. Cette nouuelle grace fera naistre en nos cœurs de
nouuelles obligations de seruir Vostre Altesse, à qui Dieu
veüille donner toute prosperité. A Barcelonne le 2. Septembre 1647.

DE VOSTRE ALTESSE,

Les tres-affectionnez Seruiteurs,
Les Conseillers de Barcelonne.

Lettre du Conseil Royal de Barcelonne à Monseigneur
le Prince, en faueur de Monsieur le
Mareschal de la Mothe.

SERENISSIME PRINCE,

LA Catalogne a neconnu & experimenté au Mareschal
de la Mothe tandis qu’il a esté son Capitaine General,
& Vice-Roy de la Prouince, vn veritable zele & plein de

-- 74 --

chaleur au seruice de Sa Majesté, & pour l’vtilité de la Prouince,
procurant au peril de sa vie en plusieurs occasions de la
deliurer de l’ennemy, administrant la Iustice auec rectitude,
consolant les Catalans auec vn amour singulier dans les troubles
& peines que traisne apres soy la guerre, recompensant
les bons, & chastiant les mauuais. Obligations qui ont couuié
les Deputez de la Catalogne, les Conseillers de Barcelonne,
& le sage Conseil de Cent, à vne reconnoissance qui luy est
deuë ; & plaignant les disgraces du sieur Mareschal, escriuent
à Vostre Altesse, afin qu’il luy plaise le secourir & proteger,
le Conseil Royal ayant autant de passion de voir en
quietude & repos le sieur Mareschal, & deliuré de ses souffrances,
comme ledit Mareschal a tesmoigné en toutes les occasions
de faire grande estime des deliberations de la Royal Audiance,
les executant auec punctualité, accueillant ou traitant
les Docteurs d’icelle auec vne singuliere affabilité. Se confiant
aux graces & faueurs que Vostre Altesse luy fait, Ledit Conseil
la suplie qu’il luy plaise donner les mains audit sieur Mareschal,
intercedant pour luy enuers Sa Majesté. Le Royal
Conseil qui se promet vn bon succez d’vn Protecteur si puissant
dans les affaires du Mareschal, demeurera dans vne gratitude
eternelle d’vne telle faueur receuë de la main de Vostre
Altesse, à qui Dieu veüille donner plusieurs & longues
années

 

A Barcelonne, le 2. Septembre 1647.

Le Conseil Royal.

-- 75 --

Lettre de Messieurs les Deputez du General du Principat
de Catalogne, à Monsieur le Prince, en faueur de
Monsieur le Mareschal de la Mothe.

SERENISSIME SEIGNEVR,

Considerant nos obligations particulieres pour plusieurs
& tres-vtiles, seruices, que nous auons retiré
par l’assistance du Mareschal de la Mothe, tandis qu’il a gouuerné
cette Prouince, il est aisé de iuger & d’induire de la les
motifs qui nous poussent, & conuient egalement pour nostre
reconnoissance à luy rendre le change & retour de tant d’estimables
bien-faits, & aussi de connoistre les causes qui nous conuient
à manifester la gratitude que nous luy deuons. Et si bien
nous l’auons desja fait paroistre par la douleur continuelle que
nous auons receu de sa prison, laquelle dure encor, pour n’oublier
rien en fin de tout ce que nous pouuons pour son plus grand
soulagement, nous auons resolu d’exprimer par cette presente
nos tres-sensibles affections à cet effect & intention. En suite
dequoy reconnoissant en la grandeur de Vostre Altesse le
moyen le plus efficace pour obtenir de la grace de Sa Maiesté, la
liberté que nous desirons de la personne du sieur Mareschal,
nous supplions de tout nostre cœur Vostre Altesse, n’y ayant
en cela aucun inconuenient ny interest au seruice de Sa Majesté,
de vouloir interposer son authorité supréme, & moyenner
de la bonté de Sa Majesté, la liberté que nous affectons
audit Mareschal, estans certains qu’outre la reconnoissance
qu’aura en son particulier de cette faueur ledit Mareschal,
nous la reputerons nostre, & singulierement faite à nous, &

-- 76 --

la seruirons auec la fidelité que luy proteste nostre affection,
& nostre Zele comme derechef nous redoublons encore pour cela
à Vostre Altesse ardemment & tendrement nos prieres, &
que Dieu la veuille conseruer en des longues & heureuses annees,
ainsi que nous en auons besoin.

