C. Q. A. P. L. C. M. D. L. V. D. P. A. M. D. N. 1650 [signé] = Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], LA PIERRE DE TOVCHE AVX MAZARINS. , français, latinRéférence RIM : M0_2765. Cote locale : C_12_41.
Section précédent(e)

LA PIERRE DE TOVCHE
AVX
MAZARINS.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LA PIERRE DE TOVCHE
AVX MAZARINS.

L’Humeur tyrannique & barbare du Cardinal
Mazarin, s’est esleuée depuis son retour
en France, iusques à vn tel point d’insolence,
que bien loing de se preparer en rentrant
à se rendre plus supportable par les apparences
d’vne plus douce administration ; il a exercé toute
sorte de cruauté sur ceux qui ont esté assez malheureux
de se rencontrer sur son chemin ; & nous
faisant cognoistre par les premieres actions de son
restablissement, qu’il ne raporte auec soy que de
bien rudes chastimens, nous montre assez ouuertement,
que ses commencemens estans tels, l’on
ne peut en considerer la fin que comme la saglante
Tragedie, qui nous represente des-ja la subuersion
entiere de la Monarchie Françoise, en estant venu
iusques là mesme de pretendre dors-en-auant nous
faire esprouuer toute sorte de maux, auec tant
d’authorité, qu’il n’entend point nous laisser mesme
la liberté de nous plaindre, sans nous rendre
coulpables & dignes de mort. Cet impertinent
pretend, dis-je, que les aduis que l’on donne au

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public des pernicieux desseins qu’il a contre la Capitalle
du Royaume, & contre ceux qui supposent
à l’execution de ses funestes emportemens, soient à
l’aduenir autant de crimes capitaux en la personne
de ceux qui les donneront, & en nous ostant nos
biens & nos vies, il veut encores nous fermer la
bouche, afin que les iustes plaintes des vns mouuant
à compassion les autres, n’anime tout le monde
d’vn mesme ressentiment contre ce perfide,
pour conspirer vnaniment sa perte auparauant
qu’il ait acheue la nostre. C’est pourquoy ses partisans
s’occupent depuis son retour auec tant d’exactitude
à la recherche de ceux, qui picquez de
bon zelle pour le peuple, ne peuuent s’empescher
de parler ou d’escrire contre la mauuaise conduitte
du perturbateur de son repos, afin que les surprenant
dans vn sentiment contraire à son ambition,
ils soient les premiers qui seruiront de victime
à la vengence qu’il veut prendre de tous ceux
qui n’auront point contribué à son restablissement.

 

Ce traistre & ses complices pretendent qu’il
leur sera permis d’exercer impunement toute sorte
de cruauté sur tous les gens de bien, sans que l’on
ose dire que l’on s’en ressent, ou que l’on y veut
apporter du remede. Si Dieu nous afflige de quelque
maladie pour nous faire ressouuenir de ce que
nous deuons à sa souueraine bonté, encores nous

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laisse-t’il le pouuoir & la libérté d’en raconter toutes
les circonstances à celuy qui en entreprend la
Cure, sans que pour y vouloir remedier nous meritions
du chastiment ; cet impudant pourtant est
si inhumain, que voulant nous faire benir la
main qui nous donne le coup, il ne peut point
supporter que l’on publie les maladies que son retour
cause dans l’Estat, à ceux qui en ont entrepris
la guerison, parce qu’il en est l’autheur & la source
venimeuse, qui doit estre supprimee auec tout
ce qui la fait subsister, afin que la cause cessant
nous n’en ressentions plus les contagieux effets.

 

Aueuglement estrange ? & tesmoignage infaillible
d’vne passion demesurée. La Reyne nous
a voulu persuader, Que Monsieur le Prince se
seruoit du retour du Cardinal d’vn specieux pretexte
de faire la guerre, qu’elle n’auoit rien moins dans la
pensée que ce rapel chimerique, qu’il falloit opprimer
tous ceux qui s’en seruoit de suiet pour entretenir leur
faction, & qu’enfin toute la France voyoit que Monsieur
le Prince n’estoit qu’vn rebelle, qu’vn seditieux,
qu’vn perturbateur du repos public, & enfin
que le plus meschant homme qui fut iamais nay : mais
si dans cette rencontre la Reyne a tesmoigné auoir
autant de haine pour ce grand Heros, qu’vne
femme est capable d’en auoir pour ce qu’elle a le
plus en horreur dans le monde. Elle a fait voir,
malgré nous à toute l’Europe, qu’elle a encores

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bien plus d’amitié pour le Cardinal : car, puis
qu’elle souhaitte tant de perdre Monsieur le
Prince, & qu’elle n’obmettoit rien, au peril mesme
la Couronne, pour d’estruire celuy qui la si bien
soustenuë : il n’y auoit qu’à differer encores vn peu
de temps ce precieux moment qu’elle attendoit
auec tant d’impatience, de reuoir ce cher Sicilien,
Cet incomparable Ministre, cet aymable Mazarin.
Et par ce moyen Monseigneur le Prince auroit
eu tout le tort, ce retour nous eut paru supposé,
toute la France l’eut obligé à poser les armes, nous
iouїrions d’vne parfaitte tranquilité, & la Reyne
auroit mieux ioüé son coup : mais non, ces raisonnemens
sont ridicules à des personnes qui ayment
auec tant de passion, la conqueste de toute la terre
ne leur est rien au prix de la presence de l’obiet de
leurs chaudes amours ; & differer vn moment, ce
contentement leur est plus preiudiciable que la
perte generalle de cent Royaumes.

 

Enfin, pour en parler sainement, si la Reyne
auoit plus d’amitié pour le Roy son fils, qu’elle
n’en a pour le Mazarin, elle ne l’auroit point rapellé
pour faire déchirer son Royaume : mais il ne
luy importe, il est Estranger, elle est Estrangere, si
elle a de l’amitié pour luy, il n’en a pas moins pour
elle : La France leur est en trop peu de consideration,
pour deuoir esté preferée au contentement
d’vne telle passion. Le Cardinal tesmoigne dans

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cette rencõtre, que la Reyne ny met point tant du
sien, qu’il n’en hazarde pour le moins autant : car
si elle expose la Couronne de son fils, le Royaume
entier & sa propre reputation, en precipitant à
contre-temps le restablissement de ce Ministre, ce
Cardinal hazarde sa fortune & sa propre personne,
pour n’auoir sceu enuoyer son Armée sous la conduitte
du Mareschal d’Ocquincourt son confident,
& attendre que son ennemy mortel fut opprimé.
D’où il est aisé de cognoistre que cette passion
est si grande quelle les aueugle tellement,
qu’il ne leur reste point vn petit eschantillon de
iugement, pour cognoistre ce qui leur est necessaire.
Toutes ses actions qu’ils s’imaginent faire
pour affloiblir Monseigneur le Prince, cooperent
à le fortifier, parce que les desseins de ces Heros
n’ont d’autre fondement que la gloire de Dieu, le
restablissement de l’authorité Royalle, & le repos
des peuples : & au contraire les leurs ne sont establis
que sur la resolution qu’ils ont faicte de tout
perdre, pour maintenir l’infame autheur de la desolation
generalle de toute la Chrestienté. C’est
pourquoy il ne leur importe que cent mille familles
soient ruinées par les desordres que le Cardinal
cause, & par la suppression des deniers destinez au
payement des rentes, puisque c’est le contentement
de ce digne fauory, & que ses thresors s’en
augmentent : Et en fin il est assez constant qu’il

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ne leur importe point que toute la France soit renuersée,
& auec elle le Roy, Monseigneur son Frere,
& tout ce qu’il y a de gens de bien, pourueu que
dans cette perte generalle, le Cardinal y trouue sa
satisfaction, puisque ne despendant que de son
esloignement pour mettre toutes choses dans vn
bon ordre, l’on ayme mieux le retenir, que de sauuer
l’Estat & la Couronne. Voluptatibus lux mentis
extinguitur.

