Mazarin, Jules [signé] [faux] [1652], LETTRE DV CARDINAL MAZARIN ENVOYÉE A SES NIEPCES SVR SON ARRIVÉE A S. GERMAN. Auec leur Response. , françaisRéférence RIM : M0_2097. Cote locale : C_12_19.
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LETTRE
DV CARDINAL
MAZARIN
ENVOYÉE A
SES NIEPCES
SVR SON ARRIVÉE A S. GERMAN.

Auec leur Response.

M. DC. LII.

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LETTRE DV
CARDINAL
MAZARIN,
ENVOYÉE A SES NIEPCES
Sur son Arriuée à S. Germain.

Auec leur Response.

MES NIEPCES,

Par le droict de ce que vous m’estes & de ce
que ie vous suis, ie me sent obligé de vous
faire part du bon-heur & mal-heur qui m’arriue,
ie ne vous ay iamais teu mes secrets, vous auez
tousiours participé dans mes plus hautes inteligences,
vous auez assez connu mon procedé enuers
vous, vous sçauez que mes intrigue vous ont
faict ce que vous estes, & que mon embition estoit
de vous esleuer sur le Throsne de la Fortune, &

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voudrois vous pouuoir faire encore monster plus
haut si ce n’estoit que ie crains vn furieux reuers de
sa main, car elle commence a me tourner le dos
& à me faire voir toute les apparence d’vn sinistre
esvenement, ie ne sçay qu’elle sera la fin de ce que
i’ay commancé, vne crainte estrange s’empare de
mon Ame, ie ne croy pas venir au bout de mes desseins :
car a n’en point mentir ils sont par trop mauuais
pour bien reüssir. Il me semble entendre iour
& nuict vne voix à mes oreilles qui me reproche
les mal-heurs que i’ay causez, la synderesse de ma
consciance me remords incessemment, & nonobstant
tous ces bons aduertissement qui sont de
puissans motifs pour me faire changer, si est-ce
pourtant que pour mon honneur, il faut que ie
tienne bon ou que ie perisse, bien que sans me
flater & sans vous en faire accroire ie me persuade
que moy & toutes mes pretentions serons destruites,
mais c’est affaire à celà puis que ie suis
dãs le Labyrinthe, il faut que ie tache d’en sortir ou
d’y demeurer, mais si tant est qu’vn dernier malheur
me couppe chemin a tous les autres, & qu’vn
coup fatal me fasse rencontrer ma fin, il vous faudra
prendre vne genereuse resolution, dissimulant
vostre plaisir peur de vous faire connoistre de ceux
à qui vous seriez inconuë, & qu’vn mauuais sort ne
tombasse dessus vous aussi bien que sur moy, ce

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n’est pas que ie ne feray tout mon possible pour
esviter ce dessastre, mais l’homme sage doit faire
aller son cœur audeuant des accidents, car il est
vray que de ce que l’on attand l’on ne s’estonne
poict, enfin mes cheres Niepces que ma Lettre ne
soit pas vn trouble dans vos Ames, il ne m’arriuera
peut estre pas ce que beaucoup desire de moy,
mais si faut que cela soit comme ie ne m’y fis pas
trop, car i’ay des-ja esté bien-battu, & crains de
l’estre encores d’auantage, vous gaignerez pays
secrettement, car il ne feroit pas bon en France
pour vous, sauuez-vous donc de l’orrage si vous
entendez qu’elle soit cheute sur moy, en attandant
de vos nouuelles ie demeure,

 

Mes cheres Niepces,

Vostre Oncle Iulle
MAZARIN.

De S. Germain en Laye,
ce 27. Avril 1652.

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Response a la Lettre du Cardinal
Mazarin par ses Niepces.

CHER ONCLE,

Si iamais l’effroy c’est saisi de nostre cœur sça
esté en faisant l’ecture de vostre Lettre, vn nuage
espais de la nuës nous offusquant les yeux ne nous
permettoit pas de voir la fatalité dont elle est toute
remplie, nous demeurasmes vn long temps
sans parler, mais estant reuenus à nous par le moyen
du secours de quelques Dame de nostre compagnié,
nous acheuasmes de lire ce desplorable
escrit dans lequel vous nous presagez vostre ruines
& la nostre, croyez-vous Cher Oncle que si il vous
arriuoit du mal-heur que nous peüssions viure vn
moment apres vous, nous ne serions plus que des
ombres de vie. Nous ne respirons que par vous,
nous ne tirons nos plandeurs que de l’afluance de
vos lumieres, si vous esclipsez nous voula plongés
dans les Tenebres, quel mauuais genie vous à
donc reuelé vn si prochain mal-heur, auant que ce
dessastre arriue nous aymons mieux estre reduites
dans le tombeau, que pleust à Dieu que vous &

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nous ne fussions iamais venu en France plustost que
nous soyons exposez a la mercy d’vn Peuple animé,
il auroit bien mieux valu nous estre contentées
de peu, que de vouloir estre montez sur la
Cime des grandeurs de ce monde, pour nous en
voir precipitée par vne si profonde cheute de laqu’elle
nous ne pourrions iamais nous releuer, car
si faut qu’il arriue vn si estrange changement nous
serons la fable & la risées de tout le monde : Enfin
Cher Oncle taschez de vous maintenir, menagez
les faueurs qui vous restes ou vous estes perdu, car
d’où despend nostre honneur & nostre vie, nous
deuons prendre vn grand soing, nous n’entreprenons
pas par nostre façon de parler de vous donner
la Loy, mais bien nous l’attandons de vous,
mais c’est l’amour & la crainte qui nous faict discourir
en ces termes, mais si vous voyez nostre
ruine, si vous trouuez nostre conseil bon nous
vous pririons que vous & nous, nous allions en
habits deguisez confiner nos iours aux plus affreux
desserts de l’Arabie aymant mieux cette maniere
de viure que d’estre en France mal asseurez, & en
danger de faire vne mauuaise fin, en attendant
I’honneur de vos nouuelles nous demeurons,

 

De vostre Eminance.

Les tres-humbles Seruantes
& Niepces, N. D. M.

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