Anonyme [1649], LA CENSVRE ECCLESIASTIQVE DE ROME LA SAINTE. CONTRE LA VIE DEPRAVEE DE IVLES MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_671. Cote locale : B_13_64.
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LA CENSVRE ECCLESIASTIQUE
de Rome la Sainte, contre la
vie deprauée de Iules Mazarin.

Svperbe vsurpateur de l’Authorité
du Roy de France, le Fils aisné
de l’Eglise ! Perturbateur du repos
& de ses peuples, de la substance
desquels il y a septans que tu te nourris,
lasche ennemy du plus celebre Senat du
monde, qui n’as entrepris que pour ce qu’il
a formé des obstacles, à tes vols publics, &
à tes brigandages ordinaires ! Ennemy de
Dieu, & de la nature, fleau de l’Eglise Chrestienne,
bien qu’indignement tu sois l’vn
de ses chefs, mespris & l’horreur du Saint Pere ;
puis que ta vie deprauée, & les outrages
que tu fais aux François tres-Chrestiens, ses
enfans ne te rendent pas capable de la bienveillance,
ny des honneurs que sa Sainteté
defere aux Princes de l’Eglise, dont tu tiens
le rang ; enfin, Cardinal Mazarin, dont l’impieté

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te rend indigne de cét illustre nom ! Iusques
à quand, Scelerat, continuëras tu tes
abominations, tes cruautez & tes perfidies ?
N’est-il pas temps de te reconnoistre & de
changer de vie ? Ne sçais-tu pas bien qu’il
n’y a point de nation au monde qui sçache
mieux tes meschancetez que la nostre ? ny
de ville en l’Vniuers, qui aye plus de connoissance
de tes impudicitez, de tes sacrileges,
& de tout ce que le Ciel, la terre, & toute
la nature ont le plus en horreur, que Rome
la Sainte, & le S. siege Apostolique. Quelle
auersion le S. Pere, & tout le Sacré College
des Princes de l’Eglise, n’ont-ils pas
tousiours eu pour toy au suiet de tes fourberies,
de tes lassiuetez, & de tes débauches ?
lors que ce Magnanime Prince, Louys le Iuste
XIII. du nom, eut cette extra ordinaire
bonté pour toy, à la persuasion du feu Cardinal
de Richelieu, son premier Ministre d’Estat
(dont tu as bien suiuy la maxime Politique,
qui ne t’ont pas fait oublier à voller les
plus precieux thresors de la France) de te
procurer le Chapeau de Cardinal, le S. Pere
le Pape ne refusa t’il pas de te l’octroyer ? Sa
Sainteté auoit deuant ses yeux le miroir de

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execrable vie ; & il pensa qu’en te faisant
l’honneur de t’admettre dans le Conclaue,
c’eust esté vouloir derechef mettre vn Iudas
parmy la troupe des Apostres de Iesus-Christ.
Il se dispensa de fort bonne grace,
enuers le Roy Tres-Chrestien, sur des raisons,
qui pour n’estre pas assez intelligiblement
exprimées, ne laisserent pas de témoigner
que cét honneste refus, estoit fondé sur
vn trop bon appuy, pour n’estre pas trouué
iuste. Mais aussi, quelle apparence y auoit-il
de mettre au rang des Cardinaux, vn homme
qui n’aguere auoit esté domestique de
l’vn d’eux ? Quelque grand Prince que fust
Louys le Iuste, & quelque grand esprit que
fut le Cardinal de Richelieu, si ne sçauoient-ils
pas ce mystere, & ton artifice t’auoit assez
donné d’adresse pour faire croire à ces grands
Genies, que tu estois issu d’vne maison aussi
illustre, comme la tienne est basse, & rauallée.
Cette tromperie ne te reüssit pas mal ; car
donnant vne fort bonne impression de toy à
ce Roy, & à ce Cardinal, ils ne t’en eurent
qu’en meilleure estime. Apres, tu sceus si
adroitement ioindre à cette piece, cette autre,
de feindre, que tu n’auois point de sentiment

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du refus que le S. Pere auoit fait de te
promouuoir au Cardinalat, comme auoüant
d’en estre indigne, qu’on en estima ton cœur
genereux, & ton ame noble, haute, & magnanime.

