N. T. [signé] [1649], LETTRE A MESSIEVRS LE VVIDAME & Gouuerneur D’AMIENS, ET D’AVQVINCOVRT GOVVERNEVR DE PERONNE, POVR LA CONSERVATION DE leurs Gouuernemens. , françaisRéférence RIM : M0_1812. Cote locale : C_3_16.
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LETTRE
A MESSIEVRS
LE
VVIDAME
& Gouuerneur
D’AMIENS,
ET
D’AVQVINCOVRT
GOVVERNEVR DE PERONNE,
POVR LA CONSERVATION DE
leurs Gouuernemens.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LETTRE A MESSIEVRS LE
Vvidame & Gouuerneur d’Amiens, & d’Auquincourt
Gouuerneur de Peronne, pour la
conseruation de leurs Gouuernemens.

MESSIEVRS, dans l’incertitude de toute la
France, ie ne puis me resoudre de la
miene particuliere. Quelque generosité
dont ie vous ay vû mille belles marques,
toutes les choses du monde sont si sujetes
à changer, que ie vous prie de m’excuser si ie doute,
& si dans ce doute ie crains que vous n’ayez liuré
vos gouuernemens au Cardinal. Il n’est personne qui
ne sçache auec combien d’ardeur il les desire, & comme
auiourd’huy ces desirs, par l’influence maligne de
quelque astre destiné à nostre perte, sont trop souuent
suiuis de leur effet, il n’y a aussi personne qui ne craigne
qu’il les possede. Ie suis dans cette crainte, Messieurs,
& quelque grande opinion que i’aye de vostre
vertu, ie tremble quand ie considere qu’il n’en est
point auiourd’huy dont le vice ne triomphe. Le Cardinal
qui est le grand maistre & le suprême ingenieur,

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luy donne des ajustemens & l’accompagne de charmes,
si subtilement trompeurs & si artificiellement
surprenans, que les plus grands hommes de cet Estat
ne s’en peuuent defendre ; & que la pluspart de ceux
qui sur nos ennemis ont si souuent remporté la qualité
glorieuse de victorieux, en acquierent auiourd’huy
l’infame dénomination de vaincus Comme cet adroit
ingenieur de nos malheurs possede toute l’authorité
Souueraine, qu’il n’en reste hors de ces mains qu’vne
idée inutille & qu’vne ombre vaine & impuissante,
tout le monde l’adore à cause de se souuerain pouuoir ;
s’il s’en trouue quelques-vns que le grand cœur
excepte de cette adoration seruile & craintiue : ou
qui se trouuent dans des lieux iusqu’où ne puisse porter
sa puissance ; il a des persuasions si fortes, & reçoit
de l’authorité qu’il a vsurpée des secours si puissans &
& des charmes si ineuitables, qu’en fin, nous voyons
bien peu de ceux qui sortent du commun & passent
pour de grands hommes, qui ne pliant pas sous son
pouuoir ne sedent à ces ruses & à ces soûplesses. Il est
dangereux pour vous, Messieurs, aussi bien que pour
le reste des personnes de vostre sorte que ce torrent
impetueux ne vous entraisne, & qu’on ne vous voye,
enfin, ceder comme les autres à sa fureur. Ie dis qu’il
est dangereux, parce que ceux à qui cet accident arriue
ce peuuent nommer infortunez : N’est-ce pas vne
extrême malheur à vn homme de naissance d’obeïr à
vn homme de neant ? à vn genereux de ceder à vn lasche,

