La Mothe-Houdancourt, Henri de [?] [1649], CINQVIESME FACTVM, POVR MESSIRE PHILIPPES DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT DVC DE CARDONE ET MARESCHAL DE FRANCE. CONTENANT LES INIVSTES ET extraordinaires procedures faites contre luy, par les artifices du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_2849. Cote locale : A_4_8.
Section précédent(e)

CINQVIESME
FACTVM,
POVR MESSIRE
PHILIPPES
DE LA
MOTHE-HOVDANCOVRT
DVC DE CARDONE
ET
MARESCHAL DE FRANCE.

CONTENANT LES INIVSTES ET
extraordinaires procedures faites contre luy,
par les artifices du Cardinal Mazarin.

A PARIS,
Chez FRANÇOIS NOEL, ruë Sainct Iacques,
aux Colomnes d’Hercules.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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CINQVIESME FACTVM,
Pour Messire Philippes de la Mothe-Houdancourt,
Duc de Cardone, & Mareschal de France.

Contenant les iniustes & extraordinaires procedures faites
contre luy, par les artifices du Cardinal Mazarin.

LE Conseil de Monsieur le Mareschal de
la Mothe auoit tousiours iusques icy
differé de publier ce dernier Factum ;
sur l’esperance que Monsieur le Cardinal
Mazarin, Autheur de tant d’iniustices
se changeroit : & aussi sur la crainte
qu’ayant vsurpé tout le pouuoir dans le
gouuernement du Royaume, il ne continuast
à trauerser la liberté dudit seigneur Mareschal, lors
qu’il eust veu tant de veritez descouuertes. Pour semblable
raison le mesme Conseil n’a voulu au secõd Factum rien toucher
des campagnes faites en Catalogne és années 1643. &
1644. dautant que ledit Cardinal est la cause originale des
malheurs qui y sont arriuez : & dans les autres Factums,
comme si ledit Conseil eust voulu flatter ledit Cardinal, il
s’est contenté de dire, qu’il auoit esté surpris par les Ennemis
dudit seigneur Mareschal.

Mais auiourd’huy qu’il continuë en sa mauuaise volonté,
& qu’on a veu depuis peu afficher à Paris & à S. Germain vn
placard calomnieux ; dans lequel la flatterie, qui n’abandonne
iamais les puissances qui regnent dans la Cour des Rois, a eu
d’audace de vouloir faire croire, que sans la douceur dont a
vsé ledit Cardinal enuers Monsieur le Mareschal de la Mothe,

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il ne seroit pas maintenant en estat de seruir la France
dans Paris. Le Conseil a trouué cette vanité trop iniurieuse,
pour differer dauantage la publication de ce cinquiesme Factum,
afin de faire connoistre la fausseté de ce Libelle ; & que
bien au contraire de cette pretenduë douceur, le Cardinal a
vsé enuers luy de toutes les rigueurs possibles ; & que mesme
par ses artifices il a enuelopé dans la ruine de ce Gentilhomme,
celle de l’Estat : ayant fait manquer les plus belles occasions
qu’eut iamais la France sur l’Espagne, lesquelles nous
eussent indubitablement donné cette Paix Generale tant desirée
de tous les bons peuples. Ceux qui aux siecles aduenir liront
l’Histoire de nostre temps, pleureront la perte de ce
moment, qu’on est obligé de representer.

 

Le feu Roy de tres-glorieuse memoire, ayant experimenté
par tant de guerres qu’il a soustenuës, que la conqueste
de quelques Villes du costé de Flandres, ny les heureux succes
arriuez en Allemagne & en Italie, ne pouuoient reduire
le Roy Catholique, à vouloir la paix, se resolut enfin de l’attaquer
taquer fortement du costé des Espagnes. A cét effet ce grand
Prince, quoy que valetudinaire y marcha en personne, & sa
presence aux sieges de Colioure & de Perpignan, acheua la
conqueste du Roussillon.

En la Campagne suiuante, sa Maiesté continuant dans la
resolution de forcer l’Espagnol à vouloir la paix, fit peu de
temps auant sa mort passer en Catalogne par les soins de
Monsieur de Noyers, la plus puissante armée Françoise qui
ait esté veuë de nostre temps au de là des Pirenées. L’Espagne
n’estoit alors en estat de resister à tant de forces ; Elle n’en
auoit aucunes sur pied, elle estoit en core toute estonnée & abbatuë
des prises de Perpignan, Colioure & Mouçon, & de
trois batailles perduës en Catalogne l’an 1642. dont la derniere
luy auoit causé la dissipation d’vne armée de trente mille
hommes, que l’Espagne auoit leuée pour vn dernier effort,
qui fut ruinée comme en presence de sa Maiesté Catholique,
& dont les restes furent depuis deffaits à la iournée de Mirauet
qui cõmença la Campagne de 1643. Et ce qui reduisoit le

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Roy Catholique dans l’impuissance de pouuoir dressor nouuelles
armées ; estoit que tous ses meilleurs Officiers restoient
prisonniers en France, & n’auoit pas encore eu le temps d’en
faire venir d’autres des pays Estrangers,

 

Dans cette fauorable conioncture, le Roy commit l’execution
de ce grand dessein, qui nous eust donné la Paix, à
Monsieur le Mareschal de la Mothe. Il estoit alors Viceroy de
Catalogne, ou depuis trois ans, nonobstant les desordres de
la guerre, il auoit gouuerné les peuples cõme s’ils eussent esté
en paix : & ce auec tant de iustice & de douceur, que leurs
voisins d’Arragon, & de Vallence, voyant la felicité de la
domination Françoise, auoient pris resolution de changer
de Maistre : iusques-là que les habitans de Sarragosse,
voyant leur Roy s’en retourner à Madrid, luy protesterent
ouuertement ; que si en son absence le Mareschal de la
Mothe passoit la riuiere de Cinca, ils ne pouuoient faire autrement
que de luy porter les clefs de leur ville. Ledit sieur
Mareschal par vn cours continuel de victoires qu’il auoit obtenues,
estoit alors en si haute reputation par toutes les Espagnes
que sõ seul nom y portoit la terreur, en sorte qu’on a souuẽt
entẽdu dire à sa Maiesté Catholique, qu’elle estoit en peine
de trouuer quelque Mõtagne pour opposer à cette Motte.

Ce que ce puissant Monarque n’auoit peu rencontrer dans
la vaste estendue de ses Estats, il le trouua au Cardinal Mazarin
son Subiet, qui s’estoit fourré dans la direction absolue des
affaires de France : lequel abusant de l’authorité que luy auoit
commise la meilleure Princesse du monde ; estima par ie ne
sçay quelle politique inconneue à d’autres qu’à luy, qu’il falloit
ruiner ce grand effort preparé du costé de l’Espagne : soit
à cause que ses inclinations ont tousiours eu la pente du costé
de sa naissance, & de son education : soit aussi qu’il apprehendoit
que les bons succes du costé de l’Espagne aduançassent
la paix, pendant laquelle il iugeoit quelque diminution
de son credit : il se peut aussi qu’il l’ait fait, afin d’empescher
que Monsieur le Mareschal de la Mothe ne vint à ce haut
poinct de gloire, d’auoir par ces heureux succez obligé le

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Roy Catholique à la paix : apres laquelle il eust peu mesnager
le retour de monsieur de Noyers son parent & amy, dans les
affaires, retour que le Cardinal a tousiours principalement
apprehendé.

 

Quelque raison que puisse alleguer le Cardinal, il est constant
que cette puissante armée, que le feu Roy auoit fait passer
en Espagne, est perie sans pouuoir rien faire : & que ce
malheur est arriué par sa faute, ou par sa malice : car encores
qu’il ait vsé de mille artifices pour s’en discoulper, sa conduite
y a assez paru pour n’en douter pas. Il n’osa pas d’abord
faire repasser l’armée en France, d’autant qu’vn chacun eust
crié contre son nouueau ministere : & comme il est le plus artificieux
de tous les hommes à cacher ses defauts, il trouua
vn moyen moins esclatant qu’il fit manier par tant de mains,
qu’il creut qu’aucun ne l’en oseroit vray semblablement
soupçonner. Il sçauoit que pour passer aux Royaumes d’Arragon
& de Valence, il y a quelques pays steriles, où il y faut
porter des viures, qu’on ne peut auoir sans argent ; Il sçauoit
bien qu’en Catalogne, comme en Hollande, les Soldats ne
peuuent sortir de leurs quartiers pour marcher en campagne,
sans auoir prealablement payé leurs hostes : & ainsi que le nerf
de la guerre manquant, quelque puissante que fust l’armée
elle demeureroit inutile.

Afin qu’elle se peust ruiner d’elle-mesme, comme insensiblement,
apres que le Cardinal eut fait diuertir les fonds que M. de
Noyers auoit destinez par l’ordre du feu Roy, il fit semblãt de
tesmoigneur en public de la chaleur à vouloir que l’armée de
Catalogne ne manquast de rien ; à cet effect il fit bailler
pour toutes les sommes qui luy estoient necessaires, des assignations
& des lettres d’eschange par Montauron. Mais, ô
fourberie sans exemple ! il se trouua que les assignations
auoient desia esté données à d’autres, & que toutes les lettres
d’eschange furent protestées : Ce qui empescha l’armée de se
pouuoir mettre en estat d’agir ; seulement Monsieur le Mareschal
de la Mothe, apres auoir emprunté quelques deniers
des habitans de Barcelone, fist sortir des quartiers quatre à

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cinq mil hommes, auec lesquels il entra foiblement dans le
Comté de Ribagorze, d’où il fut contraint de se retirer, faute
de pain.

