Puységur, Jacques de Chastenet [signé] [1649 [?]], LETTRE D’AVIS DONNÉ A MONSEIGNEUR le Cardinal MAZARIN, pour l’Entretenement & Legement des Troupes, par le Sieur de PVYSEGVR, Lieutenant Coronel au Regiment de Piedmont, & Sergent de Bataille des Armées du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_1841. Cote locale : C_3_26.
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LETTRE D’AVIS DONNÉ A MONSEIGNEUR
le Cardinal MAZARIN, pour l’Entretenement
& Legement des Troupes, par le Sieur de
PVYSEGVR, Lieutenant Coronel au Regiment
de Piedmont, & Sergent de Bataille des Armées du Roy.

MONSEIGNEVR,

Voyant le soin que Vostre EMINENCE
prend, de soulager les peuples des maux
qu’il souffrent la plus-part causez par les gens de
Guerre, ausquels il semble que toute chose soit permise,
soubs ombre d’vn manquement de payement, &
par cette raison exigent des peuples beaucoup plus
qu’il ne leur faudroit quand on les payeroit à dix ou
douze Monstres, il faudroit pour éuiter à ces desordres,
se resoudre à faire que les Troupes qu’on veut pour la
Flandre, n’eussent pour leurs garnisons que depuis
Furnes, reuenant à Duntkerque, Bergues, Graueline,
Calais, Guines, Ardres, Marquile, Boulogne, Estaples,
Montruëil, Ruë, le Crotoy, Sainct Valery,
Abbeuille, & Amiens : En ces Villes la seroient la
Garnison de dix mil hommes de pied, & de deux mil
Cheuaux : Dans la proposition que ie fais, dont Vostre
EMINENCE, verra le détail de l’entretenement
des Troupes, le nombre est de quinze mil cincq cens

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quarante Maistres, Et des quatre vingts quatorze mil
cincq cens hommes de pied : La Caualerie en trente
sept Regimens, à raison de six Compagnies par Regiment,
& de soixante & dix Maistres par Compagnies,
tout compris l’Infanterie de quarante cincq Regimens,
de trente Compagnies chacune, sur le pied
de soixante & dix hommes, cy compris les Officiers :
Il faut faire estat de quarante quatre mil hommes de
pied pour les garnisons qui feroient vingt & vn Regimens :
Lesquels Regimens ne seroient pas les Regimens
des Gouuerneurs, les Gouuerneurs qui ont des Regimens
tous les Capitaines, ont de leurs parens ou amis,
ausquels ils ne veulent pas apporter la seuerite qu’ils
feroient à d’autres pour leur faire tenir leurs Compagnies
complettes. Il y a encor vne autre raison, qui est,
que lors que les Troupes ne sont pas à eux, le Roy est
mieux Maistre des places, & quand cela est, on ne refuse
pas à receuoir les troupes ny les autres Ordres du
Roy. S’il y auoit quelqu’vn que l’on doutast qu’il le fist,
on n’auroit qu’à mander à celuy qui commanderoit le
Regiment, d’enuoyer le Gouuerneur à la Cour, l’autre
le feroit ainsi : Le feu Roy l’auoit resolu, &; desia enuoyé
des Troupes dans des Gouuernemens, &; s’il eust
vescu, il l’auroit fait dans tous les Gouuernemens,
I’ay desia marqué du costé de la Mer, dix mil hommes
de pied, & deux mil Cheuaux : Cela seroit pour s’opposer
aux entreprises que les ennemis pourroient faire
durant le temps que vingt mil hommes de pied, &
huict mil Cheuaux entreprendroient quelque siege
d’importance, de laquelle Cauallerie, la circonuallation
estant faite, on pourroit tirer Quatre mil Cheuaux
pour joindre auec les troupes qui s’opposeroient aux