 

A Barcelonne, le 31. Aoust 1647

L’Abbé DE AMER Y ROSES.

Et les Deputez du General du
Principat de Catalogne.

Que peut dire à toutes ces iustifications le sieur Procureur
General ? S’il s’arreste à vn tesmoin qu’il croit iuridique pour
accuser Monsieur le Mareschal de la Mothe, pourquoy ne s’arrestera-il
pas à la deposition d’vne armée entiere, & aux acclamations
de toute vne Prouince pour le iustifier ? Il le poursuit
pour auoir seruy en Catalogne où il a gouuerné la Prouince, &
commandé les armées. Les gens de guerre ne se plaignent pas
de luy, & sa memoire est en benediction parmy les peuples ; de
sorte qu’il a bien plustost merité sur son retour de Catalogne
qu’on luy dise ces paroles : Proprio censu neglecto, sine inuidia lucri
retulisti diuitias morum, & vnde vix solet reportari patientiæ silentium,
voces tibi militauerunt Laudantium. Qui est vn Eloge que
Theodoric Roy d’Italie donna à Cassiodore dans les prouisions
de la dignité de Patrice dont il le gratifia, à cause des emplois
de Sicile qu’il auoit administré au gré & à la satisfaction
de ces peuples.

Cassiod.
lib. I. variarum,
epist.
3.

Que peut donc faire ledit sieur Procureur General ? Ce qu’il
deuroit, qui est de ne pas perdre vn moment à donner ses Conclusions
pour la liberté dudit sieur Mareschal : les Loix des Empereurs
Gratian, Valentinian & Theodose ne prescriuans rien
tant aux Magistrats & aux Iuges que d’ouurir les prisons aux
Captifs, ou par vn prompt chastiment, ou par vne absolution
& iustification de leur innocence. D’où vient que la Iustice ne
vacque iamais pour les Criminels : De his quos tenet carcer inclusos
id aperta definitione sancimus, vt aut conuictos velox pœna subducat,

-- 77 --

aut liberandos custodia diuturna non maceret.

 

Cod. lib. 9.
tit. 4. l. de
his.

Et Iustinian que l’on peut proposer pour exemple d’integrité
& de Iustice, incorpore & recommande dans son Code
la pratique de la Loy de Zenon, à Arcadius Prefet ; Laquelle
entr’autres choses veut que les Iuges consultent le Prince pour
le chastiment d’vn homme de condition, quand ils ont aueré
son crime (ce qui estoit sans doute pour auoir lieu d’exercer
leur clemence sur de si nobles sujets.) Mais si l’accusé est trouué
innocent, la mesme Loy recommande aux Iuges de l’absoudre
incontinent, ainsi que les Loix l’ordonnent, sans en aduertir
le Prince, en punissant la calomnie de l’accusateur. Vltionis
autem tantis inferendæ dignitatibus modus, non-nisi in Principis
residebit arbitrio, cum sit certum oportere accusatoris calumniam
reo protinus absoluendo inconsulta quoque nostra Serenitate, prout
leges sanciunt, coërceri. Cod. Lege Quoties viro. N’est ce pas là
vne sainte Constitution & Ordonnance, & qui est digne d’estre
exposée aux yeux & au souuenir de tous les Empereurs,
Roys & Potentats du monde, de ne vouloir pas seulement que
des Iuges retiennent vn Innocent sans le deliurer iusques au retour
d’vn Courier qu’ils enuoyeroient à la Cour ?

