Dubosc-Montandré, Claude [?] [1651 [?]], LE MANIFESTE DE L’AVTHEVR, QVI A COMPOSÉ LE MANIFESTE DE MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CODÉ, Pour seruir d’instruction à ceux qui l’ont leu, touchant les affaires d’Estat, qu’il a traitté. , françaisRéférence RIM : M0_2355. Cote locale : B_6_12.
SubSect précédent(e)

LE MANIFESTE
DV MANIFESTE
DE MONSEIGNEVR
LE PRINCE
DE CONDÉ.

SI la complaisance que ie dois à toutes les inclinations
de mes amis, ne m’eût arresté,
ie n’eusse sans doute pas tant tardé de me ietter
entre les bras de la Iustice, pour aller apprendre
dans ce Consistoire des Dieux mortels, les veritables
ou pretenduës raisons qu’on a de s’allarmer
du Manifeste que i’ay donné au public,
sous le nom illustre de Monseigneur le Prince.
Mais l’estroitte obligation que l’honneur impose
à l’homme sage, de n’escouter iamais ses propres
sentimens, lors que ceux de ses amis sont
contradictoires, m’a fait fermer les yeux à mes
propres idées, pour ne m’attacher qu’à celles de
ceux qui sont plus clairuoyans que moy, dans

-- 4 --

mes interests, & me soûmettre à l’aduis qu’ils me
donnent d’vne retraitte, où ie sois à l’abry des
poursuittes de mes ennemis, en attendant que le
temps rende leur iniuste hayne impuissance, à
me pouuoir nuire ; ou qu’vne plus parfaite connoissance
de mes intentions les oblige du moins
de surseoir les souplesses d’vne inimitié, que la
veuë de mon innocence leur fera condamner
d’iniustice.

 

Ce Conseil neantmoins, quelque prudent,
qu’vne seconde reflection me le fasse iuger, n’a
point eu le mesme pouuoir sur ma plume, que
ie luy ay donné sur ma personne : & ie me suis reserué
cette independance dans mon sentiment,
que du moins ie ne pouuois nullement me dispenser
de donner à la France le Manifeste de
mes intentions, dans le Manifeste de Monseigneur
le Prince, pour la conuaincre entierement,
apres vne lecture desinteressée de ce petit ouurage,
que ie n’ay ny choqué, ny pretendu choquer
aucun de ses fidelles sujets, & qu’elle peut raisonnablement
soubsçonner que ceux qui s’en sont
alarmez, sont plutost les Partizans de la tyrannie
Estrangere, que i’y voulois décrier, que les
veritables zelateurs du repos public, qu’ils pretextent
artificieusement, pour déguiser les secrets
monopoles de leurs infidelitez mesmes.

-- 5 --

Le principal dessein qui m’a fait resoudre d’écrire
le Manifeste de Monseigneur le Prince, paroît
si visible dans toute la tissure de l’ouurage,
qu’il faut s’aueugler malicieusement, pour ne
voir pas que ie pretends r’asseurer les esprits des
peuples, dans la veritable idée qu’ils doiuent inuiolablement
conceuoir des iustes intentions de
Monseigneur le Prince ; les instruisant à mesme
temps de la sincerité des motifs, qui luy firent il
y a quelques iours, precipiter sa sortie, par la genereuse
apprehension qu’il eust, qu’en la differant
plus long-temps, la necessité de sa deffence,
seroit, peut-estre, pour l’obliger de troubler le
repos & la tranquilité publique, malgré l’inclination
heroïque qu’il a tousiours témoigné pour la
cimenter de son propre Sang, & l’arracher auec
vn nombre infiny de victoires, d’entre les mains
des ennemis de l’Estat.