 

M. le Cardinal quelque artificieux qu’il puisse estre, ne se peut
excuser de ce grand manquement. S’y agissant de l’entretien
d’vne armée importante, il n’y a Sur-Intendant ny Secretaire
d’Estat qui osast l’auoir entrepris sans ses ordres. Ces Messieurs
donnent quelques fois semblables rescriptions & assignations
à quelque pensionnaire importun, pour se redimer
de ses importunitez : Mais on ne doit point payer en pareille
monnoye les armées, dans la subsistance desquelles consiste
la grandeur des Estats, & le repos des peuples. Pour moindre
suiet François I. fit pendre le sieur de Semblancé, qui auoit
par l’ordre de Madame Louise de Sauoye mere du Roy, diuerty
le fonds destiné à l’armée que commandoit en Italie
Monsieur de Lautrec. Et ce qui fait presumer que le Cardinal
a esté autheur de la fourbe, est que les Ordonnateurs &
Montauron n’en ont point esté recherchez, & sont demeurez
impunis.

On peut facilement croire, qu’vn General, homme de
cœur, ne peut les bras croisez, voir perir entre ses mains vne
puissante armée par la faute d’autruy, sans se plaindre. En cet
accident la douleur ne peut estre que tres-sensible. Monsieur
le Mareschal de la Mothe (qui ne se promettoit pas moins
pendant cette campagne que la conqueste de deux Royaumes)
en parla hautement. Il se plaignit à la Cour de cet
abandonnement, & demanda que pour le bien des affaires
du Roy, on donnast à la Catalogne vn autre Secretaire d’Estat
que Monsieur le Tellier, qui est creature du Cardinal,
lequel prenant cette plainte pour affront, eut l’astuce de vouloir
persuader à la Reyne Regente que le Mareschal faisoit
telles plaintes non contr’eux, mais pour faire blasmer le gouuernement
de sa Maiesté ; & voilà le crime secret par lequel
ils ont surpris la bonté de la Reyne, & du depuis tant persecuté
ledit Seigneur Mareschal.

Il fallut enfin par honneur, que le Cardinal enuoyast

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quelque argent on Catalogne ; il le fit sur la fin du mois
d’Aoust ; mais auec cette precaution, qu’en mesme temps
qu’il fortifioit l’armée par ce secours trop tard arriué, il la diminuoit
par ailleurs. Car comme s’il eust eu apprehension
que monsieur le Mareschal de la Mothe ayant de l’argent
n’entreprist encore quelque cbose de grand sur la fin de la
Campagne ; il luy fit donner les ordres par courrier expres,
de renuoyer en France les Regimens d’Anguyen & de Conty :
& de plus, casser & licentier plusieurs autres Regimens
de Cauallerie, & d’Infanterie, ce qui affoiblit entierement
l’armée Françoise : Il arriua encore qu’en mesme temps M. le
Cardinal fit eschanger auec nos prisõniers faits en la bataille
d’Honnecour, ce grãd nombre d’Officiers Castillans que M.
le Mareschal de la Mothe auoit pris és iournées de Villefranche
& de Mirãuet, tellement que l’Ennemy fortifié des hommes
qui luy manquoient, leua sur la fin de la Campagne, vne
nouuelle armée auec laquelle il assiegea & reprit Mouçon.

 

Cependant le Roy Catholique prenant l’occasion de tant
de manquemens, tramoit des pratiques & menées pour faire
reuolter la Catalogne : il fit ietter des billets dãs Barcelone &
autres villes du principat, par lesquels au nom de Saincte Eulalie
& des autres Saints Patrõs du Pays ; Il exhortoit les Catalans
de retourner dans son obeyssance, leur promettant
Amnistie de tout le passe : & leur disant qu’ils pouuoient bien
voir que sa Maiesté estoit d’accord auec la Cour de France,
& eux abandonnez d’icelle ; par le peu de secours qu’on auoit
enuoyé depuis la mort du Roy au Mareschal de la Mothe.
C’est au Cardinal à se lauer de cette intelligence, estant assez
visible qu’en ces occurrences, & en beaucoup d’autres, il a
vtilement seruy l’Espagne.

Et ce qui doit fortifier le doute qu’il en a eu le dessein, est
la loüange affectée que donne au Cardinal ce pretẽdu Libelle
ou Placard, en l’exaltant cõme vn hõme si esloigné de son
interest, qu’on ne le void point acquerir de terres, charges,
maisons, ny gouuernemẽs, cõme ont fait les autres Ministres
& Fauoris qui l’ont precedé. Mais bien loin de l’intention de

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telles flatteries, on peut dire auec verité, que toute cette facon
d’agir est vn tesmoignage certain qu’il n’ayme pas la
France, puis qu’il ne s’y attache pas : Au contraire, il vent ce
qu’il y a, faisant argent de tout. On luy a veu la charge de
Sur-Intendant des Bastimens, & il la vendue. Il a vendu le
Controlle General des Finances, & la Capitainerie & Gouuernement
de Fontainebleau : il cherche maintenant
quelque autre, qui luy achepte la Conciergerie du mesme
lieu. Et encore qu’il soit d’vne humeur extrémement
auare, il a ses Benefices comme indifferents ; Il en a
voulu donner des plus importans à Monseigneur le Cardinal
de Lyon qui les a genereusemẽt refusez : on scait à qui il auoit
baillé l’Abbaye de Corbie, & depuis peu l’Abbaye de Moissac
pour adiuster le procez de celle du Toronet. On le void
tous les iours par de fausses generositez, constituer & consentir
des pensions sur ses benefices pour des personnes indifferentes.
Toutes actions extraordinaires qui monstrent qu’il a
d’autres pensées que de s’habituer en France : la maison mesme
qu’il bastist & habite n’est pas à luy, il n’y a aucuns meubles
ny prouisions, que les marchands ou pouruoyeurs ne se
vendiquent. Il faudroit estre sans iugement de voir vn Estranger
amasser dans ce Royaume des millions qu’il enuoye en
pays neutres, & ne pas croire qu’il n’ait intention d’en sortir,
& de se mettre en estat de choisir tel party des deux Couronnes
qu’il luy plaira.

 

La Politique de Monsieur le Cardinal se contenta en la
Campagne de 1643. de rendre M. le Mareschal de la Mothe
inutile. En la suiuante 1644. passant plus auant elle le voulut
faire malheureux : pour y paruenir, elle luy suscita des Ennemis,
luy fit denier toutes faueurs, & tascha à le decrediter en
Catalogne, & dans l’armée qu’il commandoit. Ce peut-il
voir menterie plus raffinée, que d’entendre le Cardinal dire
aux Officiers qui auoient esté reformez en son armée : que
c’estoit lo Mareschal qui les auoit cassez de son authorité,
encore que c’eust esté par les ordres précis que luy-mesme
auoit enuoyez de la Cour. De faueurs il n’en a receu aucunes

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Depuis le Ministeriat du Cardinal, il ne se trouuera point dans
les comptes de l’Espargne, qu’il ait touché vne seule gratification,
cõme les autres Generaux d’Armée : n’ayant pas mesme
esté payé de ses pensions & apointemens de Mareschal de
France. Au contraire on luy a regraté sur la rançon du Marquis
de Pouare, de laquelle le feu Roy l’auoit gratifié en recompense
d’vne bataille gagnée. Et depuis Monsieur de Vaubecour
ayant fait en sa faueur vne demission du Gouuernement
de Parpignan, les prouisions luy en furent refusées ; encore
que le feu Roy l’eust agreé, & que ses victoires eussent
beaucoup seruy à la prise & conseruation de cette place.

 

Monsieur le Mareschal ne se veut pas plaindre de ces refus,
dautant qu’encore qu’il eust quelque iustice, ils despendoient
de la grace du Prince : mais il se peut legitimement plaindre
des choses refusées en intention de le decrediter, cela
ayant beaucoup aydé à ruiner le seruice du Roy dans l’armée,
& dans vne Prouince Estrangere qu’il gouuernoit. Selon les
constitutions de Catalogne, les Vicerois presentent au Roy
pour les Benefices, & pour les Charges, trois personnes, desquelles
le Roy laisse faire choix au Viceroy, & iamais les Roys
de Castille, ny d’Arragon, n’ont esté contre ce priuilege. Monsieur
le Cardinal depuis son Ministere en a tousiours fait elire
d’autres que ceux qui estoient presentez par Monsieur de la
Mothe Viceroy. Et les recommandations qu’il faisoit à Messieurs
les Ministres pour les Officiers de l’Armée, qu’il iugeoit
dignes de seruir, leur estoit vne exclusion asseurée ; tellement
que les François & Catalans retournant de France, disoient
hautement que pour ruiner vne affaire à la Cour il falloit
prier le Viceroy de la recommander.

Le mespris le plus insupportable de tous, fut au commencement
de cette derniere Campagne, que le Cardinal ayant
gagné quelques Officiers Maieurs de l’Armée de Catalogne,
Monsieur le Tellier par son ordre leur escriuoit Lettres
de Cachet au nom du Roy, ne faisant plus sçauoir aucunes
nouuelles à l’Armée que par leur bouche : ce qui leur
faisant presumer estre dans les secrets du cabinet, & ainsi

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auoir plus de credit que leur General, chacun d’eux commença
à trancher du maistre ; & de là vinrent les diuisions & desobeyssances,
qui causerent en Catalogne partie des mauuais
succes de cette Campagne. Monsieur le Mareschal de la Mothe
les preuoyant, il demanda instamment vn Lieutenant
General, ce qui fut formellement empesché par Monsieur
le Cardinal, qui ne tendoit qu’à luy trouuer des contredisans,
afin d’apporter la confusion à tous ses desseins.

