La Mothe-Houdancourt (Henri de) [?] [1649], TROISIEME FACTVM, OV DEFENSES DE MESSIRE PHILIPPES DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT DVC DE CARDONNE, & Mareschal de France, CY-DEVANT VICE-ROY ET CAPITAINE General en Catalogne. Auec plusieurs Requestes, Arrests, & autres Actes sur ce interuenus, tant au Conseil, qu’ailleurs. , français, latin, italienRéférence RIM : M0_2849. Cote locale : A_4_6.
Section précédent(e)

TROISIEME FACTVM,
OV
DEFENSES
DE MESSIRE
PHILIPPES
DE LA
MOTHE-HOVDANCOVRT
DVC DE CARDONNE,
& Mareschal de France,
CY-DEVANT VICE-ROY ET CAPITAINE
General en Catalogne.

Auec plusieurs Requestes, Arrests, & autres Actes sur ce
interuenus, tant au Conseil, qu’ailleurs.

A PARIS,
Chez LOVIS SEVESTRE, ruë du Meurier,
prés sainct Nicolas du Chardonnet.

M. DC. XLIX.

Auec Permission & Priuilege.

-- 2 --

-- 3 --

TROISIEME FACTVM,
POVR Messire Philippes de la Mothe Houdancourt,
Duc de Cardonne, Mareschal
de France, & cy-deuant Vice-Roy,
& Capitaine General de Catalogne :

Monsieur le Procureur General du Roy
au Parlement de Grenoble.

CHACVN void par le premier Factum du Declinatoire,
les grandes raisons qu’a Monsieur le
Mareschal de la Mothe de ne rendre compte
qu’à la seule personne du Roy son Maistre, des
actions qu’il a faites comme Vice-Roy de Catalogne :
Et que neantmoins pour tesmoigner son obeïssance à la
Reyne Regente, & qu’il n’auoit pas crainte de la recherche de
sa vie, il s’estoit sousmis au Parlement de Paris, comme estant
son Iuge ordinaire & naturel, & par sa naissance, & par les priuileges
de ses charges.

Depuis ledit Seigneur Mareschal ayant esté amené de Pierre
Encise dans l’Arsenal de Grenoble, nonobstant les raisons &
le droict deduit dans ledit Declinatoire ; & voyant qu’vn si iuste
silence, & qui n’estoit principalement fondé que sur le respect
qu’il auoit de ne vouloir pas entrer en iustification auec son
Maistre, estoit interpreté à des-obeïssance, il a voulu pour

-- 4 --

faire paroistre à Sa Majesté ses sousmissions, puisque sa disgrace
& sa prison ne luy laissoient que cette seule liberté de
luy plaire, reconnoistre le Parlement de Grenoble, afin de
satisfaire entierement à ses volontez : ce qu’il a fait dés le dix-huictiéme
Nouembre & troisiéme Decembre derniers.

 

Apres cette reconnoissance il y auoit lieu de croire que le
Sieur Procureur General de Sa Majesté audit Parlement deuoit
estre content de recueillir le fruict de tant de vehementes
poursuites au Conseil, & en ce Parlement à l’effect d’obtenir
des Arrests pour faire sortir apparemment Monsieur de la
Mothe de son Declinatoire. Mais, chose estrange, celuy qu’il
sembloit n’agueres vouloir faire parler par ses procedures
lors qu’il estoit muet, auiourd’huy qu’il veut parler & reconnoistre
le Parlement de Dauphiné, ledit Sieur Procureur
General le veut reduire à la troisiéme Chambre, où il sçait
bien qu’il ne peut pas respondre, & par consequent le remettre
dans son Declinatoire & silence : de sorte qu’on ne peut
comprendre par sa conduite s’il veut que mondit Sieur le Mareschal
de la Mothe se taise, ou qu’il parle.

On reserue au Factum des Appellations des procedures de
Chirat, celles dudit Sieur Procureur General à Lion dans
Pierre-Encise, & à Grenoble dans l’Arsenal, & ne parlera-on
presentement que de celles qu’il a faites en presence de ce
Parlement, duquel tous les Iuges sont les tesmoins de sa conduite.

Pour commencer donc le recit des actions dudit Sieur
Procureur General sur le sujet de la reconnoissance qu’a fait
Monsieur le Mareschal de la Mothe, du Parlement de Grenoble,
il est à remarquer, que le dix-septiéme du mois d’Octobre
dernier, ledit Sieur Procureur General poursuiuant auec chaleur
l’instruction du procez durant le Declinatoire, presenta
requeste à la Chambre des Vacations pour faire forclorre ledit
Seigneur Mareschal des Appellations qu’il auoit interjettées
de toutes les procedures faites contre luy, tant à Paris par le
Lieutenant Criminel, qu’à Lion par ses Commissaires, & qui
estoient renuoyées par Arrest du Conseil au Parlement de

-- 5 --

Grenoble ; & sur icelle Requeste ladite Chambre des Vacations
par sa prudence ordonna que Monsieur le Mareschal de
la Mothe auroit la liberté de prendre vn conseil, Aduocat &
Procureur, pour plaider sesdites Appellations en Audience
dans la huictaine du iour de la signification de l’Arrest, contre
lequel ledit sieur Procureur General fit grand bruit, apres y
auoir luy-mesme donné sujet par ses requestes & demandes,
estant impossible que la Cour eust pû ordonner vne chose sans
laisser les moyens libres de l’executer, comme elle eust fait,
si elle eust enjoint, ainsi que requeroit le sieur Procureur General,
au Seigneur Mareschal de la Mothe en prison, de plaider
de l’Arsenal au Parlement ses Appellations, sans luy
accorder vn Aduocat ou Conseil pour le faire en son lieu &
place.

 

Cét Arrest a esté supprimé & retenu par ledit sieur Procureur
General, & n’a iamais esté signifié audit Seigneur Mareschal
de la Mothe, quelque sommation qui luy en ait esté faite, tant
de la part du pere dudit Seigneur Mareschal que de la sienne,
les vingt-sept Octobre, vingt-six Nouembre, 9. Decembre &
8. Ianuier derniers, & nonobstant les requestes qui ont esté
presentées à la Cour pour en former des plaintes & en demander
Iustice, comme estant chose inusitée dans tous les Parlemens
du Royaume, les Arrests deuenans sacrez & publics deslors
qu’ils sont rendus.

Si ce n’est pas vn priuilege special attaché à la charge de
Procureur General de Dauphiné, de retenir tous les actes de
Iustice, au moins le Sieur de la Colombiniere pour sa personne
est en cette possession & vsage, dont Monsieur le Mareschal
de la Mothe continuant à faire plaintes à la Cour le dix huictiéme
Nouembre, & le troisiéme Decembre, il auroit demandé
incidemment l’Assemblée des Chambres pour l’escouter en
ses appellations. Cette Assemblée des Chambres ayant esté
impreueuë au sieur Procureur General, & y estant appellé
pour entendre la lecture desdites plaintes de sa procedure,
contenuës en vne Requeste, & de la reconnoissance que faisoit
ledit Mareschal par ladite Requeste de tout le Parlement ; Ce

-- 6 --

fut lors qu’il commença de s’opposer à l’Assemblée desdites
Chambres comme si elle eust esté à faire, disant qu’il auoit
ordre de Sa Majesté d’empescher que le Parlement en corps ne
connust de cette affaire, & de la reduire à la troisiéme Chambre,
qu’il demandoit Acte de son opposition ; qu’il feroit vn
procez verbal de ses demandes & du refus que faisoit la Cour
d’obeïr aux Ordres qu’il intimoit, sans toutes-fois en monstrer
aucun : qu’ils auoient à craindre le semestre de Prouence,
s’ils desplaisoient à Sa Majesté en cette affaire ; que les Veniat,
les Interdictions, & les citations personnelles ne leur manqueroient
pas : ce qui faisoit compassion à ceux de la compagnie,
qui voyoient le transport dudit sieur Procureur General,
& qui eust esté capable d’esbranler les Iuges moins fermes que
ceux de ce Parlement.

 

Monsieur le premier President, pour forttifier les paroles
du sieur Procureur General, qui n’auoit monstré aucun
Ordre de la Cour, deplia vne lettre de Monsieur le Tellier,
qui luy mandoit que Sa Majesté desiroit que l’instruction du
procez se fist à la troisiéme, & que pour le Iugement Elle y
pouruoiroit : chose qui ne fust pas assez puissante pour arrester
le Parlement, parce qu’estant defendu à toutes les Cours
Souueraines d’auoir esgard aux Lettres de Cachet au fait de
la Iustice, à plus forte raison ne sont-elles obligées de deferer
aux Lettres priuées qui sont addressées aux particuliers.
C’est pourquoy aussi il fut ordonné, Chambres assemblées,
que la Requeste seroit communiquée au sieur Procureur General,
lequel selon l’ordre du Palais ne pouuoit la retenir
sans la conclurre, que vingt-quatre heures ; mais estant en
possession de ne s’arrester point aux formes de son Parlement,
il la garda cinq iours, au bout desquels il ne la rendit pas pour
cela, nonobstant les instances & poursuites qui luy en furent
faites, mais bien durant ce temps-là il alla faisant peu de cas
de l’honneur de sa charge, de solliciter de porte en porte, &
faire ses brigues pour faire renuoyer la cause à la troisiéme
Chambre composée de neuf ou dix Iuges, la pluspart ou
cousins germains dudit sieur Procureur General, ou Commissaires

-- 7 --

en la cause, comme Monsieur le President de la
Coste, & Monsieur de la Martelliere, ou beau-freres de mondit
Sieur President de la Coste.

 

Apres quoy le Samedy septiéme de Decembre l’Assemblée
des Chambres estant conuoquée, ledit Sieur Procureur General
entra dans le Parlement auec les Requestes, où on croyoit
qu’il apportoit ses conclusions : mais se seruant de la soupplesse
& inuention de son esprit, il dit qu’il n’auoit pas couché ses
conclusions par escrit, d’autant qu’il auoit tousiours affecté
dans sa charge l’vnion, la paix, & l’vniformité auec la Cour,
& que quand elle auroit fait son Arrest il y joindroit sesdites
conclusions. Ce n’estoit que pour sçauoir l’air du Bureau, & si
sa partie estoit bien faite : auquel cas il eust donné à l’heure
mesme ses conclusions. Il luy fut ordonné de conclurre premierement
selon l’ordre du Palais, & qu’apres la Cour feroit
ce qu’elle deuroit. Ledit Sieur Procureur General prenant
ceste responce à mauuais augure, demanda qu’il luy fust donné
temps pour en concerter auec les Aduocats Generaux, desquels
iusques icy en toutes ses procedures il n’auoit pas pris
l’aduis. Le Parlement remit cette deliberation au premier
iour, & le temps passé des conferences, ledit Sieur Procureur
General receut vne sommation le neufiéme Decembre pour
rendre lesdites Requestes, & quatre autres Requestes furent
en suite presentées par Monsieur le Mareschal de la Mothe les
10. 11. 12. & 14. Decembre pour demander à la Cour justice
de telles vexations, remises, & delays.

Le Samedy 14. du mesme mois les Chambres s’estans encor
assemblées, il y auoit lieu de croire qu’il y deust donner cette
fois ses conclusions ; mais tant s’en faut, il vsa d’vne chicane
bien digne d’vn tel procez, disant qu’il falloit premierement
reformer le titre de la Requeste, qui portoit ; à Nosseigneurs
de Parlement, toutes les Chambres assemblées : surquoy il demanda
de faire opiner, & fit naistre vne infinité d’autres incidens.

Ce fut en cette Assemblée où à chaques deliberations qui
se prenoient ; il entroit & sortoit, asseurant qu’il auoit des ordres

-- 8 --

du Roy pour les arrester, & tous contraires à celles que
se faisoient dans la Compagnie, & sans qu’il luy arriuast cette
matinée aucun Courrier, il auoit à tout bout de champ de nouueaux
ordres, selon les mouuemens des Iuges, tantost pour
lier les mains au Parlement en general ; tantost pour empescher
au moins la Chambre de l’Edict d’en cognoistre (proposition
qui estoit contre l’vsage de ce Palais, puisque ladite Chambre
de l’Edict a tousiours assisté à toutes ses Assemblées, &
contre le trente cinquiesme article de l’Edict de Nantes qui
luy en donne le droict) de sorte qu’il falloit qu’il fust ou Prophete,
pour, ayant preueu les resolutions qui se deuoient prendre
dans ceste Assemblée, auoir obtenu de la Cour, par anticipation,
les ordres necessaires pour les arrester ; ou qu’il imposast
à la Compagnie ce qu’il luy disoit de la volonté du
Roy ; ce qui est plus vray-semblable. Il ne cherchoit pas toutes
ces differentes agitations que les moyens d’esquiuer les deliberations
de la Cour, & passer le temps d’vn Arrest, & se
voyant reduit auec tous ses destours sans defence, il adiousta
en fin qu’il ne pouuoit receuoir vne requeste au Nom de Monsieur
le Mareschal de la Mothe, qui ne fust signée de sa propre
main ; Ce qu’il sçauoit bien estre impossible par les rigueurs
qu’il exerce enuers ledit Seigneur Mareschal, auquel l’ancre
& le papier par son commandement, sont interdits, Aduocat
& Conseil deniez, nonobstant l’Arrest de la Cour, qui
luy permet d’en prendre, & le commerce de tous les hommes
defendu tant pour sa conuersation, que pour sa consolation
spirituelle. La Cour neantmoins, Chambres assemblées, ordonna
que ladite Requeste seroit communiquée audit Seigneur
Mareschal, pour sur son adueu y estre pourueu selon
ses fins. Et à cét effect il fut enjoint au Greffier Ciuil de se
transporter à l’Arsenal, & sçauoir l’intention dudit Seigneur
Mareschal, lequel aduoüa & signa ladite Requeste, au dessus
de Monsieur l’Euesque de Rennes son Frere ; & de plus, signa
encor vn procez verbal dresse par ledit Greffier Ciuil ledit iour
14. par lequel il reconnoissoit pour iuger ses appellations le
Parlement de Grenoble, toutes les Chambres assemblées, &
non autrement.

 

-- 9 --

Le Mardy 17. Decembre Messieurs du Parlement sur cela s’estans
assemblez, le sieur Procureur General demanda communication
de l’adueu de la Requeste, fait par Monsieur le
Mareschal : & bien que ce ne fust qu’vn pur pretexte de delay,
duquel il descouurit assez le motif, disans qu’il attendoit
des Patentes dans le Lundy d’apres pour empescher le
Parlement en corps d’en connoistre d’auantage, & pour
luy declarer les Iuges que Sa Maiesté vouloit qui trauaillassent
à cette affaire, ladite communication pourtant luy
fut accordée.

Le 19. le Seigneur Mareschal ayant representé à la Cour
les moyens de vexations qu’inuentoit le Sieur Procureur General
pour retarder la Iustice qu’il attendoit, & qu’il luy
pleust y mettre ordre, ladite Cour luy fit commandement par
Monsieur de Boffin d’Argenson Conseiller, de faire son deuoir,
& de cesser toutes ces remises.

Et le Vendredy 20. que finissoit le Parlement, Monsieur
le Mareschal de la Mothe ayant presenté Requeste audit
Parlement en corps, qui estoit saisi de son affaire, à ce
qu’il luy peust ordonner que les Parties viendroient plaider
sur les appellations au premier iour plaidoyable d’apres
les Roys ; Ledit Sieur Procureur General ne refusa pas seument
de conclurre, & de rendre ladite Requeste auec le
procez verbal : Mais pour empescher qu’il n’y interuinst aucune
deliberation, par vn artifice signalé & diuision inouye,
il fit en sorte que la troisiesme Chambre, ny les sieurs President
de la Coste, & de la Martelliere Commissaires n’assisterent
point à l’Assemblée des Chambres : choses remarquable
contre l’honneur du Parlement, qui s’assemble en Robe
rouge ce jour là ; & qui ressent sa caballe : & fit leuer les espaules
à tout le reste du Parlement : Lequel en fin considerant
que ledit Sieur Procureur General faisoit depuis deux
mois l’office de preuenu en fuyant la Iustice ; & Monsieur le
Mareschal de la Mothe, la fonction de Procureur General
en la poursuiuant comme il fait : ordonna, Chambres assemblées,
qu’il seroit forclos dans le iour s’il ne rendoit ladite

-- 10 --

Requeste auec ses conclusions : à faute dequoy il y seroit
pourueu par lesdites Chambres assemblées : Ce que ledit
Sieur Procureur General n’executa point, encor que le
Decret de la Cour luy fut signifié ce mesme iour par Maistre
Gerlat second Huissier : Au contraire, au
lieu d’obeïr, pendant les feries du Parlement estant au bout
de ses finesses, il eut recours à solliciter ardemment au Conseil
des Lettres patentes, qu’il obtint le 31. Decembre dernier,
signées LOVYS ; Et plus bas LE TELLIER, & seellées
du grand Seau de cire rouge, lesquelles luy furent apportées
par vn Courrier extraordinaire le 7. du mois de Ianuier
dernier, iour de l’ouuerture du Palais.