Ie sçay que le succez fatal du siege de la capitale,
ou sa deference aueugle pour tous les ordres
souuerains, luy fit faire vn faux pas dans l’imagination
des foibles, le fit beaucoup décheoir
de l’idée que les pleuples auoient auparauant
conceu en suitte de ses triomphes, que sa generosité
seroit infailliblement l’escueille de toutes les
menées des ennemis estrangers & domestiques.
Sur cette creance ie m’imaginé que cette sortie
inopinée de Monseigneur le Prince, seroit pour

-- 6 --

rafraischir la memoire des souffrances du siege,
dans l’esprit du peuple ; & pour le faire entrer en
soubçon de quelque nouuelle entreprise qu’il seroit
pour brasser vne seconde fois, s’il n’estoit
promptement instruit du contraire par la declaration
des motifs, qui auoient contraint ce Heros
de precipiter son depart. En effet, dés que le
premier bruit commença de promulger les nouuelles
de sa sortie, comme ie passois sur le Pont
neuf, i’entendois dans les entretiens de quelques
bourgeois, que la peur auoit desia auorté de quelques
sinistres sentimens dans la foiblesse de leurs
espris, & qu’ils commançoient à murmurer,
auec autant de passion, que si veritablement ils
eussent creu, que son Altesse n’estoit sortie de Paris,
qu’à dessein de rallumer encor vn coup les funestes
embrasemẽs des dernieres guerres ciuilles.

 

Ce sentiment outrageux à la gloire d’vn Prince,
qui s’est constammẽt priué de son repos, pour
le donner à toute la France, m’inspira d’abord le
dessein de le desabuser dans vn manifeste, que
mesme l’impatience de le produire, ne me laissa
point trauailler auec aucune politesse ; & que ie
fus contraint de precipiter, de peur que l’attente
ne nuisist à la iuste passion que i’auois d’étoufer
cét iniuste sentiment dans les foibles idées de l’esprit
du peuple ; & de luy faire croire que cette
sortie de Monseigneur le Prince estoit vn effet

-- 7 --

veritable du zele qu’il auoit de maintenir le repos
de l’Estat.

 

Il est vray que la premiere lettre qu’il pleut à
son Altesse d’addresser à Messieurs du Parlement,
pour les instruire de la sincerité de ses intentions,
n’estoit que trop conuainquante pour ne laisser
seulement soubçonner aux raisonnables, ce
que les simples s’estoient temerairement imaginez
dés les premiers nouuelles de sa sortie ; Mais
ie iugeay qu’il falloit encherir, non pas par dessus
la noblesse, ce qui estoit impossible, mais par
dessus le nombre de ses expressions ; & qu’il falloit
vn peu plus longuement estaller les causes de
sa sortie, pour en rendre les connoissances palpables,
à ceux qui ne conçoiuent point les abregés.

Qu’est-ce donc qu’on me reproche dans ce
Manifeste de Monseigneur le Prince ? de quoy
m’accuse-t’on ? ay-je choqué le Roy ? ay-je choqué
la Reyne ? ay-je choqué son A. R. ay-je choqué
le Parlement ? ou bien ay-je choqué Monsieur
le Prince ? Car enfin on ne peut pour me
rendre coupable qu’on ne m’accuse d’auoir
manqué de respect à l’endroit de quelqu’vn de
ses intelligences, que ie reuere neantmoins auec
toutes les soubmissions qui me sont possibles.

Ie dis sur la fin de la sixiesme page, & dans le
commancement de la septiesme, que les ennemis
de Monsieur le Prince se hastoient de se saisir de

-- 8 --

sa personne, auant que le Roy ne fust en estat de signaler
le premier coup de sa Iustice, par la condamnation
de leurs procedez, & par la iustification entiere de
son innocence. Ce sentiment peut-il estre outrageux
à sa Majesté, puis qu’il ne touche que les
preiugez qu’on doit auoir de sa iustice, ensuite
des grandes & iustes inclinations qu’il tesmoigne,
pour reconnoistre vn iour les seruices de
Monsieur le Prince.