 

Quoy ? ce perfide & ses creatures pretendroient
nous imposer le silence, dans vn temps auquel sa
mauuaise conduite & sa presence nous donne tant
de liberté de parler, & seront-ils bien si sots de
s’immaginer nous faire supporter malgré nous les
dommages qu’il nous cause, sans oser publier tant
de crimes, qui ont donné suiet à toutes les Cours
Souueraines de le condamner auec Iustice : Non,
non, tot ora videbuntur esse quoterunt vulnera, L’interest
de la conseruation de la Monarchie, & le salut
de tant de François affligez nous oblige de trauailler
incessamment à la ruine de Mazarin, & de
ceux qui s’interessent pour luy, sur ce debris l’Estat
y sera raffermy, & les peuples y trouueront leur
repos.

Quoy ? les Parlements, toutes les Chambres
assemblées auront promis recompence à celuy qui
representera ce Bonet Rouge, mort ou vif, &
quelques particuliers de sa faction deffendront de

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les motif d’vn Arrest, qu’ils soustiennent auoir,
esté donné sans cognoissance de cause, & mal à
propos ; quoy que neantmoins tout le monde cognoist
assez l’equité de cette sanglante fulmination,
prononcée contre ce bougearron & ceux de
sa caballe. Et cet Arrest estant iuste, comme il est,
l’on ne peut trop descrier ceux, contre qui il a este
donné, puis que ce n’est que manifester la raison
qu’on en a eüe : C’est pourquoy ceux qui l’accusent
d’iniustice en faisant le contraire, meritent
la mesme punition qu’on destine aux Mazarins,
puis qu’ils le fauorisent si ouuertement, pour luy
acquerir vn pouuoir trop absolu & illegitime, ne
se contentant point de celuy qu’il a, parce qu’il
en a desia trop. Quod non potest, vult posse, qui nimium
potest.

 

Y-a t’il rien au monde de plus impertinent, ny
de plus insuportable que l’insolence des complices
du retour du Cardinal Mazarin, faisant publique
profession d’estre coulpables d’vn tel attentat, il
n’ont point de honte d’auoir commis ce crime, &
viennent impunement persecuter tous ceux qui
disent qu’ils sont marquez de cette tache, dont ils
seroient pourtant bien faschez de se lauer en abandonnant
ce tyran Estranger, parce qu’il y a des Benefices
à gagner, & des brigandages à exercer, &
font hardiment ce qu’ils voudroient nous deffendre
de dire. Car de grace, qui a oblige le Mareschal

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d’Ocquincourt de conduire le Tyran en France
contre les Arrests du Pàrlement, que l’Abaye de
Corbie qu’on a donné à son Fils, & les voleries
qu’on luy a permis pendant vne longue marche.
S’il pretend s’excuser sur ce que le Roy luy a commandé,
c’est vne raison qu’on ne reçoit point chez
les Frondeurs, à moins d’estre insensible à nos propres
maux, ou d’en vouloir rendre sa Majesté coupable,
(ce qui ne tombe que dans la pensée des
Mazarins qui couurent toutes leurs entreprises du
Sacré Nom du Roy, pour s’en rendre innocens.
C’est pourquoy il ne peut dire, sinon, que la Reyne
la voulu, & qu’il est bien plus aise d’auoir mené en
France celuy qui la doit perdre, que d’auoir perdu l’occasion
de faire vn si bon butin, car la paix du Royaume,
le salut de l’Estat, le repos des Peuples, le vray
& legitime seruice du Roy, le respect qu’il doit à
S. A. R. I’amitié des Princes du Sang, la veneration
que l’on doit auoir pour les Arrests du Parlement,
& enfin tant de genereux sentimens qui
peuuent esmouuoir la volonté d’vn vray homme
d’honneur, n’est point en luy à l’espreuue de 50.
ou 60. mil liures de rente, non plus qu’en tous
ceux du mesme party, puisque le seul interest les y
attache ; & que pour dix à douze mil francs de
pension, l’on voit ceux mesme qui deuroit estre
les plus incorruptibles, estans Chef de Police dans
la Capitalle du Royaume, descrier la conduitte de

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S. A. R. & de Messieurs les Princes, pour iustifier
celle d’vn Mazarin bany, sans que le Lieutenant
Ciuil les rende suiets à la mesme peine que l’on impose
à ceux qui destruisent la reputation de son
Cardinal, & qui taschent de conseruer celle de
nos bien-facteurs, de nos liberateurs, & de nos
protecteurs.

 

Le Lieutenant Ciuil animé d’vne rage insuportable
contre ceux du party de M. le Duc d’Orleans,
& de M. le P. persecute auec tant de chaleur
tous ceux qui taschent de gagner leur vie en seruant
le public contre les mauuaises intentions du
Cardinal, son Maistre, que tout le monde le peut
considerer maintenant comme vn autre Mazarin,
par l’estroit attachement qu’il a au seruice de ce
proscript. Les Imprimeurs qui trauaillent contre
les ennemis de ce Sicilien ne sont point sujets à la
rigueur de ses cruels Arrests ; ceux qui trauailleront
à la composition d’vn Panygerique du Card.
Mazarin seront ses bons amis, & ses pensionnaires ;
Ceux qui veillent à la descouuerte de quelque
piece contre ce pernicieux Ministre sont bien recompensez.
Tesmoins le surnommé Pacifique
qui est dans la Conciergerie, & qui a passé par
ses mains sans nul hazard, apres auoit fait, la puissance
des Roys, & le pouuoir des sujets sur les Souuerains,
l’Harmonie de la Cour, & plusieurs autres
pieces horribles & detestables (dont le Lieutenant

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Ciuil à connoissance) contre la propre personne
du Roy, & de S. A. R. ; Le garçon de son
Imprimeur est mort en prison, imaginez vous
comment, dans deux iours, affin qu’il n’acheuast
point de descouurir le reste des pernicieux ouurages
de cet infame Autheur ; Cependant le sieur
Pacifique ne reçoit point de chastiment, parce
que M. le Lieutenant Ciuil pretend qu’il a merité
son pardon en escriuant contre M. le Prince, sur
quoy il a esté surpris, non par luy, car ce n’est
point à ceux-là qu’il en veut, leur donnant au contraire
permission de vendre & debiter toute sorte
de pieces sans crainte ny dommage, s’estant declaré
ennemy iuré de la Maison de Condé, depuis
que M. le Prince l’est du Mazarin, Considerez vn
peu l’integrité de ce Chef de Police.

 

Si l’on entend parler dans Paris que le Lieutenant
Ciuil a fait quelque capture, qu’il a veillé
pour ce suiet toute vne nuict dans vn carefour de
l’Vniuersité, l’on apprend en mesme temps, que
ce n’est point celle d’vn voleur, d’vn filou, d’vn
meurtrier, d’vn coupeur de bource ou d’autres
sembles ; mais d’vn miserable Imprimeur qui trauailloit
pour M. le Prince ou quelque autre Frondeur
contre le Cardinal Mazarin. C’est ceux-là,
que cet admirable chef de Police fait tousiours la
guerre, ce sont ceux-là qui sont condamnez à de
grosses amandes, bannis pour iamais, condamnez

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au foüet, à la torture, aux galeres perpetuelles, &
enfin à tout ce que sa cruauté luy peut inuenter de
barbare & d’inhumain. Et ie soustiens que cette
façon d’agir qui fortifie le Cardinal, dans l’esperance
qu’il a d’intimider si bien tout le monde,
qu’il ne se trouuera personne qui dors-en-auant
l’ose chocquer ny blasmer, au lieu que si nous auons
toute sorte de liberté sur les Mazarins, nous
les reduirions a si petit nombre, qu’on ne seroit
point en peine de les conter.