 

Vne rupture de Traitté pour les recreues, a encore grandement
contribué à ces malheurs, Monsieur le Mareschal de la
Mothe voulant remplacer les troupes qu’on luy auoit ostées
la precedente Campagne, auoit traitté auec ses Officiers de
Caualerie, que moyennant quatre mille liures, chacun d’eux
tiendroit sa Compagnie complete de soixante hommes en
Catalogne dans la fin de Mars. Monsieur le Cardinal fit rompre
ce Traitté par Monsieur le Tellier, qui se contenta que lesdits
Officiers fissent leurs Compagnies de cinquante hommes
dans la fin d’Avril, moyennant mil escus qu’il leur fit ordonner,
& mal payer ; De ces deux manquemens derniers
sont prouenus tous les desordres qui suiuirent. En ce que les
Officiers ayant eu terme iusques à la fin d’Avril pour leur recreuës,
peu d’entre eux estoient encore arriuez le 15. de May,
que fut le combat de Leyde. Absence qui causa la perte de la
Bataille, ioint la desobeyssance & lascheté de la plus grande
part de ceux qui y estoient ; lesquels se retirerent sans combatre,
abandonnant leur General & toute l’Infanterie à la mercy
des Ennemis : & au lieu d’en faire punition exemplaire,
Monsieur le Cardinal en a recompensé le Commandant de
la Caualerie, par des gratifications secretes la premiere année,
& par des emplois signalez, les suiuantes.

Monsieur le Cardinal s’est tellement rendu ingenieux, à
vouloir faire monsieur le Mareschal de la Mothe cause de la
perte de cette bataille ; que son Conseil se trouue obligé
d’en representer des esclaircissemens qui se voyent aux informations
qui en ont esté faites en Catalogne. Dés la fin
d’Avril, D. Philippes de Silves General de l’Armée Ennemie

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pressé par la presence du Roy d’Espagne arriué en mesme
temps à Saragosse, se mit en campagne : & apres auoir fait
pendant quelques iours, plusieurs feintes de vouloir attaquer
Flix ou Balaguier, se vint finalement camper deuant la ville
de Lerida. Dés auparauant monsieur le Mareschal de la
Mothe auoit enuoyé le sieur de Boissat auec sa Caualerie,
pour empescher les Ennemis de passer la Segre ; Balthasar
s’offroit de le faire auec son Reg ment, & cinq cens cheuaux
qu’il demanda, ce que ledit sieur de Boissat luy refusa, respondant
qu’il eust desiré les Ennemis desia tous passez au deça de
la riuiere, afin que la gloire de leur deffaire en peust estre
plus grande.

 

Monsieur le Mareschel ayant receu en mesme temps trois
mille hommes de pied de ses recreuës nouuellement debarquées
à Barcelone, marcha en diligence pour ietter du secours
dans Leyde, auparauant que les Ennemis eussent peu
acheuer leurs retranchemens. Ayant ioint à Ceruere sa Caualerie
& Infanterie, auec la garnison qu’il auoit retirée de Balaguier
il alla droict à Leyde ; aux aproches il deffit huict cens
hommes des postes aduancez, lesquels allerent ietter l’espouuante
dans leur Camp. Il vouloit poursuiure sa pointe sur
l’aduis certain qu’il receut que le pont de batteaux des Ennemis
n’estoit acheué, & qu’ainsi il defferoit facilement ceux
qui estoient desia passez au deça de la riuiere.

Il fut opposé en son dessein, quoy qu’il fut selon les regles
de la guerre, par ses principaux Officiers ; qui luy declarerent
ne se pouuoir presenter aux Ennemis sans canon ; selon la pluralité
des aduis, il le fallut attendre : il tarda quatre heures,
pendant lesquelles le pont fut acheué : en sorte qu’à son arriuée
il trouua les Ennemis en bataille au deça de la Segre. Il n’y
auoit plus moyen de se retirer, ny aussi d’entrer dans Leyde
sans diffiler : ce qui eust esté perilleux à la veuë de l’Armée
Ennemie, & qui fit resoudre Monsieur le Mareschal de la
Mothe à la bataille ; auec toutes les apparences d’heureux
succés : Les Officiers qui le cõtredisoient en tout autre chose,

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en furent mesme d’aduis ; toute l’armée estoit en allegresse,
attendant auec impatience l’heure & le tẽps du combat ; nous
auions l’aduantage du lieu, & iamais Monsieur le Mareschal
n’auoit combattu les Espagnols auec des forces tant egales :
Nostre canon les foudroyoit, & les obligea à venir à nous à la
desesperade ; Nostre Infanterie, & Artillerie y firent merueilles,
& M. de la Mothe de son costé rẽuersa l’aisse gauche qu’il
reduisit à demãder quartier, & nos gens crioient victoire, lors
que seize cens cheuaux opposez à l’aisle droicte conduits par
Boissat Mareschal de Camp se retirerent sans combattre, pas
à pas, sans estre suiuis des Ennemis, ce qui a fait soupçonner
aux Catalans & à d’autres qu’il y auoit intelligence.

 

Ce fut icy la premiere disgrace qu’ait iamais euë dans les
combats, monsieur le Mareschal de la Mothe ; il auoit assiste
en cent autres, & auoit luy mesme gagné six Batailles qui
auoient tellement confirmé cette haute reputation qu’il a acquise,
que la perte de celle-cy, ne la diminua aucunement. Et
de verité, il y tesmoigna qu’il auoit la force de porter la
bonne & mauuaise fortune auec vne grande egalité d’esprit.
Car se voyant abandonné, & la Bataille sans ressource,
il ne desespera pas encore de faire l’effect pour lequel il
estoit venu, c’est-à-dire, de secourir la ville assiegée : & comme
il a tousiours eu, autant que Capitaine du monde, le iugement
present parmy les dangers. Il trouua dans l’occasion, le
moyen de l’executer. Il considera que les Ennemis s’arrestant
au pillage de son camp, il auroit le tẽps de reunir partie de son
Infanterie, & la faire aller dans les iardins de Leyde : il se met
à la teste d’vne partie, & l’y conduisit, d’où sans aucune difficulté
le Cheualier de la Valliere les mena dans la Ville ; &
apres qu’il les eust veu passer le pont, il se retira luy quinziesme
à Ceruere, pour mettre ordre au reste de la Prouince. Par
ce secours la garnison se trouua de quatre mille hommes &
Dom Philippes de Silua ne l’osa plus attaquer de force : ainsi
vne place qui auroit esté emportée en huict iours fut capable

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de soustenir plus de trois mois de fiege, & eust tenu encore dauantage
sans les fautes du les fautes du Gouuerneur.

 

Les Catalans eurent en plus grande estime Monsieur le
Mareschal de la Mothe, qu’ils n’auoient auparauant cette
action, laquelle ils comparoient aux plus belles des anciens
Capitaines : y ayant peu d’exemples qu’apres vne bataille
perdue, aucun ait executé auec ordre l’effet pour lequel elle
auoit esté donnée. De plus qu’apres s’estre retiré, il soit auec le
debris de son armée, de nouueau venu r’affronter les ennemis
victorieux, & leur presenter vne secõde Bataille auec vne contenance
si resolue qu’il n’oserent sortir de leurs retranchemẽs.
Refus qui obligea Monsieur le Mareschal de la Mothe à se camper
en des lieux, d’où il pouuoit incommoder les assiegeans. Il
les fatigua par des alarmes & des combats continuels, il leur
prit souuent des conuois, deffit nõbre de secours qui venoient
en leur Camp. Et tout cela comme en presence du Roy Catholique
qui estoit à Fragues, quatre lieuës de Leyde ; continuant
la guerre en sorte, qu’il se trouuera peu de Villes prises
qui ayent tant couste à l’Espagne, qui pourra mettre cette victoire
entre les Cadmeenes, ayant esté pendant le siege obligée
de renouueller l’armée par deux fois.

Monsieur le Mareschal de sa Mothe eust encore secouru la
place, si les ordres precis de Monsieur le Cardinal ne l’en eussent
empesché en deux occasions. La premiere vn mois apres
la bataille qu’il le voulut tenter apres que les Regimens de
Champagne & de la Marine l’eurẽt ioinct, auec les milices de
Catalogne ; tellement que l’armée se trouuoit assez nombreuse
pour tout entreprendre. L’Ennemy estoit estonné de nostre
resolution, sa circonuallation n’estant du tout acheuée : nous
auions encore le fort Gardin qui nous en facilitoit l’execution,
Les principaux Officiers s’opposerent à cette glorieuse entreprise
& pour les authoriser en leur opinion, Monsieur de
Beauuais Plessian enuoyé par Monsieur le Cardinal monstra
les ordres de la Cour, signez le Tellier, par lesquels il estoir
expressement deffendu, de tenter le secours de la place, iusques

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à l’arriuée des trouppes qu’amenoit de France Monsieur
le Marquis de Villeroy. Monsieur le Mareschal de
la Mothe fut contraint d’en passer par là, quoy qu’il remonstrast
que ce secours seroit long à venir, & que cependant
l’Ennemy acheueroit ses retranchemens, & prendroit Gardin :
que le secours qu’on faisoit esperer venant de loin, seroit
si foible à son arriuée, qu’il ne suppleeroit pas aux troupes que
l’armée qui estoit assez forte, auroit perdu en l’attendant. Prection
veritable, car lors de la ionction l’armée se trouua moindre
qu’elle n’estoit lors de l’occasion perduë. Et depuis ce secours
arriué, Monsieur le Mareschal ayant voulu pout la seconde
fois attaquer les lignes, Monsieur de Castelan enuoyé
par M. le Cardinal, ne le iugea pas à propos : Et en donnant
le change, dist que l’aduis de son Eminence estoit pour compenser
la perte de Leyde, d’assieger Roses ou Terragone,
pourquoy on promettoit enuoyer par mer six mille hommes
qu’on auoit pris du licentiement de l’armée des Princes d’Italie,
apres la paix du Duc de Parme.