 

Et le lendemain huictiéme dudit mois, ledit sieur Procureur
General presenta Requeste pour demander furtiuement
à la premiere Chambre l’enregistrement desdites Patentes :
dequoy ledit Sieur Euesque de Rennes aduerty, forma pour
son frere opposition ausdites lettres, sur laquelle interuint
Arrest les Chambres assemblées portant que les pieces seroient
communiquées aux parties respectiuement. Ce iour
ledit sieur Procureur General menaça d’vn Veniat le Rapporteur
de la Requeste d’opposition dudit Seigneur Mareschal,
dont il y eut plainte faite deuant tout le Parlement ; qui
l’aduertit d’estre plus moderé & retenu en sa charge. La
Requeste d’opposition suiuant le Decret du Parlement fut signifiée
de la part de Monsieur le Mareschal de la Mothe ledit
iour audit sieur Procureur General, lequel n’obeyt pas de
mesme à la Cour, car il ne fit pas signifier ses Patentes &
Requeste pour l’enregistrement d’icelles audit Seigneur Mareschal,
comme il luy estoit enjoint, mais bien il mit ordre
de faire signifier le Vendredy au matin dixiéme, lesdites Lettres
à Messieurs les Conseillers de la Rochette de la Chambre
de l’Edict, Roux de la seconde, & Giraut de la premiere,
qui auoit rapporté la Requeste d’opposition dudit Seigneur
Mareschal. Pour laquelle action insolite les Chambres
s’assemblerent extraordinairement le mesme iour, & estant
vn peu tard, pourquoy la troisiéme Chambre s’estoit desia

-- 11 --

retirée, l’assemblée de toutes les Chambres fut conuenuë &
remise au lendemain onziéme, où ledit sieur Procureur General
fit satisfaction de sa hardiesse ; & ses Exploits furent par
luy biffez & lacerez en presence desdits Conseillers, auec deffences
d’oresnauant à luy de signifier, ny faire notifier aucunes
Patentes aux particuliers du corps que selon l’ordre de
son Parlement : & y eut encor Decret Chambres assemblées,
qu’il obeyroit à l’Arrest de la Cour du huictiéme & donneroit
copie de ses Patentes, & Requeste d’enregistrement à Monsieur
le Mareschal de la Mothe, lequel apres auoir entendu la
lecture d’icelles le Mercredy 15. Ianuier, & conneu qu’elles attribuoient
la connoissance de son procez à la troisiéme Chambre
seule à l’exclusion du Parlement, declara auec le respect
qu’il deuoit à sa Maiesté, qu’il estoit opposant à leur execution,
& demanda Conseil pour luy remettre ses Patentes &
deduire les moyens de son opposition qui consistent en neuf
Articles qui suiuent.

 

PREMIEREMENT, ces Patentes sont contraires aux Ordonnances
de Moulins qui veulent qu’on ait égard aux qualitez
des parties qui sont Iugées ou Euoquées, en ce que lesdites
Ordonnances portent que les Gentils-hommes & Ecclesiastiques
soient renuoyez, quand ils le requierent à la
grande Chambre, y appellez les Iuges de la Tournelle, où le
procez s’est traitté : & s’ils ne le requierent pas, qu’ils demeurent
à la Tournelle. Or ces Patentes excluent de la grande
& premiere Chambre, puisqu’elles limitent à la troisiéme.
Donc comme la grande Chambre de Paris se diuise en la Tournelle
& l’Edict pour le seruice ordinaire, & quand il y a quelque
criminel qualifié, tout ce r’assemble à la grande Chambre :
Aussi la premiere Chambre du Parlement de Grenoble
se diuisant en la seconde, troisiéme, & quatriéme (qui est l’Edict,)
& ces Iuges passans aux autres Chambres, & retournans
à la premiere selon l’ordre de son seruice, comme il est
pratiqué aux autres Parlemens, où il y a Tournelle & Edict :
quand il est question de traiter criminellement vn homme de

-- 12 --

qualité, elles doiuent toutes y assister, s’il les demande, selon
les Ordonnances, ainsi que fait Monsieur de la Mothe en ce
Parlement de Grenoble.

 

En effet d’estre renuoyé à la troisiéme selon lesdites Patentes,
c’est estre plus mal traitté que les simples Gentils-hommes,
& que les moindres Laboureurs, ou paysans de Dauphiné,
lesquels, quand il n’y a pas des Iuges suffisans, comme
cela arriue d’ordinaire, dans vne Chambre ; ou qu’ils sont
recusez ; la coustume du Parlement est d’appeller des Iuges
des autres Chambres selon l’ordre du Tableau, comme le
mesme est ordonné à la troisiéme par lesdites Patentes qui en
excluent la Chambre de l’Edict, dont toutes-fois les Iuges
peuuent assister & assistent aux procez des moindres personnes
de ladite Prouince. En quoy la condition de Monsieur le
Mareschal de la Mothe, reçoit du déchet de n’auoir pas la liberté
d’auoir pour Iuges ceux de la Chambre de l’Edict,
qu’ont, & peuuent auoir les autres hommes.

D’ailleurs, c’est vne chose notoire à tout le monde en Dauphiné,
que souuent à cause du petit nombre de Iuges en chaque
Chambre par absence, maladie, & occupation autre part,
des Conseillers qui en sont, il ne se trouue pas en quelque
Chambre assez de Iuges pour donner Arrest aux moindres
procez, & sont obligez, pour estre le nombre de sept, d’en
appeller vn ou deux des autres Bureaux. Si cela se rencontre
au procez de Monsieur le Mareschal de la Mothe, comme
aux autres, & que de six ou sept qu’il y aura en la troisiéme,
il y en ait trois ou quatre de ceux-là qui n’en puissent
connoistre à cause de leur profession, ou recusation,
puisque par lesdites Patentes pour tous les cas d’absence,
de maladie, d’occupation, ou recusation de Iuges en la troisiéme,
il ne luy est permis que d’en appeller six autres auec
ceux qui restent, desquels six encor s’il y en a trois d’occupez,
ils ne pourront pas estre suppléez par trois autres pour
quelque raison que ce soit : Il s’ensuit qu’il arriua, ou peut
arriuer par les clauses rigoureuses desdites Patentes, qu’il ne
se trouuera pas six ou sept Iuges au procez dudit Sieur Mareschal

-- 13 --

de la Mothe. Ce qui est le reduire en vne condition
moindre que celle des Paysans de Dauphiné, qui
en matiere criminelle ont d’ordinaire plus de Iuges que
cela dans ce Parlement, & qui peuuent mesme faire appeller
plus de six Iuges des autres Chambres au cas susdits
& de besoin, ce qui n’est pas permis à Monsieur de
la Mothe.

 

SECONDEMENT, outre les Ordonnances ausquelles
contrarient ces Patentes, elles confondent tout l’ordre
Iudiciaire, Ecclesiastique & Seculier, selon lequel il y a
tousiours eu en tous les Royaumes, & Prouinces, & en
tous temps, des Iuges differents reglez à chacun selon sa
qualité & condition. Cela ce remarque en l’Eglise : Dans
les Conciles, second Mileuitain, d’Hippone & de Carthage
premier, & dans Fulgence Ferrand ancien Compilateur
des Canons & de la discipline Africaine, autres
sont les Iuges des simples Prestres, Diacres & Sousdiacres,
autres sont les Iuges des Euesques qui tiennent
vn plus grand rang dans l’Eglise, & les Reglemens des vns
ne font rien contre les autres. L’importance, la dignité
& le rang de ceux-cy dans l’Eglise demandent aussi plus
grande circonspection au Iugement de leurs affaires & de
leurs personnes.

C’est sur ce fondement que S. Augustin reiette comme
nul tout ce qui s’attentoit contre Cecilian Archeuesque
de Carthage, par les Donatistes, qui vouloient regler le
Iugement de cét Archeuesque sur la discipline commune
d’Afrique pour tous les Clercs du second Ordre, sans
auoir esgard aux prerogatiues & priuileges qu’auoit cét
Archeuesque par sa dignité, qui le retiroit des Loix communes
d’Afrique, & luy donnoit le droict à l’exclusion
des autres d’inferieure condition, d’auoir pour Iuges les
Euesques du Saint Siege auec le Concile d’Occident, ou
bien les Conciles Vniuersels.

August.
epist. 162.

Ce bel ordre, & ces degrez de Iurisdiction se voyent

-- 14 --

dans Sainct Leon à Anastase Euesque de Thessalonique,
en Sainct Innocent ad Victricium, en Sainct Gregoire à
Iean Euesque de la premiere Iustinianée, en Hincmar Archeuesque
de Rheims, dans vne de ses Epistres à Nicolas
premier, & dans les Capitulaires de Charlemagne, qui
nous font bien voir la difference qu’il y a entre les causes
majeures & mineurs, entre les affaires importantes & les
ordinaires ; & que les vnes ne se doiuent pas traiter comme
les autres.

 

Leo epi. 82.

Ce qui se rencontre en la conduite de l’Eglise, qui est
gouuernée par la Sagesse Diuine quant à la police de son
Gouuernement, & de la Iustice spirituelle, se doit accomplir
en la conduite des Royaumes, qui sont reglez par la
sagesse humaine en la distribution de la Iustice temporelle.

Il y a differents degrez en ceux qui composent vn
Estat : les vns y sont, aussi bien que dans l’Eglise, inferieurs
aux autres en naissance, condition, & qualité, &
n’y tiennent pas si grand rang. Ce qui fait que, comme
on y remarque de la difference dans la vie ciuile pour
l’honneur qu’on leur rend, il y a aussi de la difference,
quand ils tombent en crime, ou dans la disgrace du Prince,
en l’examen & recherche qu’on fait de leurs vies. A
Rome les Gouuerneurs de Prouince dans la Republique
estoient iugez par le Senat comme les Senateurs, & non
pas comme les autres hommes : Les Gentils-hommes du
commun n’alloient pas du pair auec les Consuls, les Prefets
du Pretoire, & les Questeurs.

L’Empereur Iustinian, aussi bien qu’auparauant luy
Theodose & Valentinian, ordonna que les crimes fussent
punis aux lieux où ils seroient commis ; & establissant ces
Loix si iustes & equitables, il dit que c’estoit le plus beau
present qu’il pût faire à son peuple. Neantmoins ces Loix-là
n’empeschoient pas les personnes priuilegiées & fondées
en droict, d’auoir recours ailleurs en vertu de leurs
priuileges & de leur droict, ainsi qu’il paroist par les Ordonnances

-- 15 --

des mesmes Empereurs au lieu cy-dessus, &
toutes les Loix communes dans les Estats & les Prouinces,
n’y comprennent pas pour cela les hommes illustres
esleuez en dignité, & qui ont bien merité de la republique.
Et partant ce seroit confondre ce bel ordre diuin &
humain de traiter les personnes de la condition de Monsieur
le Mareschal de la Mothe, en Dauphiné, comme vn
simple Gentil-homme, ou comme les autres hommes de
la lie du peuple ; & il n’est pas raisonnable de vouloir
estendre les Loix communes de ceux-cy à vne personne
qui a tant de qualité qui l’en exceptent. Voire ce seroit
le traiter plus mal que les moindres euoquez ou gagne-deniers
de ladite Prouince, ausquels, ou bien on a permis
d’auoir des Iuges autant qu’ils en ont demandé
(comme il s’est pratiqué le quatorziéme du mois de Mars
de l’année derniere 1647. au procez de Gaffarel, qui au
rapport du sieur Bernard, par Arrest, auquel presidoit
Monsieur le premier President, eut outre les Iuges ordinaires
de la Chambre, ceux qu’il demanda :) où, selon le
faict, la Cour en a ordonné : comme à Padel le dix-neufiéme
du mois de Septembre de l’année 1641. pour le procez
duquel les Chambres s’assemblerent trois ou quatre
fois, & au Iugement assisterent des Iuges de quatre Chambres,
ainsi qu’il se void par ledit Arrest.

 

L. hac
perpetua
C. vbi
quis de
curiali,
&c.

TROISIEMEMENT, ces Patentes sont contraires à
l’ordre des Parlemens, qui reglent seuls, sans que le Roy
s’en mesle, le nombre de leurs Iuges, tant pour les affaires
ordinaires de leur Palais, que pour les autres, qui leur
sont renuoyées par euocation, comme celle cy.

Il n’y a dans le monde que deux Tribunaux de Iustice,
l’Ecclesiastique, & le Seculier. Qu’on regarde dans toutes
les commissions, delegations & renuoys, ny les Papes,
ny les Empereurs, ny les Roys, apres les delegations à
certains corps & Tribunaux, ne se sont plus meslez des
Iuges en particulier.

-- 16 --

L’Empereur Constantin ayant renuoyé la cause de Cecilian
& des Donatistes à Melchiades Pape, & au Concile
de Rome, il ne luy prescrit pas le nombre d’Euesques
qu’il doit assembler pour ce Iugement : c’estoit vne chose
qui dépendoit de ce Pape, selon la qualité du fait, &
les difficultez des affaires. Et quand le premier Concile
d’Arles fut encor conuoqué pour terminer ces differens,
qui n’auoient pas esté assoupis par le Concile de Rome,
& pour iuger les appellations qui auoient esté interjettées
de ces Iuges d’Italie ? Ce mesme Empereur qui auoit
renuoyé au Concile cette cause, ne fit aucune instance
aupres dudit Concile d’Arles, pour choisir entre ceux
qui y estoient, des Iuges pour mettre fin à cette affaire,
mais tous en prirent connoissance.

Augusti.
epist. 162.

Au premier
Tome
des
Conciles.

Quand Martian Empereur eut assemblé auec le consentement
de Leon Pape, le Concile de Calcedoine, composé
de 630. Euesques, auquel fut renuoyé la cause
d’Eutyches, & les appellations qu’il auoit interjettées de
Flauian Archeuesque de Constantinople ? Iamais ny
l’Empereur par ces Officiers Proclus, &c ny le Pape par
ses Legats Paschasinus, & Lucentius Euesque d’Ascoli,
ne firent instance au Concile de Trier, & choisirent entr’eux
vn certain nombre d’Euesques & de Iuges, pour decider
cette cause, ains tous en prirent connoissance.

Au Tome
2. des
Conciles.

L’Empereur Iustinian ayant resolu de renuoyer à vn
Concile le Iugement des trois chapitres de Theodoret, de
Ibas, & de Theodore de Mopsuestie, il conuoqua le cinquiéme
Concile general de Constantinople. Ce Concile
estant saisi de cette affaire, ne receut ny Patentes, ny ordre
de l’Empereur, ny du Pape Vigilius, pour en laisser le
Iugement à vn certain nombre de Iuges parmy eux : mais
tous en conneurent sans reserue.

Au 5.
Concile.

La mesme chose arriua au Iugement du Pape Adrian
contre Photius : celuy-cy fut appellant du Pape. Le differend
auec les appellations, le principal & les incidens furent
renuoyez au Concile general huictiéme. Tous ceux

-- 17 --

qui faisoient partie de l’Assemblée, connurent des procedures
& appellations de Photius, & iugerent le fonds, & non pas
vne partie desdits Iuges.

 

Qu’on voye enfin toutes les Assemblées nationales faites à
l’instance de leurs Roys & Princes, & les vniuerselles qu’ont
conuoqué les Pontifes du S. Siege, comme de Vienne, de Lion,
& de Trente, si vne fois seulement, ny eux, ny les Empereurs
& les Roys se sont meslez (les causes ayant esté renuoyées
aux corps en general) de choisir, ou faire nommer par apres
des Iuges en particulier pour decider tels procez & differends
qui s’y agitoient.

C’est donc vne chose constante qu’aux Tribunaux Ecclesiastiques,
aux causes deleguées & renuoyées, iamais les Papes
n’ont reglé aux Iuges la maniere, & la forme, ny la quantité
de Iuges auec lesquels ils deuoient faire tels iugemens. Ce soin
appartient au corps en general qui est saisi d’vne affaire, de
regler comme il la doit terminer : ou tout le corps le fait, quãd
l’affaire le merite, ou bien s’il s’y fait quelque diuision ou partage,
c’est vne direction qui procede dudit corps en general,
sans que les puissances Souueraines, & du dehors s’en soient
iamais meslées.

Pour les causes pendantes au Tribunal Seculier, nous
voyons les mesmes conduites. Qu’on nous monstre vne exception,
ou vn seul exemple de telles Patentes aux procez
de tous ceux qu’on a entrepris dans les Parlemens, de la qualité
de Monsieur le Mareschal de la Mothe, que nous nommerons
cy-apres : Ie m’asseure qu’on n’y aura pas pris le modele
pour former celles-cy. Ie dis plus, tous les iours le Roy,
& le Conseil renuoyent des causes en toutes les Cours Souueraines,
& au Parlement de Grenoble : Qu’on nous fasse
voir qu’apres les éuocations, ils se soient meslez de leur
mouuement de choisir, & determiner certains Iuges pour
regler lesdites causes euoquées en quelque nature qu’elles
soient. C’est vne œconomie, & vn ordre qui dépend de la
prudence des Parlemens qui ont les Ordonnances de l’Estat,
les Loix publiques, les vsages, & leurs coustumes pour regler

-- 18 --

leur conduite & procedures, selon les qualitez des personnes
renuoyées.