 

Ce bon seruice, que le Lieutenant Ciuil rend
à ce Perturbateur du repos public auec tant de
soing, luy gagne de bonnes pensions, que ce voleur
ne manque point de luy bien payer, afin que
l’obligeant à veiller soigneusement à ce que personne
n’escriue contre luy, l’oubly des maux qu’il
nous a fait souffrir, ou les menaces qu’il fait à ceux
qui en rapellent la memoire, empesche auec le
temps que les Parisiens ne s’opposent à son retour
dans cette ville, afin que par cette timidité ou cet
oubly il puisse trouuer l’occasion d’en prendre la
vengence qu’il en a premeditée, ne flattant presentement
quelques particuliers, que pour s’en
seruir d’instrument à perdre le general ; vn tesmoignage
euident de la sottise de ce Ministre, il voudroit
nous faire perdre la memoire des maux passez : mais il
est si despourueu de iugement, & si accoustume à malfaire,
qu’il ne peut s’empescher luy-mesme de nous en

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faire ressouuenir par ceux qu’il nous fait endurer tous
les iours. Car il a vne telle inclination naturelle à la
cruauté, que quand sa vie en dependroit, il ne sauroit
s’en abstenir que lors qu’il n’en a point d’occasion, veu
que sa presence nous pourroit parroictre plus supportable,
s’il nous monstroit ou nous faisoit esperer quelque
douceur, il ne scauroit pourtant forcer son naturel.
Quod natura dedit tollere nemo potest.

 

Y a-t’il rien de plus insolent, le Parlement condamne
le C. comme le plus meschant homme du
monde, & le Lieutenant Ciuil ne veut point de
son authorité seulle, que l’on le basme de ce qui a
donné lieu à sa condamnation. Tout le monde
sçait que toutes les actions de ce bougeron sont
autant de crimes, & d’attentats à l’authorité Souueraine,
que sa seulle presence affoiblit, & le Lieutement
Ciuil pensera nous empescher de le descrier,
& de nommer tous ses partisants, parce qu’il
en est du nombre, & des plus eschauffez à le seruir.
Les Cours Souueraines prennent du retour
de ce banny le suiet de prescrire sa teste, & le Lieutenant
Ciuil ne voudra point que nous disions
que ceux, sans lesquels il ne l’eust point entrepris,
sont aussi coupables que luy, & meritent tirez
à quatre cheuaux, tresnez par les ruës, & apres exposez
à la voirie, aussi bien que ceux qui nous
font de telles deffences, ou le seruent en quelque
maniere que ce soit ; puisque ce perfide n’eust iamais

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entrepris deuons porter la guerre par sa presence,
s’il n’eust trouué des personnes assez l’asches,
pour briguer son restablissement, & pour
l’escorter iusques dans le cœur du Royaume, par
le seul espoir d’agrendir leur fortune au destriment
de celle de tous les suiets du Roy. Ces personnes
meritent-elles point la Corde ? Puisque
des Officiers de la Couronne, & des François
sont plus coulpables d’entretenir la tyrannie estrangere,
que le Tyran ne l’est de se vouloir conseruer :
C’est cette raison qui nous doit obliger de
ne considerer plus ces gens, que comme l’obiet
de la haine publique, & la source de tous les maux
que la presence du Cardinal a causé en rentrant,
cause tous les iours pour se maintenir, & causera
encores pour reprendre le pouuoir d’exercer son
encienne tyrannie.

 

Peut-on rien voir de plus impudent ? que de
considerer voir entrer en France ce traistre contre
toutes les deffences qui luy ont esté faites, & que
les Mareschaux d’Ocquincourt, d’Aumont, de
la Ferté Seneterre, & plusieurs autres Gouuerneurs
de Prouinces & places frontieres, luy en
ayent ouuert les portes, l’escortent eux mesme, &
quittant leur Gouuernement, le mesnent triomphant
à la Reine. Peut-on rien considerei de plus
insolent : que de voir qu’il se trouue encores des
personnes assez effrontées qui parlent pour le

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Cardinal, & qui osent deffendre ses interrests en
empeschant qu’on ne fasse bien tost perir tout ce
qui contribue au restablissement de cet estranger,
& cependant l’on n’osera point dire qu’ils sont
criminels & dignes d’vn si grand chastiment que
la posterité n’en perde iamais la memoire. C’est
trop ridicule, le Cardinal est criminel, tous ceux
qui le seruent le sont aussi, & personne ne peut
point empescher de parler contre-eux, qu’il ne
pretende iustifier ce retour, en ne pouuant point
souffrir qu’on blasme ce à quoy ils ont tant de part
celuy qui agit contre les ennemis du Cardinal,
pour la seulle raison qu’on tasche de perdre ce
proscript & ses adherants, prend ouuertement le
party de ce Tyran ; si l’on à droit de punir ceux qui
taschent de destruire ces condamnez, le Parlement
a eu grand tord de nous commander de leur
coure sus ; Car, puis qu’au sens du Lieutenant
Ciuil & autres Mazarinistes, l’on est criminel en
blasmant la conduitte de ceux que les cours Souueraines
ont condamné, à plus forte raison seront
à leur sentiment les Parlements coulpables d’auoir
condamné ceux qu’on ne veut point qu’il
nous soit permis de blasmer sans crime. C’est
pourquoy ces Illustres Senateurs ayant eu iuste suiet
d’y proceder de la sorte, vn chacun peut hardiment
suiure dans cette occasion leur sentinent ;
& leur courre sus criant, ce sont des Mazarins, ce

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sont des criminels, ce sont des ennemis de l’estat,
tuë, tuë, tuë, rasons leurs maisons, exterminons
cette race, & prenons leur bien pour leur faire
la guerre à leurs propres despens, comme ils nous la
font aux nostres, puis que quand nous executerions
tous les iours ces parrolles sur ceux qui
viendroient à nostre rencontre, nous ne ferions,
que ce, à quoy les Arrests des Parlements, & les
Declarations du Roy nous inuitent ; veu que quoy
que sa Majesté ait cassé l’Arrest de prescription, n’a
pourtant point reuoqué ses Declarations données
contre le Cardinal, & ceux qui luy donneront secours
en quelque maniere que ce soit, ceux qui s’opposeront
à l’execution des assemblées & des entreprises qui
se feront sur ce suiet, se declareront ouuertement
Mazarins, contreuiendront aux Arrests de Parlement
& aux Declarations du Roy ; d’autant
qu’il ny a que les complices de ce retour, qui apprehendent
qu’on n’en recherche si bien toutes
les circonstances, qu’ils s’en trouuent eux mesme
les seuls autheurs, ou pour le moins participans
au moyen qu’il cherche de subsister, par la
longueur que ses amis portent à tout ce qui se doit
faire contre ce banny ; qui ne trouuent toutes les
assemblées tant d’expediants, que pour gagner
autant de temps, sous pretexte de conseruer l’authorité
Royalle ; que le Cardinal seul & ceux qui
agissent pour luy ont reduitte au point ou elle est

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deschuë, par la liberté que l’on prend de se plaindre,
de se venger, & de s’opposer aux miseres
qu’il cause dans l’Estat ; Enfin l’on feroit bien
mieux d’y remedier auant que nostre patience ne
s’eschappe, & puis que nous pouuons nous faire
iustice par nos propres mains en exterminant
cette engeance, qui prolonge nos miseres
par des eschapatoires continuels, pourquoy nous
attendrons nous à leur chiquane qui ne tend qu’à
nostre perte, & à la conseruation du Cardinal
Mazarin, cur circuitu petis gloriam, que ad manum
posita est.

