Aubeterre, René-Joseph d' (chevalier) [?] [1649], REMONTRANCE AV PEVPLE PAR L. S. D. N. D. S. C. E. T. , françaisRéférence RIM : M0_3293. Cote locale : C_9_55.
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REMONTRANCE
AV
PEVPLE
PAR L. S. D. N. D. S. C.
E. T.

M. DC. XLIX.

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REMONTRANCE
AV
PEVPLE
PAR L. S. D. N. S. C
N. T.

IL faut maintenant que ie par le au peuple ingrat,
puis que personne ne respond à tous ces libelles
aussi mal faits que les esprits qui les ont inuẽtez, qui
courrent continuellement les ruës de Paris, & qui ne
preschent que la reuolte sous belles apparẽces de remedier
au bien public que vous figurez estre à deux
doits du naufrage, auez vous si tost perdu le iugement,
& estes-vous si dépourueus d’esprit que vous
ne cognoissiez que toutes ces inuentions procede
des Partisans d’Espagne & des ennemis de ceste inuincible
Monarchie qui ne souhaitent rien tant que
de nous voir liurez en proie aux confusions d’vne
Guerre Ciuille, afin de profiter de nostre mal heur &
de nous diuiser pour nous deffaire plus facilement ;
quoy ces ruses ne vous sõt elles pas encore cogneuës,
& ne vous souuenez vous pas de ce qu’ils ont fait
sous le regne du Grand Henry, d’heureuse memoire,
Grand Pere de nostre Monarque, que le Ciel nous

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fait naistre, & qu’il nous a donné pour vn tesmoignage
de son affection, le demandiez vous à Dieu
auec tant d’instance & de l’armes pour succeder aux
Vertus & aux Estats d’vn Roy si iuste, comme estoit
le seu Roy, son Pere, dont la memoire sera eternellement
en benediction, pour luy obeyr de la sorte :
Est-ce ainsi que vous pretendez conseruer la haute
reputation des François, & vous insinuer dans l’estime
des estrangers qui vous ont tousiours donné le
premier rang entre les peuples les plus si delles à leurs
Princes ; voulez vous que l’on vous croye descendus
de ces anciens Francs qui conquirent anciennement
les Gaulles qui ont gouuerné l’Europe, & tenu
les Empires d’Orient & d’Occident, & de la reputation
desquels les peuples estoient si eniurez qu’ils
sont venus en nos Prouinces chercher des princes du
Sang des nostres tant ils auoient de veneration pour
ces Generaux inuincibles, les vertus desquels auoient
assez de pouuoir & de force pour charmer les cœurs
de leurs propres ennemis, le soin que Dieu a pris de
leur conseruation ne montre-il pas en qu’elle veneration
nous les deuons tenir, & combien nous nous
deuõs estimer heureux de viure sous les loix de ceux
pour qui Dieu a fait descendre les Anges du Ciel en
Terre pour tesmoigner aux François en leurs donnant
la Sacrée Onction, auec laquelle nos Roys sont
Sacrez, que ceste Auguste race est la seule capable
de regner chez nous, & de nous gouuerner : il semble

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au dire des Ss Gregoire, Hierosme, & Leon que la Frãce
soit vn Domaine que Dieu s’est particulierement
choisi & reserué pour soy-mesme : car nous voyons
que quand il a voulu vanger le tort fait à ses grands
prestres, il s’est preque tousiours seruy de nous, &
eux mesmes qui sont les Oracles de la verité confessent
que l’honneur de la France est l’honneur de l’Eglise,
& que l’honneur de l’Eglise est l’honneur de
la France, & qu’il y a autant de difference de nos Monarques
aux autres, que du iour à la nuict : ceste vnion
de l’interest de Dieu au nostre & du nostre au sien,
& la bonne opinion que ces Pontifes inspirez de
Dieu ont des premiers nais de l’Eglise, dont ils sont
les Chefs, fait voir l’excellence de nos Princes par
dessus tous les autres Roys : il est certain, me dira quelqu’vn,
que nous auons cét auantage pardessus toutes
les autres nations ; mais que voulez vous conclurre
par là, que nous sommes d’autant plus obligez à
estre soûmis à leur volonté qu’ils sont grands & releuez
par dessus tous les autres en toutes façons, si
vous me répondez que vous estes soûmis & obeyssans
(helas), & que vous n’auez rien tãt en veneratiõ
que les Sacrées personnes de nos Roix & Reynes,
pour quoy croyez-vous donc les ennemis iutez
de vostre nation, & qui ne recherchent que nostre
perte : ce sont ceux qui sont cause de tous les mal
heurs qui tombent sur nostre pauure Frãce & qui la
détruiront, si Dieu ny met sa misericordieuse main

