Anonyme [1649], LA CONIVRATION DE LA MAISON D’AVTRICHE, CONTRE LA LIBERTÉ DE L’EVROPE en la derniere élection faite à Ratisbonne le 22. Decembre 1636. Auec les artifices & nullitez de cette eslection en la personne du Roy de Hongrie, Ferdinand, pretendu Roy des Romains. , françaisRéférence RIM : M0_756. Cote locale : C_1_29.
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LA CONIVRATION DE LA MAISON
d’Autriche contre la liberté de l’Europe, en la derniere eslection
faite à Ratisbonne le 22. Decembre 1636. Auec les
artifices & nullitez de cette eslection en la personne du Roy
de Hongrie, Ferdinand, pretendu Roy des Romains.

C’EST vne chose merueilleuse que les Princes d’Austriche
qui ont rauy tant d’Estats & de Prouinces, & qui par vne
detestable ambition, veulent posseder tout le monde, ne
possedent pas neantmoins la maison de leur naissance, qui est vn
village en Suisse, nommé Haspury dans le canton de Lucerne. Le
premier Empereur sorty de cette famille funeste aux Princes Chrestiens
fut Rodolphe d’Haspury, lequel s’inuestit de l’Empire par
effusion de sang, & par artifice qui durerent deux ans ; Il fit assassiner
le Roy de Boëme, mit à feu & à sang toutes ses terres, pilla ses
tresors, & apres auoir tyranniquement vsurpé l’Austriche, qui
estoit lors erigé en Royaume, en fit son fils Albert le premier
Duc, il extorqua auec cruauté, & exigea par vne salle auarice, de
grandes sommes d’argent de Florence de Lucques, de Padouë, &
d’autres villes d’Italie, dont il ternit l’honneur de l’Empire, & fut
mesprisé des Princes d’Allemagne, par ces infames rapines & sanglantes
actions ; il commença les meurtres, les brigandages, & les
vsurpations, que la maison d’Austriche deuoient continuer à l’aduenir,
& en soüiller toute l’Europe.

Il sera prouué que depuis deux cens quatorze ans la maison
d’Austriche a continuellement vsurpé l’Empire par artifices & tyrannies
contre les loix fondamentales de l’Estat. & au grand détriment
de la Chrestienté. Que la derniere Eslection faite à Ratisbonne
en la personne du Roy de Hongrie, est vne tyrannie
d’Espagne, qu’elle est iniuste & de nulle valeur, car aucunes voix
des sept Eslecteurs ne se trouua vallable, en voicy les nullitez. Il

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faut premierement sçauoir qu’il y a cette difference entre l’eslection
d’vn Empereur & d’vn Roy des Romains : Que la pluralité
des voix l’emporte en l’Eslection de l’Empereur, mais non pas en
l’eslection du Roy des Romains ; Car si vne seule voix d’vn des
sept Eslecteurs manque, l’eslection est nulle, & les suffrages des
autres Electeurs ne seruent de rien : Outre ce, il y a beaucoup d’autres
conditions requises & necessaires en l’Eslection d’vn Roy des
Romains, suiuant les constitutions Imperialles, lesquelles ont esté
violées en celle derniere, du Roy de Hongrie, par l’oppression
d’Espagne.

 

La premiere nullité est, que l’Archeuesque de Tréves n’a pas
donné son suffrage, quoy que par vne declaration faite & supposée,
les Espagnols façent mine de vouloir publier le contraire, &
qu’ils minuttent desia sa mort par quelque boucon dans leurs
damnables & abominables desseins, pour inuestir l’Archiduc Leopold
de ses Estats & de sa dignité eslectorable, ainsi qu’ils ont fait
mourir depuis peu l’Abbé de sainct Vaast, homme Religieux & de
probité, de la riche possession duquel l’Infant s’ést saisi contre les
priuileges du pays, & au preiudice des traités faits auee la maison
d’Austriche, pour auoir seulement representé audit Infant que
l’Arthois estoit ruiné, & que le peuple reduit à vne extréme misere
mendioit son pain par les brigandages, oppressions & violences
des troupes Espagnoles.

Pour reuenir à la preuue de cette premiere nullité, l’Archeuesque
de Tréves n’a peu donner son suffrage immediatement par
sa voix estant prisonnier à Linx, ny encore par le ministere d’vn
deputé, puis qu’il n’est pas libre ; car aucune personne captiue &
cõtrainte ne peut deliberer sur l’eslection d’vn Roy des Romains.

La deuxiéme nullité, l’Eslecteur de Mayence n’a pû donner
vallablement son suffrage en l’eslection du Roy de Hongrie, puis
qu’il est pensionnaire d’Espagne depuis cinq ans que les Espagnols
commandent dans Mayence, possedent ses Estats, & le tiennent
à gage comme vn valet ; Ils luy ont donné soixante mille richedalles
pour le faire aller à Ratisbonne, acheptant honteusement
les suffrages du sainct Empire, & prostituant par vne salle
venalité ce que la gloire de Dieu & le bien du Christianisme deuoit
donner au merite & à la valeur.