 

Pour confirmer cette verité, nous voyons que lors que les
affaires d’importance qui ont deu estre terminées par toute
vne assemblée, ont esté reglées & decidées apres par vne partie
des Iuges qui composoient ceste assemblée, à l’execution
de leurs autres confreres, on a tousiours reclamé contre tels
iugemens, & ils ont passé pour suspects. Nous en auons des
exemples dans l’histoire Ecclesiastique.

Au Concile de Calcedoine session 16. cela se remarque pour
le reglement & iugement que donnerent les Euesques du ressort
de Constantinople, auec quelques autres de celuy d’Antioche
en faueur du Siege de Constantinople, par la poursuite
& instance des Officiers de l’Empereur, qui le solliciterent,
comme chose qui luy seroit tres-agreable, & ce sans auoir appellé
à ce iugement les Legats du Pape, qui representoient
tous les Euesques d’Occident, ny les Euesques de la Macedoine,
de Thessalie, de l’Isle de Crete & d’Egypte, qui
estoient presens, & Iuges aussi bien que ces premiers, dans
ce Concile. Ceux qui auoient interest, reclament contre ce
iugement, qui fut depuis cassé, declaré nul, & de nulle authorité,
pour estre contre les anciennes coustumes & vsages
d’Asie, contre les priuileges des Sieges d’Orient & d’Alexandrie,
qu’on enfraignoit par ce decret, & contre les formes &
les ordres des Assemblées & des Corps qui tous doiuent auoir
part à ce qui s’y passe, & non pas quelques troupes separées
seulement.

Mais passons outre : Au Concile de Sardique, qui a la
mesme authorité que le Concile de Nicée, les Orientaux au
nombre de septante, qui voulurent se separer de tous les autres
Euesques assemblez à Sardique sur le sujet des accusations
& informations contre Asclepas Euesque de Gaze,
Paul de Constantinople, & sainct Athanase, prononcerent
iugement contre eux ; lequel, (aussi bien que ceste Assemblée
partiales, pour auoir esté faite contre l’ordre de l’Eglise
& les formes ordinaires des Corps & des Assemblées Generales,

-- 19 --

ausquelles des affaires sont renuoyées,) a esté infirmé,
tenu pour suspect, & declaré tel par tout le reste de
l’Eglise.

 

Au Concile d’Ephese Iean Patriarche d’Antioche, à la sollicitation
de Candidianus, qui y agissoit au nom de l’Empereur
Theodose le Ieune, & abusoit de son authorité, (comme
fait icy le sieur Procureur General) auec quelques autres
Euesques de son Patriarchat, voulut faire bande à part,
& prendre connoissance des differends & affaires qui ne se
deuoient traitter qu’auec tous leurs autres confreres euesques,
qui estoient pour cela assemblez à Ephese ; mais leur
entreprise & le jugement qu’ils donnerent contre Cyrille &
Memnon, & sur les autres chefs, furent rejettez & blasmez
par toute l’Eglise, & par toute la terre ; & l’Empereur mesme,
qui d’abord estant surpris & mal informé de l’ordre de
l’Eglise, des corps & des Assemblées, auoit authorisé tel jugement ;
estant par apres esclaircy de cette surprise, condamna
& cassa ledit jugement, comme il se void dans les Actes
du Concile d’Ephese au premier Tome.

Les Orientaux & Occidentaux ayans esté conuoquez à
Arimini par l’Empereur Constance pour mettre fin aux desordres
de l’Eglise, & regler certaines accusations & informations
faites contre Sainct Athanase : ceux qui auoient la
correspondance à la cour de l’Empereur, jugeans qu’il seroit
difficile d’esperer vne corruption entiere du Corps en general,
luy donnerent aduis & conseil d’assembler à part les
Orientaux, desquels ils pretendoient pouuoir venir à bout
plus aysément, que s’ils se joignent aux autres Euesques
qu’ils croyoient disposez à la Iustice, & la protection de l’innocence.
Ce qui fut fait, mais auec vn succez qui a esté blasmé
& condamné, ainsi qu’on peut voir dans les histoires Ecclesiastiques.

Donc on conclud aussi que la separation & le triage, qui se
font dans vn Parlement de certains Iuges pour connoistre
seuls d’vne cause qui estoit renuoyée au Corps entier pour
s’en mesler en general, aussi bien que le jugement qui en

-- 20 --

peut proceder seront tousiours tenus pour suspects, comme
estans contre l’ordre & les formes Iudiciaires du Tribunal
seculier.

 

EN QVATRIEME LIEV, ces Patentes sont contraires
à la dignité des Ducs & Officiers de la Couronne, ainsi qu’il
se iustifie par les exemples de tous ceux qui ont esté jugez
dans les Parlemens, lesquels y ont esté traitté les Chambres
assemblées, comme du Connestable de S. Paul à Paris en l’an
mil quatre cens soixante-quinze, & du Duc de Nemours en
l’an 1477. du Mareschal de Giez à Thoulouse en l’an 1505.
du Chancelier Poyet qui fut jugé & degradé par le Parlement
de Paris en l’an 1545. du Mareschal de Biron en l’an mil
six cens deux, du Mareschal de Lesdiguieres à Grenoble en
l’an 1615. & du Mareschal de Montmorency à Thoulouse en
l’an 1632.

De dire que le Chancelier Poyet estoit chef de la Iustice &
du Corps du Parlement, & que les Mareschaux de Biron &
de Montmorency estoient Pairs, & partant Conseillers des
Parlemens, qui leur donnent ce droit d’estre jugez Chambres
assemblées.

Où lisons nous dans leurs procez & jugemens que l’assemblée
des Chambres leur ait esté donnée à cause qu’ils
estoient Pairs, & non pas à cause qu’ils estoient Mareschaux
de France & Officiers de la Couronne ? On ne monstrera
point d’Ordonnance qui donne le priuilege de l’assemblée
des Chambres aux Officiers des Parlemens, & non pas à
ceux de la Couronne ; Que si les Parlemens n’ont point d’autres
Loix pour attribuer ce droict à tous les Officiers qui
composent leurs Compagnies, que leur vsage & pratique,
qui est tel dans les rencontres de ceux de leurs Corps, qui
tombent en quelques procez criminels & puisque jusques icy
en toutes les Cours Souueraines tous les Mareschaux de France,
Ducs & Officiers de la Couronne, ont esté tousiours jugez
Chambres assemblées ; il y auroit autant d’iniustice aux Parlemens
de les refuser aux premiers qu’à ces derniers de leurs

-- 21 --

Corps, veu que d’ailleurs le Connestable de S. Paul, le Duc
de Nemours Gentil-homme de la maison d’Armagnac, le
Mareschal de Giez, & le Mareschal de Lesdiguieres en 1615.
n’estoient ny Pairs, ny Princes du Sang, & ce pendant ont esté
traittez Chambres assemblées par les Parlemens, où ils ont
esté jugez ; ce qui est sans replique.

 

En apres si la raison fait les loix, establit les ordres & les
coustumes qui sont approuuées : sans doute il n’y a personne
qui ne iuge aussi raisonnable qu’vn Officier de la Couronne
soit traitté Chambres Assemblées, comme vn Officier du
Parlement.

Il y a pour le moins autant de peine à paruenir à cét Office-là,
qu’à celuy-cy. Si c’est l’importance de la personne
d’vn Magistrat de Cour Souueraine, & de son Office, qui le
rende si considerable à l’estat que pour la seureté de sa vie &
le Iugement de son procez, on doiue y apporter la plus grande
precaution qui se peut, qui consiste en l’Assemblée des
Chambres : Sans difficulté puisque la personne d’vn Mareschal
de France, & son Office, qui tient quelques fois en ses
mains le salut d’vn Royaume, est pour le moins aussi vtile &
considerable à la France que celle d’vn Officier de Parlement,
elle merite bien les mesmes soins & discussions au Iugement
de ses affaires. On peut paruenir à vn Office de Parlement
auec beaucoup plus de facilité & moins de Risques qu’aux
Offices de la Couronne & des Mareschaux de France, où il
faut pour l’ordinaire des vingt & trente années de seruices :
& à peine de mille Gentils-hommes, qui tous aspirent à ce
but, vn deux peut-il acquerir cét honneur. Le prix de ces
charges : c’est le Sang & la vie, qu’il faut auoir mille fois exposé
& veu mourir cent mille hommes à ses pieds auant que
d’y paruenir. Ce sont enfin des personnes que la gloire de
l’Estat a formé que la conseruation d’vn pays ou d’vne Prouince,
par le gain de Batailles, ou des combats, a esleué : Et
apres cela ne les iugera-on pas aussi importans à l’Estat, qu’vn
Conseiller d’vn Parlement, qui pour sa seureté doit estre iugé
Chambres assemblées ?

-- 22 --

C’est donc auec vn grand fondement qu’il y a eu opposition
à telles Lettres Patentes pour tous les Officiers de la Couronne,
qui sans estre entendus, ny parties en ce procez de
Grenoble, perdent vn droit contre lequel il n’y eut iamais de
preiugé semblable de nos Roys.

Le sieur Procureur General ne trouuant aucun autre traitement
que Chambres assemblées, pour le regard des hommes
qui ont esté Officiers de la Couronne, pourroit alleguer
dans le sexe feminin la Mareschalle d’Ancre, qui ne fut iugée
que par la grande Chambre, la Tournelle & l’Edict. Mais
outre que ce droict pourroit estre personnel aux hommes sans
passer aux femmes, comme les femmes des Ducs & Pairs, &
les Princesses ont dans la Cour des Roys & des Reynes certains
priuileges qui ne passent pas à leurs maris : Cela ne
fait aucune consequence contre Monsieur de la Mothe, attendu
qu’on ne remarque pas ny dans le procez de ladite Mareschalle,
ny dans les Registres du Palais qu’elle ait requis
l’assemblée des Chambres ; C’est pourquoy on ne luy donna
pas.

On void dans les Ordonnances de Moulins, qu’il est porté
par expres que les Gentils-hommes pourront estre iugez par
la grande Chambre & la Tournelle, s’ils le requierent ainsi ;
autrement qu’ils seront iugez par la Tournelle seule : De sorte
que de mesme qu’il n’y auroit aucune consequence valable
à tirer de l’exemple d’vn Ecclesiastique, ou d’vn Gentil-homme,
qui seroit iugé à la tournelle, (comme plusieurs
l’ont esté, faute d’auoir demandé leur renuoy à la grande
Chambre) pour monstrer que les Gentils-hommes n’ont pas
le priuilege d’y estre iugez ; aussi de l’exemple de la Mareschalle
d’Ancre, on ne peut rien en inferer, puis qu’elle ne requist
l’Assemblée des Chambres qui luy appartenoit. Il fut
bien proposé par aucuns dans le Parlement de la iuger Chambres
Assemblées, mais il fut dit conformément à l’Ordonnance
de Moulins que puis qu’elle ne le requeroit pas, il n’estoit
pas à propos de le faire ; joint que le Mareschal d’Ancre
son mary n’ayant pas presté le serment en Parlement,

-- 23 --

n’estoit pas reconnu par luy pour Officier de la Couronne.

 

Mais cette derniere exception n’a pas de lieu en Monsieur
le Mareschal de la Mothe, bien qu’il n’ait pas encor presté
serment au Parlement de Paris, puisque du moment qu’il a
esté en Catalogne, il n’a cessé d’estre à la teste d’vne armée
pour arrester & combattre les plus grandes puissances d’Espagne,
qu’il auoit sur les bras ; & a demeuré dans cét employ
auec tant d’attache & de necessité de ne le pouuoir quitter,
qu’il n’eut pas l’honneur de voir le Roy en Roussillon, ny
de receuoir mesme de sa main le baston de Mareschal de France,
bien qu’il n’en fust esloigné que de vingt-cinq ou trente
lieuës. Ce qui monstre que ce manquement de serment du
Mareschal d’Ancre n’a pas de lieu en luy : & comme il auoit
quitté son employ pour reuenir à Paris, & prester ledit serment
au Parlement, il a esté arresté sur le chemin, à Lion, de
sorte qu’on ne peut luy objecter ce defaut pour le priuer de
ce droict des Chambres Assemblées, ny celuy de n’auoir pas
fait la requisition desdites Chambres, puis qu’il les a demandées.

En second lieu, les Officiers de la Chambre des Comptes,
qui ne prestent ny serment au Parlement, qui n’y ont iamais
voix, & ne sont pas du Corps ; neantmoins pour estre Officiers
d’vne Compagnie Souueraine, en cas de delicts, ils ont
le priuilege d’estre iugez Chambres assemblées, à plus forte
raison les Mareschaux de France qui sont Officiers de la Couronne,
sont bien fondez à auoir ce droit, eux qui prestent le
serment au Parlement, & qui y ont voix & seance dans les
plus augustes Assemblées qu’il ait, lors que le Roy y est present
dans son lict de Iustice.

Et pourueu enfin que Monsieur le Mareschal de la Mothe
soit aussi bien traité que la Mareschalle d’Ancre pour le nombre
de Iuges, il aura tout le Parlement de Grenoble, Chambres
assemblées, puisque le nombre de tous les Iuges dudit
Parlement ne passe pas celuy de la grande Chambre de Paris,
de la Tournelle & de l’Edict.

-- 24 --

EN CINQVIESME LIEV, pour fortifier ces raisons
nous adioustons celle qui suit, laquelle est sans [1 mot ill.] &
peremptoire selon le fondement des Parlemens, qui tiennent
que leurs Officiers doiuent estre traittez Chambres assemblées :
Auant laquelle il faut sçauoir que Monsieur le Mareschal
de la Mothe est recherché pour les actions qu’il a faites
durant qu’il a esté Vice-Roy de Catalogne. Voicy les termes
de la Commission de son procez donnée à Amiens le 17.
Iuin 1647. Signée LOVYS, & plus bas, LE TELLIER,
Enregistrée au Parlement de Grenoble.

Les plaintes que nous auons receu des maluersations preiudiciables
à nostre seruice commise par Philippes de la Mothe Houdancourt,
Mareschal de France, en l’exercice de la charge de Vice-Roy
en la Prouince de Catalogne, particulierement en la distribution
de nos deniers destinez pour le payement & solde de nos armées,
nous ayans obligé de nous asseurer de sa personne, &c. Cela estant,
nous disons premierement que Monsieur le Mareschal de la
Mothe par la qualité de Vice-Roy est Chef & President de
la Souueraine & Royale Compagnie de Catalogne, qui est
le Parlement du pays, composé de trois Chambres, desquelles
les Iugemens sont sans appel, & dont les Conseillers ont
des priuileges égaux à ceux des Grands d’Espagne, & qui leur
ont esté conseruez par le Roy dans l’vnion de Catalogne à
cette Couronne.

Et partant si estre President, Chef ou Conseiller dans vn
corps Souuerain de Iustice, donne le priuilege d’estre iugé
Chambres assemblées, on ne le peut denier à Monsieur le
Mareschal de la Mothe au Parlement de Grenoble, ny ailleurs
où il sera, comme il sera entrepris & poursuiuy en qualité
de Vice-Roy, & pour les actions qu’il a faites pendant
l’exercice de cette dignité. Ce qui fait connoistre euidemment
que les patentes enuoyées qui le reduisent à la troisiéme
Chambre, sont contraires à ladite Commission, laquelle
portant que cette recherche est pour les actions qu’il a faites
pendant qu’il a esté Vice-Roy, on le doit aussi traitter selon

-- 25 --

l’excellence, la grandeur, & les prerogatiues de ladite charge :
& par consequent comme nous auons dit, si l’vn des attributs
d’icelle charge est d’estre Chef & President d’vn Parlement
Souuerain, il emporte de là le droit de l’assemblée des Chambres
au jugement de sa personne.

 

En apres, la lecture des prouisions de Vice-Roy qui sont inserées
au premier Factum ; fait connoistre que le Vice-Roy a
luy seul plus d’authorité, de souueraineté, & de participation
à l’hauthorité Royalle que tous les Parlemens du Royaume
ensemble, ainsi qu’il se peut voir par les mesmes droits qu’il a
communs auec les Parlemens, & ceux dont il iouyt que les
Parlemens n’ont pas, comme le droit d’abolition pour les
crimes de leze Majesté au premier & second Chef : le pouuoir
de remettre tant ceux-là, que tous les autres de grace speciale
& selon son bon plaisir, commuer les peines de mort en amendes
pecuniaires telles qu’il luy plaist ; les saufs conduits pour
les crimes ; Ce que les Parlemens n’ont iamais eu droit de faire,
ny entrepris, ainsi qu’il paroist par les deux plus Souuerains
Senats de la Chrestienté qui sont ceux de milan, & de
Naples : lesquels à cause de l’absence & grand esloignement
des Roys d’Espagne ont par leurs concessions ; selon que rapporte
Bodin, tous les droits imaginables de la Royauté, excepté
les saufs-conduits pour les crimes, & le pouuoir de donner
les graces qui sont reseruees ausdits Roys. Et partant si le
Vice-Roy est ainsi au dessus des Cours Souueraines par telles
prerogatiues, on ne luy sçauroit desnier le droit & le priuilege
qu’à le moindre Officier desdits corps, comme estans
membre & partie d’iceux, d’estre iugé Chambres assemblées.