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vous ne voyez pas que ceux qui vous excitent sont
les Sansuës qui succe vostre sang, & qui l’ont fait tirer
iusques à presant, & qui le voye répãdre sans rien
dire, comme chose qui ne les choque point, si quelques
gens de bien parlent & representent vostre misere
l’on ne les escoute point, mais lors qu’il s’agit
d’attaquer l’interest des autres, ils crient, ils murmurent
& pestent comme ces Babiloniens qui veulent
la mort de Daniel, parce qu’il destruit leur Veau d’Or :
veux dire les tresors qu’ils conseruent, & dont ils
font leurs Idolles qu’ils ont pille & extorquez de
de vous-mesme, où conseruez des banqueroutes que
leurs parens ont faites apres auoir emprunté l’argent
du pauure Artisant, mais notez qu’ils n’ont rien dit
lors que l’on vous a attaquez, & iugez si apres cela
c’est l’interest qui les fait agir, ie ne puis m’imaginer
que vous soyez assez simple de croire que ce soit
l’affection qu’ils ont pour vous qui leurs a fait si
bien mesnager vos affaires, prendre vostre argent
& vous faire ieusner sans Ordonnance de l’Eglise ;
tous ces priuileges, ces gouuernements, ces Couronnes
du calle, ces tabourez, ces suruiuances, ces charges,
ces sommes immances qu’ils ont demandez ces
places d’asseurance, ces reuisions de procez, ces recõpences,
& toutes ces belles pretentions que l’on a
mise au iour sont autant de marques de leurs affection
parsiculiere & non d’amour en vostre endroit,
vous auez fait la Guerre pour eux & ils seront

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recompensez pour vous, ils vous ont vendus, car
c’est ce qu’ils deuoient faire, aussi quiconque quitte
son Roy merite bien d’auantage ; c’est le payement
que vous deuiez attendre de vos trauaux, & la recompense
de vos seruices ; fiez vous y vne autre
fois, qu’elle honte d’auoir appellé les ennemis de
l’Estat pour l’interest de ces bonnes gens qui vous
ont plus fait souffrir en deux mots peut estre que
vous n’auiez fait en tout le temps de vostre vie, est-il
possible qu’ils ayent si mauuaise opinion du Conseil
de nostre Roy, de croire que l’on le despoüillast
de ses Estats pour recompenser leurs persidies ;
ç’eust esté chose indigne du Monarque des François,
action trop basse & trop esloiguée de l’humeur
de la plus sage princesse qui viue auiourd’huy, Mere
de nostre Roy, & digne Regente de son Estat,
dont la vertu esclatante, ferme la bouche à toutes
ces langues de viperes que l’enfer a produites pour
vomir contre sa Royalle personne leurs furies, ils
se sont destruits d’eux mesmes leurs propres conscience,
s’il est possible qu’ils en ayent, vne leur fait
porter dés ceste vie la peine de leurs desloyauté, en
attendant les feux eternels que Dieu a preparez aux
meschants comme ils sont, les bons Frauçois n’eussent
pas souffert que ceste tyrannie ce fust establie,
ils auroient genereusement choisi la mort comme
a fait vn grand Roy plustost que de souffrir

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chose qui fust indigne du leur.

