Anonyme [1649], LA CHASSE AVX SATYRES DV TEMPS. VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_690. Cote locale : C_2_32.
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LA CHASSE AVX SATYRES
du temps.

 


OV sont-ils ces ladres bouquins,
Ces Poëtes gueux, ces faquins,
De qui les Satyriques plumes,
Fagottent de si sots volumes,
Pleins d’injures à tuër chien,
Et dont le meilleur ne vaut rien :
Ces effrontez de qui l’audace,
Ose bien cracher à la face,
De la plus illustre vertu,
Dont on puisse estre reuestu ;
Ronger sur l’honneur comme vn chancre,
Et noircir auecques de l’ancre,
l’Innocence & la Verité ;
Tout le monde en est irrité,
C’est trop souffrir leur insolence,
Il faut vser de violence,
Contre ces infames Autheurs,
Ces mercenaires imposteurs,
Qui deshonorent la Parnasse,
Ce n’est pas tout que la menasse,
Il faut quoy qu’ils soient bien cachez,
Leur faire pleurer leurs pechez,
Et les punir de tant de rimes ;
Que l’on peut dire autant de crimes,
Où sont ils nichez ces corbeaux,
Dont les chants sentent les tombeaux,
Qui ne nous preschent que misere,
Qui ne se plaisent qu’à mal faire,
Ces Autheurs de seditions,
Ces fauteurs de diuisions,
Ces introducteurs de discorde,

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Ces meschans dignes de la corde,
Ennemis de nostre repos,
Ils seront ma foy bien dispos,
S’ils se sauuent de la poursuitte,
Ou par l’adresse, ou par la suitte ;
Ils auront beau chercher des trous,
Se cacher comme des hybous,
Ou courir à perte d’haleine,
Leur mesure est des-ja si pleine,
Qu’il n’est plus temps de differer ;
C’est trop, c’est trop en endurer,
Il en faut nettoyer le monde,
Ca, ça, qu’vn chacun me seconde,
Que l’on m’estrille ces galands,
Qu’on chapitre ces insolens,
Et qu’il n’y ait ny, coin ny cache,
Doù nostre main ne les arrache.

 

 


Muses, & vous bel Appollon,
De qui le charmant Violon,
Fait tout dancer dessus Parnasse,
Venés vn peu donner la chasse,
A ces impudens escriuains,
Qui contre vos Arrests diuins,
Ont sans craindre ny Dieu ny diables,
Produit des monstres effroiables,
Et prophané vostre bel Art,
Par vn vray stile de pendart,
Des-ja par ces mauuais exemples
On a peur d’entrer dans vos Temples,
Tous les autheurs sont descriez,
Poëtes sont Iniuriez,
L’on les bat, on leur fait la mouë,
Et l’on leur iette de la bouë,
On incague vous & vos vers,
On vous regarde de trauers,
On chasse au grat la Poësie,
L’on luy fait la troigne moisie,

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Et tout le monde la maudit,
Bref vous n’estes plus en credit,
Grace à cette mauditte engeance :
Dont vous deués prendre vengeance,
Il y va de vostre Interest,
Il faut prononcer leur Arrest
Sans pitié ny misericorde ;
Il faut qu’il dancent sous la corde,
Au son du Salue Regina,
Il ont beau faire ò benina,
Point de pardon il les faut pendre,
C’est là ce qu’ils peuuent attendre,
Et tout ce qu’ils ont merité,
En choqant vostre authorité.

 

 


Ca donc allons à cette chasse :
Perdons cette maudite race,
Qui nous a tous des-honorés,
Il ne se sont pas declarez,
Mais vous sçaués bien cheres Muses,
Aller audeuant de ces rusez,
Fussent ils encor plus cachez,
Fussent ils encor mieux nichez,
Bel Appollon qui sans lunettes,
Nous fais voir les choses si nettes,
Tu pourras bien les descouurir,
Mais c’est des-ja trop discourir,
Ie te vois monté sur Pegaze,
Et tes Muses auec emphase,
En croupe dessus leurs guildins,
Vont bien ramonner ces gredins.