 

Ie voudrois bien sçauoir par quelle raison le
Lieutenant Ciuil pretend s’excuser de la persecution
qu’il fait à tous ceux qui haїssent son bon amy
le Mazarin, puis qu’il ne le peut auec iustice, à
moins que dementant tous les Parlemens de France,
& toutes les personnes que nous cognoissons
de plus considerables dans le Royaume, il nous
veüille persuader que le retour du Card. est iuste,
parce qu’il en est pensionnaire, d’autant que persecuter
ceux qui taschent d’animer les peuples contre
le Cardinal & ses adherans, n’est autre chose
que proteger ouuertement le Cardinal & ses creatures,
& s’opposer à l’execution des Arrests du Parlement,
qui nous enioignent (comme i’ay desia dit)
de coure sus à tous ceux qui le seruent, sans en excepter
le Lieutenant Ciuil, ny nul autre : c’est pourquoy

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en vertu du pouuoir qui nous est donne,
nous n’auons que faire de chercher ailleurs, ce que
nous auons dans nos propres mains, c’est à dire
nostre salut, en massacrant toute la Mazarinaille.
Nolité (quod pigri agricola faciunt) maturos fructus
per inertiam emittere è manibus, maiora sunt periculis
præmia.

 

Mais de grace, si l’on à dessein de chasser ce proscript,
quel desordre peut arriuer trop grand contre
ceux de son party (n’en voyant point que ceux
de sa caballe, ou soubçonnez, tels qui craignent)
puis que si nous estions assez heureux d’en voir vn
suffisant pour les exterminer tous, nous aurions
suiet de dire que ceux qui voudroient s’y opposer,
voudroit differer leur perte & continuer nos miseres,
qui ne finiront iamais que par la destruction
generalle de tous ceux qui seruent ce Tyran, & si
le Diable auoit emporté tous ceux qui l’ayment
plus que moy, la France seroit en repos, nous iouїrions
auec plaisir du peu que ce traistre nous a laissé,
& la guerre Ciuille n’ayant eu d’autre commencement
que l’apprehension de son retour, auroit
desia trouué sa fin dans la certitude de ne le iamais
plus reuoir. Redditur nostro pauore, quàm sua
virtute fœlicior.

Si le Comte d’Harcourt auoit esté deschiré par
le peuple auparauant sortir de Paris, vn autre n’eut
point osé prendre la conduite d’vne Armée, destinée

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& occupée depuis six mois, à la perte du plus
necessaire appuy que nous ayons maintenant contre
les entreprises du Cardinal Mazarin. Si toute
la maison d’Albeuf auoit esté entierement saccagée,
& destruite d’abort qu’on luy à veu embrasser
le party de ce Sicilien, les autres Seigneurs
de France eussent eu de l’apprehension de se mettre
dans cette brigade de voleurs, Si les maisons
de ceux qui ont ramené le Cardinal en France
auoient esté rasees & leur bien confisqué pour faire
la guerre à cet infame autheur de nos maux, la
crainte d’vn pareil chastiment en auroit retiré les
autres, & ce fasquin, se voyant delaissé, nous auroit
mis par sa fuitte hors de peine de nous tenir
sur nos gardes, & de songea à nostre conseruation.
Enfin si la pluspart de ceux qui se declarent
encores auiourd’huy dans Paris pour le Mazarin
estoient tirez à quatre cheuaux le reste se rengeroit
à son deuoir, il n’y auroit point d’esprit partagé,
& tous vnis, nous acheuerions dans vne heure ce
que des Siecles entiers ne pourront peut-estre
point décider si l’on laisse impunément agir les
Mazarins. En vn mot par la liberté qu’on leur
laisse ils entretiennent nostre diuision, la diuision
fomente la guerre continuë les maux que la France
souffre, & vne reuolte generalle contre cette
malheureuse engeance mettra fin à nos miseres, &
restablira le repos dans l’Estat, car autant que nous

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en souffrirons vn, les desordres continuëront tousiours,
vn seul coup peut tout sauuer, & nostre
froideur tout perdre. Parua sape scintilla contempta,
magnum excitauit incendium : nihil tutò in
hoste despicitur, quem spreueris, valentiorem negligentia
facies.

 

Si i’estois le Cardinal Mazarin, Dieu m’en garde,
& que ie sceusse, (comme il sçait) la haine que les
Peuples, & les gens d’hõneur auroient pour moy,
ie ne sçaurois souhaitter vn plus grand seruice du
Lieutenant Ciuil, & de tous mes amis, que celuy
d’empescher qu’on ne blasmat ma conduitte, de
punir ceux qui descriroient ma reputation, & de
donner toute liberté mesme de la recompense à
ceux qui tascheroient de me iustifier ; c’est a quoy
le Lieutenant Ciuil employe le credit & l’authorité
que sa charge luy donne pour le Perturbateur
du repos publicq. Mais mal-heureuse conduitte
de ceux qui agissent de la maniere pour vn tel Ministre :
Tous les demons d’Enfer n’ont point assez
de cruauté pour venger suffisamment le desir, que
tous les gens de bien doiuent auoir, que cette
mauditte secte soit bien-tost exterminé. C’est
pourquoy courons tous à nostre bien, trauaillons
promptement à nostre repos, massacrons ceux qui
entretiennent nos desordres, & ne craignons rien,
nihil tam alté fortuna constituit ; quò virtus non
possit enitti.

L’on peut dire fort raisonnablement que le Cardinal

-- 22 --

Mazarin, est coulpable de tous les maux que
l’armée qui le deffent & celle qui l’attaque font,
que tous ceux qui l’accompaignent le sont aussi, &
qu’estant des douleurs que generallement toute
la France recent, vn chacun est obligé de ne rien
obmettre pour tascher d’exterminer tous ceux qui
fauorisent ce party ridiculle, ceux mesme qui se
picquent tant de l’authorité Royalle y sont obligez
pour la conseruer, veu que la presence du Cardinal
luy est si funeste, que le pouuoir du souuerain
qui deuroit estre absolu, se trouue neantmoins
par le retour du fauory de la Reyne sujet à
voir tous les iours de reuoltes contre ce tyran, &
obligé de parcourir tout son Royaume pour y remedier
par des compositions de mauuais exemple,
& par des moyens qui ne font qu’augmenter
nos miseres & entretenir nos desordres autant que
le Cardinal subsistera. Et si par la perte generalle
de toutes ces personnes, l’on peut mettre fin a tant
de mal-heurs, pourquoy nous empeschera t’on
d’instruire le peuple du moyen de se sauuer prõptement
du mal qui les attire insensiblement par leur
tiedeur dãs l’abisme, d’où il ne leur seroit plus possible
de sortir ? Et enfin puis que c’est le plus seur
& le plus court expediant, pourquoy est-ce qu’on
ne l’executera point ? où plustost pourquoy souffrirons-nous
qu’on nous empesche de l’executer.

 

 


Ite, veloces, & vltrices furia,
Pulsate, nec parcite yniuerso exercitui.

 

-- 23 --

Ceux qui apporteront ou fairont naistre des
obstacles à l’execution d’vn si bon dessein, veulent
ouuertement rendre nos miseres d’aussi l’ongue
durée, que leur malice est infinie, afin qu’auec
le temps ils puissent nous mettre si bas, que nous
soyons contrains de souffrir le tyran & sa tyrãnie ;
estant impossible de se persuader a moins d’estre
Mazarin, ou pire que Mazarin, que l’on puisse auoir
assez de meschanceté pour empescher le desordre
qui peut arriuer sur ce sujet, veu qu’il ne peut estre
preiudiciable qu’à ceux qui sont complices de ce
retour, ou participants aux brigandages que le
Cardinal exerce continuellement, & enfin ny
ayant que cette sorte de gens qui craignent & empeschent,
nous pouuons dire auec iustice que, digni
sunt morte, non solum qui faciunt ea, sed etiam
qui consentiunt facientibus.