 

Nous ne sommes pas armez contre le Roy, ie
vous prie de grace, contre qui donc l’auez vous
fait, contre Monsieur le Cardinal, vous ne l’auez
peu faire contre son Eminence sans le faire contre
le Roy, car estant fidel seruiteur du Roy comme il
est, il n’a rien fait que par son ordre expres & par ce
luy de nostre incomparable Reyne Regente qui
est auiourd’huy l’inter prete de ses volontez, & qui
est trop bonne Mere pour permettre que l’on fasse
quelque chose contre l’authorité de son pupille,
elle a eu tant de bonté qu’elle vous a pardonné,
qu’elle a traité auec ceux que vous auez enuoyé, &
qu’elle vous a accordez ce que vous auez demandé,
apres l’auoir contrainte par vos menées à sortir de
Paris & vostre Roy mesme & ses fidels seruiteurs ;
& commeut auez vous traité ceux qui ont pris son
party & sa deffence, ainsi que leur deuoir les y
obligeoit comme s’ils eussent esté les ennemis de
l’Estat & les perturbateurs du repos public, n’auez-vous
pas contraint vne princesse du Sang Royal
apres luy auoir refusé vn passe port pour se retirer
aupres de la personne de la Reyne, de se sauuer en
habit déguisé & quantité de tres grands personnages,
& zelez pour le seruice de sa Maiesté de toutes
conditions, & sexe de se retirer à la mercy de vos
Soldats, ce n’est enore rien, quoyque ce soit beaucoup

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car vous auez souffert que des Loups Garoux,
ennemis de la verité ayent presché publiquement
que vostre Guerre estoit iuste, & qu’il falloit
chasser Amand & le pendre au gibet qu’il auoit
preparé à Mardochée, entendant sous ceste figure
le plus fidel des seruiteurs du Roy, à qui vous disiez
faire la Guerre, cõme s’il estoit vn Grand Prince
terrien qui eust leué de puissantes armées contre
vous pour vous deffaire, de quoy vous plaignez-vous,
que vous a il fait, & quel suiet vous a il donné
pour estre si fort animez contre luy, ne voyez
vous pas seulement que c’est qu’il sert si bien son
maistre que nos communs ennemis ne le peuuent
souffrir, à quel point n’a il pas esleué la gloire de la
France, & que n’a il pas sait pour la conseruer dans
l’estime qu’elle auoit acquise sous vn autre pourpre
dont nous deuons benir la memoire ; qui auroit
iamais creu la France capable, non seulement de resister
à plus de dix huit Royaumes, mais encore
d’abattre l’audace d’Espagne, & estendre nos frontieres
si loin dans ses Estats, reduire vn Empereur en
l’Estat où l’on la veu, proteger des Royaumes &
Republiques contre de si puissans Monarques, remettre
des Souuerains dans leurs maisons, deffendre
nos aliez, faire faire restitution aux Princes opprimez,
& le tout presque en mesme temps, gaigner
des Prouinces entieres, & r’emplir toutes les

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Histoires de nos faits, tant d’armées par Mer & par
Terre ne peuuent estre entretenuës que le peuple
ne s’en sente vn peu incommodé, cela ne se peut
autrement, mais à deux doits d’auoir la Paix, vous
auez fait la Guerre & contraint nos Confederez de
nous abandouner, qui pouuoient beaucoup pour
l’auancement de nos affaires qui est cause de la reprise
d’Ipre, de la perte de Cremone que l’on pouuoit
prendre facilement, que l’on a perdu l’occasion
de Naple, & le tout par vos broüilleries &
discensions, tetardé la conclusion de la paix, perdu
quantité d’honnestes gens qui sont morts en ceste
derniere occasion, & ruiné les affaires du Roy &
presque tout le Royaume ; & qui est le pire, pres à
recommancer si vous n’empeschez le cours de tous
ces libelles qui vous font croire des chimeres forgées
dans des testes folles & malines, & sans iugement
ny raison.