 

Monsieur le Mareschal de la Mothe, iugea l’entreprise de
Terragone plus à propos : d’abord il attaqua le Mole par mer
& par terre, & l’emporta par le plus effroyable assaut qui ait
esté donné dans toutes les guerres de ce siecle : y ayant eu de
part & d’autre, plus de huict mille coups de canon tirez en
deux heures. La prise de la Ville estoit indubitable apres ce
grand exploict, si Monsieur le Cardinal eust enuoyé les six
mille hommes qu’il auoit promis. Il les fit demeurer en Italie,
sous pretexte de la mort du Pape Vrbain ; les y iugeant
plus necessaires, pour fauoriser dans le Conclaue l’eslection de
Monseigneur le Card. Sachetti son amy, comme s’il eust esté
permis de mesler les armes dans l’electiõ du Chef de l’Eglise :
Neantmoins cette vision a cousté à la France la perte de Terragone :
car lors que Monsieur le Tellier enuoya vu courrier
pour donner aduis que ce secours demeuroit en Italie, il ne restoit
pas au siege deux mille hommes de pied : & les Mareschaux
de Camp continuant en leur bonne intelligence y agissoient

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en sorte, que ce qu’vn d’eux aduançoit en vne iournée,
estoit le lendemain ruiné, par la ialousie de l’autre. Cependant
le Roy & le Prince d’Espagne estant arriuez à Leyde
auec dix mille hommes, les Catalans apprehendant vne
irruption dans le pays, prierent Monsieur de la Mothe d’abandonner
Terragone pour s’y opposer, comme il fit auec sa Caualerie
qu’il auoit laissée dans la plaine d’Vrgel.

 

Toute l’Europe parla diuersement de la cause de tels succes
arriuez en Catalogne pendant ces deux Campagnes. Les
François & les Estrangers non interessez, auec ceux qui desiroient
la paix les penetrerent facilement ; les Ennemis les
descouurirent par leurs billets & placards ; & les Catalans qui
en estoient les tesmoins oculaires, disoient hautement que
Monsieur le Mareschal de la Mothe y auoit payé de sa personne,
& qu’il eust porté les armes de France bien auant, si
on luy eust enuoye à temps, les choses necessaires & promises.
En la Cour de France, les adherans & partisans de Monsieur
le Cardinal fermoient la bouche à ceux qui en vouloient
veritablement parler ; publiant des choses inuentées &
ridicules contre Mondit sieur le Mareschal de la Mothe, iusques
là de dire, que s’il eust voulu, il eust peu faire le Roy d’Espagne
prisonnier.

Monsieur le Cardinal aprehendant des plaintes publiques
contre son ministere, y proceda d’vne autre façon : Et comme
il pratique exactement cette politique, de s’attribuer
la gloire de toutes les choses bien faites, encore qu’elles
soient fortuites, & qu’il n’ait participé ny dans les conseils, ny
dans l’execution : Il reiette aussi sur les autres les causes des
euenemens qui ont mal reüssi. On le voit abuser en sorte de
la bonté de la Reyne Regente, qu’il luy fait boire mesme ce
calice ; en ce que contre l’ordinaire des bons Ministres & Seruiteurs
il s’attribue l’honneur des graces & bien faits, & reiette
sur sa Maiesté les refus & mescontentemens.

Or afin de s’excuser de tant de desordres arriuez en l’armée
de Catalogne, il fit que la Reyne Regente escriuit en

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forme de Manifeste, aux deputez du Principat de Catalogne
vne longue lettre, dans laquelle sa Maiesté representoit les
secours d’hommes & d’argent, qui leur auoient esté enuoyés
depuis sa Regence. Monsieur le Tellier, creature
de son Eminence, y fit l’addition d’vn petit discours où
commentaire, dans lequel il mettoit le detail des choses,
dont sa Majesté n’auoit parlé que generalement dans la lettre.
Il est vray que partie des hommes & de l’argent, dont y
est faicte mention a esté enuoyée ; Mais captieusement
Monsieur le Tellier n’y a pas exprimé le temps, d’autant que
cela eust fait cognoistre que tels secours estoient inutiles,
n’ayant esté enuoyés ; qu’apres les occasions perdues.

 

Quelque autre qu’vn Italiẽ se seroit cõtenté, que la Reyne
luy eust fait l’honneur de publier ce Manifeste pour sa iustification :
Le Cardinal veut passer plus outre, il veut poursuiure
iusques à la fin vn homme qu’il croit auoir offensé. Et
comme sa nation est industrieuse à chercher les moyens de
se vanger il en trouua vn par lequel il se persuada pouuoir
entierement ruiner Monsieur le Mareschal de la Mothe
ce fut par vne subornation, qui est la plus honteuse tentatiue
qui puisse tomber dans la pensée d’vn homme qui faict
profession d’honneur, voicy comment. Il y auoit à Paris vn
Moine appellé L’Abbé Sala eschappé des prisons de l’Inquisition
de Barcellonne, où il estoit detenu à cause de crimes
enormes, & postuloit à la Cour ce France par le moyen
de Monsieur le Tellier, que par l’authorité du Roy il peust
estre restabli en Catalogne & dans la iouyssance de son Abbaye.
Mondit sieur le Tellier, l’ayant recogneu pour vn esprit
hardy, capable de tout entreprendre contre Monsieur
le Mareschal de la Mothe le proposa à Monsieur le Cardinal
qui le iugea propre à sõ dessein, pour auquel paruenir & afin
de le mettre en quelque opinion de probité dãs l’esprit de la
Reyne, il fit encore que ce gallãt, quoy que suspẽdu & interdit
preschast deuant sa Maiesté en Castillan dans l’Eglise
des Feuillants. Il auoit auparauant gagné Puiolar lequel de
Miquelet où bandollier estoit deuenu agent de Catalogne.

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Ces deux personages se firent accompagner d’vn
Moyne Collecteur des aumosnes de Monserrat ; Ils allerent
touts trois ensemble à Fontaine-bleau, où ils furent presentez
à la Reyne Regente par Monsieur le Tellier, comme
s’ils eussent esté deputez où Ambassadeurs de Catalogne :
Et en cette qualité L’Abbé fit effrontement à sa Majesté
en langue Espagnole vne harangue remplie de plainctes
des Catalans, & en suitte presenta vn memorial escrit
contre ledit Seigneur Mareschal : Ces Calomniateurs iouërent
si bien leur jeu en cette occurrence, que dés le soir
Monsieur le Cardinal fit resoudre d’arrester prisonnier
Monsieur le Mareschal de la Mothe, & on publia pour
nouuelles par tout que sur les plaintes des peuples on l’estoit
de Catalogne & qu’on y enuoyoit en sa place Monsieur
le Comte d’Harcourt Viceroy.

 

On eust difficilement descouuert cette trahison, sans que
peu apres arriuerẽt en cour de veritables Ambassadeurs du
Principat, lesquels estonnez d’entendre tels discours contraires
à leurs instructions, qui estoient remplies des contentements
que tesmoignoit la Catalogne du gouuernement
de Monsieur le Mareschal de la Mothe, iugerent
à propos d’escrire à Messieurs les Deputez, & à Messieurs
du Conseil des cent de Barcelonne pour sçauoir s’ils
auoient donné charge à L’Abbé Sala & à Puiolar de faire
telles plainctes au nom du Principat contre ledit sieur Mareschal.
Ces Messieurs surent surpris & touchez de ceste
nouuelle. Ils desaduoüerent par acte public ceste imposture,
& manderent à leurs Ambassadeurs d’oster l’agence du
pays à Puiolar : Mais le Cardinal qui ne vouloit abandonner
vn homme qui l’auoit si vtilement seruy, fit dire par
Monsieur le Tellier aux Ambassadeurs que la Reyne Regente
vouloit que ledit Puiolar demeurast Agent : & depuis
en recompense de sa calomnie, il a esté faict Chanoine
de Parpignan. Au regard de l’Abbé Sala, sans autre
iustification le Cardinal le fit par Monsieur le Cõte d’Harcourt
restablir en Catalogne, ou depuis ou depuis les Viceroys

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l’ont protege par son ordre contre la iustice de ses Superieurs
Ecclesiastiques.

 

Il sembloit que ceste calomnie descouuerte feroit changer
la resolution d’arrester Monsieur le Mareschal de la
Mothe ; mais la passion de Monsieur le Cardinal preualut
enfin à la raison. Ledit Mareschal fut rappellé de Catalogne,
il en sortit auec les regrets & les pleurs des peuples,
& en passant à Lyon le iour des Innocens, on l’arresta prisonnier
dans le Chasteau de Pierre Encise. Il auoit eu aduis
tres certain qu’on l’arresteroit là, mais tenant sa conscience
entierement nette, il ne fut pas en la puissance de
touts ses amis & seruiteurs de l’en empescher, de sorte
qu’il vint volontairement se ietter dans les rets, qu’on luy
auoit tendus.