Et c’est pour cette mesme raison que les Loix de la Iustice
veulent qu’vn homme accusé soit absous, ou par le merite de
son innocence, ou à cause du manquement de preuues contre
les crimes qui luy sont obiectez, de crainte qu’en pareille
occurrence l’innocent ne patist iniustement pour des preuues
incertaines ; & qu’il vaut mieux mesmes que cent Coulpables
soient absous & deliurez qu’vn Innocent gemisse sous les peines
& dans la captiuité. Alioqui satius est à quocumque dimitti
criminosum, quàm insontem damnari : & selon Traian, Satius est
impunitum relinqui facinus nocentis, quàm innocentem damnari.
Charlemagne au chapitre 186. qui contient d’aussi beaux preceptes
pour les Iuges, qu’admirables pour les Princes dit, que
ceux-là doiuent dans les choses ambiguës & obscures prononcer fauorablement
pour les affligez, en laissant à Dieu dans le Ciel, le Iugement
de ce qui est caché pour le deueloper.

L. Absentem.
ff. de
pœnis.

Capitulor.
Lib. 7.

Il semble que les Constitutions de Theodose, & Gratian,
que Iustinian renouuelle, s’addressent au Procureur General,

-- 78 --

pour l’instruire comme il se doit conduire. Que tous les Accusateurs
sçachent, disent ces Empereurs, qu’ils ne doiuent rien apporter
des choses qu’ils deferent en public qui ne soit authorisé de bons
tesmoins & irreprochables, ou verifié par des Actes ou documens tres-manifestes,
par des indices tres-clairs, & plus euidens que la lumiere.

 

[illisible]

C’est pourquoy ledit sieur Procureur General n’ayant rien
qui puisse authoriser son action & procedure, n’y aucune preuue
de la condition requise par ces Empereurs, au contraire l’innocence
du sieur Mareschal de la Mothe paroissant aussi claire
que le iour par les pieces produites au procez par Boisot son
Secretaire ; & les tesmoignages qu’on allegue contre luy, estant
aussi obscures que la nuit, ainsi qu’il a esté veu, la verité le contraint
à confesser que ledit sieur Mareschal souffre maintenant,
non parce qu’on l’a trouué coulpable d’auoir diuerty quelques
deniers, mais d’autant que Sa Majesté ignore qu’il n’a
rien fait n’y diuerty : non quia commisisse illud detegitur, sed quia
non commisisse nescitur. De là vient qu’il est obligé pour son
honneur & l’acquit de sa conscience d’en aduertir Sa Majesté,
qui luy commandera de donner ses conclusions pour la descharge
du sieur Mareschal, & de faire les mesmes choses que
Theodoric Roy d’Italie prescrit à Marcel son Aduocat Fiscal,
principalement ne s’agissant icy que de la Loy de repetundis,
& de soixante & dix mil liures, somme peu considerable pour
la subsistance des Armées de Sa Majesté. Marchez tousiours pour
nous plaire dans les voyes de la Iustice, n’opprimez pas les Innocens
par calomnies, & ne vexez personne par des iniustes recherches. Nous
ne iugeons point a’autres gains & profits bons, & deuoir entrer dans
nostre tresor, que ceux que l’integrité ou l’equité y verse. Ne cherchez
pas à nous gagner des victoires par nostre authorité, mais par le droit,
car le Prince a de l’honneur de perdre vne cause defisque quand il n’a
pas de Iustice, & si vne perte en affoiblit le tresor, elle augmente celuy
de nostre gloire : d’autant que du succez d’vne affaire à la poursuitte
d’vn Prince, on croit tousiours que sa puissance en est la meilleure cause,
où si vne partie affligée vient à gagner sur luy, il est estimé iuste &
equitable en sa perte.

[1 mot ill.] lib. 19. de [1 mot ill.]
Dei. c. 6.

