N. R. B. C. [signé] [1649], LETTRE D’VN GRAND ASTROLOGVE ENVOYEE AVX BOVRGEOIS de Paris, sur le succés de leurs Armes. , françaisRéférence RIM : M0_1881. Cote locale : A_5_17.
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LETTRE D’VN GRAND ASTROLOGVE,
enuoyée aux Bourgeois de Paris, sur le succez
de leurs armes.

MESSIEVRS,

Ayans exactement penetré dans les
secrets de la nature par les regles de mon
Art, i’ay reconnu dans les Astres de bonnes qualitez,
touchant le fait de vos armes, qui doiuent estre victorieuses
& triomphantes au grand contentement
de toute la France, Iupiter opposé à Saturne, vous
garantira de ses fureurs & de la rage de ces destins, les
l’arques vous destinent à vne tres-heureuse Hymenée
& succez dans vos affaires belliqueuses. I’ay consideré
la Ligue Ecliptique du Soleil, qui est au milieu du
Zodiaque auec vne ligne circulaire, s’entrecoupans
en Ecusson, & les deux poincts de cette intersection
se nomment la teste & la queuë du Dragon qui decline
au poinct de la Lune, la regardant d’vn triste aspect,
comme aussi le Prince de son mouuement, qui
luy ayant seruy d’Astre estendra son flambeau, le laissera
dans l’obscurité & dans des tenebres aussi palpables
que celles d’Egypte. Alors Mars luy tournera le
dos, luy sera autant defauorable qu’il luy aura esté

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propice ; mais Saturne l’enueloppera dans vn succez
de malheurs. Et Diane ny Phebus ne pourront le fléchir.

 

Cela preiuge & pronostique qu’vn méchant Ministre
d’Estat figuré par le Dragon, qui n’est autre que
Mazarin, ausa du dessous, qui sera lié auec sa queuë &
Saturne luy estant directement opposé, & alors trouué
en conionction auec Mars. Ce mauuais Politique
sera degradé & tombera dans de tres-honteux precipices.
Et partant la cause des malheurs finissant les
effets qui la suiuent cesseront, au grand contentement
de tout le monde, qui ayant esté lezé par ce Tyran,
& dépoüillé de tous ses biens, il se verra à la faueur
du temps, remis dans sa liberté premiere & comblé
de tous biens.

I’ay parcouru tous les Astres, & n’en ay reconnu
aucun qui ne presage vn succés de bonheur à la France,
aussi Dieu ne peut donner que de bonnes influences
pour retirer ce Royaume des abois où son
Tyran l’a reduit.

Mais cette diuine Prouidence a ietté ses yeux misericordieux
sur vous, Messieurs, vous a vnis tellement
par ensemble qu’on peut dire qu’vne seule ame
vous anime & que le lien de la charite qui vous tient
heureusement liez, est indissoluble, veu que plusieurs
Corps sont vnis en vn par acte de volonté. Toutes
les Nations les plus écartées publieront à iamais vos
loüanges & le party qu’auez si courageusement embrassé,
immortalisera vostre memoire, & la posterité
en conseruera le souuenir, le papier est trop foible

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pour receuoir en soy le carractere in-effacable que
vos Vertus exigent qui ne peuuent estre burinées que
sur du Marbre, veu que vostre bras nerueux est plus
robuste que celuy d’Hercule doit liberer la France de
son Pira[1 lettre ill.]e & oppresseur. Mais si les peuples vous ont
de l’obligation pour vn bien fait si precieux qui n’a
point de comparaison, comme estant la cause instrumentale
de son salut, de son repos, & de son bien : Et
si en consequence ils vous doiuent tous les honneurs
& submissions deubs à vn tel merite. Ce grand Senat
y doit auoir la meilleure part comme estant la cause
deliberatiue & finale d’vn si grand bien : c’est luy qui
en a fait les projects & conceu les idées & vous en
auez executé les ordres dont les reconnoissances doiuent
estre considerées à l’endroit de ces illustres Senateurs
comme peres de la Patrie ; & vous par accessoire
deuez estre enuisagez comme freres, qui agissent
pour vn mesme heritage.

 

Autrefois on admiroit les ouurages d’Appelles &
de Partasius, ces excellens Peintres de l’Antiquité &
desquels cette superbe ville d’Ephese a publié hautement
les loüanges, & loüé Scopas pour les belles Statuës
dont il auoit orné les monumens qu’on auoit
dressées en l’honneur de Scipion l’Africain, pour les
Victoires qu’il auoit remportées sur Anabal en le reduisant
dans l’extremité de l’Afrique, ny les trophées
qu’il auoit remportées sur Chartage, l’ayant subiuguée,
ne luy ont point tant donné d’éclat, ny graué
si auant ses hauts faits dans l’opinion & approbation
des hommes, que les bien-faits que vous rendez à la

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France, Messieurs, en la tirant du funeste estat où vn
aussi cruel que depraué estranger l’a mise.

