S. D. S. M. / Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], PROCEZ BVRLESQVE ENTRE MR LE PRINCE ET MADAME LA DVCHESSE D’ESGVILLON, AVEC LES PLAIDOYERS. Par le S. D. S. M. , françaisRéférence RIM : M0_2884. Cote locale : C_8_37.
PROCEZ BVRLESQVE ENTRE MR LE PRINCE ET MADAME LA DVCHESSE D’ESGVILLON.
PAVL fils de Paul, ce bon Apostre, A toy plustost qu’a pas vn autre, Ie veux par inclination Donner vne relation, Qui sera bonne ou bien mauuaise, Si bonne elle est, j’en suis bien aise, Si mauuaise au contraire elle est, Il ne m’en plaist ne m’en desplaist : Mais qu’elle soit mauuaise ou bonne, Telle qu’elle est ie te la donne.
Elle contient ce qui passé, Fut au Palais le mois passé, Que May depuis long-temps on nomme Aussi bien icy comme à Romme (Non pas en ce Palais Royal Qui fut autrefois Cardinal)
Or comme tu fais sentinelle Chez toy dedans chaize eternelle, Et qu’ainsi ie n’ay le bon-heur, (Vn courtisan diroit l’honneur) D’estre admls dans ta connoissance, Dont i’ay moult grande déplaisance : Ce nouueau sujet i’ay trouué, (Apres auoir beaucoup resué) Pour pouuoir visite te rendre, Et par ce mien escript t’apprendre, Ce que ne t’a permis ton mal De voir en son original ; Car la foule dedans ta biere T’eust reduit en grande misere : Rondement donc ie t’escriray, Et point ou peu ne mesdiray.
Desia t’auoir dit quelque chose, Quelqu’vn aura pû de la cause Du testament riche, & fameux, Où ne mit aucuns legs pieux, Celuy qui n’aguere en ce monde, Commanda terre, & brida l’onde, Faisant regner en cet Estat Son souuerain Cardinalat : Aussi croy que ne l’aimoient mie Beaucoup de Gents de l’Italie, Non plus que le peuple Lorrain, A cause de son Souuerain, Que cet Armand espouuantable A mis en estat deplorable ; L’ayant hors de Nancy ietté, Et s’il l’eust pris, l’eust etesté :
Donc d’Auril le vingt huictiesme, Ou plustost l’antepenultiesme, Ou trois iours parauant le mois Que Rossignolet chante au bois, Dans la Salle ie veids Duchesse Ouïr fort deuotement Messe, Tenant en sa main Chapelet : Autrefois le sieur Combalet
Cette Dame se voyant vefue Sentit vne douleur griefue ; Et quoy que sa grande beauté, Iointe auec sa pudicité, Donnast de l’amour à grands Princes, (Comme à Gouuerneurs de Prouinces) Voulut viure en viduité, Voüant à Dieu virginité ; D’où vient qu’elle a fait mettre en bosse, Au derriere de son carosse, Auec admirable fasson D’vne pucelle l’escusson : Aussi sa deffunte Eminence, Luy porta telle bien-veillance, Que peu d’amour luy ressembloit, Car tous les iours il redoubloit.
Cette prudente & sage Dame Peu de soin n’auoit dedans l’ame ; Et quoy que sa deuotion Luy fit auoir attention, A ce sainct & sacré mystere Que celebroit vn fort bon Pere : Quand voyoit quelque Conseiller Vers la grande Chambre driller, (I’entends ceux-là de qui les testes Sont blanches sortans des Enquestes, Cathedrez sur les fleurs de Lys, Où nos Monarques sont assis)
Il conduisoit à son costé Vne ieune & tendre beauté,
Or auoit vne belle suite De Filles de tres-grand merite, Entr’autres, la belle Strossy, Que ie connois & nomme aussi, Fille de Dame bonne & sage, Qui maintenant est en veufuage, Si les autres ie connoissois, Volontiers vous les nommerois ; Mais puis que n’en ay cognoissance, Ie les passeray sous silence. Ils entrerent par le Parquet, Quand leué l’on eut le loquet, Et qu’Huissiers, auec leur baguette, (Que maint, & maint homme bonnette) Eurent fait retirer les gents : Alors ils entrerent leans, Et de là, dedans la grand Chambre, Où plus chaud faisoit qu’en Decembre.
Pour te dire ce qu’on y fit, Personne ne me la point dit, Et si n’estois là ie te iure Pour en remarquer la figure : Trop bien sçay, qu’apres qu’enchambrez, Furent pourprez, & non pourprez,
Lors afin de retenir place, I’abandonnay la populace, Et sans m’engager au caquet, Ie trauersay par le parquet ; Non pas celuy de l’Huisserie, Qui conduit à la plaidoirie, Ains par celuy des Gens du Roy, Sçauans en matiere de Loy, Prenans en main cause publique, Dans Palatine Republique. (Messieurs appeller on les doit, Mais le vers par trop long seroit, Si bien que si ie fais vn crime, Faut le pardonner à la rime.)
Par là ie coulay doucement, Sans marcher par trop biusquement, Et puis i’enfilay la montée, Qui n’est gueres souuent frotée ; (C’est le degré par où pisser Viennent Messieurs.) Là pour passer,
Mais ie voy Messieurs arriuer, Sans qu’on s’empesche d’estriuer. Desia premier President monte, Et de faire bruit n’auons honte ; Apres luy suit Monsieur Potier, Digne President au Mortier, De Nouion l’on le surnomme, Et dit on que c’est vn preud’homme ; Monsieur de Mesme est apres luy, Des doctes le puissant appuy, De deffunct Roissi fils tres-digne, En sçauoir grandement insigne, Dont le frere est dedans Munster, Pour trefue ou paix nous apporter, De l’Espagne auec que la France, De quoy la deffunte Eminence, Eust pû deuenir enragé, Si la mort ne l’eust vendangé ; Et par triomphante voiture, Conduit dedans la sepulture.