Ceste franchise auec laquelle Monsieur le Mareschal se
rendit prisonnier, meritoit vn plus fauorable traictement,
que celuy qu’on luy a faict, tant à Lyon, qu’à Grenoble ; &
si les Partisans de Monsieur le Cardinal appellent cela douceur,
ils veulent donner au vice le nom de la vertu qui luy
est contraire. Il y a esté traicté auec des rigueurs qui ne sont
pas imaginables, il suffist de dire quil à esté gardé à veuë &
qu’en veillant où dormant il y auoit tousiours trois Soldats
en garde le chien de la carabine rabatu. Monsieur le Tellier
par ordre de Monsieur le Cardinal deffendit de luy donner
papier ny encre & qu’on admist aucun à luy parler : son valet
de chambre n’auoit permission de le voir qu’au leuer & au
coucher. Dans le regne passé Messieurs les Mareschaux de
Vitry & de Bassompiere n’ont point esté gardez de la sorte,
aucuns ne couchoient dans leurs chambres que ceux qu’ils
auoient choisis de leurs domestiques, ils estoient visités
auec liberté de tous leurs amis, ils auoiẽt encre & papier : &
le dernier y à composé des liures. Encore si Monsieur de la
Mothe eust esté accusé de quelque crime noir & d’Estat,
telle rigueur se pourroit excuser : mais il ce voit par la Cõmission
addressée au Parlement de Grenoble que le procez
qu’on luy faisoit n’estoit pretexté, que de recherche d’argent ;

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pour lequel cas personne n’a iamais esté ainsi obserué
iusques là que Tacite s’estõne que Sejan Ministre de Tibere
ne s’agissant que de repetundis, au faict de Silius Amy de
Germanicus, fict au procez in quæstione Maiestatis. Cela
n’est point aussi l’vsage de France. Si Tabouret ou Catelan
estoient recherchez pour des millions entieres, dans vne
Chambre ardente de Iustice ; ils auroient encre & papier
& l’accez de leurs amis ne leur seroit pas refusé.

 

Monsieur le Cardinal ayant mis en seureté la personne
de Monsieur le Maresclal de la Mothe ; il restoit de trouuer
vn crime pour colorer la prison d’vn homme, qui retournoit
glorieux d’vn pays, qu’il auoit conserué à la France,
par sa conduite & par son espée : la calomnie des trois Catalans
desaduouée ne pouuoit plus seruir de pretexte, il y
failloit quelque crimes nouueaux. Surquoy son Eminence
s’aduisa de donner à Monsieur le Tellier la Commission
d’en chercher, c’est vn subiect qui auoit toutes les qualitez
qu’il faut pour le faire, il estoit ennemy declaré de Monsieur
de la Mothe, & il possedoit la charge de son parent &
amy, duquel il aprehendoit le retour ; de plus ayant esté
long-temps Procureur du Roy au Chastelet, il y auoit apris
toutes les ruses & chicanes imaginables à bien tourmenter
ceux, qu’ils entreprendroient.

La modestie deuoit empescher le Cardinal de donner
cette Commission à vn homme que le Mareschal de la Mothe
luy auoit escrit estre son ennemy, & la mesme modestie
deuoit empescher l’autre de l’accepter. Neantmoins il
le fit, & ioüant de l’espee à deux mains d’Ordonnateur &
de Secretaire d’Estat : Il a pratique des choses que la posterité
s’estonnera auoir esté faictes pendant la douceur du
regne de la Royne Regente.

Affin de ne manquer pas, il debuta en sa commission par
ordonner L’Emprisonnement de tous ceux qui auoient
approché Monsieur le Mareschal de la Mothe, où qui s’estoient
meslez de ses affaires iusques au nombre de 25. à
26. Sçauoir Monsieur de la Vallée homme du Roy, dans

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l’armée de Catalogne, le Sieur Boisot Intendant & Secretaire
dudit Seigneur Mareschal, le Sieur Bellestat son
Aumosnier, le Sieur Raiault son Secretaire, le Sieur Dauid
son Agent à Paris, & le Sieur du Mas Caualier de son Regiment,
le Sieur Dorée Intendant de l’armée, les Sieurs
Talon & Moreau, commis de l’extraordinaire de la guerre,
auec leurs soubs commis, Colas, des Neus & Briandais ;
la Chapelle domestique dudit Sieur Talon, auec son frere
nommé la Coupe, vn appellé Donadou Sauuerat Orfeure
marié & demeurant à Mont blanc, & les appellés, Iaques
Oliuier, Fabre, Iean Collier, Martin Fadin, L’Algouazil
honeau, Soret, auec Cherard serrurier Catalan. Et crainte
qu’il n’en manquast quelqu’vn ; Monsieur le Tellier decreta
encore contre Denia Secretaire de Monsieur de la
Mothe & contre Dormé commis du Sieur Talon qui
estoient morts, il y auoit long-temps.

 

On a esté obligé de nõmer cette multitude, d’autant que
referant simplement le grand nombre de ces prisonniers, le
sage Lecteur l’eust pris pour hyperbole : ny ayant point d’exemple
dans toutes nos Annales, que pour faire le procés à
vn seul homme, on ait emprisonné tant de personnes,
Soubs le Regne de Charles VII. Le duc d’Alençon fut
iugé, & il ny eut auec luy qu’vn Secretaire arresté. Soubs
Louys XI. l’Heraut Mont-ioye & son fils furent seuls prisonniers
auec le Connestable Saint Paul : on n’en remarque
aucun dans les procés des Mareschaux de Gré & de Biez, &
de Montmorency : & en celuy du Mareschal de Biron, il n’y
eut qu’vn Secretaire. Barbin auec les Secretaires Ludouici
& Montaubert le furent seuls auec la Mareschale
d’Ancre ; auec le Mareschal de Marillac il ny eut que trois
prisonniers qui furent incontinent relaschez. Mais au subjet
de Monsieur le Mareschal de la Mothe, Monsieur le
Cardinal & Monsieur le Tellier, ont voulu establir cette
nouuelle Iurisprudence : que pour paruenir à leurs fins ils
pouuoient indifferemment emprisonner l’Innocent, comme
le coupable.

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Auec l’Emprisonnement des personnes, les papiers furent
pris, & tous les biens saisis, scellez & annotés, & dés
l’instant le tout inuentorié ; en Catalogne par Monsieur de
Marca, & à Paris par Monsieur le Gras, & par Monsieur le
Lieutenant criminel. De plus Monsieur le Tellier au nom
du Roy, despescha auec grande actiuité & despense des
courriers dans toutes les banques de la Chrestienté, pour
sçauoir combien d’argent Monsieur le Mareschal de la Mothe
y auoit. Escriuit à Monsieur de Marca d’informer en
Catalogne contre ledit Seigneur Mareschal : & de faire saisir
& mettre entre les mains du Roy la Duché de Cardone,
duquel ledit Sieur ioüissoit paisiblement en ayant esté inuesty
par le feu Roy en recompense d’vne bataille gagnée.
Action cõtre le droict commun, qui deffend d’oster le bien
à vn accusé, auparauant la condemnation : contre les constitutions
de Catalogne, qui ne le permettent aux Princes
qu’aux seuls cas d’heresie où de leze Maiesté.

Monsieur de Marca, Visiteur & Intendant de Iustice en
Catalogne, suiuant les ordres de Monsieur le Tellier commencea
à informer, & enuoya incontinent en Cour l’enqueste
qu’il en auoit faicte : elle fut leuë de Monsieur le
Tellier qui la fist suprimer, voyant qu’elle pouuoit plus seruir
à canoniser ledit Seigneur Mareschal, qu’à luy faire son
procez. Il iugea par là, que ledit Sieur de Marca n’estoit
pas son homme, & qu’il en falloit trouuer quelque autre,
qui fust à tout faire. Il trouua qu’vn appellé Chirat, qu’il cognoissoit
pour auoir esté son Collegue au Chastelet y estoit
propre, il le choisit & l’enuoya en Catalogne auec d’amples
memoires pour esplucher entierement la vie de Monsieur le
Mareschal de la Mothe.

Et affin que le Sieur Chirat ne manquast pas de support
dans vn pays incognu où on l’enuoyoit : outre les lettres generales
que Monsieur le Tellier en escriuit aux personnes
publiques au nom du Roy ; Il escriuit particulierement à
Monsieur Chabot ennemy de Monsieur de la Mothe, à
Gourry son parent Intendant de l’armée, & au Sieur Saincte

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Colombe Marin son allié, d’assister ledit Chirat, & sur
tout de faire que les soldats & officiers de l’armée tesmoignassent,
Monsieur le Tellier ne fut pas trompé de ses
Messieurs. Ils le seruirent tous tres bien. Il y a peu de gens
dans l’armée qu’ils n’ayent sollicité à deposer contre Monsieur
le Mareschal de la Mothe : disant aux vns que c’estoit
presentemẽt vn homme perdu, que l’affaire regardoit Monsieur
le Cardinal, & Monsieur le Tellier qui les en recognoistroient
aux autres ils offroient argent & promettoient
employs, & ledit Gourry disoit hautement à touts les officiers
de l’armée que s’ils ne deposoient, ils ne toucheroient
point d’argent.