 

Maintenant les Zephirs Compagnons du Printemps
commencent par leur souffle gracieux à adoucir
l’orage où nous auons esté si long-temps accablés,
la Seine qui s’estoit renduë effroyable par sa rapidité
& par son debordement furieux, commence à s’appaiser,
l’ennemy ne peut estre tousiours deuant vne
mesme porte, si Achille autrefois a esté triomphateur
de la superbe Troye en suscitant Paris qui mit
fin à sa gloire par vn coup qui luy [1 mot ill.] la vie, & ce vaillant
Thetis donné de la [1 mot ill.] & esbranlé les murailles
de ses ennemis ce ne sont que foibles idées,
Messieurs, en comparaison de vous qui possedez des
forces qui ne se rencontrent dans tout le reste du
monde, puisque six cens mil personnes sortis hors
de vos portes, n’apportent aucune alteration dans
cette incomparable ville, vn chacun vous rend des
hommages, & on vous reuere d’auantage que la
Grece n’a iamais chery la memoire de Castor & du
vaillaint Hercule ; toutes les bouches publient vostre
nom, & n’ont d’autres entretiens que le recit de vos
faits glorieux.

Si nostre Religion n’estoit tres-saincte & excellente
par dessus les autres, ie serois de l’oppinion de
ceux qui disent qu’on ne peut trop loüer les hommes
vertueux ny blasmer les vicieux ; Et pour mieux dire
on ne peut trop cherir & affectionner vn homme de
probité, aussi on ne sçauroit trop haïr ce qui luy est
opposé, ie tiendrois cette maxime veritable si mon

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entendement qui de par l’Euangile ne m’apprenoit
qu’il faut aimer son ennemy, en tant que Chrestien
& non pas ce crime qui n’abite en luy, mais quand il
est inuenteré dans son mal & que c’est vne peste publique,
il l’a faut d’écrier, & s’en deffaire ; Mazarin est
cette beste de Babilone à plusieurs testes, c’est à dire
qu’il porte l’image & le carractere de tous les vices, &
le cohorte de tous les crimes, dont le plus abominable
peut à iamais perpetrer ; quelques vns tiennent
qu’il a dessein de se trauestir afin d’euiter le chastimet
deu à ses forfaits, c’est ce que ie n’ay remarqué en
l’Astrologie : mais s’il en a le dessein voicy ma priere :
Nauire qui porterus Iulie Mazarin, puissiez-vous estre
accompagnée d’infortune & de malheurs, vents de Midy
souuenez-vous des orages qui vous suiuent lors que vous entonnez
par vostre souffle furieux les riuages de la mer, pour
perdre ce fatal Ministre odieux à tout le monde, & le ietter
dans vn nauffrage noir, [5 lettres ill.] qui par les [5 lettres ill.] & les tempestes
que vous causez, fondez cét element épouuantable,
dissipés les voiles & les cordages qui conduisent cét ex[5 lettres ill.]teur.
Aquilons exercez la violence auec laquelle vous renuersez
les chesnes sur les hautes montagnes. Castor & Pollux,
[5 lettres ill.] brillant, cachez de [1 mot ill.] vostre lumiere, & ne donnez
point de clarté à ce méchant Grippeur. [1 mot ill.] ne soyez pas
plus fauorable à sa Nauire que vous auez esté autrefois à
[1 mot ill.], qui apres auoir esté battu des vents & des orages,
son vaisseau en piece, & une partie de sergent noyez pour punition
du [1 mot ill.] qu’il auoit commis dans le Temple de Minerue.

 

Voila le souhait que l’on fait pour les ames Mazarines
& reprouuees, qui ont tire des soûpirs du plus

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profond des cœurs par le torrent impetueux des crimes
qu’il les ont accumulez, aussi bien que l’or ; Mais
pour vous, Messieurs, vous estes trop aimables pour
ne pas auoir des sentimens de bien veillance auec
des respects & submissions dignes d’vn bon François,
comme ie suis n’ayant plus grande passion, que celle
qui me fait tant affectionner ma chere patrie, que
hair son Tyran. Ie voudrois que ma Muse fust plus
animée & qu’elle eust plus d’attrais, afin de vous donner
chose plus proportionnée a vos merites, & de
faire voir à la France plus efficacement l’honneur que
i’ambitionne d’estre insinué dans vostre souuenir,
que i’estime tres-precieux, comme estans intimement.

 

MESSIEVRS,

Vostre tres-humble & tres-affectionné
seruiteur.

N. R. B. C.

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N. R. B. C. [signé] [1649], LETTRE D’VN GRAND ASTROLOGVE ENVOYEE AVX BOVRGEOIS de Paris, sur le succés de leurs Armes. , françaisRéférence RIM : M0_1881. Cote locale : A_5_17.