La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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Que la Royale generosité d’vn ieune Prince,
eclatte merueilleusement dans
les Armées.

CHAPITRE XXIX.

LE Docte Philon Iuif, qui philosophe souuent
sur les paroles, & en tire d’assés bonnes
instructions, fait vne remarque digne de son esprit,
quand il dit, que la vertu appellée [1 mot ill.]

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par les Grecs, se dériue du mot [1 mot ill.] qui signifie
le Dieu de la Guerre : Pour montrer, que la vertu
est toute guerriere, & qu’elle se plait dans les
armes. Et nous faisons (dit-il) vne faute essentielle,
aucunement iniurieuse à la vertu, quand
nous luy attribuons le genre feminin, il faudroit
dire, [1 mot ill.] non pas, [1 mot ill.] Comme qui diroit,
Hic Virtus, au lieu que nous disons, Hœc Virtus.
Le vertu, non pas, La vertu. Si ce grand genie,
a voulu soûtenir les interests de toutes les vertus,
& les rendre masculines, & Guerrieres, il me sera
beaucoup plus facile de montrer que la generosité
des ieunes Princes, est née dans les Armes,
qu’elle s’entretient dans la chaleur des Combats,
& n’éclatte iamais mieux que parmy les occasions
glorieuses de perdre la vie.

 

La vertu
est plustost
male line
que feminine.

Chaque vertu a son obiect connaturel, qui luy
sert d’entretien, la Iustice s’arreste particulierement
à rendre a vn chacun ce qui luy appartient ;
la prudence, régle toutes les actions au niueau
de la raison, la temperance, retranche les superfluités
des conuoitises, & reprime les desordres de
la chair, & ainsi du reste ; La Royale generosité,
s’applique à endurer, & à entreprendre de grandes
choses, auec vn iugement solide, & par honnesteté ;
vn ieune Prince, ne rencontre point ces
occasions de patir, & de souffrir, comme dans les
incommodités de la Guerre, ou souuent il est
halé du Soleil, exposé aux ardeurs Caniculaires,

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tourmenté de la faim, & de la soif ; contraint de
passer les nuicts sans dormir au peril manifeste de
sa santé, & de sa propre personne. Peut-estre
que ces motifs portent Monseigneur le Duc
d’Enguien à cherir si particulierement les exercices
de la Milice.

 

S’il est encor question, d’entreprendre des
actions Glorieuses, n’est ce pas dans les Armées,
qu’vn ieune Monarque, peut donner à ses subiects,
des preuues irréprochables de la grandeur
de son courage ? soit en marchant à la teste de
cinquante mille hommes, resolus de combattre
les ennemis, soit en montant des premiers à la
breche, pour prendre les villes, soit en trempant
du sang Royal, le champ de bataille, pour en
moissonner les palmes, & les Lauriers ? Et c’est la
merueille, que toutes ces actions ne peuuent estre
cachées, puis qu’elles ont autant de témoins, qu’il
y a de Capitaines, & de soldats, qui marchent à sa
suitte, & que tant d’yeux échauffent le sang, &
le courage d’vn ieune Prince, qui se contente d’auoir
vne infinité de spectateurs, ou pour mieux
dire, d’admirateurs de ses vertus.

Il n’y a
qu’à ietter
les yeux
sur Monseigneur
le
Duc D’Enguien
pour
voir vn
ieune Prince,
accompli
au fait
de la guerre.

Mais s’il est si heureux, de receuoir quelque
coup fauorable, & d’estre marqué de quelque honorable
blessure, elle publiera hautement sa generosité,
& sera le charactere viuant de son courage :
de sorte que l’enuie mesme ne pourra pas ternir
le lustre de sa renommée. C’est vn puissant

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témoignage qu’vne rude blessure, receuë dans le
combat ; la playe est vne langue bien eloquente,
pour precher la vertu d’vn grand Prince, & quoy
qu’elle semble muette, elle ne laisse de crier plus
hautement que la voix resonnante de la medisance.
D’où vient qu’vn puissant Capitaine, pour
confondre ses ennemis qui luy reprochoient deuant
les Senateurs Romains, de n’auoir pas assés
courageusement deffendu les interests de la Republique,
pour sa iustification dechira sa robbe,
& montrant son estomach charge de coups, &
couuert de blessures ; voyés (Messieurs dit-il) s’il
est veritable, que ie n’ay point d’amour pour ma
Patrie, ou si ie me suis laschement comporté
dans les Armées, comptés mes playes, regardés
mon estomach, & iugés si ce sont des signes d’vn
cœur effeminé ?

 

Vulnera,
opinio inseparabilis,
sine assertore
prœconium,
pro
priæ lingua
virtutis,
&c. Cassiodor.
lib. 8.
Variar. 10.