 

Ie ne sçay bas bien de quelle ruse tu te seruis,
en suitte de cela, il n’y a que Dieu qui
sçache les pensées des bons, & des meschans
hommes : mais il est vray qu’à quelque temps
de là, l’on ne parloit d’autre chose dedans
Rome, ny dehors Rome que du changement
de vie de Iules Mazarin, que de sa deuotion,
& que de sa saincteté. Comme ceux qui seiournent
dans les Villes sainctes, comme ie
suis, ne voyent que de beaux, & de saincts
exemples de vertu, & de pieté dans l’enclos
de leurs murailles, qui leur donne suiet de
croire plustost le bien que le mal : il ne fut difficile
aux Citoyens Romains, de se persuader
que tout ce que l’on disoit à Rome de la conuersion
de Mazarin estoit veritable.

Au dire d’vn chacun, le Cardinal de Richelieu
auoit trouué en Iules, vn homme, qui ne
luy plaisoit pas seulement : mais qui luy estoit
fort vtile, & sur qui il se deschargeoit de la
plus grande partie de ses trauaux, & de ses

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soins. La charité qu’ont ordinairement les
pieuses personnes de leur prochain, causa
que ceux qui te connoissoient furent extrémement
aise de sçauoir que ta vie, que tout
le monde sçauoit auoir esté si deprauée, estoit
en si bonne odeur en France.

 

A quelque temps de là, il s’éleua vne guerre
d’vn Potentat d’Italie, contre le Pape, dont le
Roy Tres-Chrestien prist les interests, & les
protegea comme les siens propres. Mais comme
cette querelle ne procedoit que de certaines
bornes, & limites de terres, qui se ioignoient,
il fut fort aisé d’appaiser ce differend ;
veu mesmement qu’il n’y a point de
Prince en Italie, qui vueille auoir le Roy de
France pour son aduersaire.

Sa saincteté se sentit extraordinairement
obligée à sa Maiesté Tres-Chrestienne : mais
à peine estoit-elle sur le poinct de luy enuoyer
vn Ambassadeur pour l’en remercier,
qu’elle se trouua en pire peine qu’elle n’auoit
point esté, au suiet d’vne seconde guerre,
qu’vn plus puissant ennemy que le premier
luy declara.

Comme de tous temps les Rois de France
ont tousiours entrepris de deffendre le S. Siege,

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comme les fils aisnez de l’Eglise, iusques-là,
de les auoir remis plusieurs fois dans leur
Trône, l’Auguste Louys ne voulut point en
cette occurrence degenerer à ses predecesseurs,
dés qu’il sceut ce nouueau demeslé, il
enuoya vn Ambassadeur dire au Prince qui
s’estoit attaqué au Pape, qu’il se rendoit mediateur
d’vn accommodement, & qu’en cas
qu’il la refusast, il prenoit le party de sa Saincteté
contre luy ; voire contre tous les Potentats
d’Italie, si l’on vouloit iniustement attaquer
le Pere commun de tous les Chrestiens.
Ce discours d’vn grand Roy, à vn
Prince mediocre, l’intimida de telle sorte,
que son armement ressembla au tonnerre,
qui fait bien souuent plus de bruit que d’effet ;
ainsi par le pouuoir extraordinaire de
Louïs, le Pape eut la Paix dans son Estat pour
vne secondefois, dont sa Saincteté s’en ressentit
si fort son obligée, qu’elle ne manqua
pas de luy en faire sçauoir ses ressentimens, &
l’en faire tres humblement remercier par son
Nonce, comme elle y estoit obligée.

 

Toutes ces choses ne se passoient ainsi, ce
sembloit, que pour te fauoriser, Mazarin, les
méchans ne laissent pas d’estre heureux quelquefois.