En vn mot celuy qui a droit de vie & de mort sur tout le Parlement
de Catalogne, qui se nomme autrement l’Audience
Royale ; sur tous les Archeuesques & Euesques : sur tous les
Ducs, Marquis, Comtes, & Barons de la Prouince ; qui est
au dessus des Loix & des formes : sera il traitté auec moindre
precaution & solemnité que le moindre Conseiller de France
ou de Catalogne ne seroit s’il estoit mis entre les mains d’vn
Parlement ? Et toutes ces grandeurs seront elles abaisées pour

-- 26 --

estre reduit par ces Lettres Patentes aux mesmes Loix, suiettions
& traittemens que les moindres gaigne-deniers de
Dauphiné.

 

Et il ne sert de rien au Sieur Procureur General de dire, que
Monsieur le Mareschal de la Mothe n’est plus Vice-Roy, ny
Chef & President d’vn Parlement, & d’vn Corps souuerain,
& partant qu’il ne doit pas estre traitté auec l’honneur deu à
cette grande dignite, ny auec le priuileges des Officiers de
Parlement : D’autant que si on luy faisoit son procez pour sa
conduitte depuis Narbonne iusques à Lion lors qu’il retournoit
de son employ, veritablement il y auroit plus de couleur
aux subtilitez dudit Sieur Procureur General, bien que ces
caracteres & impressions d’honneur ne s’effacent pas en quinze
iours : Mais puisque c’est comme nous auons dit, pour
l’exercice de cette charge, il n’y a point d’emplastre pour couurir
cette atteinte & attaque de la Patente.

Pour le mieux persuader, nous luy citerons les Loix des
Empereurs, tandis qu’il n’oppose que leur puissance pour faire
faire ce qu’il desire, Honorius & Theodose en la Loy, Nemo
post depositum cingulum. C. vbi de ratiociniis. ordonne que ceux
qui apres auoir quitté la milice pour mener vne vie priuée,
estoiẽt mis en procez & accusez pour choses faites durant leur
milice, respondissent & rendissent compte de leurs actions au
mesme tribunal de Iustice, comme ils estoient encor actuellement
soldats, & dans la faction de la guerre, sans qu’on pûst
sous quelque pretexte que ce fust : le traiter autrement, ny deuant
d’autres Iuges.

En outre le Sieur Procureur General doit auoir appris par
son Droict escrit, que dans l’Empire il n’estoit pas loisible de
faire aucune recherche contre les Gouuerneurs de Prouinces,
les magistrats qui y estoient enuoyez pour y rendre la Iustice,
les Consuls, Preteurs & Proconsuls durant l’exercice de leurs
charges, mais qu’il falloit attendre que le temps de l’administration
de leurs emplois fûst expiré ; apres lequel ils estoient
obligez de demeurer six semaines dans les Prouinces, qu’ils
auoient gouuernées, sans charge, pour voir si les peuples que

-- 27 --

la crainte ne deuoit plus retenir, ne feroient pas des plaintes
de leurs mauuaises conduitte & exactions, lege vnica, Cod. vt
omnes Iudices, &c. & quand tous les hommes qui auoient passé
par ces dignitez, estoient traitez au mesme tribunal de Iustice,
& auec les mesmes formes & solemnitez que les Senateurs ; &
que si possedans encor actuellement leurs charges, ils eussent
esté, ou pû estre accusez, ainsi qu’il paroist par la Loy quoties
viro, Cod. vbi Senatores velclarissimi, &c. laquelle nous rapporterons,
puis qu’elle decide ceste question, & ferme la bouche
à la foible objection du Sieur Procureur General, afin qu’il n’allegue
plus cette defense : Quoties viro patricio aures patricio, vel
ei quem Pretorianæ vel vrbicarie amplissime sedis administratio illustrauit,
vel consulari viro quem tam ordinaria professi, quam sacra
nostræ pietatis pariter sublimauit oratio, &c. vel qui magistri officiorum
vel Quæstoris officio functus, aut sacro nostræ pietatis Cubiculo
præpositus, post depositam administrationem, &c. Crimen publicum
priuatum vel ingeratur, &c. nullius altorius iudicis nisi nostræ pietatis
huiusmodi esse cognitionem, &c. & cela est aussi sans difficulté
dans tous les Parlemens du Royaume, ou on traitteroit vn
homme Chambres assemblées, apres auoir quitté sa charge,
conformément au droit des Senateurs qui sont actuellement
Officiers, s’il estoit entrepris & mis en Iustice pour les actions
qu’il auroit faites & gerées en l’exercice & en la charge de President
ou de Conseiller, comme il est decidé en pareil cas dans
celuy de Grenoble par la question 377. de Guy Pape fondée
sur la Loy vnique, Cod. de Comitibus qui prouincias regunt, lib. 12.

 

D’où l’on cognoist que l’on a eu suiet de s’opposer à ces Lettres
Patentes comme contraires à la dignité des Vice-Roys &
aux droitts des Officiers de Parlement.

Deplus, l’éuocation de ce Procez ayant esté faite à Grenoble
de propre mouuement du Prince, sans la requisition des
parties, mesme contre le gré du Sieur Mareschal de la Mothe,
qui demendoit son renuoy deuant ses Iuges naturels, qui sont
Messieurs du Parlement de Paris ; ledit renuoy n’a pû estre auec
d’iminution des droits & auantages qu’il auroit audit Parlement
de Paris, d’où il est distraict ; où, quand il ne seroit pas

-- 28 --

consideré, ny comme Vice-Roy, ny comme Duc & Mareschal
de France, par sa seule qualité de Gentil-homme, il auroit
autant & plus de Iuges dans la grande Chambre, la Tournelle,
& l’Edict, qu’il n’y en a dans toutes les quatre Chambres
du Parlement de Dauphiné.

 

Sa Maiesté tesmoigne par ses Lettres de renuoy au Parlement
de Grenoble, qu’elle ne le fait qu’à cause qu’il estoit le plus
proche du Sieur Mareschal. Ores si par Patentes on le vouloit
asteindre & reduire à vne seule Chambre du Parlement de
Grenoble, sous pretexte que c’est la coustume dudit Parlement,
enquoy on a vsé de surprise manifeste au Roy & à la
Reyne Regente, n’auroit-on pas sujet de croire que ce renuoy
auroit esté mendié & procuré par les ennemis du Sieur Mareschal
à d’autres fins, sous l’esperance de faire traitter son
procez par peu de Iuges, & dans vne seule Chambre dudit Parlement ?
Ce qu’estant contre la bonté, iustice, & intention
de Sa Majesté, il ny a pas aussi lieu de disputer audit Sieur Mareschal
au Parlement de Grenoble le pareil nombre de Iuges
qu’il auroit eu au Parlement de Paris, comme simple Gentil-homme,
puis qu’il a auec cette qualité au present procez, celles
de Mareschal de France, de Duc, de Vice-Roy, de General
d’armée, & de Chef d’vn Parlement Souuerain, qui ne
luy doiuent pas diminuer les prerogatiues des Gentils-hõmes
mais plustost les augmenter.

SIXIEMEMENT, ces Lettres patentes sont contraires à l’vsage
du Parlement de Grenoble, & aux exemples qui sont
dans ces registres, qui furent ouuerts, & consultez pour former
ceux qui s’y rencontreroient, le modele de ce qu’il y auroit
à faire en ce procez, touchant la requeste qui luy estoit
presentée.

Là il fut trouué que le 12. Aoust 1575. Monsieur de Montbrun
criminel d’Estat auoit esté iugé toutes les Chambres
assemblées. Si iamais il y auoit eu lieu d’obseruer les vsages &
les Loix ordinaires de ce Parlement, c’estoit au procez & en
la personne de ce prisonnier qui estoit de son ressort Cependant
à cause quil estoit Gentil-homme qualifié de la Prouince

-- 29 --

il fut iugé Chambres assemblées, n’y ayant point d’exemple
de prisonnier d’Estat en ce Parlement, qui ait esté iugé autrement.
Donc le Parlement pour estre vniforme auec soy-mesme
n’a pû prendre connoissance de l’affaire de Monsieur
le Mareschal de la Mothe que toutes les Chambres assemblées,
principalement ayant au dessus dudit Sieur de
Montbrun, les trois dignitez de Duc, de Mareschal de France,
& de Vice-Roy.

 

D’ailleurs ce pretendu vsage & fondement allegué dans
lesdites lettres, qu’au Parlement de Grenoble les procez
sont d’ordinaire continuez & iugez en la seule Chambre ou
Bureau, dans lequel passe le Commissaire ou Rapporteur, n’a
lieu que pour les causes ordinaires, mais non en celles, ausquelles,
selon le droit escrit obserué dans ledit Parlement,
la qualité des parties merite vne plus solemnelle discussion,
qui se fait en ce cas-là, Chambres assembles. Il a esté pratiqué
ainsi en la cause de Monsieur le Mareschal de Lesdiguieres
le huictiéme Auril 1615. lors qu’il n’estoit ny Duc, ny
Pair de France, & en autres personnes de condition inferieure,
comme en Monsieur de Montbrun, ainsi que nous
auons dit, Gentil-homme, chef d’vne armée Huguenotte,
dont la plus legitime qualité estoit d’auoir esté Mareschal de
Camp sur la fin du regne du Roy Henry II. & neantmoins il
fut iugé Chambres assemblées ledit iour douziéme Aoust
1575 & depuis peu le Sieur de Rongnac Conseiller au Parlement
de Prouence fut le dixiéme Decembre 1643. iugé au
mesme Parlement en vne cause euoquée auec pareille solennité :
ce qui n’eust pas esté pour ce dernier au Parlement de
Paris, ou le droit Romain n’estant pas pratiqué, les Officiers
des autres Parlemens sont seulement iugez à la Tournelle, ou
en la grande Chambre en cas qu’il la requierent, aux termes
de l’Ordonnance de Moulins, ce que ledit Parlement iugea
en la cause du Sieur de Fouenel Conseiller au Parlement de
Bretagne au mois de May 1647.

Voylà donc pourquoy le Parlement de Grenoble auec
grande connoissance de cause, & apres la lecture de ses Registres

-- 30 --

en presence du Procureur General, suiuant les vsages
& coustumes, receut la Requeste de Monsieur le Mareschal
de la Mothe, & là decreta Chambres assemblées, nonobstant
les oppositions & menées dudit Sieur Procureur General qui
n’alleguoit pas dans l’assemblée dudit Parlement ses Coustumes,
pour l’obliger à ne prendre pas connoissance de cette affaire,
mais employoit le nom & l’authorité du Roy pour l’en
diuertir ; & à Paris au Conseil, selon qu’on peu voir par les
Lettres patentes, il n’a pas meu sa Majesté à les octroyer sur
le fondement de sa puissance absoluë, ce qu’elle n’eust pas fait,
reglant son authorité par sa iustice, mais bien sous ce specieux
pretexte que c’estoit la forme & la coustume du Parlement
de Grenoble de traitter de la sorte ledit Sieur Mareschal : ce
qui est contraire, à l’vsage dudit Parlement que nous venons
d’alleguer, & qu’il n’y a aucune apparence qu’vn Parlement,
qui procede auec beaucoup de retenuë & de moderation, eust
donné contre ses formes cinq ou six Arrests Chambres assemblées
auant l’arriuée des Lettres patentes, comme il a
fait dans cette affaire, à laquelle s’opposoit auec tant de violence
le Procureur General ; qu’à cause aussi que ledit Parlement
a refusé d’enregistrer lesdites Lettres patentes, & a receu
les oppositions dudit Sieur Mareschal à l’execution d’icelles,
tesmoignage euident qu’elles estoient contre leur ordre
& coustume. Autrement sans auoir esgard aux oppositions
dudit Sieur Mareschal, il eut, comme requeroit le Sieur
Procureur General, enregistré lesdites lettres, ce qu’il n’a
voulu faire.

 

Le Parlement de Grenoble parce Renuoy a iugé que lesdites
Lettres patentes estoient contraires au droit escrit & commun
qu’il pratique ; en ce que par la Loy troisiéme Cod. vbi Senatores,
vel clarissimi ciuiliter vel criminaliter conueniantur, il est
ordonné que si les personnes de qualitez nommées en ladite
loy ont commis post depositam administrationem crimen publicum
priuatumve, soient iugées en la forme la plus auguste & solennelle
qui fut alors pratiquée dans l’Empire, & autrement que
les personnes de condition commune, & la forme de iugé

-- 31 --

Chambres assemblées estant la forme plus solennelle pratiquée
au Parlement de Grenoble, il a jugé tousiours de cette
sorte les personnes Illustres, & Clarissimes, & procedoit ainsi
au jugement de l’affaire de Monsieur de la Mothe qui se trouue
auoir trois qualitez, dont chacune, & la moindre, le comprend
en cette Loy : Il a esté Vice-Roy, qui est la qualité moderne
qui succede aux Prefects du Pretoire, la plus haute dignité
de l’Empire. Tous les Autheurs qui ont escrit des Vice-Roys
le prouuent, comme 10. Franciscu[1 lettre ill.] de Ponte, de potestate
Pro regis, Ioannes Baptista de Toro & Antonius Surgens in Neapoli
illustrata. Le Duc d’Ossonne dans vn Factum le represente
ainsi à sa Majesté Catholique, ce qu’estant, il doit ioüyr
du priuilege de la Loy aussi bien que les Pairs qui succedent
aux Patrices qui sont mentionnez dans ladite Loy, comme
Monsieur le Chancelier au Questeur, qui estoit le Chancelier
des Empereurs.

 

En apres Monsieur le Mareschal de la Mothe doit encor
estre reputé du nombre des Senateurs compris dans la Loy,
ayant esté deux fois Conseiller de Parlement ; en ce que comme
Lieutenant General du Roy en Bourgongne, & en Bresse,
il a presté le serment au Parlement de Dijon, auquel il a
esté receu & a eu voix deliberatiue. Il a encor esté non seulement
simple Senateur, mais President du Parlement & Conseil
Royal de Catalogne, ainsi qu’il paroist par ses prouisions
de Vice-Roy page 3. & 4. & en faisoit effectiuement les fonctions,
donnant & signant les Arrests.

Ladite Loy troisiéme comprend elegamment les Generaux
d’armées en ces termes, Qui Magisteriæ potestatis sudoribus Clarus
factus est, où est à remarquer que cette haute charge est
appellée de l’Empereur par excellence Magisteria potestas
Monsieur le Mareschal de la Mothe a eu l’honneur d’y paruenir
sudoribus aux termes de la Loy, ayant depuis l’aage de quatorze
ans continué dans le mestier, couru en hazardant sa vie ;
mille dangers auant que de paruenir à cette grande qualité,
en laquelle il a fait assez de belles choses pour dire auec la
Loy Clarus factus est. Apres quoy, en bonne iurisprudence

-- 32 --

c’est vne illusion à Iustice de dire comme font les Patentes,
que Monsieur le Mareschal de la Mothe n’a qualitez ny priuilege
pour estre iugé Chambres assemblées dans vn Parlement,
specialement où par le droit escrit & selon les Loix, quand il
ne seroit pas Mareschal de France, Duc, Vice-Roy, & Chef
d’vne Cour Souueraine, & qu’il n’auroit que la seule qualité
de General d’armée, elle seule suffit comme nous venons de
dire suiuant ladite Loy, pour le faire juger Chambres assemblées,
& en la mesme façon que les Senateurs ; & Conseillers
des corps des Parlemens, C. vbi Senatores, vel viri Clarissimi
criminaliter conueniantur.

 

En effet si c’est la coustume qu’au Parlement de Grenoble
les procez suiuent tousiours les Commissaires sans exeption
de qualité, & de merite personnel, pourquoy enuoyer des
Lettres Patentes pour apprendre audit Parlement ses vsages &
coustumes ; ce seroit en ce cas là vne marque que ledit Parlement
manqueroit de suffisance en sa direction & conduitte.
Car ou ces Lettres Patentes sont données pour luy apprendre
ce qu’il doit faire, ou pour luy faire faire ce qu’il ne doit pas :
Le premier est contre l’honneur & la sagesse du Parlement,
qui est remply de personnes consommées dans la connoissance
des Loix & des Ordonnances, & notamment dans la
pratique, vsage, & experience des choses de leur ressort. Le
second est contraire à la Iustice & à la pieté de nos Roys. Les
Registres du Parlement de Dauphiné sont à Grenoble, &
non pas à Paris. Et on peut dire auec le respect deu à Monsieur
le Tellier, qui a signé en commandement cette patente, qu’il
a trop d’occupation pour sçauoir mieux ce qui se doit faire à
Grenoble en ce procez, que les Magistrats qui y sont, qui ouurent
& lisent lesdits Registres tous les iours pour y trouuer
la regle de leur conduite.