Il ne faut point se flatter, il n’est plus temps,
tous ceux qui ont souhaitté ou contribué au banissement
du Cardinal Mazarin, ou qui n’ont point
approuué son retour doiuent perir ou faire perir
ce perfide, ne pouuants trouuer de la seureté dans
les parolles Royalles, tant qu’il subsistera, s’en
seruant à toutes sortes d’vsages, à deffaire demain
ce qui se faira aujourd’huy ; vne Declaration du
Roy, n’est qu’vne Declaration : & s’il y en doit auoit
de plus efficaces les vnes que les autres, celle que
sa Majesté donna le iour de sa Majorité, en la presence
de tous les Officiers de la Couronne, de tous

-- 24 --

les Seigneurs du Royaume, & de tant de millions
d’ames qui estoient accourües a cette solemnité,
verifiée, luë, publié en sa presence, & signée de sa
main deuroit auoir plus d’effet, & estre plus inuiolable
que toutes les autres ; cependant le Cardinal
Mazarin, nous faict voir que toutes celles
qu’il faict donner ne sont qu’autant de pieges qu’il
nous tend. Et puis qu’il a eu assez de pouuoir pour
en faire rompre vne en sa faueur si solemnelle,
pourquoy ne le faira-t’il point encores vne fois s’il
subsiste, quand il trouuera l’occasion de se venger ;
puis qu’il peut en toutes saisons, & en toutes
rencontres, alleguer les mesmes raisons qu’il donne
a presant, le Roy le veut, quoy que tout le monde
sasche que si sa Majesté estoit instruitte des
maux qu’il cause dans l’Estat, elle ne le regarderoit
iamais ; puls donc que tant d’exemples nous
monstrent qu’il ne s’en sert que pour nous tromper,
s’aschant que le Roy n’en peut iamais donner,
à laquelle nous deuions auoir tant de confiance,
que nous estions obligez d’en auoir en celle-là,
pourquoy ne tascherons nous point de chasser
ce coquin pour confirmer les subjets dans la
croyance qu’ils doiuent auoir aux promesses de
leur souuerain ; que si le Cardinal pretendoit que
cette Fraude ne vint point de son inuention, mais
du seul mouuement de sa Majesté, il se rendoit
coulpable d’vn crime que le Roy ne luy deuroit
iamais pardonner, puis que par cette raison, il

-- 25 --

voudroit nous persuader que sa Maiesté est capable
de telles bassesses pour tromper son peuple, &
par ainsin attirer sur le Roy la hayne que sa seulle
fourberie à iustement merité de tout le monde,
puis qu’on peut appeller cette action, postremum
sacrilegiorum omnium, impietatem cælo & terris,
inferis pene ipsis crubescendam.

 

Comme se butor n’a point le iugement de considerer
ce qu’il faict il s’est trahy en pensant nous
trahir, il croioit par cette Declaration tromper
Monsieur le Prince, & gaigner du temps pour leuer
les voleurs qu’il a mené en France, sans preuoir
que le Roy engageant sa parolle seroit eternellemẽt
obligé de le chasser honteusement, puis
que sa Maiesté nous l’a tant promis, & par ainsi ce
perfide en pensant se deliurer des poursuittes que
Monsieur le Prince faisoit pour lors au Parlement
contre ses creatures, pour rompre le commerce
qu’on luy entretenoit auec la Reyne, qui nous cause
tant de mal, il a engagé insensiblement tout le
monde à contribuer a sa perte, & à celle de ses
amis. Outre les maux qu’il à faict, nous auons vn
legetime pretexte de luy faire la guerre, puis que
le Roy nous la commendé par des Declarations
verifiées dans tous les Parlements de Frances, du
consentement de tous les Princes, & Ducs & Pairs
& à la priere vniuerselle de ses subjets, qui doiuent
estre bien plus inuiolables, qu’vn Arrest du Conseil
d’enhaut prononcé & dicté par celuy, en faueur
de qui, c’est donné, auec trois où quatre de

-- 26 --

sa faction seulement, sans estre verifié en nul endroit
que dans le cabinet de Ma. d’où il est a croire
qu’il a esté dõné par surprise, puis qu’on ne la point
enuoyé aux Cours Souuerainnes pour y estre verifié,
& qu’il est entierement contre le seruice du
Roy & le bien de ses subjets ; à quoy sa Maiesté n’a
iamais songé, & c’est vne pure action du Cardinal
qui expose le Roy à la honte de voir son peuple
dans vne mefiance perpetuelle de tout ce qu’il
promettra à ses sujets, qui est le plus grand malheur
que l’on peut attirer sur la teste d’vn souuerain,
les exemples horribles que nous venons d’en
auoir dans nostre voisinage deuroient obliger
tous ces faux Zellateurs de la Royauté, à coure
les premiers sur la fripperie de ce faquin, puis qu’ils
ont veu que les Ministres ayant laissé les Roys coupables
de leurs propres fautes, ont excité les sujets
contre le Souuerain, ne pouuant souffrir la
Couronne sur la teste d’vne personne, à la foy de
laquelle l’on ne peut point auoir de confiance.

 

C’est pourquoy, l’on doit faire voir à
tout le monde, que bien loing que le Roy aye
contribué au retour du Cardinal, il faut croire
que cella c’est faict sans son consentement, parce
qu’il n’est point possible que sa Maiesté voulut employer
son pouuoir & son authorité à sa propre
perte, pour conseruer vn homme si contraire à sa
gloire & son aduantage, qui estant le sujet de nos
diuisions est le detestable autheur de nos desordres.
C’est pourquoy nous sommes obligez pour

-- 27 --

le maintien de la Couronne, le repos de l’Estat,
& le soulagemẽt des peuples de chasser cét estanger,
qui pourroit par cette façon d’agir, renuerser
l’vn & l’autre. Prototo pars bene deperditur.

 

Il n’y à rien qui doiue plus nous surprendre que
la l’ascheté de ceux qui se sont desuoüez au seruice
du Cardinal Mazarin, qui ayant l’ame basse
& mercenaire, n’ont point de honte de se prostituer
à toute sorte d’employ, pourueu qu’il y ait
quelque apparence de lucre, & de toutes les personnes
de condition qui sont dans son party l’on
n’en voit point vne qui ne se soit soubmisse à des
choses indignes de sa naissance, les Mareschaux
d’Ocquincourt, d’Aumont & de la ferté Seneterre
ne seroient point contents de seruir le Roy contre
les ennemy de l’Estat, sous vn Prince du Sang,
& ont pris la conduitte d’vne trouppe de brigants
sous le plus infame de tous les hommes, l’esperance
du pillage leur à faict preferer cét employ à l’amitié
des peuples ; & pour auoir ambrassé vn party
qui leur donnoit l’occasion de voler, ils se sont
attirez le reprosche eternel que la posterité leur
faira d’vne telle laschetté.

Le Duc d’Anuille qui n’auoit iamais paru dans
nulle bonne occasion commençà-il à 15 a 18. mois
à faire parler de luy en leuant vn regiment a ses
despens contre Madame la Princesse, pour le Cardinal,
lors qu’elle fut contrainte d’aller chercher
son resuge à Bourdeaux, pour auoir osé demander
à la Iustice, la condamnation où la iustification

-- 28 --

de Monsieur son Mary, & s’estant d’eslors mis en
estat de destruire Monsieur le Prince son Cousin
Germain, continuë encores dans ce pernicieux
dessein des praticques detestables pour le seruice
du mesme Cardinal, & à le cœur & l’ame si mal
placez qu’il ne fairoit point difficulté de sacrifier
toute sa paranté pour ce Sicilien, non plus que son
Frere l’Archeuesque de Bourges, qui est incessamment
sur les passages auec des brigants pour
tascher de prendre quelque Courrier de Monsieur
le Prince, & l’enuoyer au Cardinal, pour le seruice
duquel il quitte celuy de Dieu, & oublie le deuoir
de son caractere pour pratiquer cét infamme
metier de guet à pan, cependant, que son frere le
Duc d’Anuille, faict gloire de paroistre dans Paris
& à la Cour, l’homme d’importance, & le
grand negociateur des plus secrettes affaires du
Cardinal Mazarin, quittant l’aschement le seruice
de son Altesse Royalle, ambrasse ouuertement
celuy de son ennemy mortel, & est encores assez
effronté de luy porter la carte blanche pour luy
faire changer de sentiment, sans considerer que
cette seulle pensée qu’il a euë de pretendre corrompre
la sincerité de ce grand Prince, merite
toute sorte de chastiment & la hayne eternelle du
peuple, pour l’auoir voulu entreprendre contre le
bien general de toute la France qui n’a presentement
que le seul appuy de son A. R. & de Monsieur
le Prince, qu’il eut bien voulu seduire pour nous sacrifier
au mesme Tyran, qui nous à tant fait souffrir.

