R. N. F. [signé] [1649], LES SOVHAITS DES BONS FRANÇOIS ENVOYEZ A MESSIEVRS LES DEPVTEZ QVI TRAITENT DE LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_3701. Cote locale : A_7_26.
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LES SOVHAITS DES BONS FRANCOIS
enuoyez à Messieurs les Deputez du Parlement,
qui traittent de la Paix

MESSIEVRS,

Il n’y a pas vn de vous autres qui
ne connoisse la miserable condition de
nostre commune mere la France, qui
triomphante iadis des Nations estrangeres, se
voit auiourd’huy captiue, enchaisnée & deschirée
par vn Estranger ; C’est ce monstre d’auarice
& d’orgueil ce Cardinal Sicilien, ce Ministre
nouueau, monté à cette dignité si honorable &
si importante au Royaume, non par son extraction,
par sa vertu, par sa valleur ou par ses seruices,
non par les vœux de l’Eglise, par le consentement de
la Noblesse, ou par la volonté des peuple ; mais par
le malheur de la France. C’est luy qui a aliené les esprits
de nos Princes du seruice de sa Majesté, qui a
osté aux Seigneurs les Charges deuës à leur Vertu, qui
n’a laissé aucun Benefice vacant, qui a pris à millions
dans les coffres du Roy, & a attiré dessus cette ville
les maledictions de ceux qui pour assouuir son auarice,

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se sont veus chargez de Tailles & de Subsides nouueaux.
Seroit-il possible (Messieurs) que cette Cour
genereuse & Souueraine, qui ne sçait que c’est d’endurer,
establie à la punitiõ des coupables, gemit connoissant
son mal sans l’oser dire ? seroit-il possible que
celuy qui n’est ny d’extraction ny de merite esgal aux
vostres, vous tint le pied sur la gorge ? seroit-il possible
qu’il se trouuast de si lasches François pour seruir
de marche-pied à la nouuelle grandeur d’vn monstre
que vous auez condamné par vn Arrest saint & inuiolable ?
Enfin seroit-possible qu’on pût parler d’accommodement
auec luy, & que la France pût reprendre
sa premiere beauté auant qu’elle eut vomy ce poison
qui la designée ? Vous sçauez ce qui iette vne partie
du Royaume au desespoir de s’armer : ce n’est pas que
la Reine ne contribuë ses soins auec les vostres pour
le bien de cette Monarchie : ce n’est rien que les artifices
& les trahisons de ce mèchãt qui engloutissoit du
desir la Royauté. Est-il Officier de Iustice qui ne se soit
veu ou perdu ou à la veille de sa perte durant le temps
de son gouuernement ? l’exil de Monsieur le President
Barillon, l’emprisonnement de Messieurs de Broussel
& Blanc-menil, la ruïne dont il a menacé tout vostre
Corps en vn temps qu’il trauailloit auec tant de soin
& de bonne fortune pour la France, sont des témoins
qui font connoistre à tout le monde la tyrannie de
ses intentions. Vne des plus sainctes resolutions de
laquelle deuoit dépendre en partie le fruict qu’on
attendoit de vos Assemblées, estoit la recherche des

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maluersations commises au maniemens des Finances :
c’est delà que le peuple esperoit son soulagement,
si cét estranger au preiudice de l’interest du
Roy, à la honte de la France & au mépris de cette si
honorable Assemblée, n’eut fait auorter vostre iuste
dessein, en vous laissant par l’enleuement de sa Majesté
des affaires nouuelles & plus pressantes à demesler.
C’est pourquoy toute la France vous prie
que puis que sa bonne fortune, la bonté de son
Roy & la Vertu de la Reine vous donne la liberté
de parler, que compatissant à son estat present,
vous cherchiez les moyens de la soulager, & que vous
vous monstriez dignes de vos Charges comme vous
auez tousiours fait ; c’est en ce iour, Messieurs, ou
iamais, qu’il faut tout de bon mettre les mains à 1’œuure ;
c’est maintenant qu’il faut esperer que Dieu qui
gouuerne les cœurs des Princes, qui entend les plaintes
de leur peuple, les cris des enfans, les soûpirs
des veuues, les gemissemens des gens de bien, donnera
des lumieres auancées a nostre jeune Roy, pour
chasser ce prodige de méchanceté qui a regné iusques
icy, au prejudice de son authorité, à la ruïne
de son estat & au scandalle de tous les bons François.
C’est en ce iour dis-ie qu’il faut supplier la Reine de
se reconnoistre & de ne se laisser plus pipper aux artifices
de cét homme qui abusant de sa bonté, ouure
la porte à vne plainte generalle contre, elle
d’auoir auancé cét estranger hors de raison, vos consciences,
Messieurs, le serment que vous auez fait

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d’administrer auec sincerité vos Charges, vostre
saint Arrest d’vnion, la Iustice de celuy que vous
auez rendu contre ce criminel ; le zele du peuple
a maintenir sa liberté, 1’occasion presente, l’honneur
qui vous est si cher, l’assistance de nos Princes
& de tant de ieunes Seigneurs qui exposent
courageusement leur vie pour le seruice de sa Majesté,
pour le bien du public, pour la conseruation de
vos droits & la liberté de vos pensées, enfin vostre
gloire & la sainteté de vos Arrests nous obligent de
souscrire vne si iuste Requeste que vous font tous
les bons François, contre vn homme mort ciuilement
vous priant de ne receuoir aucune satisfaction
de vos Conferences, que le Cardinal Mazarin
ne soit hors du Royaume, s’il n’aime mieux nous
donner vn exemple illustre dans sa punition Croyez,
Messieurs, que sans cette satisfaction toutes les autres
ne nous seront que de foibles remedes à nos
maux : c’est donner quelque relasche à nos maladies,
mais ce n’est pas les oster si l’on n’en éloigne la cause,
quelle seureté trouuer pour nous & nos enfans si
nous receuons vn esprit irrité qui ne respire que vengeance.
S’il nous fit tant de mal quand nous le flattions
& que nous paroissions insensibles, que deuons
nous attendre d’vn Taureau que nous auons mis
en cholere ? est-il aucun qui s’èchappe de sa rage
quand Mazarin le croira coupable de l’auoir hay, luy
qui ne respecta rien de ce qu’il creut innocent de
l’auoir pû souffrir & caresser, ce seroit lors, Messieurs,

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que ce monstre iustifieroit ses premieres
cruautez par de plus grandes, ses vices ordinaires
par des impietez inouyes, l’innocence de sa vie passée,
par le libertinage de celle qu’il meineroit à l’aduenir,
ce seroit lors que vos veilles au salut de l’Estat,
tant de dépenses faites seroient rẽduës inutiles par le
dessein qu’il auroit de ruïner la Frãce, & que vous auriez
peine d’empescher. Pour ces considerations & autres
que vous supplierez selon vostre prudence accoustumée,
nous vous prions d’agreer la Requeste
des bons François, qui ne souhaittent aucun accord
que le Cardinal ne soit retiré : & bien que la Paix leur
soit tres-chere, ils n’en desirent point qu’auparauant
cét article ne soit signé, dequoy ils vous supplient de
conjurer la Reine Regente de qui le zele & la pieté,
l’amour enuers sa Noblesse, & le soin au bien de son
peuple nous font esperer toute sorte de satisfactiõ, &
que tirant l’ordre du desordre elle prendra vn iuste
interest en nos plaintes qui seront changées en benedictions,
par la fauorable réponse que vous deuez
attendre d’elle : Ainsi soit-il.

 

R. N. F.

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