[1 mot ill.] per [1 mot ill.]
iustitiæ [1 mot ill.] moderatus
[1 mot ill.] vt nec [1 mot ill.]
[1 mot ill.]
graues, nec [1 mot ill.]
petitionibus
[2 mots ill.]
illa enim
[1 mot ill.] lucra [1 mot ill.]
quæ [1 mot ill.]
suffragante
[2 mots ill.]
nobis [1 mot ill.]
intende :
[1 mot ill.] quæras de [1 mot ill.]
nostra sed
[1 mot ill.] de iure [1 mot ill.] :
quando
[1 mot ill.] à [1 mot ill.]
fisci perditur
[1 mot ill.] Iustitia non
[1 mot ill.] Nam si
[1 mot ill.] vincat,
[2 mots ill.]
est ; æquitas
[1 mot ill.] creditur, si
[1 mot ill.]
contingat,
[1 mot ill.] lib. 1. ep.

De plus, Sa Majesté sçachant que ce procez est mal fondé,
ne laissera pas plus long-temps à monsieur le Mareschal les

-- 79 --

peines d’vne faute qu’il n’a iamais commise, & ne fermera pas
les portes d’vne prison à vn affligé, à qui les Loix de l’ordre iudiciaire
l’ouurent. Les Princes doiuent estre moins seueres
que les Loix, & n’en retenir iamais les indulgences ny les faueurs,
& bien qu’ils soient au dessus d’icelles, leur reputation
& leur gloire est, de se laisser conduire par elles. Et sousmettre
sa Principauté aux Loix, c’est donner à sa vie vn esclat &
vn relief plus grand que celuy qu’apporte le Sceptre & la Couronne,
disent les Empereurs Valentinian & Theodose : Digna
vox est matestate Regnantis, legibus alligatum se Principem profiteri ;
adeò de authoritate Iuris nostra pendet authoritas ; & reuerà maius
Imperio est, submittere legibus Principatum ; & oraculo præsentis
Edicti, quod nobis licere non patimur, aliis indicamus.

 

Leg. digna
vox, C. de
leg. & constit.

Les loüanges que merite sur cela Trajan, ne s’oublieront
iamais, pour auoir declaré en plein Senat, Qu’il ne vouloit pas
qu’vne chose luy fust permise & licite, qui ne l’estoit pas aux autres, &
qu’il ne feroit, & n’auoit iamais rien fait contre les Loix, lesquelles il
iuroit de suiure tousiours, & d’accomplir. Magnum erat hoc cùm promitteres,
maius postquam prœstitisti, dit Pline à cét Empereur, dans
le Panegyrique qu’il a fait de ses paroles & de ses actions.

Il n’y a rien qui soit de meilleure grace à vne telle Majesté,
que d’obseruer les Status & Ordonnances dont elle ne redoute
pas les peines, ny rien si digne d’vn Empire que d’y viure & le
regler par les Loix, dit l’Empereur Alexandre à Seuere, Cod. leg.
ex imperfecto. C’est pourquoy Sidonius Apollinaris ayant esté
accusé deuant l’Empereur Auguste Majorian à Arles sur quelques
crimes, sans iustifier de sa part son innocence, en fut absous
auec honneur, sa partie n’ayant pû prouuer son accusation,
& l’Empereur donne luy-mesme la raison suiuante de cette
sentence, qui sent bien sa pourpre Imperiale : Cùm crimentibi
impactum probari nullo modo possit, simul & periniurium est sententiam
Purpurati tribuere priuatis hoc simultatibus vt innocens ac secura nobilitas
propter odia certa crimine incerto periclitetur. Paroles desquelles
Messieurs les Iuges & Commissaires de cette affaire
pourront vser enuers Monsieur le Mareschal quand ils auront
suiuy vn si bel exemple, dont ils ont les mesmes causes.

Sidonius
lib. I. epist.
II.

