M. Z. L. S. [signé] [1649], LETTRE DE CONSOLATION d’vn bon Pere Hermite, escrite aux Parisiens, attendant l’heureuse victoire que Dieu leur prepare & promet en bref sur les ennemis iurez de sa gloire, de l’Estat, & du peuple. , françaisRéférence RIM : M0_1919. Cote locale : A_5_53.
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LETTRE
DE CONSOLATION
d’vn bon Pere Hermite,
escrite aux Parisiens, attendant
l’heureuse victoire que
Dieu leur prepare & promet
en bref sur les ennemis
iurez de sa gloire, de l’Estat,
& du peuple.

A PARIS,
Chez Robert Feugé, au mont S. Hilaire, prés le
puits-Certain.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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LETTRE
DE CONSOLATION D’VN
bon Pere Hermite, escrite aux Parisiens,
attendant l’heureuse victoire
que Dieu leur prepare & promet en
bref sur les ennemis iurez de sa gloire,
de l’Estat & du peuple.

Mes tres-chers freres en N. Seigneur,
Il ne se faut pas estonner si dans le
siecle peruers où nous sommes, les
hommes sont accablez d’vn nombre infini de
miseres, ce sont leurs iniquitez, & leurs pechez
en grand nombre qui ont attiré les foudres de
la Iustice Diuine sur leurs testes criminelles :
tout ce qui tombe en bas, vient d’enhaut, les
infortunes qui nous arriuent ne sont pas des
effets d’vn sort trompeur, ny d’vne destinée
faite à plaisir, elles nous sont sans doute enuoyées
de la part de Dieu, ou pous nous punir,
ou pour nous esprouuer, & de quelque façon
que ce soit, la grace que nous en receuons, nous
oblige à vne eternelle reconnoissance. Car representez-vous,

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que les malheurs & les miseres
sont les plus cheres faueurs dont le Ciel peut
combler vne ame icy bas, comme autant de
marques de sa predestination dans son humilité
& sa patience. Mais il n’est pas malheureux
qui veut, tesmoin ce Polycrates tyran de Samos,
qui lassé du calme & de la bonnace de ses
prosperitez, ietta dans la Mer vne bague de
prix inestimable, & le lendemain la Fortune,
pour parler comme luy, mais non pas en Chrestien,
la sert sur sa table dans le ventre d’vn
poisson qui l’auoit aualé. Non, non il ne pleut
pas tous les iours des malheurs sur nos testes,
ce sont des presens si rares, que le Ciel les tient
en reserue pour ses fauoris, aussi ne sont-ils
pour l’ordinaire bien receus, que de ceux qui
sousmis aux volontez de leur Createur, connoissent
que la voye du Ciel est vn chemin
raboteux & tout plein de montagnes, où l’on
ne peut marcher sans faire espreuue de toutes
les incommoditez qui se trouuent en la nature,
& qui sçauent que quand Dieu leur fait
naistre des espines sous les pieds, c’est pour leur
preparer des couronnes de solides contentements
dans l’eternité, en les émoussant par leur
constance pour la gloire de son saint nom. En

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vn mot, la gloire d’endurer quelque chose
pour nostre Sauueur, ne s’adresse pas à tout le
monde, il n’y a eu de la place sur la grille que
pour vn saint Laurens, ny dans la fournaise
que pour ces trois ames innocentes, & partant
la creance que deuez auoir, que la cause iuste
que vous auez embrassée auec tant de pieté, de
zele & d’affection pour les interests de Dieu,
du Roy & du peuple, & que vous maintenez
auec tant de generosité, est plutost le suiet de
vos souffrances, & les espreuues de vostre vertu,
que des chastimens de vos demerites, & elle
vous doit seruir d’vn puissant motif, pour vous
faire courageusement passer par dessus toutes
les difficultez qui se pourroient opposer entre
vos courages & vostre prochaine victoire. Ce
qui fait que le bon-heur que ie preuois vous en
deuoir arriuer, m’oblige d’interrompre volontiers
le cours de mes plus serieuses meditations,
pour vous tesmoigner la part que ie
prends dans ma solitude, à vos bons desseins, &
de vous exhorter de tout mon possible à supporter
auec patience, sur tout pour l’amour de
Dieu, toutes les notables incommoditez que
vous font souffrir depuis sept sepmaines les
ennemis du Roy & les vostres, pendant tout le