 

Sur la fin de la page huictiesme, ie dis que si son
A. R. que Mr. le Prince a tousiours respecté comme
le niueau de sa conduitte, ne se fut constamment
inscript contre la seditieuse proposition
qu’on auoit fait plusieurs fois de rappeler le Cardinal
Mazarin, Monsieur le Prince eut eu bien
de la peine à resister aux importunitez de ceux
qui vouloient se seruir de son entremise pour rapeler
ce Proscrit : Ie pense que ces paroles, bien
loing d’interesser l’honneur des A. R. la mettent
à couuert de tous les soubçons, que les simples
peuuent conceuoir qu’il appuye le retour du Cardinal
Mazarin : & par consequent entretiennent
cette idée aduantageuse à sa reputation, qu’en
effet on doit considerer cét oncle vnique du Roy,
comme le veritable appuy du repos des peuples,
& le restaurateur de leur ancienne liberté.

Ie dis dans les pages 7. & 14. que les creatures
de Mazarin ont forcé les iustes & debonnaires

-- 9 --

inclinations de nostre incomparable Regente,
pour la faire consentir malgré sa volonté à vn second
emprisonnement de Monsieur le Prince :
que les mesmes Partyzans seduisant méchament
la bonté naturelle de la plus parfaitte Princesse
du monde, ont porté son esprit à des Conseils
ausquels elle n’eust sans doute iamais consenty, à
moins qu’elle n’eust esté obsedée par les fourbes
de ses imposteurs : Ceux qui parlent auec respect,
comment parlent-ils ? & n’est-il pas vray, ou
qu’il a fallu taire le nom de la Reyne, & la laisser,
par consequent tacitement coupable, ou qu’il a
fallu parler de la sorte, pour faire voir, que
n’ayant iamais consenty à cette seconde entreprise
que par les pernicieux Conseils de ceux qui
l’obsedent malicieusement : on ne peut la blâmer
à tout rompre, que d’estre mal-heureuse dans le
choix des personnes qui doiuent contribuer par
leurs Conseils à la bonté du gouuernement de sa
Regence.

 

Le Roy n’est point choqué dans ce Manifeste,
la Reyne n’y est point traitée qu’auec toute sorte
de respect, son A. R. y paroist en Protecteur des
peuples, & veritable Pere de la patrie. D’où vient
donc qu’on est tous les iours à mes oreilles pour
m’auertir de veiller à ma seureté, que la France
me poursuit, que la Cour me deteste, & que le
Parlement est en dessein de decreter prise de

-- 10 --

corps contre moy, puis qu’on ne me sçauroit reprocher
que d’auoir composé vn Manifeste, qui
tend visiblement à la reünion des grands, à la pacification
des troubles, au retour de la Paix, & à
bonne intelligence de tous les sujets de la France.

 

Ceux qui me blasment d’auoir exposé cét ouurage
en public parmy plusieurs beaux pretextes
dont ils s’efforcent de déguiser, ou d’appuyer
leur condamnation, alleguent principallement,
que ce Manifeste tend à faire tomber toute la
hayne du peuple sur les personnes sa crées de leurs
Majestez, en ce qu’il semble leur vouloir imputer
le dessein de vouloir rappeler vn iour dans l’Estat
celuy qui ny pourroit r’entrer qu’auec le souleuement
general de toute la Monarchie : qu’il
semble que ie veux imputer la resolution de certaines
affaires, comme l’eschange du Bourbonnois,
auec la principauté de Sedan ; celuy du
gouuernement de Bourgogne, auec le gouuernement
de Guyenne, & la decision de tout
ce qui est de plus important dans l’Estat, à la disposition
presque souueraine du Cardinal Mazarin :
Que i’ay tort de vouloir faire passer Mr. le
Coadjuteur pour le promoteur secret du restablissement
de Mazarin, quelque asseurance neanmoins
qu’on ait par l’experience du zele que cét
illustre Prelat a tesmoigné contre cét ennemy
public, que ses intentions sont absolument contraires

-- 11 --

à ce pernicieux dessein : & qu’enfin ce Manifeste,
ne butte qu’à faire entrer presque tous les
sujets de la France dans le party de Mr. le prince,
par la creance que ie leur veux faire auoir qu’il
n’est que luy dans l’Estat, qui puisse, & qui veuïlle
faire auorter le dessein resolu pour le rapel du
Cardinal Mazarin.

