Vaudémont, Charles de (duc de Lorraine) [signé] [1652], LETTRE DV DVC DE L’ORRAINE A MADAME LA DVCHESSE D’ORLEANS SA SOEVR. Touchant la marche de son Armée, & les asseurances qu’il luy donne, qu’il vient se joindre à S. A. R. pour esloigner le Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_2103. Cote locale : B_8_56.
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LETTRE
DV DVCDE L’ORRAINE
A MADAME LA DVCHESSE
D’ORLEANS SA SOEVR.

Touchant la marche de son Armée, & les asseurances
qu’il luy donne, qu’il vient se joindre à S. A. R.
pour esloigner le Mazarin.

MADAME,

Il y a trop long-temps que vostre vertu &
mon innocence ont ressenty les effects de la Tirannie
des Ministres de France, pour ne point
contribuer ce qui sera de moy pour reprimer
tant d’insolences, & mettre fin aux malheurs

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de tant de gens de bien. Ie serois indigne du
rang que ie tiens parmy les Souuerains de l’Europe,
si ie ne ioignois mes armes auec celles
de tant de Princes oppressés pour tascher de les
deliurer d’vne persecution quine peut estre approuuée
> que par ceux qui n’aiment ny l’honneur, ny
la iustice. Ie me souuiens des trauerses que le Cardinal
de Richelieu a causées à son Altesse Roiale
vostre mary, le voyant reduit à se refugier dans
mes Estats, où il a voulu renouueller l’alliance que
les Rois ses predecesseurs n’auoient point d’esniée
à nostre Maison. Les miseres & les violences que ie
vous ay véu souffrir en suite, me sont des motifs
assez puissans pour me rendre auprés de vous,
Madame, auec le plus de trouppes, & le plus
grand nombre de soldats qu’il me sera possible
pour vanger tant d’injures que le Ciel regarde
auec indignation, & que toute la terre condamne
auec horreur & malediction. L’estat où ie suis,
priué de mes Duches, despouillé de mon Domaine,
& mes suiets traittés plus rudement que
des esclaues, veut que ie me serue de l’occasion
que. Dieu me presente pour aider à chastier les
autheurs de tant de desordres, & esloigner la cause
de tant de troubles, & de tant de calamités
publiques. Ne pouuant dissimuler plus long temps
la douleur qui me tient de voir son Altesse Royale,
les Princes du Sang, & tous nos alliez esloignez

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de sa Maiesté pour faire iouir vn petit
estranger de toute l’authorité Royale, auec
plus d’empire & plus de liberté qu’il ne doit.
Estant honteux à tant de Princes de cette
qualité d’abandonner ainsi le timon & le
gouuernement du Royaume, à vn criminel
& vn banny qui ne sçait rien faire que du
mal, & mespriser le sang Royal. Ie sçais les
afflictions que vous en auez, Madame, ie
suis aduerty des remedes que son Altesse
Royale mon beau-frere y prepare, ie connois
les peines que Monsieur le Prince se donne
pour empescher l’accroissement de tant de confusions,
ie suis asseuré du zele & de l’affection
des Parlemens qui n’abandonneront point
vne querelle si importante, & vne reformation
si necessaire ; ie remarque que tous les
Souuerains y prennent part, & ie vois par
experience que tous les bons François secondent
les desseins de son Altesse Royale vostre
mary, sur la creance qu’ils ont qu’il ne trauaille
qu’au repos de la Chrestienté, & au
soulagement de tous les peuples. C’est pourquoy,
MADAME, quelque proposition
auantageuse que le Cardinal Mazarin me
fasse faire tous les iours, pour m’attirer à son

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party, ie vous proteste foy de Frere & de Souuerain,
que ie seray plustost eternellement
priué de mes Estats, que de seconder iamais
les violences & les Tirannies d’vn petit
Fauory qui sçauroit mieux obeir, que
commender ; me disposant de joindre en
diligence l’armée de son Altesse Royale &
de l’augmenter de sept ou huict mille hommes
que ie luy conduis moy mesme. Ie dois
ce deuoir à l’honneur de son alliance, ie ne
puis refuser ce secours à des Princes oppressés
comme moy, & ce seroit trahir le bien
public, & redoubler les maux du pauure
peuple que de flatter d’auantage vn miserable
Italien qui fomente la guerre depuis
tant d’années, & qui semble n’aimer autre
pourpre que le Sang des Hommes, & l’embrasement
des Prouinces. Monsieur l’Archiduc
Leopol m’ayant enuoyé les six Regimens
qu’il m’auoit promis, quand tout cela
sera assemblé, nous pourrons faire vn corps
assés considerable pour faire conoistre aux
siecles à venir, qu’il n’y a point de faueur
assés grande pour tarir le sang Royal, ny de
fauoris assés puissans pour abbatre tant de

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Princes qui se maintiennent auec toute la
gloire & toute la passion que vous deuez
attendre

 

MADAME,

DE

Vostre tres-humble, & tres-obeïssant
Frere, & seruiteur,

CHARLES Duc de Lorraine.

De Tugry ce 30.
Auril 1652.

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Vaudémont, Charles de (duc de Lorraine) [signé] [1652], LETTRE DV DVC DE L’ORRAINE A MADAME LA DVCHESSE D’ORLEANS SA SOEVR. Touchant la marche de son Armée, & les asseurances qu’il luy donne, qu’il vient se joindre à S. A. R. pour esloigner le Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_2103. Cote locale : B_8_56.