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à vn vertueux de flatter le vice & de le faire seruir
par sa vertu ? Si les Sages, quoy qu’aueugles Payens, viuoient
encores, fussent-ils tous aussi pauures que Diogenes,
on les verroit dans leur vie necessiteuse, mespriser
la criminelle pompe de ces superbes & lasches flatteurs,
qui n’acquerent tout cet esclat exterieure qu’au
prix de leur honneur qu’ils prostituent indignement.
Vn Solonne les sçauroit estimer fussent-ils tous
autant Monarques. Il condamneroit sa vanité des tresors
qu’ils ce sont acquis auec mille crimes, & donneroit
à leur preiudice la qualité d’homme de bien au
moindre de tous les Citoyens qui toûjours auroit bien
vescu dans sa pauureté. Et de fait, Messieurs, qu’est-ce
que cette pompe exterieure quãd elle est la fin de mauuais
moyens ? si ce n’est la marque esclattante des meschancetez
de ceux qui en sont enrichis. Les fautes des
hommes s’enseuelissent bien souuent dans les petits effets
qu’elles produisent : & l’on estime à peu prés innocent
celuy dont le crime n’a pas fait grand bruit ; le
scandale est ce qui trop ordinairement agraue le peché
& le rend en quelque façon plus pechant. Tellement
que ces pecheurs de Cour deuiennent encores
plus coupables par les suites de leurs fautes, que par
leur propre commission. Cependant ce n’est que pour
cette suite qu’ils ce portent à pecher auec tant de facilité.
Ce n’est que pour ce lustre vain & pour cette gloire
imaginaire, qu’ils abandonnent la veritable. Il n’y
a point de conscience qui resiste aux charmes de ces

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faux appas. Nous voyons des Princes deuenir les esclaues
du plus petit Sicilien qui soit iamais né dedans
la Sicile, suiure ces pas comme vn laquais suit
ceux de son maistre. Aspirer à sa faueur auec vehemence
& par le secours de cette faueur, pretendre les
les charges de cet Estat, cependant que luy-mesme
en possede la Couronne. Ie ne pense pas, Messieurs,
qu’il y ait d’homme bien sensé qui n’estime de grands
malheurs des ambitions qui agissent de cette sorte ; &
qui n’estime comme ie vous l’ay desia dit, qu’il y a
beaucoup de danger à estre exposé à de pareils accidens.

 

C’est en ce peril, Messieurs, que toute la France
vous considere auec beaucoup de crainte. Si vous la
considerez de la mesme façon, & que par cette crainte
vous veilliez comprendre l’amour qu’elle a pour vous :
ie ne doute point que vous ne luy rendiez le reciproque
de son affection, & que vous ne luy conseruiez les
places qu’on a commise à vostre vigilence, contre les
assauts de son ennemy. Outre cette affection que vous
luy deuez par celle qu’elle vous tesmoigne, par laquelle
vous estes obligez de les luy conseruer. Vostre propre
honneur vous y oblige encores vostre fidelité ne
vous peut permetre de les remettres qu’aux mains de
la mesme puissance qui vous les commit.

En cette occasion, Messieurs, ce ne vous seroit
point vne excuse legitime de dire que ne les tenans
que du Roy, vous ne les deuez rendre à d’autre, & que

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puis qu’auiourd’huy le Roy vous les demande, vous
estes obligez de les luy rendre & les luy liurer. Ces raisons
qui seroient bonnes toutes simples, ce trouuent
empeschées & combattuës par trop de iustes & de receuables
exceptions pour les escouter. Le Roy vous a
commis vos places, mais il n’est point à present pour
vous les redemander. Vous voyez bien que la personne
Royale dans sa Minorité, n’vse point de sa puissance.
Vous voyez que ceux qui pretendent regir ne sont
point approuuez. On est dans la haine de leur tyrannie ;
les Peuples detestent leur gouuernement, vn
Estranger est deuenu le maistre. Il n’y a que quelques
lasches qui volontairement obeïssent, il y auroit donc
en vous de la lascheté de luy obeïr ?

 

Mais peut-estre craignez vous qu’on vous accuse
d’estre rebelles. Il vaut bien mieux, Messieurs, estre
accusez iniustement de rebellion qu’auec iustice de
perfidie. Or l’on ne vous peut qu’iniustement taxer
de l’vn, mais si vous cediez l’on vous pourroit blasmer
de l’autre auec iustice. L’on ne vous peut blasmer de
rebellion, car en est-ce que de conseruer fidellement
à vostre Roy les dépost qu’il vous a commis ; Mais il
nous les redemande. Ce n’est pas luy qui le fait ; il y a
du danger qu’il vous les redemande vne autrefois, &
qu’il ne vous excuse point de les auoir données à ceux
ausquels ils n’appartenoient pas, & de qui vous ne les
auiez pas receus. Ceux qui vous sollicitent de les rendre
ne sont pas ceux qui vous les doiuent demander,

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On doute si leur puissance est legitime apres qu’elle est
deuenuë si cruelle ; celle à laquelle nous auons accoustumé
d’obeïr nous monstre ordinairement moins de
rigueur, & nous mécognoissons vn monstre de gouuernement
qui iamais ne prit son origine en ce pais, &
des monstres de Ministres desquels la vie est trop longue
pour nostre bon-heur.