 

Ces Messieurs assistez de l’experience, que Chirat auoit
acquise au Chastelet auec Monsieur le Tellier : continuerent
la solicitation qu’ils auoient commencée enuers
les gens de guerre & Catalans. Carlier commis de
Monsieur le Page à l’extraordinaire & frere d’vn Commis,
dudit Sieur le Tellier, fonrnissoit prodigalement l’argent
à tous ceux qui se laissoient corrompre ; & enfla sur ce
pretexte tellement ses parties que ledit sieur le Page, son
maistre ne les voulant admettre, il s’en alla à Rome : où
Monsieur l’Abbé de la Rochepozay, l’ayant fait arrester prisonnier,
les Partisans de Monsieur le Cardinal craignant
que cét incident ne descouurist telles subornations de tesmoings,
faicts contre Monsieur le Mareschal, le firent mettre
en liberté par l’authorité de Monsieur le Cardinal d’Est,
qui crut en cela obliger le Cardinal Mazarin. Ce trafic de
tesmoignages se faisoit si publiquement en l’armée, & en
toute la Catalogne, que lors qu’on eust procedé selon le
stile du Parlement de Grenoble, à l’Enqueste Iustificatiue ;
on en eust peu à informer comme par tourbe.

Mais sans que que les Parents & amis de Monsieur le Mareschal
de la Mothe se soient empressez de cette enqueste
iustificatiue, Dieu l’a faicte par vne occasion impreueuë.
Chirat selon les constitutions de Catalogne, auoit pris
pour assistant vn Catalan qualifié Docteur Francisch Marty

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de Villadamor Menor Aduocat Fiscal de la Ballia general ;
hõme de mesme farine que luy, lequel a depuis esté banny
de Catalogne & priué de sa charge. Il estoit principal artisan
de la coniuration du Bailly de Mataro, confident de la
Barone d’Alby, de l’Abbé de Gallicans, & autres malafestis ;
lesquels auoient entrepris de faire reuolter la Catalogne,
en tuant Monsieur le Comte d’Harcour. Ils furent presque
tous exeutés & Monsieur le Tellier sauua lors du naufrage
ce Docteur, pource qu’il le iugoit necessaire à instruire
le proces de Monsieur le Mareschal. Ledit Docteur demeura
neantmoins tellement suspect & pour de mauuaises actions
qu’il fit depuis, qu’à la poursuitte du Procureur fiscal de la
Cour du Regent de la Vicairie, le procez luy fust faict & fut
condamné. Monsieur le Cardinal & le Tellier afin de le récõpenser
du plaisir qu’il leur auoit fait en persecutant Monsieur
de la Mothe l’ont retiré à Paris, & creé Conseiller d E’stat,
& fait donner la subsistance par le Roy.

 

Par les informations sur lesquelles ledit Docteur a esté
condamné, il ce voit qu’il a faict deposer cõtre Monsieur le
Mareschal vn appellé Boffil en luy promettant 50. liures
Catelãs de pẽsion sur le secrets de Tortose : qu’il a tenté d’en
faire autant à vn nommé Pocuelo Prestre du diocese de
Leyde, luy promettant, (disoit il) par ordre du Vice-roy
trois cent liures de pension sur les biens confisquez ; qu’il
offrit vingt doublons à vn appellé André Villar auec promesse
d’vn benefice s’il vouloit deposer. Puiolar s’en mesloit
mesme du costé de France, ayant dit au R. P. D. Ioseph
parent Religieux de la Trinité, qui s’en retournoit en Catalogne ;
que s’il vouloit deposer contre Monsieur le mareschal
de la Mothe, il luy feroit donner cinq cens liures de pension.
Il se rencontre en ces informations vne particularité
estrange laquelle fait paroistre les moyens desquels se
sont seruis le Cardinal & le Tellier pour animer la bonté de
la Royne Regente, contre monsieur le Mareschal ; que Iaques
Al[1 lettre ill.]es habitant de Leyde depose, que Chirat & le Docteur
Marty l’ont solicité plusieurs fois auec promesse de

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Escus de pension sur les biens confisquez ; moyennant qu’il
deposast, auoir entendu ledit Seigneur Mareschal mal parler
de sa Maiesté ; adioustãt que pour luy persuader ils luy auoiẽt
leu la deposition d’vn appellé Gerard qu’il leur maintint
estre fausse.

 

Ce n’est pas seulement le Docteur Marty qui s’est sauué
pour auoir agy contre Monsieur le Mareschal : Augustin
Guieno dit & asseure qu’õ a dõné la grace à plusieurs criminels
mesme de leze-Maiesté au second chef, pour les obliger
à deposer : & chose remarquable la plus grand part des mal
condamnez estoient ses ennemis ; & amis de ceux qui ne
l’aymoient pas. Entre les papiers de l’Abbé de Gallicans
chef de la coniuration, se trouua vn memoire contre ledit
seigneur Mareschal apostillé de la main du Docteur Marty :
entre les papiers d’Onophre Achil se trouua vne promesse
de deux mil pistoles au sieur Chabot son ennemy declaré ;
La Baronne d’Albi, André Ferré & le Bailly de Mataro auoient
continuellement monopolé contre luy pendant
qu’il à esté Vice-roy.

Outre les recompenses & les promesses, Chirat & le Docteur
Marty ont contraint plusieurs à deposer contre Monsieur
le Mareschal de la Mothe par l’apprehẽsion de la prison
& par la crainte des peines. Ils firent mettre les prisonniers
qu’ils iugeoiẽt necessaires à leur dessein ; dans les prisons de
l’inquisitiõ, qui est la plus austere de toutes celles de Barcelone.
Ils cõmenceoiẽt par leur dire que ce n’estoit pas à eux
qu’on en vouloit ; mais au Mareschal de la Mothe seul &
qu’incõtinẽt qu’ils auroiẽt deposé cõtre luy on les mettroit
en liberté, s’ils ne le faisoient, Chirat les menaçoit, en disant
auoir l’authorité du Roy de les faire pẽdre & roüer : afin de
les presser dauãtage il les faisoit mettre dãs des cachots plus
obscurs les fers au pieds, & au col : & se porta vn iour à l’exces
de battre le Carcelier pour ce qu’il les traittoit trop doucement.
On voyoit dans les informations que Chirat & le Docteur
menacerent si hautement de faire donner la Gehenne
à vn soldat François appellé Dimas, qui ne vouloit tesmoigner,

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que ce pauure homme fit achepter pour deux
pistoles de remedes ; affin de pouuoir se rendre insensible
aux rigueurs de la Torture.

 

Chirat retourne en France, apres auoir agy de la sorte ;
pendant neuf mois en Catalogne ; ou depuis Monsieur
Fouquet Maistre des Requestes fut renuoyé, affin d’acheuer
ce que ledit Chirat y auoit commencé. Mais apres que
toutes les Informations dressées par l’vn & l’autre eurent
esté veuës auec celles qui auoient esté faictes à Lyon par
Monsieur de Ris, & à Paris par Monsieur le Lieutenant
Criminel, on fit lors veritablement voir à Monsieur le
Cardinal qu’il ny auoit pas lieu de poursuiure dauantage
Monsieur le Mareschal de la Mothe.

Verité recognuë, qui sembloit auoir quelque peu adoucy
le Cardinal : en ce que rencontrant Monsieur d’Houdancour,
Gouuerneur de Corbie, il luy dit, comme s’il eust
voulu s’excuser des choses passées, qu’il n’auoit aucunement
participé à la detention de Monsieur le Mareschal son
frere. Que veritablement il l’auoit sceuë, & ne l’auoit pas
empeschée, attendu que ledit Sieur Mareschal luy auoit refusé
son amitié : que neantmoins celuy qui en estoit cause
estant mort il s’emploiroit volontiers pour obtenir sa liberté
de la bonté de la Reyne. En suitte il permit à mondit
Sieur d’Houdancour d’escrire la bonne volonté de S. E. à
Mondit sieur le Mareschal son frere, auquel à ce subiect il
permit auoir encre & papier, affin de faire response & de
l’en remercier. Le Mareschal escriuit, mais sa lettre n’ayant
pas esté trouuée assez explicatiue, Monsieur le Mareschal
de Villeroy le dit à Monsieur d’Houdancour ; auquel il en
bailla vne autre toute faite, laquelle fut enuoyée à Pierre-Encise,
& transcrite mot à mot par Monsieur le Mareschal,
puis r’enuoyée, & le Cardinal en fut content.

Mais comme il est le plus double de tous les hommes, Il
se persuada que puis que Monsieur le Mareschal de la Mothe
le discoulpoit luy mesme par cette lettre, de tant de
mauuais traittemens qu’il luy auoit faict faire : il ne pouuoit

-- 27 --

plus l’accuser des procedures qui seroient continuées contre
luy : il commença aussi à changer de parole ; disant à
ceux qui luy parloient de l’affaire de Monsieur le Mareschal
de la Mothe, qu’il estoit son amy & qu’il le vouloit seruir en
temps & lieu. Mais qu’il y alloit de l’honneur de la Reyne
Regente de faire auparauant cognoistre aux peuples ; que sa
Majesté auoit eu raison d’auoir fait arrester vn homme de
sa qualité & de ses seruices : qu’à cette cause, le Conseil du
Roy auoit esté d’auis de r’enuoyer le procés de Mon dit
Sieur le Mareschal au Parlement de Grenoble.