Henry III. Roy d’Angleterre ayant fait informer & poursuiure

-- 80 --

auec grande actiuité & chaleur le procez d’Hubert grãd
Iusticier de son Royaume, ses Ennemis sur tant de chefs d’accusations,
sollicitans le Roy de le faire condamner ; ce Prince
se souuenant des loix qui ne le permettent pas sans conuiction
dit ces paroles memorables : Qu’il aymoit mieux estre estimé trop
benin que non pas seuere à l’endroit de celuy qui auoit longuement &
en diuers perils rendu de si bons seruices à sa Couronne, & que pour des
offences qui n’estoient pas encor clairement prouuées & descouuertes, il
ne vouloit pas le priuer des fruicts & recompenses que pouuoient meriter
ses premieres vertus notoires & manifestes à tout le Royaume. Et cela
dit, il remit le prisonnier dans la possession de toutes les terres
& biens que le Roy Iean son pere luy auoit donnez, & l’élargit
mesmes sous la garde & caution de quatre Comtes.

 

Histoire
d’Angleterre.

Et Henry VII. aussi Roy d’Angleterre, ayant fait arrester
prisonnier & conduire à Londres Gerard Comte de Kildare,
Gouuerneur d’Irlande, sur quelque emotion de la Prouince,
qu’on luy imputoit : Sa Majesté Britannique ayant trouué ses
accusations mal fondées & sans preuues, le renuoya incontinent
absous selon les Loix, & le restablit dans ses mesmes gouuernemens
& emplois, ne croyant pas que ce Comte deust
passer pour coulpable, parce qu’il l’auoit fait arrester ; ny pour
criminel, pour auoir entendu ceux qui le voulurent accuser.

La Prudence obligea ce Prince à ne negliger aucun avis qui
pûst entretenir la tranquillité de ses Estats, & le repos de ses
Royaumes, sa Iustice à les faire examiner, & sa conscience à
soulager promptement vn homme innocent, des peines d’vn
coulpable. Aussi a-il acquis & plus merité de gloire à la posterité
en ouurant les prisons à cét Illustre Captif, que sa Iustice ne
luy eust donné d’approbation, si en suite de sa detention il eust
esté condamné sur ses accusations.

La gloire du Prince croist & se nourrit de celle de ses sujets.
L’honneur d’vn Monarque est, que les personnes qu’il a éleuées
dans les grandes charges, soient libres des calomnies qu’on leur
impose, afin de faire estimer dauantage le choix, que luy ou ses
Predecesseurs ont fait en leur eleuation, vt illud magis æstimemur
elégisse quod cunctos dignum est approbare, dit le Roy Theodoric
à Eugene chez Cassiodore. Et il vaut mieux aussi pour l’vtilité

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d’vn Royaume, & le seruice particulier de Sa Majesté,
qu’vn homme de la condition du Mareschal de la Mothe soit
declaré Innocent, que ses Accusateurs soient trouuez veritables.
Les taches de la vie d’vn Grand, en affoiblissent le credit,
le rendent moins vtile à l’Estat, le mettent en mauuaise odeur
aupres d’vn Prince, & luy abbattent le cœur. Mais pour ses sortes
d’Accusateurs & de Commis, quelque honte & confusion
qu’ils reçoiuent de leurs calomnies, ils n’y perdront guerres
l’honneur, pour n’en auoir iamais acquis. Et si Sa Maiesté leur
pardonne, ils demeureront, ou seront tousjours les mesmes,
inutiles à la France, & aussi habiles à prendre qu’auparauant,
quand l’occasion s’en offrira.

 

Car de dire apres ces iustifications, que le sieur Procureur
General voulust auoir recours à d’autres Informations, & à
penser de substituer d’autres crimes apres quatre années de recherches,
ainsi qu’ils s’en est vanté, (outre que la prison a bien
augmenté les miseres de Monsieur le Mareschal de la Mothe,
mais non pas ses fautes ; & luy-mesme n’estant pas plus habile
en ce mestier que Chirat, y reüssiroit aussi mal ;) ce seroit vne
vexation inoüye si seuerement defenduë par les Loix ; & personne
ne douteroit plus de la verité d’vne pensée qui s’est glissée
dans les esprits de tous ceux qui ont veu agir ledit Procureur
General à Lyon & à Grenoble, qu’il auoit tort de se plaindre
du mal pretendu fait en Catalogne par ledit sieur Mareschal,
& qu’il voudroit bien selon ses procedures, qu’il en eust
fait dauantage. De plus, Sa Maiesté par sa Iustice & bonté, arresteroit
la conduite d’vn tel Officier, & sa pieté luy en interdiroit
la pratique quand son esprit luy en fourniroit le desir.