 

Ces quatre pretextes que les Mazarins ne manquent
pas de deguiser artificieusement, pour leur
donner vn peu plus de vray semblance, sont les
quatre principales batteries, que les ennemis de
l’Estat font iouër, afin de disposer toutes choses
à ma perte ; mais il est si facile de les renuerser que
ie m’estonne que des gens d’esprit s’en soient seruis,
pour se deffaire de leur Autheur. Car enfin si
ie voulois en premier lieu imputer à leurs Majestez
le dessein de vouloir rappeler le Cardinal
Mazarin ? Pour quelle fin voudrois-ie faire voir
que les Partizans de ce proscrit, qui ne sont esleuez
sur les plus hauts faits du gouuernement, que
pour auoir aueuglement espousé toutes les passions
de leur maistre, obsedent continuellement
leurs aureilles, pour leur inspirer des Conseils
qu’ils ne leur font gouster que par souplesse :
Pourquoy dirois-ie si souuent, & presque à toutes
les lignes, que les creatures de ce perturbateur
de nostre repos, sont les plus ordinaires lutins de
leurs Majestez, & les malicieux seducteurs de

-- 12 --

toutes leurs plus belles inclinations ? Ne dirois-ie
pas plutost que leurs Maiestez gagneroient celuy-cy
par recompence, celuy-là par flaterie, les
autres par menaces, si toutefois ie iugeois qu’ils
fussent en intention de vouloir disposer les affaires,
au retour de celuy qu’ils ont si glorieusement
banni. Cette reflection fait voir euidemment,
que non seulement ie ne veux pas faire conceuoir
aucun ombrage des bonnes inclinations de
leurs Majestez ; mais que mesme je fais voir plus
clairement que le iour, que leurs intentions sont
entierement contraires à celles-là, & qu’ils n’ont
iamais panché vers ce dessein, que par les suggestions
importunes de leur Conseille.

 

Le second pretexte a plus d’apparence, si toutefois
il n’est point entierement veritable : & certainement
ie ne sçaurois m’imaginer que la demande
de la principauté de Sedan en échange du
Bourbonnois, n’ait esté l’effet des intrigues du
Mazarin, qui s’est imaginé que c’est par là qu’il
pourroit retrouuer vne porte pour r’entrer dans
le gouuernement, lors que la Reyne Regente se
trouuant maistresse de son apange, autant que
de la majorité de son Fils, sera, peut-estre, en estat
de faciliter son retour : Mais me peut-on blâmer
en cela, que d’auoir dit ce que tout le monde voit,
& que Mr. le Prince mesme a remarqué dans sa
premiere lettre, addressante au Parlement.

-- 13 --

On a vn peu trop rigoureusement interpreté mes
paroles touchant Monseigneur le Coadiuteur, que
i’ay tousiours regardé comme le principal apuy de
la Fronde & le plus mortel ennemy du Mazarin :
si quelque desinteressé vouloit prendre la peine de
lire auec vn peu de reflection la fin de la dixiesme
page, toute l’vnziesme, & le commencement de la
douze, ie ne doute pas qu’il ne fut contraint de confesser
auec moy, ou qu’il falloit taire entierement
le nom de Monseigneur le Coadiuteur, ou du
moins qu’on ne pouuoit pas en parler auec plus de
respect, supposé qu’on fust contraint par la necessité
d’vn entier Manifeste, de n’espargner point le nom
de personne : Ceux qui s’interessent auec tant de
zelle pour cet Illustre Prelat, que ie respecte plus
sincerement que tous eux, n’eussent donc point
manqué de s’emporter plus outrageusement contre
moy, si pour augmenter le soubçon que Monseigneur
le Prince pouuoit raisonnablement fonder
sur les negoces des sieurs Coadiuteur & de Lionne,
ie me fusse voulu seruir du schisme, que quelque
nouuelle raison à fait naistre dans l’estroite amitié
qui estoit auparauant entre Messeigneurs le
Duc de Beaufort & le Coadiuteur, dont le premier
n’auroit sans doute iamais rompu auec le second, si
quelque deffiance qu’il pouuoit peut-estre remarquer
en sa conduite, ne l’eust obligé de faire

-- 14 --

bande à part, pour se tenir constãment dans le glorieux
dessein de viure & mourir l’ennemy le plus
irreconciliable du plus mortel ennemy de l’Estat.