En vn mot, on pourroit alleguer ce qu’autresfois respondirent
les Legats du Pape, au Concile de Calcedoine, à Anatolius,
qui faisoit instance audit Concile de faire vn Decret en
faueur des Euesques de Constantinople pour leur donner la
seconde seance dans l’Eglise, & les prerogatiues d’honneur

-- 33 --

apres les Euesques de Rome, sous pretexte, disoit-il, qu’ils
estoient en possession de ce priuilege depuis la tenuë du second
Concile general de l’Eglise. Si les Euesques de Constantinople, repartirent
ces Legats, en ont ioüy, qu’est-ce qu’ils demandent ? &
ils n’en ont pas ioüy, pour quelle raison le demandent-ils ? Ainsi nous
disons. Si c’est la coustume du Parlement de Grenoble que
Monsieur le Mareschal de la Mothe soit traitté en la troisiéme
Chambre, qu’est-ce que requierent ces Patentes ? Et si on en
vse autrement, pourquoy est-ce qu’elles le demandent ?

 

Act. 16.
du Concile
de
Calcedoine.

Autresfois S. Cyprian escriuant au Pape Estienne à Rome,
luy demanda qu’il n’estoit pas mal aisé de le surprendre pour
les choses qui se passoient en Afrique, à cause de la distance
des lieux : Mais aussi que ceux-là qui luy imposoient, estoient
plus coupables, que luy qui se laissoit surprendre. Nec enim
tam culpandus est ille, cui negligenter obreptum est ; quàm ille execraudus,
qui fraudulenter obrepsit.

Lib. 1.
epist. 4.

Aussi certes le sieur Procureur General qui a donné de faux
memoires à Paris, & dépeint l’vsage de son Parlement en telle
rencontre que celle-cy, tout autre qu’il n’est pas, doit estre le
seul blasmé d’auoir surpris la Iustice de Sa Majesté.

EN SEPTIEME LIEV, Telles Lettres patentes extraordinairement
enuoyées afin d’interrompre par vne authorité
supreme, les deliberations que faisoit le Parlement de Grenoble,
toutes les Chambres assemblées, sont contre l’intention
de la Reyne, qui auoit renuoyé le procez de Monsieur le Mareschal
de la Mothe, pour estre solennellement iugé au Parlement
de Grenoble, & non, comme veulent lesdites Lettres
patentes, en vne troisiéme Chambre, quelques Commissaires
appellez des autres Chambres, chose contraire à ce que Sa
Majesté a si publiquement promis que pendant sa Regence elle
ne permettoit pas qu’aucun fust iugé par Commissaires, ou
Iuges extraordinaires & choisis, laissant au Parlement la liberté
entiere de iuger selon leurs coustumes & selon les Loix du
Royaume. Et veritablement les peuples ne se peuuent promettre
que bonté de la part d’vne si grande Princesse pendant

-- 34 --

la douceur de son Regne, qui surpasse en gloire & en Iustice
celuy des autres Regences, desquelles neantmoins n’ont iamais
permis l’infraction des sainctes & religieuses Ordonnances,
qui defendent les Commissaires : de sorte qu’on peut
croire que telles Lettres qui en establissent, sont contre la volonté
& pieté de la Reyne, qui iusques à present a tesmoigné
tant d’auersion à ces nouueaux establissemens de Iuges ou
Commissaires, contre la regle & l’ordre ordinaire de la Iustice.

 

On a veu dans le premier Factum comme les iugemens faits
extraordinairement contre les grands hommes, ont esté blasmez
dans l’histoire, & qu’au contraire ceux qui ont esté faits
solennellement par les Parlemens, sont dans l’approbation
de la posterité, loüez & exaltez dans nos Annales comme
actions de Iustice.

Les Royaumes & les Republiques ont tousiours pris tant
d’interest dans la conseruation des hommes de haute qualité,
& qui auoient bien merité de la Republique, que lors qu’il
s’est agy de leur vie auec leur honneur, ils y ont apporté de
grandes precaution & solennitez.

Aufrerius & Du Tillet rapportent, que la Coustume de
France oblige nos Roys d’assister en personne au iugement des
Pairs, les autres Pairs prealablement conuoquez ; ce que
leurs Majestez ont fait aussi pour les Officiers de leur Courõne,
ainsi qu’il se voit au procez d’Enguerrand de Marigny Grand
Chambellan de France : le Roy Louys Hutin assista au Conseil,
dans lequel il fut Decreté contre luy ; & lors qu’il fust mené au
bois de Vincennes pour plaider sa cause, le Roy presidoit à
l’Audience.

Voila le dernier procez fait à vn Officier de la Couronne
auant l’establissement des Parlemens, qui furent instituez en
la sorte qu’ils sont auiourd’huy par le mesme Roy Louys Hutin.
Et il n’est pas vray-semblable qu’ayant transporté aux
Parlemens l’authorité royale pour iuger les Pairs & Officiers
de la Couronne, il eust voulu qu’ils ne les eussent pas traittez
en corps, & iugez auec moins de solennité que les roys faisoient
auparauant en personne. Leurs Majestez depuis l’establissement

-- 35 --

des Parlemens, n’ont plus assisté aux procez criminels,
si ce n’est à ceux des Princes de leur sang, comme firent
Philippes de Valois, Charles VII. & François I. à ceux de
Robert d’Artois, du Duc d’Alençon, & du Connestable de
Bourbon.

 

A cause de cette solennité accoustumée aux Princes du sang,
le Parlement de Paris ne voulut point toucher au procez du
Duc d’Alençon que le Roy ne fust present. Sur cela il est à
croire que si le petit nombre de Iuges, ausquels est renuoyée
par Lettres patentes, à l’exclusion des autres, l’affaire de
Monsieur le Mareschal de la Mothe, n’a point d’égard aux
Veniat, & citations, dont le menace le sieur Procureur General,
qu’ils ne voudront pas toucher à cette affaire, & y manquant
la solennité des Chambres, & la pluralité des Iuges
deuës à ses dignitez & à sa condition.

Pour les Parlemens, ils ont tonsiours traité, comme nous
auons monstré cy-dessus, les Officiers de la Couronne, & les
Ducs, Chambres assemblées, & auec des formes respectueuses.
Au Connestable de S. Paul le Parlement de Paris (au rapport
de Flauin en son Liure des Parlemens de France, & de Papon,
liure 4. titre 4. Arrest second) mit en deliberation s’il
iroit trouuer le prisonnier en la Bastille, ou si on le feroit venir
à la Cour. Il fut resolu que le Parlement iroit trouuer vn Connestable
en la Bastille.

Pour iuger le Duc de Nemours, toutes les Chambres du Parlement
furent à Noyon. Voicy ce que porte l’extrait tiré des
Registres dudit Parlement touchant ce procez. Le dernier iour
de cettuy mois de May 1477. Messieurs les Presidens, Conseillers,
Gens tenans les Requestes du Palais, Greffiers, Notaires, Huissiers,
& autres Officiers de la Cour de Parlement, s’en sont allez à Noyon
tenir le Parlement, pour paracheuer le procez du Duc de Nemours,
& ce par le commandement & ordonnance du Roy nostre Sire, ainsi
qu’il appert plus à plein par certaines Lettres enuoyées par ledit Seigneur
à ladite Cour, enregistrées au Greffe Criminel d’icelle Cour. Et
ledit iour furent destenduës toutes les Chambres, & les tapis de fleurs
de lys, auec le lict de Iustice, estant en vn coffre en la Chambre des Enquestes,

-- 36 --

& portez audit lieu de Noyon. Ce fut Monsieur le Chancelier
d’Oriote qui luy prononça l’Arrest.

 

Le Parlement de Thoulouse jugea auec pareille solennité
le Mareschal de Giez, & en la commission de son procez addressée
audit Parlement, on void auec quelles considerations
les Roys entendent que soient traittez les hommes de cette
condition, puisque ladite Commission porte qu’on adjousta
à tout le Parlement de Thoulouse treize des plus grands
hommes de la robe, pris dans tous les Parlemens de la France,
le Roy ne croyant pas qu’vne Cour Souueraine entiere à
cause de l’absence des Iuges Ecclesiastiques, ou de quelques
autres malades, ou recusez, fust nombre suffisant pour le Iugement
d’vn tel procez. Voicy sur cela les termes de ladite
Commission Pource qu’en nostre Cour de Parlement il y a certain
nombre de gens d’Eglise & autres, qui pour maladie, recusation,
ou autrement, pourroient estre empeschez & rejettez a’y assister,
& que desirons qu’au Iugement d’iceluy procez y ait vn bon nombre
de bons & grands personnages, Au lieu d’iceux auons de nostre
authorité institué & ordonné, ordonnons & instituons en tant que mestier
est, Conseillers en ladite Cour pour cette matiere tant seulement
au lieu des dessusdits ; Sçauoir nos amez & feaux Conseillers, Mess.
Christofle de Carrieueran President du Parlement à Paris, Iean de
Selua President en Normandie, Mess. Iean Nicolay, Antome de
Prat Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, Mess. Pierre
de Saint André Iuge-Mage de Carcassonne, Accurse, Maynier,
Philippes des Astars, Claude de la Sale, Estienne Buynaut, Guillaume
de Besançon, François de Luyne, Iean de Maneuille, & Simon
de Maisonnets, lesquels treize, &c. voulons & ordonnons assister
& estre des Iuges à la connoissance & decision dudit procez, comme
dit est, &c.

Au Iugement du Mareschal de Biron, l’Histoire remarque
qu’il y auoit cent dix Iuges, presidez par Monsieur le chancelier
de Bellievre, Les Roys ayans desiré mesme d’ordinaire
que leurs Chanceliers ou Gardes des Seaux assistassent à tels
Iugemens, & qu’il y eust des Presidens au Mortier pour
Commissaires, encor que les autres sujets n’ayent en pareils

-- 37 --

accidens que des Conseillers, & ce afin que les Arrests s’en rendissent
auec plus d’esclat & de solennité.

 

De sorte que s’il y auoit eu lieu d’enuoyer de nouuelles
Patentes apres l’attribution faite de l’affaire de Monsieur le
Mareschal de la Mothe au Parlement de Grenoble, il y auoit
à esperer (afin que le Iugement en fust aussi solennel, que
ceux que nous auons veu cy-deuant la pareille condition,)
que ce deuoit estre, non pour retrancher le nombre des Iuges,
mais pour l’augmenter, & en joindre d’autres au petit
nombre qui se trouue dans ledit Parlement, dont les Chambres
assemblées ne peuuent monter qu’à trente ou trente-cinq
Iuges, si on en excepte ceux qui sont absens & malades,
ou qui n’en peuuent connoistre à cause de leur profession. Il
est donc bien manifeste à iuger par telles formes solemnitez
& circonstances qui se sont tousiours obseruées dans tous les
procez des Officiers de la Couronne, qu’ils ne doiuent pas
estre traitez comme les simples Gentils-hommes ou paysans
de Dauphiné, & partant que lesdites Patentes sont contre
les intentions de sa Majesté qui ne voudroit rien obmettre
en pareil cas de ce qui a esté pratiqué auec approbation par
les Roys.

Il importe à l’honneur du Prince, qu’vn sujet qui est mis
en Iustice, soit traitté auec toutes les formalitez les plus solennelles
qui se peuuent. C’est pourquoy autrefois on faisoit
l’instruction publiquement, afin que la voix publique prononçast.
La Iustice dépend tellement & si essentiellement des
formalitez, que quiconque manque à la moindre, on donne
à cette action tout autre nom que celuy de Iustice. Si Monsieur
le Mareschal de la Mothe, lors que le sieur Procureur
General de Sa Majesté le poursuiuoit deuant tout vn Parlement,
demandoit vn petit nombre de Iuges ; ledit sieur Procureur
General entreroit auec raison en suspition de ses demandes :
Mais demandant tout le Parlement, il tesmoigne
bien par là qu’il n’espere rien qu’en la bonté de sa cause & en
l’integrité des Iuges.

Aussi Cui bono le Sieur Procureur General tesmoigne-il tant

-- 38 --

affecter que le Parlement entier soit osté à Monsieur le Mareschal
de la Mothe pour luy donner vn petit nombre de Iuges
choisis & tirez ? S’il estoit coupable ; ne le seroit-il pas
aussi bien aux yeux de tout vn Parlement comme d’vne seule
Chambre ? S’il n’est pas coupable, pourquoy veut-il s’attacher
à luy donner peu de Iuges ? En ce cas-là l’affectation &
l’opinion qu’il auroit de ceux qu’il choisiroit, leur seroit peu
obligeante : Monsieur le Mareschal de la Mothe estime toutes
les Chambres en particulier l’vne comme l’autre, & espereroit
se iustifier en la troisiéme sans difficulté s’il l’auoit reconnuë
pour le iugement de son procez, mais il ne veut pas donner
lieu au sieur Procureur General de dire en ce cas là que ce
petit nombre de Iuges qui l’auroit absous, n’auroit pas esté
bien esclairé de sa conduite en Catalogne, ou volontiers
qu’il en auroit gagné vne partie. Il souhaitte donc tout le
Parlement & plusieurs Iuges, afin qu’il n’ait luy-mesme aucun
sujet de se plaindre de se condemnation, ou pour oster
toute sorte d’excuse audit sieur Procureur General de sa iustification.

 

Si on regarde l’approbation vniuerselle des peuples dans
telles procedures, c’est d’adiouster plustost les choses qui sont
fauorables à vn affligé pour le iustifier, que de diminuer celles
qui luy sont deuës pour sa plus grande seureté. Or la pluralité
des Iuges est plus capable de mieux esplucher vn affaire
qu’vn petit nombre de Iuges. C’est pour cela que Ciceron
dit fort bien, qu’on doit tenir pour maxime que ad facinoris
disquisitionem interest esse plurimos. C’est aussi pour cette raison
qu’vn Concile national a plus de force dans l’Eglise qu’vn
Concile prouincial, & vn Concile general que tous ces deux,
pour la multitude des Iuges dont il est remply au dessus des
autres, qui rendent par ainsi ses iugemens plus fermes & solennels.

de Aruspicum
responsis.

Nous lisons dans les quatriéme & cinquiéme Conciles de
Tolede, que les Estats d’Espagne stipulerent de leur Roy Sisenande
qu’il pourroit seul & sans conseil faire grace, & qu’il
luy seroit libre de pardonner dans les offenses, d’adoucir la

-- 39 --

peine des Loix, voire mesme l’exhorterent d’encliner plustost
à la misericorde dans les iniures qu’à la iustice. Mais aussi
que lors qu’il seroit question de faire iustice, qu’il ne le feroit
pas de son seul mouuement, ains suiuant les Loix du pays
par les Iuges, afin que d’vn consentement public, par vn iugement
manifeste la coulpe des delinquans fust connuë, Vt
consensu publico & manifesto iudicio culpas delinquentium patescat.
Decret que ce Prince qui estoit present à ce Concile, durant
sa tenuë à Tolede, receut & embrassa par sa pieté, ce qui luy
attira les benedictions de tout le Concile & des Estats par
cette acclamation : Que Dieu veüille bien fauoriser le regne de ce
Prince, le conseruer iusques à vne extréme vieillesse en accroissant
ses années & merites : & apres la gloire du present regne, qu’il passe
au Royaume Eternel, afin que celuy-là regne dans l’Eternité, qui
a regné & regne si heureusement dans le temps.

 

EN HVICTIESME LIEV, ces Patentes sont obtenuës
par surprise faire à Sa Majesté au conseil d’en-haut, auquel ledit
Sieur Procureur General auroit teu l’estat de l’affaire, qui
est tel, que la Cour, Chambres assemblées, en connoissoit,
qu’elle y auoit desia donné quatre ou cinq Decrets ou Arrests,
par le dernier desquels il estoit forclos. Choses, qui n’estant
mentionnées ny exprimées dans lesdites Lettres, tesmoignent
vne obreption & subreption manifeste, sans laquelle
Sa Majesté n’auroit pas accordé telles Lettres patentes,
& pourquoy aussi le Parlement peut mesme sans s’y arrester,
passer outre, & continuer, Chambres assemblées, l’instruction
& iugement du procez, ainsi qu’il est dit en la Loy
2. c. si contrarius. Præscriptione mendatiorum oppositá, sine in Iuris
narratione mendacium veperiatu, sine in facti, sine in tacendi
fraude : pro tenore roritatis, non deprecantis affirmatione, datum
Iudicem cognoscere debere, & secundùm hoc conuenit ferre sententiam.
Ioint que le recours à telles Lettres en l’estat qu’estoit
le procez, est contre l’vsage de tous les Parlemens, & contre
le droict Romain, qui s’obserue en Dauphiné dans le ressort
du Parlement de Grenoble, estant chose formellement decidée

-- 40 --

& defenduë par l’authentique 113. de Iustinian : Ne in
medio litis fiant sacræ formæ, aut sacræ iussiones, sed secundùm generales.
Causæ decidantur. Et ailleurs au Cod. Vt lite pendent,
leg. 2. Supplicare causæ pendente non licet : ce qu’obserue mal le
Sieur Procureur General, importunant incessamment Sa Majesté
d’enuoyer de nouueaux ordres.