Autrement ledit Procureur General rappelleroit en sa personne
le souuenir du procedé que tinrent sous Tibere, les Accusateurs
& Denonciateurs de son temps, qui donnoient les
noms des crimes les plus odieux aux moindres fautes, ou aux
actions innocentes, pour aucunement iustifier la poursuite
qu’on faisoit contre ceux qui estoient malheureux & entrepris
& s’ils estoient absous d’vn crime qu’on leur imputoit, lesdits
Accusateurs en cherchoient d’autres, comme Tacite le remarque
en la vie de Tibere, d’Antistius Vetus, qui ayant esté

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iustifié des premieres fautes, on le chargea par apres de celles
de crime de leze Majesté pour le perdre.

 

Mais comme l’Histoire ne rapporte ces exemples que pour
les mettre en horreur, le Procureur General est conseillé de
s’appliquer à la lecture de Corneil Tacite, qui ne luy peut estre
inutile, il y trouuera de belles instructions pour deuenir meilleur,
& les mauuais exemples qu’il y lira, ne le feront pas deuenir
pire.

Il est vray que si la Iustice de Sa Majesté n’estoit aussi grande
que sa Puissance, Monsieur le Mareschal de la Mothe, au milieu
de son innocence & de ses iustifications, auroit sujet de
crainte, ayant son Procureur General pour partie, qui expose
& represente à ses Iuges dans sa maison & au Palais, les graces
& faueurs, & d’vn autre costé la puissance qui anime ses poursuites,
& les perils de luy desplaire. Mais comme ce sont plustost
des inuentions dudit Procureur General que des mouuemens
de la Cour ; des artifices de son esprit, que des ordres
d’vn si equitable conseil, ces choses seruent dauantage à vn
affligé aupres des bons Iuges, qu’elles ne luy nuisent.

Nous reuerons bien l’authorité qu’il employe, mais nous
mesprisons les accusations qu’il fait. La bonté naturelle que
Dieu a donné à Sa Majesté pour en fauoriser tout le monde, ne
sera pas retenuë & resserrée pour le sieur Mareschal de la Mothe
seul. Et le Procureur General cessera à la fin de nuire à vne personne,
qui dans la prison mesme ne luy a pas esté inutile. Et
quand il ne le feroit pas, Messieurs de la Troisiéme imiteront la
Iustice & affecteront la gloire du Senat de Rome, aupres duquel
la grande puissãce de Caton l’ancien en l’accusation de Seruius
Galba, aussi bien que celle contre Lucius Cotta, de Publius
Africanus qui auoit ruiné Numãce & Carthage, seruirent plus
à la iustification & conseruation de ces Accusez, qu’à leur ruine,
d’autant que les Iuges & Senateurs Romains qui assisterent à
tels Iugemens, crûrent qu’ils deuoient par ce moyen d’absolution,
pouruoir à l’aduenir à l’oppression des foibles, & oster la
croyance que l’on eust asseurement tiré de leur condamnation,
que tels Accusez auoient plustost succombé à la
puissance de leurs Accusateurs, qu’à la grandeur de leurs
crimes.

Cicero pro
Muræna.