 

Si vous aymez bien vostre Roy, vous ne souffrirez
iamais qu’il reçoiue vn reproche eternel d’auoir
consenty que lon le priuast d’vn Ministre aussi genereux
que fidel ; il vous doit suffire qu’il treuue expedient
qu’il demeure pour le bien de son Estat, ce
n’est pas à vous à repugner la volonté de vostre
Monarque, puis que ce qu’il veut n’est point cõtre
Dieu ny les Loix Fondamentalles de l’Estat. Dieu
donnant vn Roy à son peuple leurs dit, il prendra

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vos biens, vos femmes & vos enfans, & vous n’oserez
rien dire ; si vous auez tant soit peu de respect
pour les cendres de vostre deffunct Monarque
vous deuez estimer ce qu’il a estimé & cherir ce
qu’il a chery : il n’a point ordonné que l’on se seruit
du Cardinal Mazarin qu’il n’eust auparauant
esprouué sa fidelité & son affection à son seruice :
qu’auez vous donc, a-il renuersé les loix de l’Estat,
a-il attanté à la personne du Roy, non cela ne se
trouuera pas ? ah ! ie voy que l’on se sert de son
nom pour couurir le crime que l’on veut commettre,
vons dites qui l’a fait venir les Suedois en France
qui ont fait mille rauages, & commis mille cruautez
sur toutes sortes de personnes, vous en estes la
cause, c’est vostre inconstance, c’est vostre propre
infidelité qui les a appellez : car si vous eussiez
humblement representé au Roy la necessité du
peuple sans vouloir luy donner la Loy cela ne seroit
pas arriué, vous en auez presque fait autant
dans Paris, n’auez vous pas pillé les Monasteres
dans les Faux-bourgs, & pris le bled des autre, c’est
par necessité me direz-vous, la mesme necessité
qui vous l’a fait faire la aussi fait faire
aux auttes, car ceux qui ne leurs ont point resisté
n’en ont receu aucun dommage, quant on leurs
a fermé les portes ils ont creu que l’on estoit contre
le Roy, & les ont traitez comme ennemis, iugez

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s’ils n’ont pas eu raison : puis qu’ils montroient les
ordres qu’ils auoient de sa Maiesté de passer pour ce
que vous dites, qu’ils ont foulé les choses les plus
Sainctes aux pieds, & fait des meschancetez que
l’on ne sçauroit exprimer sur le papier tant elles
sont horribles : ce sont des mal heurs dont vous
estes la cause, & que la Guerre que vous auez commencée
a tiré apres elle la cause disie de tant
d’autres maux que le pauure paysan souffre & qu’il
n’a pas merité ; il porte la peine de vostre peché &
fait la penitence de vos crimes : voyez François s’il
falloit respandre le sang innocent, ruiner tant de
familles, rompre tant de maisons & mettre tant
d’hommes sous les armes pour auoir le gouuernement
de la Bastille pour le fils du sieur de Broussel, &
vne infinité d’autres choses pour ceux qui se sont
seruis en ceste guerre & non pas vous ; il me semble
que vous deuriez auoir honte d’auoir presque demoly
le Royal Chasteau de Bisestre, designé pour
la retraite des Gentils hommes & Soldats ruinez
& estropiez au seruice de leurs Maiestez, dessein
d’autant plus louable qu’il est legitime, & que la Religiõ
de leurs Maiestez mettra en sa perfection sous
la conduitte de trois personnes de tres-grande condition
les deux premieres cognoissans les tromperies
de ce monde l’ont abandonné pour seruir
Dieu en l’Estat Ecclesiaque, & le dernier Mareschal

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de France que lesdicts Gentil hommes & Soldats
ont esleus appuyez sur leur probité & fidelité
au seruice de leurs Maiestez & de son Estat, c’est
sans flatter que ie dis que la prudence & admirable
conduitte d’vn des Ecclesiastiques a estouffé par
vn zele incroyable les seditions & les mouuements
que les mauuais François vouloient suciter parmy
les Soldats estropiez, ce qui eust donné beaucoup
de douleur à leurs Maiestez qui ne souhaitent rien
tant que de soulager leurs pauures peuple, & qui
trauaillent continuellement pour nous donner la
paix que ces seditions populaires retardent tousiours :
Voyez combien de mal heurs & de miseres
ceste derniere emotion a fait fondre sur nos
testes, & comme nous n’en pouuons éuiter quantité
d’autres, si nous croyons ces marchands de Gazete
& debiteurs de mensonges qui nous veulent
persuader que l’on nous va perdre, & que
l’on fait couler secrettement des troupes dans
Paris pour nous couper la gorge à tous, & qui nous
conseillent d’aller au Parlement auec multitude
pour contraindre ce qu’il y a de bons Iuges à nous
accorder par la crainte, ce que la raison leurs deffend
de nous donner, & qu’il se faut assembler au
Palais & y faire faire serment de fidelité à ceux
qui ne la cognoissent pas en la presence de Iesus-Christ
au tres-Sainct Sacrement qu’ils n’aderent