 

Dauantage, la surprise paroist en ce que non seulement le
Sieur Procureur General, qui a mandié lesdites Patentes à teu
la verité de la procedure commencée, comme nous auons dit,
mais mesmes a imposé à Sa Majesté pour les obtenir, que c’estoit
la coustume du Parlement de Grenoble, que tous les procez
fussent iugez aux Bureaux des Commissaires, & par consequent
que Messieurs les Presidens de la Coste & de la Martelliere
Conseiller, Commissaires en ce procez, estans de la
troisiéme Chambre, y attiroient Monsieur de la Mothe, auec
exclusion des autres Iuges, ce qui est contraire neantmoins
tant à la Loy qu’à leurs coustumes : A la Loy 5. des Empereurs
Arcadius & Honorius à vincent Prefect du Pretoire
dans les Gaules C. de iurisdictione omnium Iudicium, au liure 3.
du Cod. tit. 13. Laquelle ne nous apprend pas que ce soient les
Commissaires qui doiuent regler le fore & le tribunal des accusez,
mais leurs seules qualitez : In criminali negotio Rei forum
sequatur Accusator. Et faire autrement c’est peruertir tout
l’ordre du droit, dit l’Empereur Diocletian en la seconde Loy
du mesme titre, qui semble s’addresser au Sieur Procureur
General : Iuris ordinem conuerta postulas, vt non rei forum, sed
reus actoris sequatur. Et ces regles sont tellement en vsage au
Parlement de Grenoble, que l’on voit tous les iours qu’en
certains procez qui ont leurs Rapporteurs, & qui se traittent
dans quelqu’vne des trois Chambres Catholiques, s’il interuient
comme partie necessaire ausdits procez vn homme de la
Religion, la cause sans s’arrester aux Rapporteurs, passe à l’Edict,
où ceux de la Religion ont priuileges d’estre iugez.

Quand à la coustume, le contraire paroist aux exemples que
nous auons desia alleguez des sieurs Mareschal de Lesdiguieres
& de Montbrun, & de Rongnac, & aux affaires tant soit peu

-- 41 --

esclatantes, desquelles nous lisons dans les Registres, les Arrests
en auoir esté donnez Chambres assemblees, & non pas
dans les seuls Bureaux où seruoient les Conseillers Rapporteurs
desdites affaires.

 

Et ce qui fait connoistre encor la surprise du Sieur Procureur
General, c’est qu’il confond dans ces Patentes le Commissaire
auec le Rapporteur. Il est bien vray qu’vn procez au Parlement
de Dauphiné suit tousiours le Rapporteur, auquel il est
distribué, soit pour le rapporter dans son Bureau ou dans les
Chambres assemblées, selon la qualité des parties. Mais autre
chose est touchant des Commissaires en vne instruction
criminelle, qu’on change mesme en Dauphiné pour la moindre
suspicion, & lesquels (selon les Ordonnances & la pratique
des Parlemens de France, establie par Arrest, chambres
assemblées, à Toulouze en l’an 1587. qui est pays de droict escrit,
aussi bien qu’à Paris, qui est pays coustumier) ne peuuent
estre Rapporteurs des procez dont ils ont fait l’instrucriminelle.

Et partant c’est vne mauuaise consequence de vouloir estendre
aux Commissaires vn vsages qui ne regarde que les Rapporteurs,
lesquels mesmes doiuent suiure le Tribunal de Iustice,
& le fore de l’accusé, & non pas attirer à la seule
Chambre, où ils seruent, les procez dont ils sont chargez.

Dont il s’ensuit, que n’y ayant eu que mensonge, & fauxdonné
à entendre des Loix & Coustumes dudit Parlement de
Grenoble de la part du Sieur Procureur General, pour obtenir
lesdites Patentes, le Parlement ne doit pas s’y arrester,
ains connoissant la surprise faite à Sa Majesté par ses registres
& vsages, il doit continuer, Chambres assemblées, à
prendre connoistence du fonds, & de la verité des Patentes
comme ses Loix, & le droict le portent expressément en telles
rencontres, lege. 4. Et si non cognitio sed executio mandatur, de
veritate precum inquiri oportet, vt, si fraus interuenerit de omni negotio
cogno scatur. cod. Si contra ius vel vtilitatem publicam, vel per
mendacium aliquid fuerit impetratum, vel postulatum.

-- 42 --

EN NEVVIEME ET DERNIER LIEV, ces Patentes sont
contraires aux deux Commissions de Renuoy du dix-septiéme
Iuin dernier 1647. enregistrées au Parlement de Grenoble
par trois raisons.

La premiere, en ce que lesdites commissions establissoient
ledit Parlement pour Iuge de cette affaire, & ces nouuelles
Patentes luy en ostent la disposition & connoissance, en
creant & instituant en son lieu & place des commissaires, ainsi
qu’il paroist mesme par la qualité que donnent lesdites lettres
aux Iuges qu’elles choisissent, dont voicy les propres
termes : Desirant pouruoir à ce que l’absence d’aucuns des Commissaires
de ladite troisiéme Chambre, &c.

La seconde raison est, que non seulement par lesdites premieres
commissions du Parlement de Grenoble est estably
Iuge pour instruire & iuger definitiuement ce procez, mais
de plus par icelles Messieurs le President de la Coste & de la
Martelliere Conseiller, sont nommez pour Commissaires en
l’instruction : en quoy Sa Majesté a declaré & preiugé pour
lors que le Parlement y deuoit proceder, chambres assemblées,
estant chose sans exemple dans tous les Parlemens de
France, que iamais il y ait eu vn President au Mortier Commissaire
d’vn procez criminel, qui n’ait esté iugé les Chambres
assemblées. Cette raison est fondamentale dans toutes
les Cours Souueraines, & sans aucune exception.

Et la troisiéme est, que ces Patentes sont contraires ausdites
premieres Commissions, en ce que, comme nous auons
desia dit cy-deuant, lesdites commissions portent qu’on fait
le procez à Monsieur le Mareschal de la Mothe comme Vice-Roy
& General d’armée du Roy ? qualitez qui sont si Illustres
& Eminentes, qu’elles emportent vn traittement extraordinaire
& hors du commun des hommes, & partant elles sont
differentes de ces nouuelles Patentes, qui disent que : Ledit sieur
Mareschal n’a pas de qualité qui luy donne aucun priuilege, d’estre
iugé ailleurs que dans la troisiéme & à l’ordinaire.

D’où l’on infere que puisque ces Patentes ne contiennent

-- 43 --

aucunes clauses expresses de derogatiues aux premieres commissions,
qu’elles ne sont données qu’en execution d’icelles,
& qu’elles confirment encor les Sieurs President de la Coste,
de la Martelliere Commissaires en ce procez : que ce Parlement
est obligé de suiure lesdites premieres Commissions,
lesquelles il ne peut executer conformément à ce qu’elles
portent (sans mesme considerer les autres moyens dudit
sieur Maresehal,) qu’il ne luy donne l’assemblée de toutes
ses chambres.

 

Et certainement si le Sieur Procureur General auoit eu
dessein d’empescher que le Parlement entier ne connust de
cette affaire, & qu’elle fust traitée à l’ordinaire, comme celle
des moindres personnes de Dauphiné ? il ne falloit pas qu’il fist
mettre dans la commission au Parlement de Grenoble, dressée
en sa presence, & par vne partie de ses soins, qu’on faisoit le
procez à Monsieur de la Mothe, comme Vice-Roy & General
d’armées, mais seulement comme capitaine ou Maistre de
camp d’vn regiment.

De plus, il deuoit representer que c’estoit contre les formes
ordinaires de son Palais, qu’il y eust en vne commission
pour instruire vn procez criminel, vn President au Mortier
pour Commissaire auec vn Conseiller : ce que n’ayant pas fait,
il a mauuaise grace aujourd’huy de vouloir regler vn procez
extraordinaire à l’ordinaire, & d’alleguer pour cela la puissance
de Sa Majesté en vne chose où elle ne veut que la Iustice.

Monsieur le Mareschal de la Mothe auroit tort de douter
de la puissance de Sa Majesté, & il n’y a personne qui ne
sçache que comme elle a pû, nonobstant les droits & les priuileges
dudit Sieur Mareschal, le renuoyer à vn Parlement
qui n’estoit pas son Iuge naturel ; Elle peut aussi aujourd’huy
créer d’hauthorité absoluë des Commissaires dans ce Parlement,
& luy oster la liberté de ses formes & de ses vsages,
comme font les Patentes : Mais puis que son intention a
esté par les premieres Commissions, de laisser pleinement agir
le Parlement de Grenoble, sans s’en mesler ? & que sa gloire
consiste à faire regner dauantage sa Iustice que sa Puissance : il

-- 44 --

y a lieu de croire de sa pieté, que sans s’arrester aux importunes
sollicitations du Sieur Procureur General, elle aura les
mesmes mouuemens que le Roy Chilperic, qui, sur le renuoy
d’vn criminel Pretextat au Cõcile de Paris, en vne cause moins
fauorables que celle-cy, dit ces paroles : Iaçoit que nous en
puissions bien connoistre, estant crime de leze Maiesté, dont il preuenu
toutesfois parce que nous sommes parties, afin qu’on estime pas que
nous y voulussions apporter autre chose que de iustice, & de raison,
nous vous en laissons faire.

 

Aymoine
liure
3. ch. 21.

Autrement, si le Sieur Procureur General agit tousiours à
Grenoble comme il a fait de son propre mouuement, y apportant
les seules volontez du Roy, sans suiure les formes du Palais,
ny se regler selon les coustumes dans les procedures de
cette cause, on pourroit dire qu’on fait du Parlement de Grenoble
ce que Xerxes Roy de Perse faisoit de son Conseil, qu’il
assembloit aux affaires importantes, comme en la Guerre de
Grece, non pas, disoit-il, pour le suiure, mais afin qu’on crût
qu’il ne faisoit rien sans Conseil.

L’on connoist par tout ces moyens qui sont deduits, combien
est iuste l’opposition que Monsieur le Mareschal de la Mothe
a formé à telles Patentes, lesquelles se trouuant données
par surprise, contre l’intention de Sa Majesté contre les coustumes
& les ordres des Parlemens, & principalement de celuy
de Grenoble, contre les premieres Commissions qui y sont en
registrées, contre la dignité des Ducs & Officiers de la Couronne,
contre l’excellẽce & les prerogatiues des Vice-Roys, &
contre le droit escrit qui est receu & pratiqué en Dauphiné : la
Cour a cu droit d’en refuser l’enregistrement ; ce qui doit obliger
aussi Sa Maiesté à la reformation d’icelles, estant assez au
regard du Prince, de ne pas faire vne chose qu’il commande
pour monstrer qu’il ne la doit pas commander : & de retarder
l’execution de ses ordres dans la Iustice pour le conuier à les
reuoquer.

Veritablement le Parlement de Grenoble ne pouuoit auec
equité renuoyer à la troisiéme chambre les appellatiõs interiettées
par Monsieur le Mareschal de la Mothe, des procedures

-- 45 --

de Messieurs le President de la Coste & de la Martelliere
Conseillers Commissaires, sous pretexte qu’ils sont de ladite
Chambre, ainsi que veulent les Patentes & le Sieur Procureur
General, veu qu’ils n’en peuuent estre Iuges, & que le
Sieur de la Coste y estant premier President, n’y peut estre
Rapporteur, où il quitteroit sa place : & y ayant deux beaux-freres
& des cousins germains il est contre l’ordre de la Iustice,
de renuoyer en sa Chambre seule le iugement desdites appellations
qu’il faut vuider auant toutes choses, & d’ailleurs ledit
Parlement estant tout composé de personnes d’integrité
& de suffisance, a connu que refuser telles Patentes, c’estoit
obeyr aux constitutions & Ordonnances des Empereurs & des
Roys, qui ont commandé à leurs Cours Souueraines, de n’y
deferer en tels cas. Et ce n’est pas contredire au Prince que
d’opposer ses volontez iustes & meurement deliberées pour
le bien & le repos de son Estat, à celles qui sont promptement
enuoyées sans connoissance de cause : que d’opposer les equitables
Ordonnances, qui ont attiré sur les Princes qui les ont
faites, la benediction du Ciel, la voix de leurs peuples & perpetué
leur reputation plus que toutes les conquestes de leurs armes,
à celles qui sont mendiées, & obtenuës contre le droict
des parties, ausquelles lesdites Ordonnances ne veulent pas
que les Iuges deferent. Au contraire les Parlemens, qui se conduiroient
autrement, pourroient estre accusez de contrauention
aux Loix, & de desobeïssance aux Roys, qui ont voulu obuier
par telles Ordonnances aux sur prises qu’on leur pouuoit
faire, & pouruoir à la Iustice qui en estoit retardée.

 

Les Roys d’Egypte n’auoient point de plus grande ioye, &
ne tenoient pas qu’il y eust vne plus grande obeïssance en leurs
Magistrats, que lors qu’ils rendoient la Iustice à leurs peuples
selon l’equité, les Loix & la raison, sans s’arrester aux ordres
de bouches ou par escrit, qu’ils receuoient d’eux & ils leurs
faisoient promettre & iurer entre leurs mains de n’y auoir
point d’esgard.

Que si depuis la Cour sur l’opposition ausdites lettres a renuoyé
les parties au Roy, en suspendant pour quelque temps la

-- 46 --

Iustice que luy demande Monsieur le Mareschal de la Mothe,
ce n’a esté que pour tesmoigner le grand respect qu’elle porte
aux ordres de sa Majesté, & luy laisser la gloire de changer lesdites
Patentes, n’y ayant rien qui fasse tant esclatter la sagesse
d’vn Prince que de reformer les ordres qu’on a obtenu de luy
par surprise, au lieu d’en authoriser l’execution.

 

Cependant ledit sieur Procureur General mesprisant l’authorité
de la Cour au lieu de faire telles instances aupres de Sa
Majesté, a encor obtenu vn nouuel Arrest du Conseil qui luy
a esté apporté à Grenoble, par vn courier extraordinaire le
2. Ianuier dernier, portant injonction à la premiere Chambre
d’enregistrer lesdites Patentes, & à la troisiéme de proceder
à l’instruction dudit procez, le Roy reseruant à soy & à son
Conseil les oppositions faites & à faire par ledit sieur Mareschal.
Et cét Arrest estant encor plus contre les regles des Parlemens
& les formes de la Iustice que les precedentes Patentes,
il plaira à la Cour sans s’arrester dauantage à telles rescriptions
& Arrests mendiez par ledit sieur Procureur General,
assigner vn certain iour audit sieur Mareschal pour entendre
ses appellations, les Chambres assemblées, & proceder au iugement
de ses affaires, & defendre audit sieur Procureur General
de se seruir plus de telles Patentes dans le cours de la Iustice,
où l’authorité du Prince pour sa gloire ne doit estre interposée,
si ce n’est pour soulager les peines d’vn affligé & non
pas pour les accroistres ; où les couriers ne doiuent venir de la
Cour, si ce n’est pour finir ses miseres, & non pas pour les
continuer.

Ce sont de telles Patentes à l’execution desquelles il n’y a
pas de crainte que les Parlemens s’opposent, puisque les Ordonnances
des Empereurs Theodose & Valentinian au Senat,
qui luy prescriuent de rejetter dans le cours de la Iustice celles
qui sont contre le droit & qui nuisent aux parties, exceptent
le cas auquel elles sont fauorables aux affligez, lege 7. Rescripta
contra ius, C. de precibus Imperatori offerendis.

Les Roys ne se reseruent que les graces & les faueurs qui
leur concilient l’amour & la benediction des peuples, & doiuent

-- 47 --

laisser faire la Iustice. C’est vne belle chose, dit Cassiodore,
de voir vn Prince combattre la seuerité des Loix par sa
pieté, clemence, & humanité : Felix querela est cum leges pietate
superantur, cum Dominus aduersus sua iudicia amabili pietate dissentit.
Et lors que semblables Patentes arriueront pour ouurir
les prisons audit sieur Mareschal, ledit sieur Procureur General
aura bien meilleure grace de demander l’enregistrement
d’icelles au Parlement que des autres ; d’employer en telle
occasion l’authorité de Sa Majesté & son nom, qui ne doit porter
que des faueurs, & ne pas donner de la crainte, selon ces
maximes du Senat Romain chez Ciceron, par lesquelles ie
conclueray pour en laisser le souuenir audit sieur Procureur
General : Nolo accusator in iudicium potentiam afferat, non vim
maiorem aliquam, non authoritatem excellentem, non nimiam gratiam.
Valeant hæc omnia ad salutem innocentium, ad opem impotentium,
ad auxilium calamito sorum: in periculo vero & pernicie repudientur.

 

LETTRES PATENTES DE SA MAIESTÉ
du 31. Decembre 1647. portans attribution de la connoissance
du procez de Monsieur le Mareschal de la Mothe
à la troisiéme Chambre du Parlement de Grenoble.