 

-- 29 --

Mais si ceux qui sont de telles entreprises pour gaigner
ceux qui nous protegent, meritent qu’on leur
coure sus, comme partysans du Cardinal Mazarin,
& ennemis du salut des peuples, ceux qui taschent
de nous diuiser pour nous perdre par leurs faucetez,
ne meritẽt pas moins nostre hayne ; puis que les vns &
les autres, conspirent nostre ruine par differentes
voyes. Saintost qui est icy le distributeur des nouuelles
Mazarinnes, auec Beautru, & quelques autres
n’espargne point l’argnent de son maistre, pour tascher
d’insinuer par des faux bruits la crainte dans l’esprit
des peuples, & qui n’estant point assez hardi pour
les aller crier par les ruës luy mesme, sans du moins
quelque apparence de verité despuis qu’on la rendu
responsable de ce qu’il aduanceroit, donne des relations
manuscrites à de certains cabarettiers gagez
pour les monstrer à ceux qui vont boire ou manger
dans leur maison, affin que ses aduantages chimeriques
venant peu à peu des vns aux autres, tout Paris
en reçoiue l’impression qu’il en attend toutes les fois
qu’il sçait qu’on doit Fronder au Parlement, affin que
ces victoires immaginaires remportées sur Monsieur
le Prince relentissent pour le moins les esprits s’il ne
peut tout affaict les gaigner, & par ce moyen iettant
la crainte & la diuision dans le Parlement, il continuë
nos miseres en empeschant d’aduancer nostre bien
par vne vnion estroitte & generalle de tous les corps
auec son Altesse Royalle & Monsieur le Prince, contre
l’ennemy commum. Ce mesme petit Mazarin de
Saintost, d’abort qu’il peut apprendre que Monsieur

-- 30 --

le Prince à perdu vn homme dans quelque rencontre
pour preuenir les esprits auparauant qu’on
en s’asche la verité, s’en va auec quelques vns
de mesme caballe chez le nommé Guil, pour faite
vne relation telle qu’il la pourroit souhaitter, s’il
ne despendoit que de sa volonté pour destruire
Monsieur le Prince ; où estant l’vn propose à l’autre.
Il s’agit icy de rendre vn bon seruice à son Eminance,
Monsieur le Prince a deffait quelques troupes de monsieur
d’Harcourt, cella eschauffera les Frondeurs, ils n’en ont
point encores receu la nouuelle a cause du d’estour que
leurs Courriers sont obligez de prẽdre, pour euiter d’estre
pris ; on me mande que M. le Prince y a perdu quelques
vns des siens, il faut preuenir les esprits par vne Relation
a nostre aduantage, où nous nommerons ceux qui ont esté
tués de M. le Prince, & nous attribuant cette Victoire,
cella empeschera qu’on ne croira point si bien ce qu’ils en
diront apres nous ; Les autres respondent, Voila qui est
bien, trauaillons donc promptement, ayons vitte de l’ancre
& du papier, il faut mettre quinze cens fantassins, dix-huict
cens cheuaux deffaits & pour le moins cinq cens
prisonniers ; vn autre dit, c’est trop si l’on en met tant
on n’en croira rien. Saintot replique, il en faut mettre
beaucoup, afin que le Parlement ne fasse rien demain,
nous irons bon matin au Palais faire coure ce bruit auparauant
qu’ils soient assemblez, ils ne croient iamais
guiere plus de la moitié de ce que l’on met dãs les Gazettes,
& ainsi il en faut mettre beaucoup. Afin que cella fasse
plus d’effect, si nous mettons 2500. hõmes deffaits ils croiront
du moins qu’il y en a 1200. ou 1000. & cella les
estonnera.

 

-- 31 --

Quelqu’vn d’entreux à qui la passion à encores laissé
quelque teinture de iugement, replique, que d’en
tant mettre les rend à la fin ridicules & odieux à ne pouuoir
iamais estre creus de rien qu’ils puissẽt asseurer. Mais
Saintot qui ne se gouuerne que par l’aueuglemẽt qu’il
à pour le seruice du C. donne les batailles dans cette
chambre, remporte des victoires, prend des prisonniers,
tuë & massacre autant d’hommes que la conioncture
des affaires de son maistre luy faict iuger estre à
propos, en faict vne emple relation, exagere toutes
choses auec tant de circonstance qu’il s’imagine qu’on
ne sçauroit doubter de ces suppositions, & attribuant
la gloire de ce carnage inuenté à quelqu’vn de l’armée
du Comte d’Harcourt, se priue de l’honneur qui luy
en est entierement deu, puis que de cette chambre, il
gaigne luy seul des batailles dans l’armée de Monsieur
le Prince, & remporte des victoires.

Le Gazetier se sert de la mesme inuention, & s’est
si bien accoustumé a mentir dans ses gazettes pour le
seruice du C. que ne racontant iamais fidellement vne
nouuelle de quelque endroit du Royaume, si le C. y est
interressé, sinon que ce soit des sottise ridicules pour
remplir ses trois cayers, à aussi practiqué despuis quelque
temps la méme meschanceté pour les paїs estrangers.
Tellement que s’aschant qu’on ne peut point sur
le champ le contre-dire, il ne se soucie plus d’entretenir
correspondance comme auparauant, & nous
volle pour espargner le peu que cela luy couste, en
nous entretenant de bagatelles si impertinantes, qu’il
se condamne par la contrarieté de ses escrits, par

-- 32 --

l’impossibilité de ce qu’il dit, & par la repugnance manifeste
de son discours à la verité des choses.

 

Le Mareschal de l’Hospital ne se declare point fi semble
si ouuertement, son feu est neantmoins plus grand,
quoy que plus couuert, & se seruant d’vn estratagesme
horrible & d’etestable, il est bien plus d’angereux Par
vne lasche hypocrisie il contrefait le bigot, & sous des
trompeuses apparences d’homme de bien, s’en va par
les Parroisses soliciter d’en estre Marguiller, & par cette
feinte deuotion tasche de gaigner les enciens ; caresse
les chef des corps de Ville, & inuite souuent chez luy
des principaux Bourgeois du quartier, affin de les attirer
à soy, c’est à dire à Mazarin, nagissant que pour luy, & en
les d’estaschant par ces ruses des interets de leurs concitoyens,
les engage insensiblement a tout ce qu’il veut
faire pour le Card. M. ne faisant point de difficulté de
trahir la Ville dont il est Gouuerneur, sa Patrie, & tout
ce qu’il y a de gens de bien, pour tascher de restablir la
tyrannie estranger, apres quoy ie vous laisse a penser ce qu’il
merite.

Il ne faut point s’estonner si les disciples d’vn tel
maistre trouuent des inuentions pour nous tromper, puis
que s’estant estudiez auec soing à ce beau mestier sous
le Cardinal Mazarin, ils peuuent se venter d’auoir eu
vn precepteur qui l’entend mieux qu’homme du monde,
& auec l’inclination naturelle que ceux qui sont
dans son party ont à mal faire, imaginez-vous s’il ne
sçauent point si bien seruir des bons documents d’vn
si celebre Docteur en parfaitte fourberie ; mais ce qui
doit bien d’aduantage nous surprendre, est la laschetté

-- 33 --

de ces personnes, qui oubliants ce qu’il sont, n’ont point
de honte de paroistre dans paris pour le seruice de ce ridicule
Ministre, tantost en Courriers du cabinet de son
Eminence, tantost en declamateur, tantost en gazettiers,
tantost en aduocats, tantost en escriuins, & tousiours en
infames partisants du dernier de tous les hommes ; sans
considerer que puis que Dieu leur à fait la grace à quelques
vns de les faire naistre dans vn estat qui marque quelque
chose dans le Royaume, s’ils auoient le moindre sentiment
d’honneur & se cognoissants, ils deuroient ne se
point prostituer auec tant d’infamie à tout ce que ce faquin
peut souhaitter deux de plus vil & de plus enorme.