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pas, car ils n’ont autre Dieu que l’interest & l’ambition,
ils sont remplis du desir de pescher en l’eau
trouble, & de s’enrichir de la despoüille des autres :
peste de France, ennemis de nos Roys, n’aurez-vous
iamais repos, croyez vous que Dieu soit sourd
où aueugle, & qu’il oublie vos actions ; les pauures
qui souffrent criront si fort que Dieu les entendra
contre vous, & qu’il aura souuenance de vous auiour
de son ire : L’autheur de ce discours, Pront aduertissement,
ne peut estre autre que l’ennemy iuré
du Nom François & l’orreur de tout le monde : ô
peuple n’admirez vous point les beaux Conseillers
qu’ils vous donnẽt pour vous gouuerner, vn Coutelier,
vn Frere Michel, vn bon pauure, vn Abbé Mata,
trois Curez & quelques autres gens, pour moy
i’en cognois vne partie & confesse que ie croy que
l’on leur prete ceste charité, car ils sont trop honnestes
gens pour s’intriguer en pareille affaire,
leurs espees sont spirituelles, elles ne sont pas propres
à faire la guerre, qu’ils conseillent apertement
en ce damnable aduis, dans lequel il ne se peut empescher
de montrer qu’il est ennemy du Roy : car
il dit que la Reyne reprendra sa premiere vertu &
letrain de la pieté, & qu’elle combattra sous l’Estendart
de Iesus-Christ : Dis moy tison d’Espagne
où là t’elle quittée, viens nous l’apprendre l’on
payera ta peine au double, & nous viens conduire

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en ces addresses que tu nous donne, l’on te talonne
de pres, & cét Auguste Senat descouurira qui tu
est, fusse tu cẽt brasses sous terre : tout ce que i’ay dit
depuis le commencement ne parle qu’au boutefeux
& ennemis du Regne & du Royaume François,
& qui taschent par leurs persuasions de mettre
le feu aux quatre coins de cét Estat, ne croyez
pas que ie sois gaige pour vous dire cecy, ny que
i’aye commandement de le faire, d’autre part que
de ma conscience qui ne peut souffrir tant d’iniustice
passer pour raisonnable aux yeux de la plus
grande partie du monde : ie suis François & sçay
de plus ce que nous deuons à nos Roys, ce n’est pas
que i’accuse aucun de perfidie que les Autheurs de
tous ces escrits seditieux, ie sçay bien que Paris
a eu tousiours vn particulier respect pour son Roy
entre tous ces autres suiets, & que l’on ne peut attribuer
ces reuoltions qu’aux Ministres d’Espagne
qui enragent de se voir aux abois, & qui auoient
conçeu l’esperance de se releuer par l’occasion de
ces maux intestins qui menaçoient nostre France
de sa ruine totale, & qui n’osans s’addresser directement
au Roy, s’attaquent à ses seruiteurs afin que
l’en ayant priué ils puissent plus facilement disposer
de luy, c’est leur ordinaire car si ils s’attaquoient
au Roy ils cognoissent l’inclination que les François
ont pour luy & qu’ils perderoient plustost la

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vie mille fois s’il se pouuoit faire que de commettre
chose qui le choquast ou qui luy dépleust tant
soit peu, c’est la mesme ruse de la quelle ils se seruirent
autre fois pour trauerser le regne de Louys le
Iuste, d’heureuse memore, que de faire crier le peuple
contre feu Monsieur le Cardinal de Richelieu,
duquel ils disoient tous les maux imaginables pour
le rendre odieux au peuple, & qui a esté l’vn des
grãds Ministres d’Estat qui fust iamais & aussi fidel
à son Prince qu’il estoit ayméde luy, & qui est mort
aussi glorieusement qu’il auoit vescu, & qui a fait
ce que les peuples qui viendront apres nous a auront
de la peine à croire, & tout pour la gloire de
son Prince, ce qui les portoit à le décrier, estoit
qu’ils craignoient son Esprit, & qu’ils estoient asseurez
que sa Maiesté seroit seruie fidellement
pendant qu’il seroit aupres d’elle.