 

Il me semble, Messieurs, que vous en deuez faire
de mesme & ne pas recognoistre ceux qui vous flattent
pour vous abuser. Entre la puissance qui vous
commit vos gouuernemens & celle qui vous en veut
auiourd’huy priuer, il y a vne si grande difference
qu’elles sont mesmes contraires l’vne à l’autre. La premiere
vous mit dans vos charges de droit d’authorité,
& ce monstra toute puissante dans cette action comme
elle l’estoit dans toutes les autres. Cette derniere
vous en veut oster, non pas de droit, non pas de force,
non pas en se monstrant toute puissante, mais en flattant,
en promettant, elle ce sert de la ruse, elle ce sert
de l’adresse. Elle ne vous commande pas parce qu’elle
n’a pas le droit de le faire, mais elle tasche de vous suborner.

Auec ces extrêmes differences, Messieurs, ie ne
doute point que vous ne distinguiez aisement entre
le Cardinal & le Roy, & que vous ne iugiez facilement
que l’vn est ennemy de l’autre, feignant d’en estre le
seruiteur. Et veritablement c’est estre de ces plus
grands ennemis que de flestrir son authorité comme il

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l’a fletrist. Cette malheureuse pratique par laquelle il
l’a conuertist en promesses & en fourberies, doit estre
detestable à tous ces Sujets : Aussi peut-estre que par
ces infames moyens en l’auillissant dans les mains de
son legitime possesseur, il pretend l’vsurper & la mettre
dans les siennes. C’est ainsi qu’en ont vsé tous les
tyrans. Il n’y a point de presens qu’ils n’ayent fait aux
personnes considerables de l’Estat qu’ils ont voulu
surprendre. Il n’y a point de promesses qu’ils ayent
espargnées pour les corrompre. Ils ce sont aliez auec
les vns. Ils en ont enrichis les autres. Ils ont tout fait esperer
à ceux-cy, & tout fait redouter à ceux-là, pour
ce les acquerir tous ensemble.

 

Vous n’ignorez pas, Messieurs, où peuuent tendre
des procedures si contraires à la Majesté de nos
Souuerains ; Autrefois dans Rome on punissoit seuerement
des Gratificateurs si dangereux. Dans la necessité
de la ville mesmes faire largesse de bled aux Artisans,
leur prester de l’argent sans vsure, les caioller, les
flatter estoit vn crime capital. On condamnoit vn
courtois & vn charitable de cette façon, comme attantat
sur la comune liberté ; que n’eut-on point fait
contre celuy qui eut voulu corrompre les Senateurs ?
Ce fut cette seuere discipline qui conserua Rome victorieuse
d’elle mesme aussi bien que de ces ennemis,
& qui de ces petits commencemens fit vn Empire redoutable
à tout l’Vniuers. Aussi quand cette exacte
obseruation commença à ce relascher, qu’il ce fit des

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brigues ouuerte dedans la ville & dedans les Prouinces.
Qu’on commença à caioller, à corrompre le peuple,
le Senat, les Gouuerneurs ; on vit ces horribles &
ces sanglantes tragedies qui font encor fremir plus de
dix-sept cens ans apres ceux qui les lisent, ou qui en
rappellent l’image dans leur souuenir. Il en est de
mesmes en cet Estat, Messieurs, les flatteries du Cardinal
& son argent, par lequel il corrompt vne infinité
de personnes font tous les desordres que nous y
voyons. Si tous les François auoient esté fidelles à leur
Monarques. Si pas vn n’auoit esté attaché au Cardinal
par ces interests & ces esperances particulieres, ny par
ces presens, nous l’aurions desia puny des violances
qu’il a exercées sur nous, ou du moins nous l’aurions
chassé ; & nous ne serions pas en estat de retomber à
tous propos dans la confusion & dans la guerre d’où
nous ne sommes que sortis. On ne verroit point François
contre François s’entre-tuer, ce faire la guerre à la
façon des plus barbares ennemis. On ne verroit point
des traistres de tous costez qui prenent son party ; &
qui s’ils augmentent encores leur nombre, vont mettre
cet infame Sicilien dedans le trosnes des François.

