Sandricourt,? de [1652], RESPONSE POVR MESSIEVRS LES PRINCES AV LIBELLE SEDITIEVX Intitulé, L’ESPRIT DE PAIX, Semé dans les Ruës de Paris la Nuit du 25. Iuin 1652. PIECE ACADEMIQVE. Par le sieur DE SANDRICOVRT. , français, latinRéférence RIM : M0_3449. Cote locale : B_16_57.
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RESPONSE
POVR
MESSIEVRS
LES PRINCES
AV LIBELLE SEDITIEVX
Intitulé,
L’ESPRIT DE PAIX,
Semé dans les Ruës de Paris la Nuit
du 25. Iuin 1652.

PIECE ACADEMIQVE.

Par le sieur DE SANDRICOVRT.

A. PARIS.

M. DC. LII.

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LE LIBELLE INTITVLÉ
L’ESPRIT DE PAIX
Semé dans les Ruës de Paris la nuict
du 25. de Iuin 1652.

IE ne suis ny Prince ny Mazarin, ie ne suis ny de
party, ny de cabale, ie ne suis qu’Esprit & ne fais
point de corps ; ie veux la Paix & ie deteste la Guerre ;
ie suis bon François & ie ne prends part qu’aux seuls
interests de ma Patrie.

PEVPLES.

Croyez cét auis aussi desinteressé que veritable ;
n’entrez point dans vne querelle, où vous ne pouuez
que perir. Elle a esté assez fatale à tout le Royaume
pour vous en détourner, par le souuenir des choses
passées & par l’exemple des malheureux. Vous
voyez tout l’Estat en combustion, les Prouinces desolées,
les Peuples fugitifs, les Loix mortes, le commerce
rompu par tout où l’animosité des partis a porté
ses ressentimens, il n’y a liberté de respirer que dans
les lieux où la Guerre n’a point encore esté, & dans
ces climats heureux que les factieux n’ont pû seduire
par leur intrigues, ny tirer par leurs promesses de leur
deuoir, pour les jetter dans le desordre.

Quel interest auez-vous dans celuy des Princes ?
combatent-ils pour vous ? sont-ils vnis auec vous ? ne

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traiteront-ils point sans vous’ ? serez-vous dédommagez
de toutes vos pertes ? & ce peu qui vous reste sera-il
conserué par vos armes ? Pauure peuple, qui t’expose
iournellement à la peste & à la famine, en faueur d’vne
ingrate grandeur dont tu as esprouué si souuent, ou
l’inconstance ou l’infidelité : Vse de ta raison ou de ton
experience : Ne crois plus ces Superieurs interessez ou
corrompus, qui t’engagent à les seruir pour se degager
de leurs temeraires entreprises. Ne vois tu pas bien
que le Parlement se degage le plus adroittement qu’il
peut, d’vne liaison qu’il auoüe auoir mal faite, & que
les mieux sensez pratiquent sourdement leur accommodement,
pour se liberer de la punition qui pend
sur la teste des mal-heureux, ou des coupables, & dont
la foiblesse ou l’indifference des Princes ne les tirera
iamais.

 

Ie ne parle point en faueur de qui que ce soit : Et si
tu fais reflexion sur la verité de ce que ie te dis, tu verras
bien que l’Esprit de Paix parle par ma bouche, & que
cét auis est également sincere & veritable. C’est à toy
d’en profiter & de regler là dessus tes mouuemens &
tes pensées.

Demande la Paix, pour iouyr ou du fruit de ton trauail
& de tes peines, ou du biẽ de tes guerres. Demande
le Roy pour l’asseurance & le sacré gage de cette Paix,
la prompte punition des coupables & des interrupteurs
de la Paix, qui ne veulent que la confusion pour pescher
en eau trouble, & se rendre importans & redoutables
à tes despens. Qui ont eux-mêmes fait venir le

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Cardinal Mazarin, pour donner pretexte à leurs mouuemens,
qui ont autant de peur de voir esteindre l’incendie,
qu’ils ont eu d’ardeur à l’allumer.

 

S’ils veulent combattre le Mazarin : Il faut que ce soit
par eux-mêmes ; c’est vn coup de Cabinet, & non pas de
Rebellion. C’est vne affaire particuliere qu’il ne faut
pas rendre publique, & qu’ils ont deu demêler dans le
secret, par l’authorité de leur Naissance, & non pas par
l’oppression de l’Estat & du Peuple. Ils ont deu mesurer
leur ressentimens, & prendre garde que leur iniure
particuliere ne deuint generale & vniuerselle, & que
le succez de leur vengeance n’enuelopast la perte du
Royaume dans celle de leurs ennemis. Mais, pauure
Peuple, ouure tes yeux, considere si leur dessein est la
perte du Card Mazar. Ont-ils voulu empêcher son
entrée ? Tu sçais bien que les troupes de S. A. R. estoient
en assez bon nombre, & assez bien postées sur la riuiere
d’Yonne, & depuis sur Loire. La haine des peuples
estoit presque capable de l’arrester, si elle eust esté soûtenuë
de celle des Princes. On a fait la Guerre, l’ont-ils
fait à leurs dépens, soldoyent-ils leur armée ? ne subsiste-elle
pas sur le Paysan, & sur le plat pays ? Mais cependant
n’ont-ils pas fait des propositions, n’ont-ils
pas dressé des articles, & cherche les occasions fauorables
à leurs desseins, sans y appeller ny le Parlement
qu’ils ont embarqué, ny les peuples qu’ils ont affligé ?