 

Mais neantmoins sur la creance que i’ay eu
que ce refroidissement pouuoit prouenir de quelque
autre source, & que ce grand Prelat n’estoit
point si foiblement attaché a ses resolutions pour
en demordre auec tant de facilité ; ie n’ay pas voulu
m’engager à ce discours pour espargner l’honneur
d’vn Prelat, à qui i’ay l’honneur d’auoir consacré
les premieres productions de mon esprit, me contentant
seulement d’effleurer ce Commerce qu’il
a auec le plus zelé des creatures de Mazarin, pour
laisser rien desirer dans l’entier acheuement de
mon Manifeste : Il est donc aizé à conclure en suite
de ce raisonnement, que ce que i’ay dit de Monseigneur
le Coadiuteur ne doit estre regardé que
comme vne aparance de soupçon, ou comme
vn veritable phanthosme qu’il a luy mesme si parfaitement
fait disparaistre dans les dernieres assemblées
du Parlement par les propositions genereuses
qu’il a auancé contre le retour du Cardinal
Mazarin, & dont ie fuis asseuré que sa constance
ne le laissera iamais demordre, fallust-il en venir
à la derniere extremité.

Ceux qui n’attaquent le Manifeste de Monseigneur
le Prince qu’auec les foibles raisons que

-- 15 --

ie viens d’estaler, ne sont pas en dessein de me
faire grand mal mais ceux qui pretendent
que ce libelle, comme ils parlent est seditieux,
par lidée euidente qu’il donne que la Maison
Royalle est diuisée ; qu’on est en dessein d’attenter
derechef à la liberté de Monseigneur le Prince ;
& de rappeller le Mazarin dans la France ; me donnent
occasion de les considerer comme mes veritables
ennemys, & les plus grands boutefeux
des desordres dont ils voudroient me faire
passer comme la cause principale.

 

Il est vray que ie serois coupable, & criminel
de leze Maiesté ; si i’estois assés insolent
pour entreprendre de semer le schisme & la diuision
dans la Maison Royalle, ou pour effrayer
les esprits des peuples, de la creance seditieuse
que les Princes estant desunis d’auec leur Souuerain
ils ne pourroient plus viure que dans le desespoir
de toute sorte de paix, par la necessité que
les vns & les autres auroient de grossir leurs [1 mot ill.]
de tout ce qui seroit de plus mutin dans l’Estat
Mais tant s’en faut que ce Manifeste fasse voir
que la Maison Royalle est diuisee, qu’il [1 mot ill.]
euidemment que tous les Princes y sont d’vne
parfaite intelligence, & qu’il n’est que les seuls
Mazarins, c’est à dire les personnes gagées pour
fomenter le party de ce proscrit, qui cherchent
incessament toutes les occasions de rompre ce beau

-- 16 --

nœud, sur l’asseurance qu’ils ont que leur maistre
ne sçauroit retrouuer vne porte pour rentrer dans
l’Estat, à moins qu’il ne touue les moyẽs de desunir
les Princes, dont l’intelligence feroit infailliblement
le desepoir de son retour.

 