 

Il fait tout ce qu’il peut pour faire tomber dans la
comune infamie de ce Royaume ; il vous fait des promesses
& des menasses, nous le sçauons bien, mais nous
sçauons aussi que les grandes Ames sçauent esgalement
mespriser, & les faueurs & les rages des tyrans.
Dans leurs chaisnent ils braues leur puissance & mesprisent

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leurs caresses, & ne veulent en aucune façon
flatter leur fureur. Graces à Dieu Messieurs, vous n’estes
pas dans les chaisnes du Mazarin, & vous vous
trouuez hors de l’estenduë de son pouuoir. Mais si
dans vos fortes places vous pouuez resister à sa colere,
ce n’est rien si vous ne triomphez de sa douceur. Vous
seriez mesmes plus criminels de vous rendre à l’vne
qu’à l’autre, & il y auroit pour vous quelque excuse
dans la force, que dedans la faueur vous ne sçauriez
iamais trouuer.

 

Defendez-vous de l’vne & de l’autre puis que vous
le pouuez aisement faire, & prenez bien garde à ne pas
trahir vostre deuoir. Ce n’est pas assez à vn Gouuerneur
de faire faire quelques fortifications à sa place, de
la munir de tout ce qui luy fait besoin, pour la defendre
contre les ennemis. De la defendre en homme
d’honneur contre les ordinaires. Il faut encores qu’il
l’a conserue des surprises des extraordinaires. C’est
contre tous les ennemis de son Roy quel doit combatre
iusques à la mort, pour la garentir. Il faut qu’il les
cognoisse & qu’il les distingue, & qu’il ne trahisse pas
son maistre, ny par mespris ny par dessein.

Ce ne seroit pas par mespris si vous les faisiez,
Messieurs, vous sçauez assez comme ie vous l’ay desia
dit, que le Cardinal est ennemy du Roy aussi bien que
de ces Sujets. Quand vous l’ignoreriez, toute la France
qui ne peut estre l’ennemie de son Prince, vous le
declare en ce declarant contre luy. Si donc vous pouuiez

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consent à luy liurer vos places, il y auroit vne
manifeste perfidie en vostre procedé ; & iamais vous
ne vous en laueriez dans la pensée des gens d’honneur.
Vn crime si noir & si fatal à toute la France vous declareroit
infames à la posterité, & vous vous verriez
comme beaucoup d’autres la cause des clameurs pitoyables,
& des larmes ameres de mille innocens persecutez,
& l’objet des imprecations & des maledictions
espouuentables d’vne infinité de malheureux
desesperez.

 

Quand il n’y auroit que cela, les gratifications Cardinales
seroient trop cher achetées ; & quand il vous
tiendroit ce qu’il vous auroit promis ; Ce qu’il vous
donneroit ne vaudroit pas la milliesme partie de l’amour
& de l’estime que vous auriez perduës.

Outre que la trahison ne demeure iamais sans estre
punie, du Ciel ou des hommes, & bien souuent de
tous les deux costez ; de telle sorte qu’ordinairement
le suplice est la recompence des traistres. Cette detestable
Romaine qui par auarice liura sa ville aux Sabins
receut mesmes par la iustice de ceux qu’elle auoit seruis,
dans se prix de sa trahison le chastiment du crime
qu’elle auoit commis. S’il vous estoit arriué, Messieurs,
de faire vne pareille faute, ie ne sçay si vous pourriez
éuiter vn pareil malheur. Les Italiens ne pardonnent
point, dit-on. Vous auez assez offencé iusqu’icy le Cardinal
par vos refus. S’il vous flatte & s’il vous carresse
à present vous auez droit de vous eu deffier. L’exemple

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tout recent de Monsieur de Ranzau vous doit auertir,
& vous sçauez quel appartement il luy a donné.