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ennemis. Il faut dix mil hommes de pied en Catalogne,
& trois mil Cheuaux, sans les troupes des Catalans,
& en Italie, deux mil cincq cens Cheuaux, & dix
mil hommes de pied, sans les troupes de Madame de
Sauoye. Il semble que voila suffisamment de troupes.
Il est question de voir comment les entretenir ? Il leur
faut donner quatre monstres, Sçauoir deux dans le
quartier d’Hyuer, & deux à la campagne : Il est tres
necessaire de donner le pain à la Cauallerie ; durant la
Campagne le pain de quinze mil cincq cens quarante
Maistres durant six mois de Campagne monte à raison
de trois sols, quatre cens quinze mil cinq cens quatre
vingt liures, & l’argent des quatre monstres, trois
millions deux cens vingt huict mil cens soixante liures :
Argent & pain ensemble trois millions six cens quarante
& trois mil sept cens quarante liures, & toute
l’Infanterie du nombre de quatre vingt quatorze mil
cincq cens hommes payez, le pain aux garnisons pour
toute l’Année à deux sols, & pour ceux qui vont à la
Campagne à trois sols durant six mois, & à deux sols
durant les autres six mois : Monteroit la despence de
l’Infanterie en argent à raison de quatre monstres, où
les dix pour cens sont compris, payé de Majors, des
Commissaires, les Estats de quatre Capitaines appointez,
& de quatre Lieutenans à la suite des cincq
vieux Regimens, & les Estats Majors de tous les Regimens :
à neuf millions trois cens quarante neuf mil six
cens quatre vingt liures. La Cauallerie, & Infanterie
ensemble douze millions neuf cens quatre vingt treize
mil quatre cens vingt liures. Ie fais estat que l’Artillerie,
& l’Estat Major des Generaux & Lieutenans generaux,
Mareschaux de Camp, Sergens de bataille, Aides

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de Camp, & autres Officiers Majors necessaires dans
les Armées, & non pas dans ce grand nombre que l’on
a accoustumé d’y enuoyer, mais seulement celuy qu’il
faudroit estãt capable. Toutes ces despences jroient
jusques à quinze millions. Ie voudrois que toutes les
troupes destinées pour l’Armée attaquante, fussent
mises en quartier d’Hyuer, dans Bethune, la Bassée,
Arras, Bapaume, Corbie, Dourlans, Peronne, le
Catelet, Saint Quentin, Guise, Marle, la Chapelle,
Veruins, Moncornet, Rozoye, Aubanton, Rocroy,
Charleville, Méziere, Donchery, Sedan, Mouzon,
Verdun, Thou, Bar, Ligny, Saincte Menehou, Rhetel,
Chateau Portian, Rheims, Crane, Bruyere, Velly,
Soissons, Cressy sur Sarre, Crespy, & Laon en Laonnois,
la Fere, Coussy, Chauny, Noyon, Pont, Mondidier,
& Roye ; n’estant pas necessaire d’en mettre plus
auant. Estans en ces lieux, il n’importeroit pas de
ruiner les troupes comme l’on fait à toutes les fins des
Campagnes en attendant le quartier d’Hyuer, que ie
puis asseurer estre la perte du tiers des troupes lesquelles
estans mises en garnison dans ces places, les ennemis
ne pourroient rien entreprendre, & les esloignans
dans les Prouinces comme l’on fait, ils ruinent
tout le plat pays par leurs passages, & coustent beaucoup
plus pour les Estapes, & quand ils arriuent à la
frontiere en reuenant de leurs garnisons esloignées,
leurs cheuaux sont aussi ruinez que s’ils auoient fait
trois mois de Campagne : Il faudroit MONSEIGNEVR,
que les Villes qui sont dans les Prouinces
reculées des Frontieres, payassent les vstancilles aux
troupes qui seroient dans les Villes où seroient les garnisons,
lesquelles vstancilles seroient pour la Caualerie