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temps que leur cruauté vous tient assiegez.
Vostre pieté enuers Dieu, vostre fidelité enuers
nostre tres-auguste Monarque, & vostre
zele au bien de l’Estat & du peuple, me font
esperer que vous ne tesmoignerés pas moins de
constance & generosité à paracheuer le grand
ouurage que Dieu a commancé par vos Ministres
de deliurer le Roy & ses peuples, de la
tyrannie de ceux qui vsurpent son authorité,
pour vous oppresser contre le gré de sa Maiesté,
que l’on s’en doit promettre de vos courages,
pour essuier le peu de difficultez qui vous
restent à souffrir, puisque pour gages de la victoire
signalée que vous deuez Dieu aidant
remporter en bref, vous auez cette asseurance
de la bouche de Iesus-Christ mesme, que bienheureux
sont ceux qui souffrent persecution
pour la iustice, & que le Ciel est le digne prix
qui leur est proposé pour leur recompense, &
qu’attendant qu’il vous y comble de toutes
ses graces, vous ne deuez attendre que des faueurs
de luy auec abondance, que des bienfaits
du Roy, pour reconnoissance de vostre
zele à ses interests, & que des acclamations de
tous ses Suiets, qui de toutes parts ne tesmoignent
pas moins de zele, de resolution, & de fidelité

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à vous seconder, que vous d’affection à
les deliurer auec vous de ce cruel Estranger, qui
pense en trenchant icy du Monarque & du
Souuerain, faire oublier toutes les mauuaises
qualitez qui se trouuent en luy (& que sa dignité
dont il abuse au scandale de toute l’Eglise,
& ma profession de Religieux habitant les
deserts, m’obligent de passer icy sous silence)
pour seulement vous coniurer de ne le pas
souffrir dauantage vsurper tyranniquement
l’authorité Souueraine, ny enuahir vos biens
pour satisfaire à ses insolences, suffisãtes d’attirer
sur luy & ses Sectateurs les feux & les foudres
du Ciel, puisque la gloire du Paradis ne
leur semble pas auoir des appas assez puissans
pour leur persuader de bien viure, ny l’enfer de
tourments assez redoutables pour les y obliger.
Apres quoy mes tres-chers freres en Nostre
Seigneur, vous me permettrez de me retirer
dans mon agreable solitude, pour y addresser
des prieres continuelles à Dieu en vostre
faueur, pour y gouter par ses misericordes plus
de contentement dans les rigueurs de mes austeritez,
que tous les mondains n’en trouuent
dans leurs dissolutions & dans leurs desbauches,
& pour enfin y prier Dieu de leur donner

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vn iour la grace de se reconnoistre & d’effacer
icy bas, par des fruicts dignes de penitence
tous leurs crimes, afin qu’estans tous creez
pour la gloire, nous y puissions tous seruir &
adorer le vray Dieu, qui est la plus parfaicte
marque d’affection, que vous peut desirer &
à eux, celuy qui est de toute l’estendue de son
affection,

 

Mes tres-chers freres en N. Seigneur,

Vostre tres-humble seruiteur
l’Hermite des bois & deserts
le M. Z. L. S.

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M. Z. L. S. [signé] [1649], LETTRE DE CONSOLATION d’vn bon Pere Hermite, escrite aux Parisiens, attendant l’heureuse victoire que Dieu leur prepare & promet en bref sur les ennemis iurez de sa gloire, de l’Estat, & du peuple. , françaisRéférence RIM : M0_1919. Cote locale : A_5_53.