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La troisiéme nullité, le Duc de Bauiere n’a aucun droict ny
jurisdiction de donner sa voix, attendu qu’il est Eslecteur par force,
& qu’il n’a esté esleu ny approuué par aucune diette ; mais au
contraire rejetté, & que l’Eslectorat luy est contesté par le fils du
Comte Palatin, qui est le legitime Eslecteur.

La quatriéme nullité, l’Archeuesque de Cologne ne peut donner
sa voix, ny estre Iuge, à cause qu’il est interessé en cette Eslection,
& qu’il est partie auec son frere le Duc de Bauiere, contre
les enfans du feu Comte Palatin, dont ledit Duc a injustement
vsurpé les Estats auec la dignité d’Eslecteur : Et quoy que l’Empereur
luy ayt conferé l’Eslectorat ; ç’a esté par l’enuie d’Espagne
sans aucune forme de Iustice, contre la rigueur des Statuts de
l’Empire, & parrant c’est vne chose indecise, & qui n’a pas esté iugée ;
dont il s’ensuit que l’Eslection est nulle, tant de la part de
l’Archeuesque de Cologne, que du Duc de Bauiere, lequel ne
doit tenir de rang, ny occuper de place dans le College Effectoral.

De plus, ledit Archeuesque est le principal pensionnaire d’Espagne,
& à le cœur tellement lasche, & les sentimens Espagnols,
qu’il a permis à l’infame harpie d’Alemagne le Comte d’Ognato,
non seulement de faire incorporer aux Estats d’Espagne le Comté
de Sarbruch, & le Duché des deux Ponts ; mais aussi toutes les
terres qui sont au deçà du Rhin, qui releuent de l’Empire.

La cinquiéme nullité est, parce que le Duc de Saxe, & le Marquis
de Brandebourg, ont fait leurs Declarations au traité de
Prague, & ailleurs, qu’ils n’entendoient en aucune façon pouuoir
donner leurs voix pour eslire vn Roy des Romains, qu’apres
vne amnistie & vne paix generalle ; Et que si par malheur ils
estoient surpris ou contraints de faire autrement, qu’à l’instant &
dés lors & tousiours, ils reuocqueroient ce qu’ils auoient fait, &
feroient au preiudice desdites Declarations, & le protestoient
estre nul.

Or est-il que les Eslecteurs de Saxe & de Brandcbourg, ayant
enuoyé leurs Deputés à Ratisbonne, persuadez par l’esclattant
pretexte d’vne paix generalle, leurs auroient tres-expressément
enjoint de ne conclure aucune chose dans les assemblées, mais de
leur enuoyer par escrit les propositions de la diette, & apres les

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auoir veuës, s’ils les trouuoient justes & raisonnables, ils les leurs
renuoyeroient approuuées & signées de leur main : Mais l’Empereur,
ou plustost l’Espagnol Ognato, le prodige & prototype d’insolence
ennemy iuré de la paix des Chrestiens, qui a allumé les
feux d’vne funeste guerre aux quatre coings de l’Europe, & qui ne
peut estre esteint que par les fleuues de sang, aboyans comme vn
Cerbere, accompagné de ses furies d’Enfer, aux portes de Ratisbonnea
empesché la sortie tant aux aduis que depesches desdits
Deputez, & par crainte & par force, à reudu inutil & sans effect
l’ordre qu’ils deuoient tenir.

 

La sixiéme nullité, le Roy de Hongrie s’est donné à soy-mesme
le suffrage de Roy des Romains, en qualité de Roy de Boëme, qui
est vn des Eslecteurs ; ce qu’il a fait sans aucun droict, attendu
qu’il n’est pas legitime Roy de Boëme, & qu’il n’a iamais esté
esleu, mais le feu Comte Palatin, & qu’il s’est introduit par force
dans ledit Royaume contre les loix de l’Estat, apres auoir fait
mourir auec autant d’iniustice que de barbarie & cruauté, les Seigneurs
& Magistrats, entre les mains desquels les constitutions &
statuts du Royaume establissoient l’Eslection.

La septième nullité est vne fraude & supercherie de l’Empereur,
forgé dans les artifices & trahisons de l’Espagnol, en ce que
la declaration de l’Empereur enuoyé aux Eslecteurs n’estant que
des assemblées pour consulter & déliberer sur vne paix generalle
pour le bien de la Chrestienté ; Il a neantmoins fait tout au
contraire, ayant fait nommer son fils Roy des Romains, afin de
perpetuer la dignité Imperialle en sa maison, à la ruine des Eslecteurs
& des Princes associez à l’Empire. Il est à remarquer que
pour attirer plus finement les Eslecteurs dans le piege de Ratisbonne,
il leur auroit promis auec le pretexte d’vne amnistie generalle
de les remettre dans leurs Estats, & de les faire desdommager
de tant de grandes pertes & ruines, dans lesquelles ils se trouuent
despoüillez, comme des personnes nuës eschapées du naufrage.