 

Le Cardinal & ses Partisans, ont si souuent repeté ce
discours, qu’il y alloit de l’honneur de la Reyne, de faire
poursuiure le procés de Monsieur le Mareschal de la Mothe :
qu’on est obligé de leur repliquer, qu’en cela ils estoiẽt
tres mauuais Politiques : & que les procedures qu’ils y ont
faictes, ont peut-estre plus terny la douceur du regne de la
Regence de cette bonne Princesse, qu’aucune autre action
qu’ils y ayent commise. Ils deuoient considerer, que l’histoire
marque auec plus de soing, les cheutes & les malheurs
des grands hommes, que toutes les autres affaires de
leur temps & que les Roys & bons Princes ne les ont iamais
poussez iusques à l’extremité, que sur des pretextes
specieux de crimes noirs & enormes de lacheté où de perfidie,
dont vne punition exemplaire estoit mesme demandee
par la voix publique. Et que si au contraire quelques Souuerains
ont poursuiuy leurs Illustres subjets, pour des causes
foibles comme sont les recherches d’argent ; qui est la
querelle d’Aleman, qu’on fait ordinairement à ceux qui
ont esté dãs des employs cõsiderables : la posterité a blasmé
ceux qui les ont poursuiuis, & n’en a pas diminué la gloire
des accusez. Le Tacite est plain de telles exemples, & nos
Annalles fournissent celles du grand Maistre de Montegu, de
L’amiral Chabot, des Mareschaux de Gyé, de Biez & de
Marillac. Il falloit que la passion du Cardinal fust bien aueuglée,
de vouloir acquerir cette haute reputation de douceur,
en commandant tant de procedures insolites contre

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Monsieur le Mareschal de la Mothe, Viceroy, Illustre en
toute l’Europe par nombre de batailles, aymé en France
pour auoir porté la gloire de la nation iusques aux Entrailles
de l’Espagne ; & cette persecution seulement fondee
sur le faux pretexte d’vn pretendu diuertissement de quelques
soixante & dix mil liures, querelle indigne de la colere
de la Reyne, & nullement proportionnee aux merites de
l’accusé.

 

Que si les mauuais conseils des Ministres portent aucunes
fois les Princes, à faire arrester des personnes de consideration ;
si les raisons en font legeres, il est de leur honneur
de les mettre en liberté, sans ouyr autre discution : Ainsi les
causes en estant incogneuës les peuples attribuent le tout à
la Iustice & clemence des Princes; Que si au contraire les
Souuerains veulent publier les motifs qu’ils ont eus, de les
arrester & les mettre en procez : alors si les causes en sont
petites, apres que les mesmes peuples les ont penetrées, Ils
y apportent leur iugement & chacun interprete à sa mode
l’action du Prince. Tout consideré au cas qui se presente,
on peut dire auec verité : que la proposition du Cardinal
n’est pas soustenable qu’auec des gents qui n’entendent pas
quel est le veritable honneur.

Neantmoins apres que la commission au Parlement de
Grenoble eust esté expediée à Amiens, & mise es mains de
Monsieur de la Colombiniere Procureur General audit
Parlement, mandé expres ; Monsieur le Tellier adiousta à
cette maxime, que l’affaire estant venuë à ce point ; le dementir
n’en pouuoit plus demeurer à sa Majesté : mesurant
par ce beau discours l’authorité Royalle à l’aulne d’vn
Procureur du Roy au Chastelet, lequel a son honneur
veritablement interessé lors qu’estant pris à patrie, Il est
condamné par le Parlement aux despens & dommages Interests
d’vn accusé. Il est toute autre chose des personnes
Royalles. Il est de leur gloire d’estre condamnees lors qu’il
s’agit d’vne innocence. La plus haute loüange que donne
Pline à Traian, est la difference qu’il met de la Felicité de

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son regne d’auec celuy des Nerons & Domitianus qu’il
auoient immediatement precedé, en ce que de leur
temps le Prince gagnoit tousiours sa cause, & que pendant
celuy de ce bon Empereur il estoit presque tousiours
condamné.

 

Ces paroles le dementir n’en demeurera pas à la Reyne, prononcez
par vn Secretaire d’Estat & vn Procureur general,
intimideren tellement quelques parents de M. le
Mareschal de la Mothe : que M. d’Houdancour son frere
demanda pour luy vne Abolition : M. le Tellier luy
respondit qu’il escriuist à M. le Mareschal sçauoir s’il
l’agreroit, & puis qu’il le laissast faire que tout iroit bien,
Mondit sieur le Tellier & M. le Cardinal ne demandoient
plus que cela, dautant que par vne abolition M.
le Mareschal se fust rendu coupable, & toutes leurs iniques
procedures estoient approuuées. Aussi enuoya-il
là dessus à M. son frere vne réponse digne d’estre escrite
en lettres d’or, qu’estant innocent il s’estoit rendu volõtairement
prisonnier, qu’il n’estoit pas resolu de se rendre
coupable pour sortir, & qu’il n’achepteroit iamais
sa liberté par vne lascheté. Madame la Mareschale de
Villeroy & M. l’Abbé d’Aisne luy conseillerẽt souuent;
Et Messieurs de la Coste, de la Martiliere, & de la Colombiniere
ses Commissaires luy en ont cent foy parlé,
allegué des exemples de personnes qualifiées qui n’en
auoient point esté deshonorées. Il s’est tousiours monstré
inesbranlable à tels conseils & aduis : Il auoit veritablement
raison, de ne laisser point de tache à vne si belle
vie que la sienne. Ce reffus de prendre abloition fut
cause qu’on le transporta de Pierre-Encise à Grenoble,
conduit par les Preuosts & Archers de Dauphiné, Lyonnois,
Forests, Beaujolois auec telle rigueur, qu’en
plain midy on apportoit de la chandelle en fermant les
fenestres de sa chambre.

On ne parle point icy de la procedure sans exemple
contre vn Viceroy, ny de la nullité de la Commission

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adressée au Parlement de Grenoble, au preiudice de
celuy de Paris, qui seul peut cognoistre des Ducs & Officiers
de la Couronne, pour ce que cela est entierement
prouué au premier Factum. On ne parle non plus de ce
qu’en tout cas le Parlement de Grenoble en deuoit cognoistre
Chambres assemblées, & non la troisiesme seulement
auec six autres Iuges, comme il estoit porté par
certaines lettres Patentes du dernier Decembre mil six
cens quarante-sept, ny des violentes iniustes & extraordinaires
poursuites du Procureur general, dautant que
tout cela est dans le troisiesme Factum. Ny aussi de ce
qui regarde la iustification de mondit Seigneur le Mareschal,
estant parfaictement bien déduite dans le quatriesme.
Il suffit de representer en cettuy-cy ce qui n’est
pas dans les precedents.

 

Messieurs du Parlement de Grenoble, ayant du consentement
du Procureur general renuoyé au Conseil du
Roy, iuger l’opposition formée à l’execution desdites
Lettres du dernier Decembre, & pour ce deliuré commission
afin d’y appeller ledit sieur Procureur general
au mois. M. le Tellier auant l’assignation escheuë, enuoya
vn Arrest du Conseil d’enhaut, portant cassation
de ladite opposition, qu’il disoit contraire à l’vsage dudit
Parlement ; lequel estant mieux instruit de ses coustumes
que ledit sieur le Tellier, fit à cette occasion au
Roy des remonstrances par escrit, lesquelles furent enuoyées
à M. le Chancellier ; & donnerent sujet à d’autres
lettres Patentes semblables aux premieres, non
adressées au Parlement, mais seulement à la premiere
Chambre, laquelle ayant esté contrainte de les enregistrer,
fit mettre sur le registre que telles Lettres ne pourroient
iamais tirer à consequence, qui est la modification
ordinaire qu’apportent les Parlements aux violences
des temps.

Et ce qui estonna le plus Mesdits sieurs du Parlement
fut des Lettres de cachet, que leur enuoya M. le Tellier :

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par lesquelles le Roy reconnoissoit, que toutes les choses
extraordinaires qu’ils auoient veu faire à M. le Procureur
general dans la suite de l’affaire du Mareschal de
la Mothe, estoient par les ordres expres que sa Majesté
luy en auoit donnez. Ainsi que le Roy approuuoit
les menaces de Semestres, de veniats, & d’interdictions,
mesme que dans cette approbation generale pouuoit
estre comprise vne faulseté, dont M. l’Euesque de Rennes
leur auoit fait plainte.

 

Ce n’est pas tout, M. le Cardinal voulant oster à M.
le Mareschal de la Mothe tous moyens de se deffendre ;
fit donner Arrest au Conseil d’en-haut signé le Tellier ;
par lequel il estoit deffendu au sieur de Laborye son Aduocat,
& à tout autre d’agir pour luy : auec deffenses à
tous Greffiers, de luy deliurer aucuns actes. Cet Arrest
quoy que contre le droict des gents, & contre la pieté
Chrestienne, qui commande de secourir les affligez &
prisonniers, fut signifié audit Aduocat & Greffiers par
vn Huissier du Conseil. Marque certaine à la posterité
de la iustice qui a esté pratiquée en France pendant le
ministere du Cardinal.

De plus M. le Cardinal par lettres de cachet, signées
le Tellier : fit faire commandement à M. l’Euesque de
Rennes de sortir de Grenoble où il sollicitoit alors le
procez de M. son frere : ledit Seigneur se trouuant
malade s’en excusa, & l’escriuit à sa Majesté, mais
mondit sieur le Cardinal ne pouuant admettre ses excuses,
enuoya le sieur de Primaudaye Gentil-homme
Huguenot, pour le faire obeïr de gré ou de force,
auec ordre de l’accompagner iusques à son Diocese. Digne
choix de S. Em. qui apprehendoit qu’vn Catholique
n’eust peut estre en trop de respects enuers la persõne
sacrée d’vn Euesque. Enfin ce Gentil homme, quoy
que de religion contraire, le trouuant effectiuement malade,
ne iugea à propos de le contraindre à se mettre en
chemin : Il le manda à la Cour par Courrier expres ;

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lequel rapporta nouuel ordre à M. le Duc de Lesdiguieres,
de mettre M. l’Euesque de Rennes hors de
Grenoble sain ou malade, ce que mondit sieur le Duc
fit exactement executer : Monsieur l’Euesque de Rennes,
ayant esté contraint se mettre dans vn brancard iusques
à Lyon, où il fut plus de deux mois auant que de
pouuoir reprendre sa santé.