 

Ne doutez pas qu’ayant esprouué vostre generosité
quand il seroit capable de la corrompre, il ne fut encor
capable de la craindre. Il vous croiroit tousiours
touchez de quelques remords. Il apprehenderoit des
hommes qui luy ont fait peur, & feroit tout pour ce
déliurer par vostre mort de ces continuelles terreurs.
Que s’il vous auoit tellement infectez qu’il ne vous
creut plus capables de rien de genereux, il craindroit
tousiours le vice qui l’auroit seruy & qu’il auroit fait
succeder à la vertu. On aime ordinairement la trahison
parce qu’elle est vtile, mais on n’aime du tout
point les traistres. On ce deffie tousiours de ceux desquels
d’autres ont eu sujet de ce deffier ; & ne faut pas
pretendre de s’insinuer dans l’affection d’vn homme
qu’on sert par vne trahison.

Que la vie est miserable de ceux qu’vn si grand vice
a peu surprendre. Car seront-ils en asseurence auec
ceux qu’ils ont trahis, ou auec ceux pour lesquels il ce
sont portez à la trahison N’ont-ils pas droit de redouter
autant les vns comme les autres, & ne pouuans paroistre
auec honneur deuant qui que ce soit, ne doiuent-ils
pas comme des hybous & des oyseaux nocturnes,
fuir de la lumiere du iour, & ce cacher eternellement
dans l’horreur de la nuict ? C’est ce qu’ils deuroient
faire : Car ordinairemẽt on les punit aussi tost
qu’ils l’ont merité, & comme nous vous l’auons desia

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dit & mesmes confirmé, par exemple ils ne demandẽt
pas si-tost leur prix qu’on leur prepare le suplice. Ainsi
ceux qui presenterent à Cesar la teste de Pompée au
lieu des loüanges & des recompences qu’ils en attendoient
ne receurent de luy que des outrages & la peine
de leur crime : Et vn certain Macedonius ialoux de la
gloire de Spartianus que les Legions auoient declaré
Empereur au preiudice de Maximin qui l’estoit deuant
luy ; l’ayant surpris dormant en sa tente, luy ayant
coupé la teste en traistre & l’ayant presentée à Maximin
comme vn agreable present, ne receut de luy
pour toute faueur que la mort.

 

Ce n’est pas que quelques Princes, quelquefois
n’ayent flattez les traistres qui les auoient seruis ; que
mesmes ils ne leur ayent donné des recompences, mais
il y auoit d’autres considerations que celles de l’affection
qui les y obligeoient ; & l’on a tousiours vû dans
la suite des éuenemens que si leur bienveillence estoit
apparente, leur haine & leur horreur estoit veritable,
tellement qu’à conclure sainement il ne faut rien esperer
de bon d’vne action si infame & si mauuaise. C’est
ce qui me fait croire, Messieurs, que iamais vous ne
vous y resoudrez ; de si basses pensées ne seront pas capables
de vous surprendre : & quoy que vous n’ayez
que trop d’exemples, vous sçauez trop bien qu’on
n’est point excusable de pecher de cette façon.

Les exemples mesmes de ceux qui suiuent le Cardinal
ne sont pas si dangereux que celuy que vous donneriez.

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Vous estes les Portiers de ce Royaume ; vous en
auez les clefs dans la main. Si vous liurez ces clefs à nostre
ennemy, vous nous abandonnez à la fureur de ces
Partisans du dedans & du dehors. Nous serons à la mercy
des Domestiques & des Estrangers ; & vous mettrez
nostre malheur à l’extremité. Prenez bien garde,
Messieurs, à ne nous pas perdre sans raison. Vous rendriez
conte à Dieu & au Roy de nos vies & de nos
douleurs, & vous seriez responsables de tous les maux
que nous redoutons.

 

Faites plustost vne genereuse resolution de vous
enseuelir sous les ruines de vos places que de voir
& de causer celles de cet Estat. Triomphez iusques à
la fin d’vn Barbare qui seduit tant de lasches. Conseruez
iusques à la mort cette haute reputation que la renommée
publie, & cette ardente affection que vous
vous estes acquise de toute la France, & de moy particulierement
qui suis,

Messieurs,

Vostre tres-humble
seruiteur N. T.

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