La huictieme nullité c’est vne condition absolument necessaire
& essentielle dans la Bulle d’or, en ce qui regarde l’eslection du
Roy des Romains, qu’elle soit libre & sans aucune contrainte :
Neantmoins l’Empereur auoit fait mettre deux mille hommes en

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garnison dans Ratisbonne pour tenir captifs & forcer les Eslecteurs
à faire son fils Roy des Romains, auec menaces de perdre
ceux qui procederoient au contraire. Si bien que cette Eslection
a esté en partie subornée par argent & en partie forcée, le poignard
à la gorge, la violence & le trouble y ont esté si grands, que
le Maistre de l’Hostel de l’Ambassadeur d’Angleterre a esté tué à
la face de la Cour Imperialle, & ses gens traictez à coups de bastons,
pour comble de tyrannie. Le grand Docteur Vischuit, le
plus homme de bien, & le plus sage politique de l’Allemagne, a
esté assassiné sur la minuit en sa maison par l’induction d’Ognate,
de monstre Espagnol, abreuué de sang, seulement pour auoir
dit qu’il falloit commencer la diette par les propositions d’vne
bonne paix generalle à la gloire de Dieu & au bien de la Chrestienté.

 

La neufiéme nullité est prise du lieu contre les conclusions,
Statuts & Ordonnances de l’Empire, qui pour oster tout soupçon
& crainte, assignant l’Eslection du Roy des Romains à Francfort,
& le couronnement à Aix. L’Empereur à procedé tout au
contraire, au mespris des Princes & des loix fondamentales de
l’Empire. Car pour tenir les Eslecteurs à sa discretion, & les forcer
à nommer le Roy de Hongrie Roy des Romains, il a fait faire
l’Eslection à Ratisbonne en vn lieu suspect, au milieu de ses terres
hereditaires, & des Estats du Duc de Bauiere factieux vsurpateur,
& ligué auec luy pour la mesme coniuration.

La dixiéme nullité est prise d’Espagne, qui a fait conuoquer
les Eslecteurs à Ratisbonne soubs le nom de l’Empereur, lequel ne
sert que d’ombre & de nombre. Car le Comte d’Ognate Ambassadeur
Espagnol, qui par ses pernicieux conseils & execrable ambition,
a noyé toute l’Allemagne dans le sang de ses propres enfans,
a fait faire cette eslection ; il a tousiours presidé à la diette ;
il en a donné & dressé toutes les conclusiods. Quelle turpitude &
des-honneur aux Princes de l’Empire ? quelle detestable tyrannie,
& quelle miserable esclauage ; Il en a fait la despence ; il a défrayé
les Eslecteurs en leur voyage, & à fourny l’argent pour les festins
& pompeuses magnificences qui ont esté faites en la frauduleuse
& pretenduë eslection, & au couronnement ; par lequel la violence
& l’vsurpation ordinaire à la maison d’Austriche, ont mis

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vne Couronne de fer & de feu & de sang sur la teste du Roy de
Hongrie.

 

De plus, selon les loix Imperialles, l’Eslection du Roy des Romains
se doit faire d’vn Prince judicieux, prudent, genereux &
experimenté au gouuernement des Estats, tant en temps de paix,
qu’en temps de guerre, afin de faire prosperer l’Empire en l’vn,
& le couronnement de lauriers & de trophées en l’autre, par des
victoires gagnées sur le Turc, à l’honneur & au bien de l’Eglise &
des Princes Chrestiens ; mais c’est vn dessein bien esloigné des
Espagnols, quoy que leur hipocrisie odieuse, &c. descouuerte
aux yeux de tout le monde, fasse mine du contraire.

Pour conclusion, il sera remonstré aux Allemands que cette
Eslection est vne conspiration Espagnole contre leur liberté, vne
oppression de leurs Princes, vne extinction de l’authorité Eslectoralle,
& la ruine totalle & infaillible de l’Empire, dans lequel
l’Espagne veut perpetuer sa tyrannie pour paruenir à l’vsurpation
de la Monarchie de l’Europe ; qu’il ne faut point recognoistre vn
Tyran pour Roy des Romains, ny receuoir pour vne eslection legitime
les fraudes & les perfidies d’vne assemblée de brigands &
assassins faits à Ratisbonne : Tout ce discours se verifiera plus amplement
par les memoires, actes & procedez que les verités tirées
des Statuts & Constitutions Imperialles le feront voir.

FIN.

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