 

Peut-il y auoir au monde vne rigueur semblable, à
celle d’empescher vn frere de prendre le soin de deffendre,
& de solliciter pour vn frere prisonnier & affligé.
Tybere le plus subtil Prince qui fut iamais pour faire cõdamner
les hommes selon les formalitez de Iustice, laissoit
cette liberté aux parents des accusez. Et le Roy
Henry IV. ayeul du Roy, le plus clement Prince de
nostre siecle ; obligeoit mesme les parents à ces deuoirs
de pieté, ayant dit aux parents du Mareschal de Biron
qui prioient sa Majesté de leur permettre. Que les deuoirs
de nature ne se demandoient point à la grace du Prince, que
c’estoit chose à laquelle ils estoient obligez, & qu’il seroit
bien aise que leurs sollicitations operassent en sorte que le Mareschal
peust estre absous. Voila des termes dignes d’vn
Monarque Chrestien, bien esloignez de ceux que le
Cardinal, & le Tellier ont fait prattiquer en cette occurrence
au Roy son petit fils.

La troisiesme Chambre du Parlement de Grenoble,
ainsi establie ; M. le Tellier donna ordre au Procureur
general de faire changer la procedure, à ce que les
Sieurs Dorée, Talon & Moreau : Interrogez cõme complices
à Paris par M. le Lieutenant Criminel à Parpignan
par M. Fouguet & Chirat, & par mesdits Sieurs
les Commissaires à Pierre-Encise, & à Larsenal, fussent
seulement ouys comme tesmoins ; Ledit sieur Procureur
general l’executa ponctuellement, encore que ce
soit procedure non receuë en France : Berault en sa pratique.
Criminelle l’appelle iniustice damnable. Neantmoins
sur icelles M. le Procureur general s’hazarde de

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presenter requeste à la troisiesme Chambre, à ce que le procez
de monsieur de la Mothe fut reglé à l’extraordinaite
par recollemens & confrontations de tesmoins.

 

Il se persuadoit faire passer l’affaire à volée de bonnet sans
discussion, mais il trouua des Iuges incorruptibles qui vouloient
voir les charges sur le Pureau ; elles surent entierement
leuës & examinées, & apres la lecture, on remarqua
sur le visage de tous Messieurs vn estonuement, de voir
qu’on eust entrepris vn homme de la qualité & des seruices
de Monsieur de la Mothe sur si peu de preuues,

Il y eut quelques vns de Messieurs, qui sur les seules charges,
opinerent à vn hors de Cour & de Proces. La formalité
l’emporta ; & fut dit, que dans quinzaine Monsieur le Mareschal
feroit iuger ses appellations : Monsieur le Procureur
General fit le possible pour empescher cét Arrest. Il
en vint iusques aux anciennes menaces, qui se peuuent voir
dans le Verbal que le Parlement a fait dresser de cette affaire.
Il fit les mesmes boutades representées au troisiesme
Factum, pour empescher que la Requeste du sieur Boisot
ne fut receuë. Procedures trouuées si mauuaises de tout
le monde, que ses meilleurs amis luy conseillant d’y aller
plus moderement. Il leur repliqua naïfuement, que voulez
vous que ie fasse, ie sçais bien que tout cela ne vaut rien
mais i’en ay ordre de Messieurs les Ministres.

En tout le proces, Monsieur le Cardinal & Monsieur le
Tellier, n’ont rien tant apprehende que de voir plaider les
appellations de telles procedures dans l’Audience publique
d’vn Parlement. Aussi pour l’empescher, Monsieur le
Procureur General entra dans la Chambre, & dit qu’il
auoit receu commandement de sa Maiesté, de suspendre
l’instruction du procez de Monsieur le Mareschal, iusques à
nouuel ordre. Ce qui n’ẽpescha toute-fois que sur la requeste
de Monsieur le Cõmandeur de la Mothe, il ne fut ordonné
que Mons le Mareschal son frere, choisiroit Aduocat &
Conseil, pour en execution de l’Arrest venir plaider sesdites
appellations, & que le sieur Baudet premier Greffier, se

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transporteroit â l’Arsenal, afin de sçauoir la volonté dudit
Seigneur Mareschal. Mõsieur le Procureur General, voyant
que celuy estoit vncoup d’Estat, pour agreer à Monsieur le
Gardinal, & à Monsieur le Tellier : fit que le Lieutenant de
Monsieur le Duc de Lesdiguieres, empescha formellement
deux fois le Greffier de signifier l’Arrest de la Cour
à mondit sieur le Mareschal. Et afin que l’authorité du Parlemẽt
ne preualust vn matin lors qu’on y songeoit le moins
on fut enleuer de Grenoble, Mons. le Mareschal comme si
c’eust esté vn voleur, par des Archers & Preuosts, qui le remenertent
en son ancienne prison de Pierre Encise. Le Parlement
voyant les refus faits à son Greffier, & qu’à son insceu,
on auoit enleué son prisonnier, en fit informer ; & escriuit
au Roy sur cet attentat fait à sa Iustice : il n’eut en cela
autre satisfaction, si non que Monsieur le Tellier escriuit
que c’estoit par les ordres de sa Maiesté.

 

Les vacations tost apres suruenües, arresterent le cours
des plaintes de ce Parlement, lequel sans auoir esgard ny
aux promesses ny aux menaces de la Cour ; a tesmoigné
dans la longue suitte de ceste affaire tant de generosité pour
soustenir en iustice vn homme de qualité iniquement entrepris.
Que sa probité peut à l’aduenir seruir d’exemple
aux Iuges, que les fauoris & ministres des Roys voudront
choisit pour executeurs de leurs passions.

Sortant ainsi de Grenoble, Monsieur le Mareschal de
la Mothe, ne creut plus r’auoir sa l’auoir sa liberté par la voye de la
Iustice : se voyant remis sous la tyrannie de Monsieur le
Cardinal & du Tellier, il ne l’esperoit plus qu’à la maiorité
du Roy, ses amis en aprehendoient le pareil traittement
qui fut fait à M. Barillon : lors que Dieu prenant pitié de tant
de peuples affligez en ce Royaume, donna l’Esprit de resolution
à Messieurs du Parlement de Paris, pour interrompre
le cours des desordres qui y regnoient.

Ils obtinrent la reuoquation des Commissions extraordinaires,
auec la seureté publique des personnes. En suitte
tous les prerendus prisonniers d’Estat furent élargis ; &

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Monsieur le Mareschal eut le bon-heur d’estre du nombre
Il s’en tient tellement obligé à Messieurs du Parlement,
qu’en l’occasion presente, il leur est venu offrir cette liberté
qui luy auoient moyennée, afin de l’employer auec eux
au restablissement de la France.

 

Alors que par le moyen de Messieurs du Parlement de
Paris, les prisons s’ouuroient à tout le monde ; Monsieur le
Cardinal eut encore l’artifice de vouloir faire croire à Monsieur
le Mareschal de la Mothe, que sa liberté luy estoit
donnée par son moyen : il luy en fit faire compliment à
Pierre Encise, par vn sien Gentilhomme, luy promettant de
s’y employer, le Mareschal l’en remercia aussi par lettres,
& tesmoigna luy en auoir obligation. Et c’est volontiers sur
le fondement de telles lettres respectueuses escrites en prison,
que le Cardinal veut establir sa vanité de pretendue
douceur.

On void au present Factum comme cette obligeante
vertu a peu paru dans toutes les procedures de M. le Cardinal,
lesquelles ont esté si violentes que si les Iuges eussent
suiuy les sentimens dits & escrits par M. le Tellier ; M. le
Mareschal ne seroit plus en estat de seruir son pays. Mondit
sieur le Tellier tenoit sa ruine si asseurée, que voulant auoit
part à ses despoüilles, il demembra le Marquisat de Paillas
du Duché de Cardonne pour en gratifier le sieur de Fimatcon
Tilladet son allié. Que si Messieurs du Parlement de
Paris traittoient à present le Cardinal, le Tellier, & leurs
adherans de la sorte, difficilement leur innocence se trouueroit-elle
à l’espreuue qu’a esté celle de monsieur le
Mareschal de la Mothe : Iamais il n’y a eu passion si
visible que celle qu’ils ont fait paroistre pour rendre
ce Gentil homme malheureux, iusques à preiudicier
au seruice du Roy. Il auoit tousiours heureusement
seruy la France, iusques au commencement de leur
Ministeriat. Et on peut dire qu’il a tousiours si noblement, &
si genereusement fait la guerre, & si equitablement gouuerné
des peuples Estrangers nouuellement soubsmis, que

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nonobstant leur iniustes procedures l’Histoire ne laissera
pas quelque iour, de former sur luy, l’Idée, & le Modele
d’vn Viceroy, & Lieutenant General d’vn Monarque
Conquerant.

 

FIN.

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La Mothe-Houdancourt, Henri de [?] [1649], CINQVIESME FACTVM, POVR MESSIRE PHILIPPES DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT DVC DE CARDONE ET MARESCHAL DE FRANCE. CONTENANT LES INIVSTES ET extraordinaires procedures faites contre luy, par les artifices du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_2849. Cote locale : A_4_8.