Ceux qui douteront de la verité de ces propositions
n’ont qu’à faire vn peu de reflection, sur
l’engagement d’amitié que ie mets assez souuent
entre son Altesse Royalle & Monseigneur le Prince,
pour confesser en ma faueur, que du moins, ie n’ay
point de dessein de donner aucune disposition à la
mes-intelligence des deux principaux de la Maison
Royalle : pour ce qui touche sa Maiesté Regente,
ie croy qu’on ne sçauroit m’acuser sans malice,
d’auoir seulement donné quelque pretexte leger
de fonder la creance d’aucune desunion entre elle
& Monseigneur le Prince, puis qu’il ne m’est rien
de plus ordinaire dans toute la tissure du Manifeste
de Monseigneur le Prince, que de faire voir
les violences continuelles que les trois principales
creatures de Mazarin, & dont Monseigneur le
Prince touche si adroitement le merite dans la sixiesme
page de sa seconde lettre ; font incessammẽt
aux inclinations de sa Majesté Regente, pour luy
donner quelque idée desauantageuse à la gloire de
Monseigneur le Prince, & faire regarder ce Dieu
Tutelaire de nostre repos comme le plus grand
boutefeu des desordres de cette Monarchie : Si c’est

-- 17 --

vouloir montrer que la Maison Royalle est diuisée
que de faire voir que les Sieurs que ie ne
nomme pas parce qu’ils sont assez connus, tâchent
de la diuiser tous les iours, pour disposer
les affaires au retour de leur maistre ; ie
confesse que ie suis coupable : Mais ie parois si
esloigné de ce dessein qu’il faut s’aueugler volontairement
pour ne voir pas que mon sentiment
est entierement contradictoire à celuy-là,
& que ie pretends absolumẽt monstrer
que l’vnion de la Maison Royalle seroit parfaite,
si les trois Mazarins, qui fourbent incessament
pour en rompre le neud, estoient
bannis de la Cour.

 

Ie ne nie pas que ie ne pretende faire voir
dans le Manifeste de Monseigneur le Prince,
qu’on a eu le dessein de s’asseurer pour vne seconde
fois de sa personne, mais loing de consentir
à l’interpretation de ceux qui soustiennent
que ce sentiment est seditieux, ie dis que
cét attentat deuoit faire retomber la Monarchie
dans sa derniere desolation ; & qu’il a
esté bon de le descouurir, pour rendre ces
personnes suspectes a tout l’Estat par la creãce
publique qu’on fait auoir qu’ils sont les plus
insignes boutefeux des embrasements de la
Monarchie ; & que c’est par leur entremise
que ce malheureux estranger dispose encore

-- 18 --

souuerainement de toutes les affaires de ce
Royaume : Ainsi loing d’acheminer les affaire
à vne sedition par l’exposition naifue de ce
sentiment, ie pense plustost que c’est obuier
à tous ces desordres, puisque n’estant pas possible
de faire arrester Monseigneur le Prince,
sans faire renaistre quelque nouuelle dissention
dans l’Estat ; il me semble que ceux qui
en font auorter l’entreprise en la descouurant,
ne peuuent qu’à tort estre censés parmy les
boutefeux de quelque nouuelle sedition.

 

On a tort de me reprocher qu’il semble
que ie veux mettre la France dans les aprehensions
du retour du Cardinal Mazarin, quelque
asseurance neanmoins qu’on puisse auoir
que leurs Maiestez sont entierement resolües
de ne le rappeller iamais, dans la connoissance
qu’ils ont, que sa presence ne peut estre
que tres-preiudiciable à la bonté du gouuernement,
& que les soupplesses de sa conduite
sont entierement incompatibles auec la sincerité
de la candeur Françoise : Ces paroles, il
est vray, sont tres aduantageuses à la iuste passion
que les peuples auroient que ce tyran Sicilien
ne remist iamais le pied dans les terres de
la Monarchie. Mais les effects paroissent si
contraires à cette fausse aparence, qu’il n’est
pas possible de iuger autre chose si ce n’est

-- 19 --

qu’on brasse secrettement le dessein de remettre
ce fardeau intollerable sur les espaules
des peuples ; & qu’on n’a resolu d’attenter sur
la personne innocente de Monseigneur le
Prince, que parce qu’on a veu qu’il estoit inébranlable,
dans la ferme resolution qu’il auoit
prise de n’y consentir iamais.