 

La mesme raison les oblige à faire le mesme, &
vne haine particuliere qu’ils ont contre son Eminence :
Monsieur le Cardinal Mazarin, pour auoir
dignement seruy la France en Italie dans son premier
employ, s’il auoit l’esprit fourbe comme vous
auez l’impudence de dire, il n’auroit iamais aymé
les François, car il sçait qu’ils vont fort franchement
en leurs actions, il prefera l’amitié des François
à celle d’Espagne, qui luy auroit esté lors plus
profitable que la nostre, son Altesse Royalle de

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Sauoye ne l’eust iamais veu deux fois qu’il dit à vn
sien Confident qu’il estoit porté pour la France, &
qu’il n’y auoit point d’esperance qu’il fist rien
pour l’Espagne : il tesmoigna des ce temps à Madame
Royalle qu’il auoit vne inclination particuliere
pour nostre nation, ce qui fist auec ses hautes vertus,
& l’excellence de son bel esprit qu’elle l’estima
beaucoup.

 

Il a bien mõtré depuis que l’estime que l’on auoit
conceuë de son Eminen ce estoit encore au dessous
de luy, & pour recompense des grands seruices qu’il
a rendus à la France l’on le paye d’ingratitude, de calomnie,
d’iniure & de mépris, mais c’est le propre
des grands cœurs de mépriser les choses basses & qui
sont au dessous deux & des vrays Prelats de rendre le
bien pour le mal, grand Cardinal tous les François
ne sont pas de cesle humeur, & si il y en a vne petite
poignée qui aboye comme chiens autour
de vostre reputation, ce sont des ieux de hibous, &
qui ont la veuë trop foible pour enuisager vne vertu
si éclatante que celle de vostre Eminence, la plus
grande partie des Princes & des peuples cognoissent
bien qu’ils vous ont obligation, & qu’il n’y a point
de recompence qui puissent payer de si grands seruicee,
pour moy ie n’ay pas l’honneur d’estre cogneu
de son Eminence, & ie dis mesme que ie n’ay
iamais eu l’hõneur de l’auoir veuë sinõ en peinture.

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De là, Lecteur, vous cognoistrez que ie nay iamais
esté porté par interest à vous remonstrer le tort que
vous vous faite de souffrir tous ces libels diffamatoire
qui courrẽt les ruës, & d’escouter tous ces mutains
qui se glissent en vos maisons insensiblement
pour y semer la discẽsion, la guerre telle qu’elle soit
n’apporte iamais que mal heur & la perte des biens,
des corps, & bien souuẽt des ames aussi c’est vn fleau
de Dieu auec lequel il chastie les pecheurs & leur
fait porter la peine deuë à leur demerite, mais nous
voyons bien souuent l’innocent patir pour le coupable,
& le coupable s’enrichir des biens des pauures
Dieu le permet pour sa plus grande gloire, ses segrets
sont incomprehensibles aux hommes.

Viuons en paix demandons là à Dieu auec instance,
il nous promet que ce que nous demandrons
au pere en son nom nous sera accordé, que nous reste-il
que ceste vnion auec nostre Prince,
nostre Roy dont l’innocence sera tousiours
protegée par le Ciel, il est à croire que Dieu tenant
son cœur entre ses mains qu’il l’ornera de toutes les
vertus Royalles, afin que nous puissiõs viure en paix
sous son Regne & sous son heureux gouuernement
exempts de tous ces impots qui vous empeschent de
respiter, la sage & l’admirable conduitte de nostre
sacrée Regente nous le fait esperer par l’assistance
de son bon Conseil & les veux que toute la
France presente au Roy immortel pour ce suiet, addressons-nous

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à luy, ses bontez sont sans nombre
& ses misericordes infinies, bouchons nos oreilles
à ces seditieux discours & les ouurons aux
Celestes inspirations si nous ne voulons donner la
France en proye aux ennemis de nostre nation qui
ne manque pas d’espions en ceste ville, qui trauaillent
pour eux à nos dépens : le Roy a donné sa parole,
la Reyne, les Princes, & tout ce que l’on leurs a demandé,
c’est ce qui vous doit faire croire que tout ce
ce que l’on publie est cõtre la verité, & n’a autre but
qu’vn souleuement general que l’Espagnol souhaite
pour s’enrichir de nos dépoüilles & pour reprendre
plus facilement ce que nous tenons sur luy, &
qui a tant cousté à la France d’honnestes gens, d’or,
d’argent, & de munitions.