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L’on ne sçait pas ce que tu fis d’extraordinaire
en France : mais celuy qui en
estoit le premier Ministre d’Estat, fit au nom
de son Maistre, solliciter derechef le Cardinalat
pour toy, auec de plus puissantes brigues
que iamais. Le Pape n’osant pas desobliger
vn Monarque, qui auoit nouuellement
fait tant de merueilles pour luy, se ressouuenant
d’ailleurs de la bonne vie, de laquelle
tout Rome auoit esté asseuré que tu viuois,
& pensant que c’estoit pieusement faire que
de mettre au rang des Apostres vn grand pecheur
conuerty, se resolut au moyen de toutes
les considerations qu’il auoit euës, de te
nommer pour Cardinal ; ce qui fut fait, sans
que personne s’en réjouïst guere, comme si
par là quelque secrette puissance eust voulu
tesmoigner que tu estois indigne de cét honneur.

 

A peu de temps de là, Rome fut bien détrompée,
& tes mauuaises mœurs cõtinuans
lenr deprauité accoustumée, firent sçauoir
à toute la terte, qu’il est bien difficile qu’vn
meschant, obstiné en son peché, se conuertisse.
Ainsi sçauans de tes brigandages, de tes inhumanitez
enuers les subjets de ton Maistre,

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& de tes horribles crimes contre Dieu & la
Nature, il fut aisé à connoistre que du temps
que le bruit courut de ta saincte vie, c’est que
tu contrefis l’Hypocrite, & sous la peau d’vn
loup, tu feignis d’estre vn agneau. Quels
enormes attentats n’as-tu point depuis fait
dans l’Estat Ecclesiastique ? il n’a pas tenu à
toy que ton bon Maistre ne trauaillast celuy
qu’il auoit cy-deuant protegé, & si tu l’y eusses
pû resoudre, Rome, & le S. Siege sçauoit
que tu eusses fait alumer les feux de la guerre,
dans les quatre coins de l’Estat Ecclesiastique.

 

Depuis l’auenement de ton ieune Roy a la
Couronne de son pere, n’as-tu pas mis en
feux, & en flammes toute l’Italie ? & y a-t’il
Estat dans ce fertille pays, où tu n’aye ietté la
dissention, & la discorde ? Qui a causé le souleuement
de Naples, si ce n’est toy ? Qui a
donne le dessein d’assieger Orbitello ? c’est le
Traistre Mazarin. Tant y a que puis qu’auiourd’huy,
comme tu as esté l’ennemy de
tout le monde ; tout le monde aussi t’a en
execration & t’abandonne. Restituës les vols
que tu as faits ; rends à Cesar les choses qui
sont à Cesar, & à Dieu les choses qui sont à
Dieu ; le S. Siege t’a fait l’honneur de te créer

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Cardinal, le mesme S. Siege, le S. Pere le Pape
y seant, vient de te degrader, & de te rendre
indigne de ce haut degré de gloire, & de
dignité. Ne tranche plus de l’eminent ; cette
qualité n’est plus tienne, & tes vices horribles
t’en ont exclus.

 

L’on sçait bien que c’est d’vne Magicienne
Callabroise, que tu as appris l’art de Magie,
dont tu t’es tousiours seruy, pour gagner &
preuenir les esprits des hommes, & des femmes,
& que c’est par cette science diabolique
que depuis huict ans tu tiens toute l’Europe
en guerre, & en dissention. Rome t’inuite, &
t’exhorte de la part de Dieu, du S. Pere le Pape,
& de tous les Cardinaux, à te repentir
amerement de tes enormes crimes ; d’en venir
faire vne austere penitence en cette saincte
Cité, dés que tu auras quitté la France,
que ie sçay bien qu’il faut que tu abandonnes
pour éuiter le supplice. Sa saincteté peut t’absoudre,
quelques grands, & enormes que
soient tes pechez, pourueu qu’en se iettant à
ses pieds tu en demandes pardon à Dieu, auec
vne contrition toute entiere. Quoy que Iudas
eut trahy, vendu, & fait mourir Iesus-Christ,
si est-il vray, que s’il s’en fust dignement

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repenty, & qu’il ne se fust point desesperé,
qu’il eust esté sauué ; sçaches que de tous
les crimes, dont les mortels se puissent soüiller,
il n’y en a point vn si enorme, ny que la
Iustice diuine chastie si seuerement que le desespoir.
Euite cét important malheur, & viens
icy te faire absoudre de tes vices, afin que tu
ayes ce bonheur, apres tant de maux que tu as
commis, de mourir en bon Chrestien, & non
pas en diable.

 

FIN.

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