 

 


Laschés-moy ce limier d’attache,
I’en voy la quelqu’vn qui se cache,
Te voyla pris qui que tu sois,
C’est l’Autheur des Souspirs François,
Dessus la Paix Italienne,
Qu’on me l’empogne, qu’on le tienne,
Ce Perturbateur de la Paix,
Il n’est pas là pour ses bien-faits,

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Admirez vn peu comme il tremble,
Le pendrons nous, que vous en semble,
Il ne faut point tant lanterner,
Tout au moins il le faut berner,
C’est la grace qu’on luy peut faire ;
Pour auoir esté temeraire,
Au poinct que d’aigrir les esprits,
Par ses seditieux escrits.

 

 


Bernons-le, & l’enuoyons au peautre,
On en a mené encor vn autre,
Ho ! qu elle mine de pendu,
Que cét Autheur est morfondu ;
C’est donc la Requeste Ciuille,
Que vous auez fait pauure drille,
Vous en estes trop conuaincu,
Coup de poing, coups de pied au cu,
Buffes, chiquenaudes, nazardes,
Luy soient donnés, que l’on le larde,
D’espingles, d’esguilles, de clous,
Et qu’on luy fasse autant de trous,
Qu’il en faut pour percer vn crible,
Bien que ce tourment soit horrible,
Il en merite vingt fois plus,
Et iusqu’à tant qu’il soit perclus,
Qu’il n’espere que la potance,
Face finir sa penitence.

 

 


Quel autre est-ce que l’on a pris,
Laissez luy rasseoir ses esprits,
Afin qu’il confesse son crime,
Ha ! c’est vous le faiseur de rime,
Infame macquignon de Vers,
Hodieux par tout l’Vniuers,
Salle, bouquin, diabolique,
De qui la plume Satyrique,
Noircit d’opprobres cét estat,
Et par vn damnable attentat,
Attaque nostre illustre throsne,

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Et ceux qui portent la Couronne :
Apollon tréve de douceur,
Contre ce lubrique offenseur,
Il faut que sa chair soit hachée ;
Apres la Verité Cachée,
Produite par ce criminel,
Par vn adueu bien solemnel,
Le diable peut tirer l’eschelle ;
Hachés le vous dis-je, hachés-le,
Et qu’il n’en soit iamais parlé,

 

 


Ho que cét autre est desolé,
Et que son ancre sent l’vrine,
A sa façon, ie m’imagine,
Qu’il à faict le Pot à Pisser,
En trois coups il le faut hausser,
Quoy qu’il dise pour sa deffence,
Afin d’expier son offence.

 

 


Viste à cét autre qui s’enfuit,
Courons apres à petit bruit,
Pendart, arreste ou ie te tuë,
Enfin sa force est abbatuë,
Le voila pris il n’en peut plus,
Qu’a-t’il fait pour faire ainsi flux,
Des Vers au Prince la Cuirasse,
Cher Appollon faites luy grace,
Il est assez fort pour ramer,
Qu’il finisse ses iours sur mer :
Adieu ; qu’on le mene aux Galleres.

 

 


Voicy ie croy deux de ses freres,
O ! les Genereux Sentimens,
Qu’à fait cet Autheur de Romans,
Tu te dis François Veritable,
Qui toy François ? C’est bien le diable,
Appliquez luy la fleur de lis,
Pour satisfaire à ses delits,
Et le mieux faire reconnestre,
Pour François comme il ptetend estre.

 

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Et toy qu’astu fait impudent,
La Barbe au Premier President,
Qu’il aille à la Conciergerie,
Il verra si c’est raillerie,
Et s’il fait si bon s’attaquer,
Aux gens qu’il a voulu picquer,

 

 


Le reste ne vaut pas la peine,
Que l’on les enuoye à la chaine,
Mais sans marchander il nous faut,
Les estriller en chien courtaut,
Les traitter comme camarades,
Et leur donner cent bastonades,
Pour leur apprendre à respecter,
Ceux qu’ils ont tasché d’irriter,
Et ne se plus mesler d’escrire,
Pasquin, Triolet, ny Satyre,
De peur d’aller à Mont-faucon,
Dancer le bransle du Gascon.

 

FIN.

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