 

Tournons ceste ardeur Guerriere contre les Autheurs
de ceste bourasque, & leurs faisons porter la
peine du mal qu’ils nous ont fait, reprenant par vostre
generosité ce que leur surprise agaigne sur nous,
& nous leurs ferons voir que s’ils sçauent broüiller
que nous sçauons combattre vaillamment comme
nous leurs auons desia montré tant de fois, quoy
qu’auec nombre inégal, & que les grands courages se
plaisent plustost aux armes & aux combats, qu’à
ourdir des querelles domestiques chez les Estrangers :
tout le monde approuuera ce genereux sentiment
& loüera vostre dessein qui sera d’autant plus
loüable qu’il partira d’vne pure affection de maintenir

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l’onneur de la patrie & de seruir vostre Prince
& faire voir à l’Europe que combattre & gaigner
des batailles c’est la mesme chose pour les François
quand ils sont bien vnis, c’est le vray moyen d’acquerir
vne haute reputation, & de vous restablir en
l’estime des Estrãgers qui seront aussi prompts à reprendre
bonne estime de vous qu’ils ont esté à la
quitter : le Pottugal se r’assurera, le Piedmont n’aura
plus de peur, la Flandre trembler a d’effroy quand
elle sçaura que toutes ses armées se tournẽt cõtr’elle,
le Duc de Modene regrettera son mal-heureux sort
& de nous auoir quittez dans la creance qu’il auoit
que nous ne le pouuions pas secourir, Piombin &
Portolongonne reprendront vigueur, les Plenipotantieres
d’Espagne qui font de si belles propositions
dans l’asseurance que leurs espions leurs
donnent d’vne nouuelle Guerre resteront confus
& vous glorieux d’auoir receu la garison par son cõtraire,
c’est à quoy vrais François, nous deuons penser
si nous voulons nous mettre à couuert de tant
de mal heurs qui menaçent nos testes criminelles,
& coupables de tant de pechez que nous auons cõmis
contre Dieu, & pour lesquels sa Maiesté Diuine
permet que nous soions chastiez, tant d’impietez
que nous voyons auiourd’huy au milieu de nostre
France, l’on ne parle des choses Sainctes qu’en raillant
& les choses les plus pieuses sont expliquées en
mal tant les esprits sont méchants, pour auoir veu

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vne fois vne chose extraordinaire en l’Eglise des
Percs Theatins de paris, la mechancete des hommes
est si grande qu’ils en ont fait des farces par tout le
Royaume : quel mal n’a t’on pas fait à ces pauures
Peres pendant ces troubles, cent Crocheteurs ont
voulu rompre leurs portes & quantité d’autres canailles
qui leurs chantoient iniures par les ruës, l’on
sçait bien que les honnestes gens ne feront pas de
telles actions mais les heretiques qui sont au milieu
de nous ne considerent pas cela, ils attribuent le
tout au corps de la Religion Catholique qu’ils hayssent
mortellement pour estre opposée à leur belle
creance : quand à Messieurs les Curez que le seditieux
Autheur de ce Prompt & salutaire Aduis, nomme
ce n’est autre chose que pour faire croire au simple
peuple tout ce qu’il dit ; car la vertu & pieté de
ces vrays seruiteurs de Dieu a charmé les cœurs
de tout le monde qui voit auiourd’huy par leurs
soins renaistre le zele de la premitiue Eglise au milieu
de nostre France, & par leurs moyens & bons
exemples retirer quantité de pauures Brebis égarées
du chemin de la perdition, c’est le Diable qui luy a
suggeré ceste pensée ou pour ternir leur reputation,
ou pour obliger les peuples des Prouinces dont il
parle à prendre les armes, voyans que quantité de
personnes de haute pieté sont de ceste caballe &
entreprise, soyez certains qu’ils n’y ont iamais pensé,

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& qu’ils ne cognoissent pas l’Autheur de ceste
belle œuure.