LOVIS PAR LA GRACE DE DIEV, ROY DE
FRANCE ET DE NAVARRE, DAVPHIN DE
VIENNOIS, COMTE DE VALENTINOIS ET
DIOYS. A nos amez & feaux les Gens de nostre
Cour de Parlement de Dauphiné establie
à Grenoble, Salut. Par nos Lettres patentes,
données à Amiens le 17. Iuin dernier,
Nous aurions renuoyé & attribué à nostredite Cour de
Parlement le procez criminel du Mareschal de la Mothe Houdancourt,
& des autres coupables des faits à luy imposez. Par
autres nos Lettres patentes en datte du mesme iour 17. Iuin

-- 48 --

dernier, Nous aurions commis pour l’instruction dudit procez
nos amez & feaux, les Sieurs de la Coste President, & de
la Martelliere Conseiller en nostredite Cour, laquelle auroit
procedé à l’enregistrement de nosdites Lettres, & en consequence
de ce, ladite instruction auroit esté commencée à la
requeste de nostre Procureur General en icelle, & ledit Mareschal
de la Mothe ayant presenté Requeste à la Cour de Parlement
de Paris, par laquelle il se seroit porté pour appellant
des procedures faites contre luy, tant par le Lieutenant Criminel
du Preuost de Paris, que depuis par les Commissaires
deputez pour luy faire son procez comme de Iuges incompetans,
ladite Cour de Parlement de Paris l’ayant receu appellant
par son Arrest du 31. Aoust dernier, & fait defense ausdits
Commissaires de prendre connoissance dudit procez, Nous
aurions donné Arrest en nostre Conseil d’Estat, Nous y estant,
la Reyne Regente nostre tres-honorée Dame & Mere presente,
le second iour de Septembre dernier, par lequel Nous aurions
euoqué à Nous & à nostre Conseil lesdites appellations,
& les aurions renuoyées en nostredite Cour de Parlement de
Dauphiné : & sans auoir égard à l’Arrest du Parlement de Paris,
Nous aurions ordonné que par lesdits Commissaires de
celuy de Grenoble, il seroit procedé à l’instruction du procez
dudit Mareschal, pour estre jugé par ladite Cour, conformément
à nosdites Lettres patentes dudit 17. Iuin dernier, &
à l’Arrest interuenu sur icelles, luy en attribuant, entant que
de besoin, toute Iurisdiction & connoissance, icelle interdisant
audit Parlement de Paris & à tous autres Iuges. En suite
dequoy lesdits Commissaires ayans continué l’instruction dudit
procez, il seroit interuenu sur icelles diuers Arrests de nostredite
Cour de Parlement de Grenoble, à la requeste de nostredit
Procureur General, tant en la premiere Chambre dudit
Parlement, qu’en celle des Vacations ; en l’vne & en l’autre
desquelles lesdits Commissaires seruoient alors. Et d’autant
que suiuant l’ordre & l’vsage accoustumé audit Parlement
lesdits Commissaires auec les Officiers de la premiere
Chambre ont passé en la troisiéme d’iceluy, où ledit procez

-- 49 --

commencé par eux doit estre continué & jugé, & que Nous
n’entendons pas qu’il soit rien fait d’extraordinaire en cette
occasion, la qualité dudit Mareschal ne luy donnant aucuns
priuileges, ny que ledit procez soit traité ailleurs que deuant
les mesmes Iuges qui en ont pris connoissance, lesquels seruent
à present en ladite troisiéme Chambre, voulant seulement
pouruoir à ce que l’absence d’aucuns des Commissaires
de ladite troisiéme Chambre, & que le petit nombre de ceux
qui composent chacune des Chambres de nostre-dit Parlement
ne puisse retarder l’instruction & le iugement dudit procez,
& faire entendre sur cela nostre intention à ladite Cour,
en sorte que personne n’en puisse douter. A ces causes de l’aduis
de la Reyne Regente nostre-dite tres-honorée Dame &
Mere, Nous auons declaré & ordonné, declarons & ordonnons
par ces presentes signées de nostre Main, Voulons &
Nous plaist, que l’instruction du procez dudit Mareschal de
la Mothe & des Coupables des faits & cas desquels il est accusé,
circonstances & dependances d’iceux, soit continuée par
lesdits President de la Coste & Conseiller de la Martelliere, selon
la forme & teneur de la Commission que Nous leur en
auons fait expedier, en nostre-dite Cour, & que tous les incidens
qui pourroient suruenir en ladite instruction soit de la
part des accusez, ou de celle de nostre Procureur General, &
ledit procez estant instruit & mis en estat, soient iugez definitiuement
par lesdits Presidens & Conseillers, dont ladite
troisiéme Chambre est composée. Et afin d’éuiter les longueurs
& difficultez qui pourroient arriuer si l’on estoit obligé
d’appeller d’autres Iuges à la place de ceux de ladite troisiéme
Chambre qui seroient absens ; Nous entendons & ordonnons
par cesdites presentes qu’ils soient adjoints aux Presidens
& Conseillers de ladite troisiéme Chambre iusques à
six Conseillers des deux autres, sçauoir les trois plus anciens
selon l’ordre du Tableau qui sont en seruice durant la presente
seance en chacune des premiere & seconde chambre dudit
Parlement, & qu’ils soient appellez pour auec les Presidens
& Conseillers de ladite troisiéme chambre assister au Iugement

-- 50 --

tant des incidens de ladite instruction que dudit procez.
VOVLONS qu’en cas d’absence, maladie, recusation, ou
autres empeschemens legitimes de trois desdits six plus anciens
Conseillers desdites premiere & seconde Chambre, les
autres trois procedent audit Iugement auec les Presidens &
Conseillers de ladite troisiéme Chambre, sans qu’il en puisse
estre subrogé d’autres en la place des trois, ny de ceux qui
sont de seruice en ladite troisiéme Chambre qui se trouueront
absens. Mandons à nostre Procureur General en nostre Cour
de Parlement de Grenoble, de faire pour la continuation &
instruction dudit procez, & pour le iugement difinitif d’iceluy,
conformément à ces presentes, toutes les diligences, requisitions
& poursuites necessaires, & qui sont du deuoir de
sa charge. CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR. Donné
à Paris, le dernier iour de Decembre, l’an de grace 1647. &
de nostre regne le 5. Signé LOVYS, & plus bas, Par le Roy
Dauphin, la Reyne Regente sa Mere presente, LE TELIER,
& seellé du grand Seau de cire rouge.

 

ON a couché icy tout au long les Patentes, afin qu’on
connoisse les surprises, omissions & nullittez rapportées
dans le 8. article des moyens d’opposition à icelles, & afin de
mettre au iour trois euidentes suppositions du sieur Procureur
General, faites au Conseil de Sa Majesté, qui neantmoins
sont les fondemens & causes de l’enuoy & de l’octroy desdites
Patentes.

La premiere, que depuis l’Arrest du Conseil, du deuxiéme
Septembre portant renuoy des Appellations de Monsieur le
Mareschal de la Mothe audit Parlement de Grenoble, ils seroient
interuenus diuers Arrests tant en la premiere Chambre dudit
Parlement qu’en celle des Vacations : en l’vne & l’autre desquelles
seruoient alors les Commissaires. Ce qui est notoirement
contre la verité en ce qui regarde la premiere Chambre, laquelle
estant fermée par la closture du Palais dés le 15. d’Aoust
iusques apres la S. Martin, n’a pû faire d’Arrests non plus que
les autres Chambres durant tout ce temps, n’y ayant que la

-- 51 --

seule Chambre des Vacations qui puisse lors trauailler. Depuis
la S. Martin quand la premiere Chambre de cette Seance
auroit donné Arrest seule, ce qui n’est point, les Sieurs Presidens
de la Coste & de la Martelliere n’y seruent pas, & ont
passé à la troisiéme. Donc c’est vne supposition de dire qu’il y
a eu Arrest en la premiere Chambre où seruoient les Commissaires
depuis le renuoy du Conseil fait par l’Arrest du deuxiéme
Septembre.

 

La seconde supposition des Patentes, où il est dit que Messieurs
les Commissaires estoient de seruice en la Chambre des
Vacations lors des Arrests qui ont esté rendus, paroist par la
liste des Iuges & Conseillers qui composoient la Chambre des
Vacations de l’an 1647. dont voicy les noms, entre lesquels
n’est pas celuy de Monsieur de la Martelliere.

Messieurs Ferrand, de Ponteries, de Sautereau, Baro, de
Pillhon, de Belmont, Coste.

Pour Monsieur le President de la Coste, il n’estoit pas aussi
de seruice lors desdits Arrests qui se sont donnez les 24. 25.
Septembre & 17. Octobre en ladite Chambre des Vacations,
attendu que les Presidens dans ce Parlement ne seruent en
icelle qu’vne quinzaine de iours, & les deux plus anciens qui
sont Monsieur le premier President : & Monsieur de S. André
commencerẽt la premiere quinzaine qui fust au mois d’Aoust.
En la premiere quinzaine du mois de Septembre ce deuoient
estre Messieurs les Presidens Audeyer & de la Coste l’vn des
Commissaires, mais ce dernier estoit à Lyon, & durant le
temps de son seruice, il n’y eust pas d’Arrest en ladite Chambre
des Vacations. Donc c’est vne pure supposition de dire
que lesdits Commissaires seruoient lors des Arrests ci-dessus
en la Chambre des Vacations.

La troisiéme supposition est, que les Iuges qui ont pris connoissance
de cette affaire tant en la premiere Chambre qu’en celle des
Vacations, ont passé en la troisiéme Chambre. Ce qui n’est pas
vray ; car n’y ayant eu comme nous auons dit, que la Chambre
des Vacations qui ait trauaillé auant l’entrée du Palais, Messieurs
Ferrand, de Sautereau, & de Belmont Conseillers, qui

-- 52 --

estoient de seruice en ladite Chambre des Vacations sont
neantmoins de la seconde cette année, & non pas de la troisiéme :
Monsieur Baro qui est de la premiere, & Monsieur Coste
qui est de l’Edict en cette seance, seruoient aussi en ladite
Chambre des Vacations, Monsieur le premier President &
Monsieur Audeyer seruent en la premiere, qui ont assisté aux
Arrests de la mesme Chambre des Vacations ; & partant le
sieur Procureur General a eu tort de mander à la Cour que les
Iuges qui ont pris connoissance de cette affaire ont passé en la
troisiéme, où le procez de Monsieur de la Mothe commencé par eux
doit estre continué & iugé.

 

Que si ledit procez doit suiure les Iuges qui en ont desia
pris connoissance, ainsi qui veulent les Patentes, il ne peut
estre iugé que les Chambres assemblées, attendu que iusques
icy il n’y a eu que toutes les Chambres en corps qui en ont
connu depuis l’ouuerture du Palais. Et auant l’entrée du Parlement
durant les Vacations, sont esté des Iuges de toutes les
Chambres, qui representent tout le Parlement, & lesquels ne
se croyant pas en assez bon nombre, pour deliberer des incidens
qui concernoient l’affaire de Monsieur le Mareschal de
la Mothe ; ont lors des Arrests qu’ils ont donnez, tousiours
conuoqué les autres Presidens & Conseillers, qui se trouuoient
alors en la Ville de Grenoble : tesmoignage certain
qu’ils iugeoient le procez ne pouuoit estre decidé que par
tous les Iuges du Parlement Chambres assemblées.

Toutes les raisons donc qu’à allegué le Sieur Procureur
General pour obtenir ces Patentes sont nulles, & il en cele
vne qui seroit bien meilleure pour luy & qui le regarde, c’est
qu’il espere que la troisiéme Chambre où il a beaucoup de parens
& amis, aura plus de charité à couurir les deffauts & manquemens
qu’il a fait en cette procedure, que tout le Parlement
ensemble.

-- 53 --

ACTES
FAITS AV CONSEIL
D’ESTAT DV ROY, Et au Parlement de Grenoble, en consequence
de l’opposition formée par
Monsieur le Mareschal de la Mothe,
aux Lettres Patentes du 31. Decembre
1647.

MONSIEVR le Procureur General ayant presenté
lesdites Lettres Patentes le 8. de Ianuier 1648. Monsieur
l’Euesque de Rennes y forma opposition au nom
de Monsieur le Mareschal de la Mothe son frere, par
Requeste presentée le mesme iour, & en representant
toutes les raisons alleguées dans le troisiesme Factum : le Parlement
de Grenoble ayant deliberé Chambres assemblées les 8. & 11. de Ianuier,
apres que ledit Sieur Mareschal eut approuué l’opposition faite
en son nom, par ledit Sieur Euesque son frere, & les Conclusions de
Monsieur le Procureur General considerées, interuint cét Arrest sur
ladite Requeste d’opposition.

VEV le Procez Verbal de ce iour, contenant la communication
de la presente Requeste à l’accusé, sa Response &

-- 54 --

les Conclusions du Procureur General du Roy, le Suppliant
se retirera à Sa Majesté dans le mois, pour luy estre fait droict
sur ses oppositions selon son bon plaisir, à la charge que ledit
delay ne courra que du iour de la signification qui sera faite
audit accusé des Lettres patentes enoncées en la presente Requeste,
& soit enregistré FAIT à Grenoble en Parlement les
Chambres assemblées, le 11 de Ianuier 1648.

 

CRVNIER.

BAVDET.

ET dautant que Monsieur le Mareschal de la Mothe ne pouuoit
pas agir au Conseil du Roy sans partie, Monsieur l’Euesque de
Rennes son frere, presenta autre Requeste au Parlement, à ce qu’il
fust permis a Monsieur le Mareschal de la Mothe a’y appeller Monsieur
le Procureur General, ce qui fut ordonné par le Parlement,
Chambres assemblées, le 18. du mesme mois de Ianuier, & en suitte
Commission déliurée en la forme suiuante.

LOVIS par la grace de Dieu Roy de France & de Nauarre,
Dauphin de Viennois, Comte de Valentinois & Dioys,
Au premier nostre Huissier ou Sergent sur ce requis, suiuant
le decret mis au bas de la Requeste presentée à nostre Cour de
Parlement de Dauphiné, toutes les Chambres assemblées,
cy sous nostre contre-seel, jointe par le Sieur Mareschal de la
Mothe Houdancourt, & sa Requeste : Te mandons & commandons
par ces presentes assigner pardeuant Nous, & nostre
Conseil au mois, nostre amé & feal Conseiller & nostre Procureur
general en nostredite Cour de Parlement de Dauphiné,
pour deffendre à l’opposition formée par l’impetrant à
l’execution & enregistrement de nos Lettres patentes du trente
& vmesme Decembre, année derniere, & proceder comme
de raison, de ce faire donnons pouuoir. Donné à Grenoble
en nostredit Parlement, les Chambres assemblées, le dix-huictiesme
iour de Ianuier, l’an de grace mil six cens quarante-huict,
Et de nostre regne le cinquiesme.

Par la Cour,

BAVDET.

-- 55 --

Cette Commission fut signifiée à Monsieur le Procureur general,
par Gerlat second Huissier du Parlement, le 21. du mesme mois
& an, auec assignation à comparoir au mois, au Conseil du Roy, auquel
Monsieur le Mareschal de la Mothe se presenta, par Maistre
Claude Laborie Aduocat audit Conseil ; mais ledit sieur Procureur
general en lieu de comparoir presenta subreptiuement Requeste au
Conseil d’en-haut, afin d’estre deschargé de ladite assignation, comme
il fut par Arrest du 2. de Mars, & par le mesme Arrest, le Mareschal
de la Mothe debouté de ses oppositions, sans estre oüy, encore qu’il
se fust presenté. On n’a pû mettre icy ledit Arrest, ayant esté impossible
de le recouurer : mais la teneur en paroist assez dans le Veu de celuy
du Parlement de Grenoble, cy-dessous imprimé, au sujet des Remonstrances
ordonnées estre faites sur ce que Monsieur le Procureur
general pretendoit faire enregistrer ledit Arrest du 2. de Mars. Apres
lequel, comme si ledit sieur Procureur general eust desiré que Monsieur
le Mareschal de la Mothe demeurast sans deffense en toutes Iurisdictions,
il presente vne seconde Requeste au Conseil d’en-haut tendante
à mesme fin d’estre deschargé de l’assignation, & de plus à ce que defenses
fussent faites à Maistre Claude Laborie & à tous autres d’occuper
pour Monsieur le Mareschal de la Mothe contre ledit sieur Procureur
general, tant au Conseil du Roy qu’en autre Iurisdiction, auec
deffenses au Greffier du Conseil de deliurer aucuns actes audit sieur
Mareschal, contre ledit sieur Procureur general. L’Arrest a este signifié
en cette forme audit Aduocat du Conseil.

EXTRAICT DES REGISTRES
du Conseil d’Estat.