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d’vn Escu par Capitaine, quarante sols au Lieutenant,
au Cornette trente sols, & vingt sols au Mareschal
des Logis, dix sols à chacun Caualier, à
l’Estat Major, & Maistre de Camp pour deux Capitaines,
le Major comme vn Capitaine, l’Aide Major ainsi
qu’vn Lieutenant. A l’Infanterie, le Capitaine trente
sols, le Lieutenant vingt sols, à l’Enseigne quinze sols,
le Sergent huict sols, les Soldats trois sols, Et pour l’Estat
Major ainsi que celuy de la Caualerie, le Maistre de
Camp pour deux Capitaines. Au Major pour Capitaine,
à l’Aide Major comme Lieutenant, au Preuost,
& Mareschal des Logis comme Lieutenant, au
Lieutenant du Preuost ainsi qu’à l’Enseigne, au Greffier
& l’Aumosnier, & au Chirurgien Major, de mesme
comme au Sergent, aux six Archers de mesme qu’aux
Soldats, les Villes où seroient les troupes ne donneroient
que le Logement, l’Argent que receuroient
les troupes, seroient les plus clairs deniers, dont la
Frontiere feroit son commerce : Les Ennemis voyans
le bon Ordre que vous auriez apporté par le moyen
duquel on pourroit faire la Guerre tant & si long temps
que l’on voudroit, ils demanderoient la Paix qu’ils
refusent, dans l’esperance qu’ils ont que par nos désordres
nous succomberons, Vous considererez
(MONSEIGNEVR,) que payant les troupes
ainsi que ce memoire le porte que vous ne donnerez
point de recrues & que les troupes seront proches
des Villes ennemies pour auoir dessein dessus & pour
empescher qu’ils n’en ayent sur les nostres. Ie n’ay
point parlé du Logement des troupes d’Italie, ny de
Cathalogne ; Il faut les loger plus pres de la Frontiere
que l’on pourra, & tirer les vstancile des Villes comme

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pour les autres, Ie sçay que vous me demanderez à combien
mõteroiét les vstanciles, celle de la Caualerie ; vn
milion quatre cens cinquante huict mil cinq cens quarante
liures, l’Infanterie deux millions neuf mil cincq
cens soixante & quinze liures, laquelle vstancille &
montre seroit payée durant le quartier d’Hyuer, sur le
pied de soixante & dix hommes, tant à la Caualerie
qu’à l’Infanterie qui auroient le pain aussi sur le mesme
pied qui seruiroit pour leur donner moyen de faire
leur recreuë, & d’estre complets entrans en la Campagne.
On pourroit dire que les Villes feroient difficulté
de payer si ils ne voyoient les troupes, il ny en aura
point qui n’aiment mieux payer que de loger ny voir
les troupes faire les desordres qu’ils font dans le milieu
du Royaume, I’ay creu que vostre EMINENCE
receuroit ce projet, & qu’il se donneroit le loisir de le
regarder, & se porteroit à vouloir remedier aux desordres
qui arriuent & de faire connoistre à ses ennemis,
que ce qu’ils disent que l’on est bien aise de desordres,
afin de mieux faire ses affaires, n’est pas ce qui
vous fait agir, mais le bien & la grandeur de l’Estat,
& le repos des peuples à quoy vous trauaillez & que
ie souhaitte de tout mon cœur que vous leurs puïssiez
donner, & moy de meriter par mes seruices l’honneur
d’estre,

 

MONSEIGNEVR,

Vostre tres-humble, & tres-obeissant
Seruiteur PVYSEGVR.

A Paris ce 27. Decembre, 1649.

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Puységur, Jacques de Chastenet [signé] [1649 [?]], LETTRE D’AVIS DONNÉ A MONSEIGNEUR le Cardinal MAZARIN, pour l’Entretenement & Legement des Troupes, par le Sieur de PVYSEGVR, Lieutenant Coronel au Regiment de Piedmont, & Sergent de Bataille des Armées du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_1841. Cote locale : C_3_26.