Louis (XIV), de Guénégaud [signé] [1652], LE CONSENTEMENT DONNÉ PAR LE ROY A L’ESLOIGNEMENT du Cardinal Mazarin. Le 12. Aoust 1652. , françaisRéférence RIM : M0_766. Cote locale : B_11_18.
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LE CONSENTEMENT DONNÉ PAR LE
Roy à l’éloignement du Cardinal Mazarin, le 12. Aoust 1652.

LE Roy ayant entendu, & consideré ce qui luy a esté representé
par les Deputez de sa Cour de Parlement, & les considerations
dont ils ont accompagné les tres-humbles supplications qu’ils ont
faites à sa Maiesté, d’éloigner Monsieur le Cardinal Mazarini, a
commandé de leur donner la réponse suiuante contenant sa volonté,
sur ce qu’ils luy ont fait entendre de la part de leur Compagnie.

Sa Maiesté ne doute point que chacun ne voye clairement auiourd’huy,
l’artifice dont les autheurs des presens mouuemens se sont
seruis pour troubler son Estat, & qu’ayans formé de longue main de
concert auec les Espagnols, le dessein de prẽdre les armes sans aucun
suiet, ils ont voulu que le décry du Ministre, & les plaintes qu’ils ont
faites contre le principal Ministre, en peussent fournir vn pretexte.

Il y a peu de gens dans le Royaume qui ne sçachent les emplois
importans, par lesquels ledit sieur Cardinal est paruenu à celuy qu’il
possede, lequel il a commencé d’exercer dés le temps mesme du feu
Roy de glorieuse memoire. Il y en a peu qui ne se souuiennẽt des succés
glorieux qui ont accompagné toutes les entreprises de la France
pendant son administration, iusques au temps que les malheureuses
diuisions que l’on y a excitées, l’ont fait agir contre elle-mesme, en
faueur de ses plus grands ennemis, & ont empesché par ce moyen la
continuation de ses progrez, ou la conclusion d’vne paix auãtageuse.

Le desinteressement, que ledit sieur Cardinal a fait paroistre, sa fidelité,
& son zele pour la gloire de cette Couronne, ont fait reüssir
si heureusement tout ce qu’il a entrepris pour sa grandeur, qu’elle n’a
pas esté moins redoutée que respectée de ses voisins, tandis que pour
la seruir il n’a eu d’autres obstacles à surmonter, que ceux des ennemis
estrangers.

Il n’y a pourtant point d’exemple d’vne persecution semblable à
celle qui luy a esté faite, où l’on n’a épargné ny son bien, ny sa vie,
ny sa reputation.

Quoy que les Loix n’eussent pas deu permettre de traitter de cette
sorte vn criminel de la lie du peuple, on a fait souffrir ce traitement
extraordinaire à vn Cardinal innocent, qui a tousiours fidelement,
& vtilement seruy sa Maiesté, & son Estat.

Sadite Maiesté ayant esté touchée de toutes ces entreprises, a esté
obligée par le sentiment de son honneur & de sa conscience, de ne
souffrir pas l’oppression d’vn innocent, & a creu deuoir rendre témoignage

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à vn chacun de l’entiere satisfaction, qu’elle a des seruices
dudit sieur Cardinal, de sa bonne conduite, & de la protection qu’elle
est resoluë de luy departir contre ceux qui sous quelque pretexte
que ce puisse estre, voudroient entreprendre contre sa personne, ou
tout ce qui luy appartient.

 

Cependant sa Maiesté ne voulant rien obmettre de tout ce que
peut faire vn bon Roy, pour le repos & le soulagement de ses Suiets,
a bien voulu faire reflexion sur les supplications respectueuses, qui
luy ont esté faites de la part de sondit Parlement ; ce qu’elle fait d’autant
plus volontiers, qu’aprés les nouuelles preuues que tous les Officiers
qui le composent, ont donné de leur affection & fidelité, en
obeïssant comme ils ont fait au commandement de sa Maiesté, pour
venir tenir son Parlement au lieu qu’elle leur a ordonné, elle ne peut
pas douter de leurs bonnes intentions, estant tres persuadée qu’ils
connoissent aussi bien qu’elle les pernicieux desseins des rebelles, les
artifices dont ils se sont seruis pour seduire le peuple par de faux pretextes,
& que la proposition que sondit Parlement luy a fait faire d’éloigner
ledit sieur Cardinal, n’est point pour se méler du changement
des Ministres de l’Estat, ny pour presser sa Maiesté d’aucune
chose qui puisse estre preiudiciable à son authorité, mais seulement
pour luy découurir la maladie de ses Subiets, & les remedes que des
Officiers affectionnez & fideles estiment propres pour la guerir, ostant
aux factieux, le pretexte qu’ils ont pris pour leurs iniustes armes.

Quoy que la premiere épreuue que sa Maiesté a faite de ce mesme
remede, n’ait produit aucun bon effect pour la conseruation de son
authorité, ny pour celle du repos de son Estat, & que la conduite que
les factieux ont tenuë pendant l’absence dudit sieur Cardinal, ait assez
fait connoistre, que leur veritable dessein estoit d’exciter de nouueaux
troubles, pour établir auec plus de facilité leur puissance, par
l’abaissement de l’authorité de sa Maiesté : Elle veut bien encore tenter
ce remede vne seconde fois, pour la satisfaction de ses fideles seruiteurs,
se promettant que sondit Parlement ayant les intentions
droites, s’en seruira plus vtilement, soit pour desabuser ceux qui sont
tombez dans l’erreur par foiblesse, soit pour chastier ceux qui persisteront
par malice ou par opiniastreté.

C’est cette asseurance qui conuie sa Maiesté ayant égard aux pressantes,
& reiterées instances, que ledit sieur Cardinal luy fait depuis
long-temps de luy permettre de se retirer, de consentir auiourd’ huy
à son éloignement, & de se priuer d’vn Ministre qui l’a tousiours seruie
auec beaucoup de passion & fidelité. Fait à Pontoise le 12. du
mois d’Aoust 1652. Signé LOVYS, & plus bas, DE GVENECAVD.

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Louis (XIV), de Guénégaud [signé] [1652], LE CONSENTEMENT DONNÉ PAR LE ROY A L’ESLOIGNEMENT du Cardinal Mazarin. Le 12. Aoust 1652. , françaisRéférence RIM : M0_766. Cote locale : B_11_18.