SVR ce qui a esté representé au Roy estant en
son Conseil par son Procureur general en sa
Cour de Parlement de Grenoble, qu’en consequence
du Decret de ladite Cour de Parlement
du 11. Ianuier dernier, portant renuoy à Sa Maesté
de la Requeste presentée en Iuillet, au nom du Mareschal

-- 56 --

de la Mothe, par laquelle il s’opposoit à l’enregistrement des
Lettres patentes de Sa Majesté du 31. Decembre dernier, portant
declaration de Iuges qui auroient connoissance du procez
dudit Mareschal de la Mothe. Ledit Procureur general auroit
esté assigné à comparoir pardeuant Sa Majesté le 21. du
mesme mois de Ianuier, & qu’encore qu’il ait declaré deslors,
qu’il ne pouuoit receuoir & ne receuroit aucune assignation,
au fait dont il s’agist : Neantmoins il a appris que Maistre
Claude Laborie Aduocat au Conseil dudit Mareschal de la
Mothe, poursuit à present vn deffaut contre luy, à faute d’auoir
comparu au Greffe dudit Conseil sur ladite assignation,
comme si c’estoit vne affaire en laquelle il procedast en son
particulier. Et dautant que l’opposition, dont il est question,
ne peut estre traitée que pardeuant Sa Majesté mesme, de laquelle
lesdites Lettres sont emanées : & au Conseil où la Reyne
Regente, sa mere, est presente, & que ledit Procureur general
ne peut estre tiré en procez au Conseil Priué, ny ailleurs,
pour vne affaire en laquelle il agist en execution d’vne Commission,
& des ordres de Sa Majesté, & qu’il a desia esté pourueu
par elle à la descharge de ladite assignation à luy donnée
en consequence dudit Decret & renuoy fait à Sa Majesté, par
le Parlement de Grenoble : SA MAIESTÉ estant en son
Conseil, la Reyne Regente, sa Mere, presente : Conformément
audit Arrest du 2. du present mois, a de nouueau, en tant que
de besoin, deschargé son Procureur general en ladite Cour de
Parlement de Grenoble de ladite assignation à luy donnée en
consequence dudit Decret de ladite Cour du 11. Ianuier dernier,
& a icelle declarée nulle & de nul effet & valeur, & fait
deffenses audit Mareschal de la Mothe, ensemble audit Laborie
Aduocat, & tous autres de s’en seruir, ny de proceder audit
Conseil, & en quelque autre Iurisdiction que ce soit à l’encontre
dudit Procureur general, pour raison dudit procez, à peine
de nullité, cassation de procedures, & de tous despens, dommages
& interests. Deffend en outre Sa Majesté aux Greffiers
de ses Conseils d’Estat & Priué, de deliurer aucuns deffauts,
ny autres expeditions sur ladite assignation sur la mesme peine

-- 57 --

de nullité FAIT au Conseil d’Estat du Roy, Sa Majesté y
estant, la Reyne Regente, sa Mere, presente, le vnziesme iour
Mars 1648.

 

Signé, LE TELLIER, LOVIS, & seellé.

LE dix sept Mars 1648. l’original de l’Arrest dont coppie est
cy-dessus, a esté par moy Huissier ordinaire du Roy, en ses
Conseils d’Estat & Priué, soubs signé signifié, & la presente
coppie baillée à Maistre Claude Laborie Aduocat dudit Mareschal
de la Mothe, parlant à sa personne en son logis à Paris,
auquel i’ay fait les deffenses de faire aucunes poursuites audit
Conseil, pour raison du procez y mentionné, sur les peines y
contenuës.

Signé, LE GAY.

Monsieur le Procureur general n’estant encore satisfait de cet Arrest,
afin que Monsieur le Mareschal de la Mothe fut aussi bien
destitué de deffense à Grenoble qu’à Paris, & aussi pour authoriser
les procedures extraordinaires qu’il a faites, il obtient Lettres du Roy
du mesme iour 11. de Mars, addressées à Monsieur l’Euesque de Rennes,
à ce qu’il eust à sortir de Grenoble, & se retirer en son Diocese : Et le
pretexte que l’on a pris pour exiler ledit Seigneur Euesque, est fondé
sur ce qu’il a fait quelques Factums pour la deffense de son frere contre
ledit Procureur general.

On peut dire pour la iustification de Monsieur l’Euesque de Rennes,
que l’ordre iudiciaire de France permet le libre vsage des Factums
aux plus miserables accusez : qu’il n’a rien mis dans le Factum, duquel
Monsieur le Procureur general se plaint, qui ne soit dans le procez
verbal que le Parlement de Grenoble offre par ses Remonstrances
d’enuoyer à Sa Majesté. Aussi ledit Parlement a il iugé toutes les requisitions
dudit sieur Procureur general si peu soustenables, que luy
ayant presenté pour enregistrer l’Arrest du Conseil d’Estat du 2.
Mars, il auroit sur iceluy ordonné les tres humbles Remonstrances
qui suiuent.

-- 58 --

SVR la Requeste presentée parle Procureur general
du Roy, tendante à ce que suiuant les Lettres
de Commission de Sa Majesté du deuxiesme
du present mois de Mars 1648. addressées à la
premiere Chambre du Conseil, il soit procedé
par elle à l’enregistrement pur & simple des Lettres patentes
du 31. Decembre dernier, en forme de declaration de sa volonté,
& de l’Arrest du Roy en son Conseil dudit iour 2. Mars
1648. & desdites Lettres de Commission.

Vev ledit Arrest du Conseil du 2. du present mois de Mars
1648. contenant deboutement des oppositions du Mareschal
de la Mothe, & déchargement de l’assignation donnée
pardeuant Sa Majesté au Procureur General de ce Parlement,
en suitte du renuoy fait par ladite Cour, auec injonction à la
seule premiere Chambre du Parlement de proceder incessamment
à l’enregistrement des Lettres Patentes de Sa Majesté
du 31. Decembre dernier, nonobstant tous empeschemens
faits & à faire, desquels si aucuns interuiennent Sa Majesté
s’est reseruée & reserue la connoissance & à sondit Conseil, &
icelle interdit à tous autres Iuges : Et en consequence de ce,
enjoint aux President de la Coste & Conseiller de la Martelliere
Commissaires deputez par sadite Majesté pour l’instruction
dudit procez, de proceder dés à present à l’entiere instruction
d’iceluy, selon la forme & teneur de leur Commission ;
& aux Presidens & Conseillers qui seruent presentement
à la troisiéme Chambre, ensemble aux six plus anciens Conseillers
de la premiere & seconde Chambre dudit Parlement
de proceder sans aucun retardement au Iugement de tous les
Incidents qui suruiendront en l’instruction dudit procez & iugement
definitif d’iceluy, conformément ausdites Lettres Patentes,
auec interdiction & defenses à tous autres Iuges d’en
prendre Iurisdiction & connoissance, à peine de nullité. Lettres
de Commission données en execution dudit Arrest du
susdit iour 2. Mars 1648. addressées à la premiere Chambre dudit

-- 59 --

Parlement, pour proceder à l’enregistrement pur & simple
desdites Lettres Patentes, nonobstant tous empeschemens.
Requeste du Procureur General audit Parlement, tendante
à ce que lesdites Lettres Patentes du dernier Decembre
1647 ensemble ledit Arrest & Lettres de Commission expediez
sur iceluy du 2. du present, soient enregistrées au Greffe
de ladite Cour. Autre Requeste dudit Procureur General
tendante à mesmes fins, & à ce qu’il soit ordonné que les oppositions,
si aucunes y en a, soient renuoyées à Sa Majesté
pour y estre fait droit selon son bon plaisir. Requeste signée
par Henry de la Mothe Euesque de Rennes, presentée audit
Parlement sous le nom de Messire Philippes de la Mothe Houdancourt
Mareschal de France le 18. Mars 1648. tendante à
estre receu opposant à l’enregistrement & execution desdits
Arrests, si mieux il ne plaist à la Cour renuoyer les parties au
Conseil sur ladite opposition, pour y estre Iugé auec l’instance
qui y est desia pendante ; & à ces fins qu’il soit permis audit
Suppliant de faire reassigner ledit Procureur General ; & cependant
attendu que lesdits Arrests ont esté donnez par surprise
sans connoissance de cause, & au preiudice de ladite Instance
desia pendante, ainsi qu’il resulte de l’extraict de l’Acte
de presentation faite par ledit Mareschal de la Mothe au Greffe
du Conseil Priué du Roy du 10. Feurier 1648. l’execution
desdits Arrests soit surcise, iusqu’à ce qu’il ait esté dit droict
sur ladite opqosition parties ouyes. Sur laquelle a esté dit que
la presente Requeste seroit monstrée audit Mareschal de la
Mothe, pour estre par luy aduoüée ou desaduoüée, & ce par
Maistre Louys Baudet Secretaire du Roy en la Cour, lequel
est à ces fins commis, pour ce fait estre pourueu ainsi qu’il appartiendra.
Extraict dudit Acte de presentation faite par ledit
Mareschal de la Mothe au Greffe du Conseil, dudit iour 10.
Feurier 1648. Le tout veu & consideré.

 

LA COVR a ordonné que tres-humbles remonstrances
seront faites au Roy dans le mois, pendant lequel elle a surcis
soubs le bon plaisir de Sa Majesté l’enregistrement desdites
Lettres patentes & Arrest. FAICT à Grenoble en Parlement
le 18. Mars 1648.

-- 60 --

Trois Conseillers ayant esté commis pour dresser lesdites Remonstrances,
elles furent enuoyées à Monsieur le Chancelier, & à
Monsieur le Tellier, & leur furent données à Paris dans leur maison
le premier Auril 1648.

TRES-HVMBLES REMONSTRANCES
faites au Roy & à la Reyne Regente sa Mere, par
la Cour de Parlement de Dauphiné, sur le sujet de
son Arrest du 18. Mars 1648.

LE Procureur General du Roy audit Parlement, ayant
presenté à la Cour vn Arrest du Conseil du 2. de ce
mois, signé en Commandement, par lequel le Sieur
Mareschal de la Mothe est deboutté de l’opposition
par luy formée à l’enregistrement des Lettres patentes du 31.
Decembre 1647. portans renuoy du Iugement du procez dudit
sieur Mareschal de la Mothe à la troisiéme Chambre, les
trois plus anciens Conseillers de la premiere Chambre, &
pareil nombre de la seconde appellez pour assister audit Iugement,
auec des Lettres de Commission à la premiere Chambre
pour proceder elle seule à l’enregistrement desdites Lettres
patentes & Arrest.

Ladite Cour a fait Arrest ledit iour 18. Mars 1648. par lequel
elle Ordonne que tres-humbles Remonstrances seront
faites au Roy dans le mois, pendant lequel elle a surcis
soubs le bon plaisir de Sa Majesté l’enregistrement desdites
Lettres patentes & Arrest. Les mouuemens qu’elle a eu de le
faire, sont :

Que l’addresse de ladite Commission à la seule premiere
Chambre pour ordonner ledit enregistrement, est contraire à
l’vsage & formes de ce Parlement, dans lequel, iusques à present,
toutes Lettres patentes, Edicts, & Arrests concernant
les affaires publiques ou autres importantes, & mesmes en

-- 61 --

crime d’Estat entre personnes qualifiées, ont tousiours esté
addressées au Parlement, & communiquées à toutes les
Chambres, & par leur aduis registrez, comme font foy les registres
dudit Parlement.

 

Que ce changement de formes, & cette addresse à vne
Chambre seule est de tres-perilleuse consequence, & preiudiciable
au seruice du Roy, en ce que l’authorité que les Roys
ont confié à leurs Parlemens souffriroit vne grande diminution,
& sa Iustice souueraine vn grand mespris, par la diuision
que feroient telles Commissions dans le Parlement, Sa Majesté
tesmoignant plus de confiance à l’obeyssance d’vne seule
Chambre, que de tout le Corps.

Que l’enregistrement desdites Lettres patentes estant fait
par la seule premiere Chambre, sans que les autres en ayent
connoissance, les trois Conseillers anciens de la seconde
Chambre commis pour assister au Iugement dudit procez
dans la troisiéme, n’y pourront aller que par la permission
de leur Chambre, selon l’ordre du Palais ; laquelle Chambre
aura iuste sujet de leur refuser ladite permission, n’ayant point
eu de part audit enregistrement. Et ce d’autant plus que la
premiere Chambre n’ayant point de prerogatiues sur les autres,
qui à leur tour composent ladite premiere Chambre, elle
n’a pas droit de registrer aucune Patente pour distraire les Iuges
des autres Chambres, sans la leur communiquer.

Et au regard desdites Lettres patentes du 31. Decembre
dernier, qui renuoyent ledit procez à ladite troisiéme Chambre,
à laquelle Sa Majesté adjouste les trois plus anciens Conseillers
de la premiere Chambre, & pareil nombre de la seconde,
elles sont aussi contre les formes & vsage de ce Parlement,
attendu que lesdits six Conseillers sont commis taxatiuement,
sans qu’aucun autre pût estre subrogé en leur place en cas de
recusation, maladie, absence, ou legitime empeschement,
qui est reduire l’affaire aux seuls Iuges de la troisiéme Chambre ;
dans laquelle y ayant deux Conseillers clercs, & appel
de deux Commissaires, & quelques-vns qui pourroient estre
absens, malades, ou recusez, il pourroit estre qu’il ne resteroit

-- 62 --

pas assez de Iuges pour faire Arrest, ostant la liberté de
subroger aux absens ou recusez selon les formes & vsages de
ce Parlement.

 

Et quand ledit procez deuroit estre Iugé par vne seule
Chambre, nonobstant les prejugez alleguez au contraire par
l’accusé, il semble que lesdites Lettres patentes du 31. Decembre
dernier, qui donnent six Conseillers plus anciens pour
adjoints à ladite troisiéme Chambre, ne soit qu’vne Commission
qui porte attribution de Iurisdiction à des Commissaires
particuliers, plustost qu’vn renuoy au Parlement ; ainsi
que faisoient celles du 17. Iuin 1647. en suitte desquelles toutes
les Requestes enoncées au Veu de l’Arrest de sadite Majesté
dudit iour 2. Mars qui ont esté données depuis l’ouuerture
du Parlement, ont esté presentées, rapportées, & responduës
toutes les Chambres assemblées : comme il apparoistra plus
particulierement par le procez verbal qui a esté sur ce dressé,
qui contient aussi la suitte de l’ordre qui a esté tenu sur ce sujet
par ledit Parlement de tout le passé iusques à ce iour, Verbal
sera enuoyé à sa Majesté si elle l’ordonne.

D’ailleurs, la partie a representé que s’agissant d’vn procez
en Iustice ordinaire, il semble que lesdites Lettres patentes
du 31. Decembre dernier, & Arrest du 2. de Mars, n’ont pû
estre obtenus au prejudice de son opposition, pour laquelle il
auoit esté dit qu’elle se pouruoiroit au Roy, & sans qu’elle ait
esté ouye par sa Majesté sur ses moyens d’opposition. Deliberé
en Parlement ce 21. Mars 1648. Extraict des Registres de la
Cour de Parlement de Dauphiné, Signé, BAVDET.

Ces Remonstrances auec les dépesches dudit Parlement de Dauphiné,
ont esté enuoyées & mises és mains de Monsieur le Chancelier
& de Monsieur le Tellier, & soit qu’ils en ayent parlé, ou non, au
Conseil, il a esté donné Arrest en Commandement signé LE TELLIER,
portant que nonobstant lesdites Remonstrances lesdites Lettres Patentes
seront executées, & le procez dudit Seigneur Mareschal instruit
& iugé par lesdits Commissaires.

-- 63 --

EXTRAIT DES REGISTRES
de Parlement.

LA Cour, toutes les Chambres assemblées, ayant
égard à la requeste presentée par Loüis Seuestre
Maistre Imprimeur & Libraire à Paris, luy a permis &
permet d’imprimer, vendre & debiter en cette Ville
& ailleurs, les premier, second, trois & quatriéme Factums
du Sieur Mareschal de la Mothe Houdancourt,
pour sa iustification pendant sa detention, auec plusieurs
Requestes presentées au Roy & à ladite Cour,
& les Arrests sur ce interuenus, lesquels ledit suppliant
a recouuerts. Fait defenses à toutes autres personnes
de les imprimer & debiter pendant vn an, à peine d’amende
arbitraire & confiscation. Fait en Parlement
le vingt sixiéme Feurier 1649.

Signifié & baillé pour copie à Pierre Rocolet Scindicq de la Communauté
des Imprimeurs & Libraires de ceste Ville de Paris, tant
pour luy que pour ladite Communauté, le dixiesme Mars 1649. a ce
qu’il n’en ignore, & aye à le faire sçauoir ausdits Imprimeurs & Libraires,
par moy Huissier en Parlemet, sous-signé, DESENLEQVE.

-- 64 --

Section précédent(e)


La Mothe-Houdancourt (Henri de) [?] [1649], TROISIEME FACTVM, OV DEFENSES DE MESSIRE PHILIPPES DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT DVC DE CARDONNE, & Mareschal de France, CY-DEVANT VICE-ROY ET CAPITAINE General en Catalogne. Auec plusieurs Requestes, Arrests, & autres Actes sur ce interuenus, tant au Conseil, qu’ailleurs. , français, latin, italienRéférence RIM : M0_2849. Cote locale : A_4_6.