 

La chose du monde la moins suportable, & la pratique
la plus dangereuse de tous ceux de la faction Mazarinne,
est le mauuais vsage qu’il font de la parolle du Roy, qui
se seruant de la foy Sacrée de sa Maiesté à tout ce qui leur
peut estre vtille, ne font point difficulté de langager à
promettre, & ne point tenir, à dissimuler dans les choses
les plus serieuses ; à fourber dans les plus importantes, &
à mentir ouuertement s’il est besoing pour son seruice.
Ie demande pardon à sa Maiesté si ie suis contraint de me seruir
de ces termes pour monstrer en combien de maniere le fauory de sa
Mere le trompe. Chose horrible ? cet impertinant fait escrire
vne lettre au Preuost des Marchants & Escheuins de
Paris au nom du Roy, par laquelle il leur promet qu’il
veut que les rentes soient entierement payées dans le
temps mesme qu’il se saisit de l’argent destiné à ce payement
par tout ou il passe. Et pousant encores aueuglement
son extrauagance plus auant, il en fait escrire vne
autre au Parlement, par laquelle sa Maiesté assure qu’elle
se met en chemin pour venir à Paris au plustost, & par

-- 34 --

le mesme courrier il enuoye ordre au grand Conseil d’aller
à Tours ; considerez s’il n’a pas bien du dessein de tenir
ce qu’il promet. Et si nous pouuons auoir de la confiance
tant qu’il subsistera à tout ce qu’il y a mesme de plus
inuiolable & de plus sacré.

 

Enfin Mrs pour conclure il ny a qu’vn mot à dire ; M. le
Duc d’Orleans & M. le Prince sont criminels, ou le Card.
Maz. I’est ; puis que le dernier veut ce que les autres sont
resolus de ne point souffrir ; leurs sentimens estans absolument
contradictoires il faut necessairement que les vns
ou les autres ayent mauuais dessein ; si le Card. est innocent
toutes les apparences du mal, voire mesme toutes les
actions qu’il a faittes sont si misterieuses qu’il faut comprendre
à son sens que le mal est bien, & que le bien est
mal, & que n’ayant point encores sçeu connoistre cette
rousse, les Parlemens & tout ce qu’il y a de gens de bien,
mesme beaucoup de meschans sont coupables de l’auoir
condamné sans luy faire expliquer le bien & le mal à la
mode de son païs. C’est pourquoy, raillerie à part, il est
temps qu’vn chacun dessille ses yeux pour considerer que
si la guerre continuë la France est perduë, que la diuision
entretient la guerre, & qu’il n’y a qu’vn party à tenir pour
mettre fin à nos desordres.

Si le C. doit subsister il faut promptement saccomoder
auec luy, se rendre tous Mazarins, & inuiter cet estranger
à venir au plustost dans Paris reprendre sa place & son
authorité sans l’esgrir d’auantage. S’il faut le chasser il ne
faut aussi point y tant songer, il faut estre tout vn, ou tout
autre, & saccager tout ce qui se trouuera de gens desuoüez
au seruice de ce proscript. Car de souffrir que cette guerre
dure d’auantage pour n’oser assommer vne poignée de

-- 35 --

factieux qu’il entretient dans Paris qui donnent le bransle
à tout ; c’est nous lier nous mesmes les mains pour luy
donner le moyen de nous faire perir à petit feu afin de
faire durer plus long-temp nostre mal pour se mieux
venger & auec plus de cruauté. Il n’est donc plus question
de demeurer dans vne froide indifference, il faut se declarer
nettement, & si nous sommes encores assez lasches
de plier le col au ioug de la mesme tyrannie, il ny a qu’à
cesser nos plaintes, oublier nos maux passez, nous resoudre
à souffrir patiemment ceux qu’il nous prepare, poser
les armes, & nous rendre ventre à terre à la discretion de
cet impitoyable scelerat. Mais s’il est question de nous
maintenir dans cette franchise iusques à present inseparable
de nostre nation & de secoüer le ioug insupportable
d’vne domination estrangere & tyrannique, nous ne deuons
point donner à nostre ennemy le temps de nous surmonter
aisement en nous laissant insensiblement affoiblir,
mais cependant qui nous reste encores assez de vigueur
nous deuons destruire courageusement celuy, qui
n’espargnera rien pour nous perdre si nous ne le preuenons.
C’est pourquoy cependant que nos forces sont encores
dans leur entier allons au deuant du dessein qu’on a
de nous diuiser, tuons, pillons, massacrons, & tresnons
par les ruës tout ce qui se trouuera de traistres tenans le
party infame de Mazarin. Leur faisant esprouuer les mesmes
maux qu’ils nous destinent quand ils en auront l’aduantage,
leur en ostant le moyen, nons leurs ferons connoistre
que bien souuent celuy-là perit de la mesme foudre
dont il menace faire perir les autres. Vn tel exemple
estonnera si bien tous ceux qui en entendront parler dans
les siecles à venir, que iamais nul estranger n’osera se seruir

-- 36 --

de l’authorité du Roy pour destruire ses sujets. Immortalisons
nostre memoire, & nous rendans recommandables
à la posterité par l’execution d’vne si belle entreprise, faisons
quelque belle action dans vne conjoncture si importante
pour le bien de l’Estat, dont l’exemple puisse seruir
à nos ancestres, comme nos predecesseurs en ont fait dont
nous nous seruons tous les iours dans toute sorte de rencontre.
Courage donc braues Bourgeois de Paris, esueillons
vn peu nos esprits, retirons-nous de cet assoupissement
qui ne nous laisse point compatir aux miseres de
tant de miserables que la guerre ruine, & despeschons-nous
de mettre fin à nos maux qui dureront autant de
temps que nous demeurerons dans cette froideur, nous
ne hazardons rien, nous n’auons rien à craindre, la victoire
nous est infaillible. Paris à cet aduantage par dessus
toutes les villes du monde, que celle-cy fait en parlant ce
que toutes les autres ont de la peine d’executer en combattant.
Paris n’a qu’à parler hautement pour faire tomber la
balance du costé que bon luy semblera. En se declarant
cette ville surmonte, & puis qu’il ne tient qu’à dire d’vn
commun consentement, vnion, vnion, point de Mazarin,
point de Mazarin, ne sera-t’elle point bien criminelle de
voir souffrir toute la France, & perdre toutes les Prouinces,
pour auoir la bouche close, & pour ne point faire
connoistre à S. A. R. & au Parlement qu’elle ne veut point
de Mazarin, & qu’elle desire l’vnion contre ce perturbateur du
repos public.