 

Pour conuaincre les desinteressés qu’on
impute faussement ce dessein aux creatures du
Cardinal Mazarin, il faudroit trouuer quelque
pretexte qui pust seulement tant soit peu déguiser
le voyage du Duc de Mercœur, dans la
creance generalle qu’on a, qu’il n’est party,
qu’à dessein d’aller rasseurer son Oncle dans
les esperances de son prochain restablissemẽt.
Il faudroit remettre le sieur de Tilhadet dans
le Gouuernement de Brisac, faire punir Charleuoy
qui l’en a fait sortir par trahison, rauir à
Vardes, vne succession dont on ne l’a iugé capable,
que parce qu’on a creu qu’il estoit vn
des plus interessez pour le restablissement du
Cardinal Mazarin : il faudroit remettre le
Bourbonnois dans l’honneur de son premier
destin & infirmer l’eschange qu’on a fait auec la
principauté de Sedan, il faudroit interrompre
ce grand commerce qu’on entretient presque
tous les iours par des courriers expres, auec cét
ennemy commun, Et c’est pour lors que la

-- 20 --

France auroit quelque raison d’esperer que
toutes les portes de son retour seroient entierement
fermées, & que le Mazarin seroit enfin
reduit au desespoir de toute sorte de resource,
pour le restablissement de sa premiere
fortune : Mais comme ie voids que les affaires
ne se disposent point à cet heureux temps ;
il ne faut pas s’estonner si le Manifeste de
Monsieur le Prince n’est composé que des
apparences du retour du Mazarin & du dessein
qu’on auoit de le faciliter par le second
emprisonnement de cet invincible Heros.

 

La derniere baterie qu’on a fait ioüer pour
me perdre, est apparemment plus dangereuse,
parce quelle est empruntée du pretexte
qu’on prend de faire voir, que ie choque
Monsieur le Prince en le faisant parler dans
vn Manifeste, que i’ay donné au public sous
son illustre nom. Si ces bons Valetz qui font
les passionnez pour le seruice de son Altesse
parce qu’il auroient le desir de me descrier dãs
son esprit, auoient quelque prise de ce costé-là
ie leur confesse qu’ils auroient trouué le
moyen de me faire trembler, & que i’apprehenderois
plus iustement, d’auoir auancé vne
equiuoque sur le subiet des actions de Monseigneur
le Prince, que d’auoir composé vn

-- 21 --

million d’inuectiues du stile d’Icon Tyranni,
comme ie fis autresfois, & contre Mazarin &
contre les Mazarins.

 

Mais ie trouue si peu de fondement dans les
pretensions qu’ils ont de me perdre de ce costé-là,
que ie n’ay point encore trouué de sujet
qui fust capable de me faire trembler ; Et si i’ay
fait parler Monseigneur le Prince c’est que i’ay
crû, que les illustre verités que ie deuois estaller
dans leur euidence deuant auoir beaucoup
plus de Maiesté dans sa bouche, seroient par
consequent pour faire plus d’impression dans
les esprits, & pour estre receües auec plus de
respect, de ceux mesmes, que l’iniustice du
temps a fait engager dans vn autre party. Au
reste ie m’estonne bien fort de la foiblesse de
ceux qui se sont voulu mesler de censurer
les parole que i’ay auancées à l’entrée du Manifeste
de Monseigneur le Prince ou ie dis qu’il
ne se pouuoit que son depart ne fut necessairement suiuy
de l’estonnement public dans la creance generalle
qu’on a qu’il donne le bransle à tous les mouuements de
l’Estat & qu’il balance si puissamment les affaires
qu’elles ne prennent iamais d’autre pante que celle que
son Altesse leur donne [1 mot ill.] de ses seules inclinations.

Ces foibles cerueaux raisonnent de la sorte
& disent que Monseigneur le Prince ne peut
donner le branle à tous les mouuements de

-- 22 --

SubSect précédent(e)


Dubosc-Montandré, Claude [?] [1651 [?]], LE MANIFESTE DE L’AVTHEVR, QVI A COMPOSÉ LE MANIFESTE DE MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CODÉ, Pour seruir d’instruction à ceux qui l’ont leu, touchant les affaires d’Estat, qu’il a traitté. , françaisRéférence RIM : M0_2355. Cote locale : B_6_12.