 

Pour les Princes qu’il vous promet, asseurez vous
qu’ils ne sont qu’en peinture aussi bien que les autres
personnes qu’il dit estre de grande pieté : il ne se
peut empescher de nommer Monsieur le Duc de
Beau fort qui a tant trauaillé pour nous donner la
paix, & qui tesmoigne par toutes ces actions y auoir
vne inclination particuliere, les personnes d’esprit
cognoistront bien que tout cela ne tend à autre
chose qu’à tromper le peuple, & à broüiller les cartes
sous le nom de ces Messieurs qu’il font parler
en dormant & sans qu’ils y pensent : sçachez
qu’ils sont tous sans exception tres fidels seruiteurs
du Roy, & qu’ils ne desirent rien tant que la paix,
& le soulagement des pauures peuples, & qu’ils ne
se meslent en aucune façon de ces affaires : ie voudrois
bien sçauoir quel desplaisir luy a rendu, le
sieur Clement Coutelier qui ne se messe que d’oster
les ames des griffes du Diable pour l’auoir mis
en ses Cayers.

Vous que Dieu a appellez à la dispensation de
son Sainct Euangile, qui preschez sa verité, & qui
allumez le feu de son diuin amour sur les Autels de
nos Cours par vos Sainctes remonstrances, esloignez
celuy de la reuolte qui est seul capable de nous
consommer & destruire, & de donner la mort aussi

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bien à l’ame comme au corps, & vous serez les Predicateurs
veritables de ce Dieu de paix & d’vnion
qui ne veut que vous declariez la guerre sinon au
peché, au Diable, au monde & à la chair comme
luy mesme a fait venant en ce monde peruers, où
il a esté moqué, crucifié, & contraint par sa grande
bonté a surmonté l’ingratitude des creatures, les
meilleures choses sont les plus hayes & les moins receuës,
mais au moins vous aurez ceste consolation
que vous auez satisfait à vostre deuoir quand bien
ils n’en voudront pas faire leur profit, qu’elle crainte
vous arreste, ne sçauez vous pas qu’ils ne peuuent
tuer que le corps, & que celuy pour qui vous trauaillez
prendra vostre deffence, & qu’il peut tuer le
corps & l’ame tout ensemble.

 

Confesseurs qui tenez la place de Iesus Christ
crucifié, il n’est pes besoin de vous dire vostre deuoir
sur ceste matiere, parce que vous sçauez que
nous ne pouuons receuoir le pardon les armes à la
main auec velonté d’offencer celuy duquel nous esperons
la grace, s’y est bien à vous Imprimeurs à
qui il faut apprendre à obeyr à cét Auguste Parlement
qui vous deffend d’imprimer les escrits seditieux,
& qui troublent le repos du public, peuple
c’est au nom de Iesus que ie vous coniure & par le
merite de sa mort par vostre repos de faire naistre
le regne de la paix & celuy de la douleur que l’on a

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veu si florissant en cét Estat, vous en aurez le profit
en ceste vie & la recompense dans l’eternité, vous
ne plongerez pas vos mains dans le sang de vos
freres, & n’exposerez pas vos femmes, vos enfans,
& vos biens, & vous mesmes à la mercy de la cruauté
que la Guerre exerce contre tous ceux qui n’ont
rien à perdre, qui sont vagabonds, gens de neant
ne demandent que le trouble afin de pouuoir
viure au despens d’autruy : mais i’espere que l’experience
nous fera sages, viuons en paix, & le Dieu de
paix sera auec nous eternellement. Amen.

 

FIN.

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Aubeterre, René-Joseph d' (chevalier) [?] [1649], REMONTRANCE AV PEVPLE PAR L. S. D. N. D. S. C. E. T. , françaisRéférence RIM : M0_3293. Cote locale : C_9_55.