 

Messieurs, dans cette occasion nous ne sçaurions errer,
quoy qu’il en arriue la iustice est pour nous. Les Princes
du Sang, tout ce qu’il y a de gens de bian, les Parlements
par leurs arrests & le Roy mesme par ses declarations nous

-- 37 --

inuitent à coure sus à tous ceux qui fauoriseront le C. Mazarin
en quelque maniere que ce soit directement ou indirectement,
mesme ils nous commandent à peine de
nous rendre criminels de nous opposer entierement au restablissement
de ce Ministre condamné. Les Princes n’ont
point retracté leur parolle, les gens de bien n’ont point
changé de sentiment, les Parlement n’ont point cassé leurs
arrests, & le Roy n’a point reuoqué ses declarations, &
ainsi nous sommes authorisez en tout ce que nous entreprendons
contre ce tyran ou ses partisans, par ce que l’on
ne peut point dire qu’vne lettre qui a esté composée & escritte
du seul consentement du Card nous oblige à quel
que chose au preiudice d’vne declaration donnée si solemnellement
aux vœux & souhaits de toute la France le iour
de le majorité auec toutes les circonstances qui la pouuoit
rendre inuiolable & d’vne perpetuelle subsistance. Quoy
donc permettrons-nous que le Roy nous reproche vn
iour qu’il sera desabusé des desseins du Cardinal que nous
ayons esté si infidelles & que nous ayons si mal vsé de ses
declarations pour son seruice contre le Cardin. que nous
connoissions estre le dissipateur de ses finances & la peste
generalle de tout son Estat. Quoy donc souffrirons-nous
que si nous sommes contraints de porter encores vn iour
nos plaintes au Parlement contre ce tyran, qu’il nous soit
reproché par ceux qui composent cet illustre Corps, que
nous n’auons point sçeu nous seruir de l’aduantage que
nous donnent leurs arrests pour nostre bien, il est de l’exercice
de leurs charges d’ordonner & de nostre deuoir
d’executer ce qui nous commandent, ils en sont quittes
par leurs arrests, c’est à nous à faire le reste, affin qu’il ne
nous soit point vn iour reproché le peu d’asseurance que

-- 38 --

nous auons eu à chercher nostre felicité. Quoy donc supporterons
nous que tous les gens de bien nous rendent
coupables des miseres de l’Estat pour n’auoir osé declarer
la bonne volonté que nous auons de le garentir des attaques
que la mauuaise conduite du Card. luy donne. Et
quoy enfin souffrirons nous que tous les Princes du Sang
ayent sujet de nous abandonner à la discretion des tyrans
fauoris pour n’auoir point seulement daigné faire connoistre
par vn general point de Mazarin, viue le Roy sans
estranger male ny femelle. La reconnoissance dans laquelle
nous sommes de les voir si puissamment agir pour le repos
publicq, & ne leur tesmoignerons nous donc point à
tous ensemble dans la premiere assemblée du Parlement
nostre sentiment sur vn suiet si important, puis que de
nostre seule declaration despend entierement le salut de
l’Estat ? allons donc Mrs prononcer dans la grand Salle
du Palais le dernier arrest contre nostre ennemy mortel,
& en suitte nous seruans du pouuoir que nous auons ne
mal-vsons point de nos forces, employons le peu qu’il
nous en reste pour empescher que les Mazarins n’augmentent
point les leurs par le peu d’estime que nous faisons
des nostres. Enfin n’espargnons point ny Mazarin
ny ses partisans, s’ils nous tenoit auec le mesme aduantage
que nous auons sur eux ils en vseroit auec moins de douceur ;
ils n’ont point de forces que celles que nous leur
laissons prendre, en ne nous seruant pas des nostres pour
les exterminer promptement. La iustice diuine ne nous
condamne, que pour auoir mal-vsé du pouuoir que sa
bonté nous auoit donné de nous sauuer si nous eussions
voulu : les Princes, les Parlemens, & le Roy mesme seront
vn iour nous voyans accablez sous le poids de la tyrannie

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estrangere, en droit de nous faire le mesme reproche, en nous laissans
consommer dans la misere qu’ils nous auoient donné moyen d’esuiter ;
suiuons l’exemple des Princes, lisons les arrests des Parlemens, imitons
S. A. R. executons les declarations du Roy, & mettons promptement
la main à l’œuure ; les peuples peuuent executer dans cette
rencontre sans peril ce que le Parlement ny les Princes en leur particulier
ne peuuent faire sans iuste sujet de crainte, parce que quand le
peuple saccagera la maison du Mareschal d’Hoquincourt, quand il
tresnera par les ruës vn Abbé d’Eusonat, & quand il exercera toute
sorte de cruauté sur les Mazarinistes, il n’a point tant à craindre que si
M. le Duc d’Orleans, ou le Parlement en auoit fait pendre vn seul ;
parce que la repressaille seroit dangereuse. Mais quand on sçait que
c’est vne sedition populaire on adiouste d’abord, il ny a point de remede
il faut prendre patience & tascher de ne point s’attirer leur haine, car
apres tant de tyrannie ils ont raison de chercher leur soulagement par la
perte de ceux qui font subsister le tyran.

 

Hauriat hinc populus de tali sanguine vitam.

IE ne doute point que ceux qui se sentent suspects ne considerent
auec desplaisir l’approche de cette pierre de tousche ; & ne doute
point qu’ils ne condamnent en leur particulier son pouuoir, maiaussi
ie suis bien certain que si l’aduis qu’elle descouure au peuple leur est
fatal, qui est bien plus salutaire pour le general, qui ne peut leur estre
prejudiciable ; par ce que n’y ayant plus de Mazarins, il n’y aura plus
de tyrans ; & tant que nous souffrirons cette faction de monopole nous
sommes asseurez que nos miseres continuëront, que nos diuisions seront
tousiours grandes, & que la guerre s’eternisera en les laissant subsister,
car s’ils ne la fomentent ils seruiront de pretexte à l’entretenir.
C’est pourquoy sur cette verité connüe de tout le monde nous pouuons
establir vn solide fondement pour nostre conseruation, que
estans ennemis capitaux des Mazarins, il est absolument necessaire de
nous en deffaire, pour ne point demeurer dans vne eternelle meffiance
& eux de leur costé en faisant de mesme, nous serions en danger d’estre
preuenus, estant donc de la prudence d’vn homme sage de craindre
tousiours son ennemy quoy que foible, inimicum quamuis humilem
docti est metuere, nous deuons par vn bon coup nous mettre en
suitte par ce que fiducia nimia nocet.

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C’est pourquoy pour finir & fermer la bouche à ceux qui se sentiront
outrez par cette pierre de tousche, ie dis qu’elle ne parle que contre
le Cardinal & ses adherans, qu’ils quittẽt ce malheureux commerce
l’on se taira, ne croyant point manquer en voulant aprendre à la
posterité vne chose si vniuersellement connue de tout le monde ; le
reste n’estant qu’vne fidelle amplification des arrests & declarations
données contre le Mazarin & ceux qui le seruent ie ne dois rien craindre,
par ce que, comme i’ay desia dit, si ie suis coupable d’auoir parlé
contre le C. & ses adherants conformement ausdit arrests & declarations,
les Parlements le seront bien d’auantage de les auoir condamnez,
& de nous enioindre de leur coure-sus auec recompense
pour ceux qui le destruiront, & punition pour les contreuenants ;
puisque si l’esperance du premier ; & la crainte du dernier nous fait
executer leurs arrests, ces Mrs en demeurent responsables, mais ne
croyant point que de si celebres compagnies composées de tant d’illustres
testes ayent donné vn arrest si authentique auec iniustice,
i’inuite derechef tous les bons François de se tenir prets à coure sus
aux Mazarins au premier aduis qu’ils en auront, pour deliurer la France
d’vne si mauditte race, afin qu’il ne nous soit point reprosché d’auoir
honteusement vescu sous le ioug insuportable d’vne captiuité
estrangere, pour n’auoir point eu le courage de nous deffaire de ceux
qui nous y veulent sousmettre. Qu’vn chacun noublie donc point
qu’il est François, & que ne craignant rien il enuisage le peril auec
assurance, dans ce genereux sentiment animons nous contre ceux qui
veulent nous destruire en nous flatant ; le Lyon se bat de sa queüe pour
s’animer au combat ; representons nous les maux passez, les presents,
& ceux qui nous menassent encores, pour nous exciter à nostre conseruation
par la perte de nos ennemys, & ressouuenons nous que nous
sommes tous du nombre de ceux qui disent dans les plus grands hazards,
honesta mors turpivita potior ; mactanimo, inuictis simi ciues,
in dexteris iam libertatem, opem, falicitatem, salutem, & spem futuri
temporis gerimus.

par
C. Q. A. P. L. C. M. D. L. V. D. P. A. M. D. N. 1650.

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C. Q. A. P. L. C. M. D. L. V. D. P. A. M. D. N. 1650 [signé] = Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], LA PIERRE DE TOVCHE AVX MAZARINS. , français, latinRéférence RIM : M0_2765. Cote locale : C_12_41.