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DE toutes lesquelles choses il se conclud, que ces Tesmoins
n’estans pas receuables, comme deposans à leurs
profits & descharges & pour leurs propres interests ; dans les
liens & la captiuité ; leurs depositions estans singulieres & vniques
sur chaque point ; aucuns se trouuans preuenus de crimes,
comme il paroist par les Informations de Chirat ; Dorée ne
pouuant estre aussi escouté pour les raisons susdites ; leurs calomnies
ayant esté manifestement conuaincuës en tous ses
points par estats & actes publiques, signez de tous ces trois
Tesmoins, opposez contradictoirement à leurs foibles depositions
de bouche, qui ne sont pas receuables contre leurs escrits ;
y ayant d’ailleurs impossibilité selon les temps, & contradiction
euidente dans leur dire & supposition de Prests &
d’Interests, prouuée par acte signé d’eux, & de l’employ fait
és estats de 1642. & 1643. le fondement de leur accusation
estant d’ailleurs ruiné par la propre quittance de Talon, & partant
le bastiment de toutes leurs calomnies renuersé ; l’integrité
du sieur Mareschal de la Mothe, iustifiée par dessus toutes
ces preuues, par la discretion qu’il a eu de ne point vser de
son don dans vn temps où il eust pû interesser le seruice du
Roy, ce qui est bien eloigné de prendre de l’argent à Sa Majesté
par voyes obliques & indirectes ; n’y ayant aussi aucune apparence
qu’vn homme ait retenu & diuerty quelques deniers
des Finances du Roy, qui a esté si moderé en celles du pays
de Catalogne qu’il n’y a iamais touché.

Aduersus
scriptam
testationẽ
testimoniũ
non scriptũ
non admittitur.

Cod. titul.
20. de testib.

Il se conclud, dis-je, Que Messieurs de la Troisiéme Chambre
apres toutes ces preuues produites deuant eux, & au Greffe
par Boisot Secretaire du sieur Mareschal, prisonnier, & accusé
auec son Maistre, sont necessitez par les deuoirs de la conscience
& de leurs charges de donner Arrest d’absolution audit
sieur Mareschal, bien qu’il ne les reconnoisse pas, toutes les
Loix estant eloquentes en sa faueur, & parlant, comme nous
auons veu, si bien en sa cause pour les y conuier, & les tesmoins
si mal pour les en empescher : & Que ces preuues si foiblement
enchaisnées estans destruites, les chaisnes en doiuent demeurer
aux Accusateurs qui sont dignes de la conclusion qu’est

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obligée de donner l’integrité de la Iustice de ladite Troisiéme
Chambre du Parlement de Grenoble, pour apprendre à de
tels Messieurs de calomnier la vie & les actions d’vn Mareschal
de France, par de si foibles moyens, qui se ruinent & se deffont
eux mesmes quand ils sont bien considerez.

 

Audite iudices,
vestris
iam
moribus
peccatis, si
post ista
delinquitis.

Atalaricus
Rex, apud
Cassiodor.
epist. 21.

Ces Tesmoins sont causé d’auoir irrité vne Princesse si iuste
& si saincte que la Reyne contre Monsieur le Mareschal de la
Mothe, chose qui luy est plus sensible que les peines & souffrances
de sa prison.

Ils sont cause qu’il y a quatre ans que ce Gentil-homme est
detenu prisonnier, ainsi que Sa Majesté le mande au Parlement
de Grenoble par la Commission qui luy est addressée, ce qui
ne se peut reparer que par vn exemple profitable au public,
pour rendre les autres Commis de la guerre, plus prudens, &
les empescher d’estre faux tesmoins ; pour asseurer de la calomnie
tous les Generaux d’armée qui peuuent tomber dans les
mesmes mal heurs que Monsieur le Mareschal de la Mothe, qui
supplie neantmoins la Cour d’vser plustost de clemence enuers
eux, que des rigueurs de sa iustice, Dieu ayant volontiers
permis cette disgrace pour son bien, & pour luy donner plus
de suiet par les afflictions, & le mespris du monde, de le reconnoistre.

FIN.

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La Mothe-Houdancourt (Henri de) [?] [1649], QVATRIEME FACTVM, OV DEFENSES DE MESSIRE PHILIPPES DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT DVC DE CARDONNE, & Mareschal de France, CY-DEVANT VICE-ROY ET CAPITAINE General en Catalogne. Auec plusieurs Requestes, Arrests, & autres Actes sur ce interuenus, tant au Conseil, qu’ailleurs. , français, latin, espagnolRéférence RIM : M0_2849. Cote locale : A_4_7.