Peut-on rien voir de plus genereux pour vn
ieune Prince, que la valeur de Monseigneur le
Duc de Nemours ; qui ne s’est pas contenté au
Siege de Mardyck, de se mesler auec les plus
courageux soldats & Capitaines, pour resister
aux efforts de nos ennemis, mais par diuerses fois
a exposé sa personne au hazard, pour defendre
les interests de la Couronne, de quoy la France
luy aura des obligations éternelles : & les glorieuses
marques de ses blesseures ; rendront tousiours
des preuues de ses Royales vertus, & de la grandeur
de son courage.

Generosité
de Monseigneur
le
Duc de Nemours
en
la derniere
Cãpagne.

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Il est facile à vn ieune Prince de trancher du
rodomont, dans les places publiques de ses meilleures
villes ; Il luy est aisé de paroistre sur quelque
genet d’Espagne, ou de monter sur l’vn des
plus beaux cheuaux de ses Escuries, couuert à l’aduantage,
la plume sur le chappeau, les cheueux
frisés, le teinct frais, enuirõné de la meilleure Noblesse
de sa cour ; Le simple peuple le voyant en
cette posture, conçoit vne haute pensée de son
courage : mais les plus sages, ne se contentent
pas de ce specieux appareil, ils veulent des œuures,
& à moins qu’vn Prince se soit signalé dans
les combats ; qu’il se soit trouué dans les Armées,
sa generosité demeurera eclypsée, & sa Royale
vertu sera cachée à ses subiects. N’est-ce pas la raison,
pourquoy nous ne publions pas ordinairement
le courage des Femmes, à cause que ce Sexe
est inutile à la guerre, & ne peut (que tres-rarement)
immortalizer sa memoire par les combats ?
& si l’antiquité fait estat de la generosité
des Amazones, si la Frãce estime la pucelle d’Orleans,
& quelques autres Filles renommées ; c’est
qu’elles ont témoigné leur constance dans les
Armées, & qu’à leur faueur, on a remporté de
tres-signalées victoires.

Ieanne la
Pucelle, fit
leuer le Siege
aux Anglois
deuãt
Orleans,
& combattit
en homme,
vestue
en Capitaine.
Elle
estoit natiue
d’vn
village de
Lorraine.

Certains esprits mal timbrés, se persuadent
que les duels ne sont pas moins glorieux aux ieunes
Princes, que les iustes guerres, contre les ennemis
de l’Estat ; ils estiment que ce n’est pas vn

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moindre acte de generosité, de mourir honteusement
sur vn pré, sans autres témoins que les seconds,
ou quelques valets, que de rendre l’esprit,
à la face de cent mille combattans : pernicieuse
doctrine, maxime de satan, qui renuerse le Christianisme,
viole les loix diuines & humaines, destruit
les plus illustres Familles du Royaume, &
moissonne la plus belle Noblesse de la Cour.
Quoy sera-il donc veritable, que deux Seigneurs,
ou deux Princes, qui se vont coupper la gorge,
pour vne parole mal entenduë, pour vn faux rapport,
pour vne legere inciuilité, pour vn suiet
de neant, ou par gayeté de cœur, soient tenus
pour genereux, & mis au rang des personnes Illustres,
qui par leurs seruices, ont obligé le public,
& soutenu puissamment les interests de l’Estat ?
De grace, qu’elle part prend le peuple, en la mort
de deux hommes, qui s’égorgent de sang froid ?
quel profit en reuient-il à la Couronne ? quel
honneur à la Monarchie ? au contraire, c’est vne
tache à la famille des Princes : c’est vne perte notable
de deux braues Capitaines, qui pouuoient
faire des merueilles dans les Armées, c’est vn
tres-mauuais exemple aux peuples, & qui pis-est,
vn crime tres-énorme, qui crie vangeance au
Thrône de la Diuinité.

 

La generosité
d’vn
ieune Prince,
ne paroist
point
dans les
duels.

Dauantage, si le duël est vne action genereuse,
il s’ensuit que deux laquais, ou deux palefreniers,
ont autant de droit à la Royale vertu, qu’vn

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ieune Prince, puis qu’il leur peut arriuer de vuider
leurs differens à la pointe de l’épee. Et ceux
qui pressés d’vn cruel desespoir, abbregent leurs
iours, passeroient aussi pour courageux, quoy
qu’ils soient indignes, de respirer le commun air
des viuans ? il est donc éuident, qu’il ne suffit pas
de verser son sang, ny de prodiguer inutilement
sa vie, pour meriter la gloire de plusieurs Siecles,
& pour posseder la Royale generosité ; il est besoin
de plus excellentes preuues, & de marques
plus glorieuses de courage, qui paroissent en leur
iour dans les Armées, où vn ieune Prince se peut
rendre recommandable, par mille, & mille
actions de vertu, où la victoire depend bien souuent
de sa personne, où il trouue autant d’admirateurs
de ses grandeurs, qu’il a de spectateurs de
ses proüesses : où il peut moissonner des Palmes,
& des Lauriers, en recompense de ses trauaux :
bref, il peut acquerir en vn moment, dans les
florissantes Armées, l’honneur & la gloire de
l’immortalité.

 

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