Si le Roy ne leur accorde pas ce qu’ils demandent
aux despens des peuples, & si l’on ne dõne pas à Mr le
Paince le meilleur reuenu du Royaume, pour l’indemniser

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de la dépense qu’il a faite pour te ruiner, aux despens
de tes Rentes & des gages des Officiers. Si l’onne
fait Marchin Marêchal de France, ce lâche deserteur
de la Catalogne. Si l’on ne satisfait pas Madame
de Montbazon, les cheres delices de ce grand Genie le
Duc de Beaufort. Si l’on ne contente pas le Marquis
de la Boulaye, enfin si le Roy ne souffre pas le partage
de son Estat, pour contenter tous ceux qui se sont iettez
dans leurs interests, l’on verra à l’instant des menaces
de l’établissement d’vne Tyrannie ; L’on se vante
de faire des assassins en pleine ruë ; L’on promet à la Canaille
des billets pour piller les maisons, exposer chacun
a ses ennemis particuliers, & ceux qui ont du bien,
à l’auarice des Filoux.

 

Il est temps que tu y donne ordre, & promptement ;
aussi bien la misere de tant de pauures, qui ont amené
leurs bestiaux, va te donner la peste, qui n’épargnera
ny les grands, ny les petits, & qui aura bien-tost deserté
Paris, & desolé la face de cette grande Ville, le séiour
des Roys, & l’ornement de l’Estat.

Crois donc l’Esprit de Paix, demande-le à Dieu à
quel prix que ce soit. Que le Roy soit Maistre sans
condition : Le Peuple sans oppression : Le Royaume
sans Guerre : Les Princes en leur deuoir : Les Loix en
leur iuste force : Le Bourgeois en Paix : La Campagne
libre : Le Païsan dans sa Maison : Les armées sur la Frontiere ;
& enfin l’ordre rétably, pour vser doucement de
la vie, & pour faire reüssir le deessein legitime, que tu
dois auoir de iouyr de tous ces aduantages ; Va-t’en en

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foule au palais d’Orleans à S. A. R. dire que tu és las de
tant de miseres, que tu demande ton Roy & la Paix,
& qu’il vienne sans condition receuoir dans sa bonne
Ville de Paris, l’obeïssance & l’amour de ses Peuples.

 

RESPONSE POVR MESSIEVRS
les Princes, Au Libelle intitulé,
L’Esprit de Paix.

NE sçais-tu pas aussi que ie suis Academique,
& que ie n’espouse ny party ny Cabale ? Crois-tu
que j’espargne les Princes, & que ie pardonne
aux Testes couronnées quand ie les surprends dans
le tort ? Lis mes Ouurages* Esprit inuisible qui vagabõde
par tout pour y semer la sedition. Sçais-tu bien
tout Lutin que ie suis, que ie ne seme point les diuisions ?
que ie suis l’Ange des bons Conseils, baptisé
Philocelte, & la Victime voüée pour le salut de mon
Païs ? Arreste Mazarin fieffé : Es tu pas ce Genie qui
fit échapper les Secretaires des Enfers ? le te reconnois
à la Morgue, car si tu és Esprit, ie suis né Intelligence.
Allons, teste à teste comme fourbisseurs. & l’épée nuë
de la verité qui soit de franche Olinde. Que dis-tu
pour débaucher les Peuples ?

* Mõ Politique
Lutin.
& ses suites

Que tu és indifferent & des-interesse ? Y en a-t’il de
ces indifferents qui ne peschent pas en eau trouble ?
Ne m’a-t’on pas dit que tu auois enuoyé presenter
vne chandelle à saint Michel, & l’autre à son Dragon.

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Tu te tiens donc chancelant & immobile dans les
Troubles de ton païs, & dans les funestes diuisions
de l’Estat à qui tu és redeuable des plus nobles de tes
Amours ? Ea non media sed nulla via est, velut euentum
expectantium, quò fortunæ Consilia sua applicent. * Tu te ferois
mocquer si tu le faisois, & tu tournerois la iuste
cholere des deux partis contre ton Apathic. Escoute,
suis mon Conseil & ne sois point traistre ny lasche
comme ces doubles visages qui attendent l’yssuë que
les affaires auront pour prendre party selon le vent :
autrement on diroit que tu serois de l’humeur de ce
Tyran* de Syracuse qui suspẽdoit ses armes en la
guerre des Barbares contre les Grecs, & qui tenoit
ses Ambassadeurs à Delphes pour espier de quel costé
tomberoit la fortune ; ie vois bien que le feu est trop
prés de ton voisinage pour ne t’en point emouuoir.
Que dis-tu là-dessus ?

 

* Liuius
lib. 12.

* Gelon.

Que tout l’Estat est en combustion, que les Prouinces
sont desolées, les Peuples fugitifs, les Loix mortes,
le Commerce rompu par tout où l’Animosité des
Partis a porté ses ressentimens, & qu’il n’y a liberté de
respirer que dans les lieux où la Guerre n’a point
encore esté. Iusques-là tu chante tout d’or. Mais tu
demande aussi tost.

Quel interest nous auons dans le party des Princes.
Tu te declare donc contre leurs Altesses, puisque
tu t’efforce de nous dégager ou de ne nous point engager
auec eux : Et en faueur de qui ? Tu as beau le
dissimuler & le dénier. *Ce n’est point pour toy mesme

* En la
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