Apres, suiuent les Senateurs, De la Iustice protecteurs,
Apres qu’on eut dit qu’on se baisse, Alors le Prince & la Princesse, Vis audiance demander, Pour faire leur cause plaider ; Ce que refuser on n’eust garde, Aussi premier Huissier ne tarde, Cette grande cause appeller ; Et le placet articuler, D’vne voix presque musicale (Dont retentit toute la Salle) Il se rompt presque le gosier, Nommant le Procureur Mazier,
Le Mazier d’appeller Hilaire, S’esgosille, & se desespere : Aduocat grandement sçauant, Grandes causes plaide souuent, Tres-excellent Iurisconsulte, Et que force monde consulte, Que Dame au petit Luxembourg, Chez la Reyne ayant le tabour, A choisi pour son droict deffendre, Et le faire aux Iuges entendre.
Quand la presse ils eurent fendu, Et respect à la Cour rendu. Gaultier son plaidoyer commence, D’esprit auec grande presence, Dit que renonciation, Qu’a fait à la succession, Par son contract de mariage, La Princesse n’estant en aage, Est nulle ; aussi que promptement, Auoit protesté hautement,
Qu’au testament, ou codicille, Quoy que le deffunct fut habille, Nullitez sont au nombre sept, Que par ordre en sa cause il met. Et commençant par la premiere, Point d’heritier, point d’heritiere, (Comme requiert le droict escrit, Que dans Narbonne l’on prescrit.)
Et pour la nullité seconde, Sur laquelle Gaultier se fonde, C’est que tesmoins, n’ont cachetté Testament par eux attesté.
En suitte il dit pour la troisiesme, Que pour le tesmoin huitiesme, Falconis le Tabellion Aposer n’auoit pû son nom, (Fonction faisant de Notaire, En cet acte plein de mystere.)
La quatriesme nullité, Est (si ie n’ay mal escouté, Et si i’ay memoire aussi bonne, Que ie l’auois deuant l’Automne) Que cet acte, vno contextu Auoir esté parfait, n’a pû.
Pour ce qui touche la cinquiesme, Ou bien l’antepenultiesme ; C’est que n’estans point appellez, Tous les tesmoins y sont allez.
La sixiesme, que ie pense, Est, que sa deffunte Eminence, Fist signer indifferemment, Domestiques au testament.
Et pour la nullité derniere, Visible comme la premiere : Point n’est d’interpellation, De mettre sa soubscription (Ainsi que le veut l’ordonnance) Dont nons faisons grande obseruance, Celle d’Orleans, & de Blois, Qui nous sont prescrites pour Lois.
Apres il dit que la Duchesse Estoit bien pleine de finesse, Qu’elle auoit par suggestion, Fait vne forte impression, Dans cette puissante ceruelle, Sousmis l’ayant à sa tutelle, La comparant à Dalila, Qui de Samson cœur affola.
Mais l’heure coupa sa parole, (Dont il faut que l’on se console ; Puis que l’heure sonnante, helas ! De plus parler permis n’est pas) Ce qui fist que Cour souueraine, La cause remit à huictaine ; C’est pourquoy le cinquiesme May, Au Palais retournay tout gay, Afin d’estre instruit de la suitte, De l’histoire que ie recite.
As sçeu desia par cy-deuant, (Et tu dois en estre sçauant) L’estat auquel estoit la Dame, Depuis que Iustice reclame, (C’est à dire attendant Messieurs, Et leur rendant de grands honneurs) Dequoy ne prenoit pas la peine, Lors que regnoit faueur hautaine ; Car vn des siens, au Parlement, Enuoyoit souuerainement.
Ie fus comme la fois premiere, (Ainsi que ie t’ay dit naguere) Pour me placer commodement, Huissiers caressant souplement.
I’entray donc sans beaucoup de peine, Comme ie fis l’autre semaine, Et dans le parquet me placay, Où pas vn peu ne me lassay : Car à mon aise n’estois guere, Et sus boys en grande misere, Genoüils miens ne se dilatoyent, Ny gigots, estendus estoyent Si que i’eus grande lassitude Pour du monde la multitude.
Quand Messieurs furent arangez, Et que barreaux furent chargez, Apres ouuerture de porte, Alors, Gaultier, d’vne voix forte ; Reprenant son huictain discours, Conclud apres quelques destours, Contre la volonté derniere ; Ace qu’Arrest, iuste, & seuere, Cassant renonciation, Suiuant la protestation : Au temps faite de mariage, Ordonnast qu’on seroit partage.
Aussi despens il demanda, Finissant sa cause par là, Qu’il appartenoit à Iustice, Et qu’il estoit de son office, D’empescher que tous ces thresors, Qui sont dans la France, & dehors, A la Combalet appartiennent, Et que les Vignerots les prennent ; Mais qu’il faut auec raison, Que ceux de Royale Maison,
Quand à moy i’oserois bien dire, Maintenant qu’vn peu l’on respire, Que Gaultier, raison bonne auoit. Car on sçait que cil qui mouuoit, A son desir, toute la France, N’a pas gagné tant de cheuance, Par le grand trauail de son corps, Ains, qu’il a ioüé tous ressors, Sans donner repos à son ame. Ny se soucier d’aucun blasme, Pour amasser biens, & honneurs, Pour deposseder gouuerneurs, Et pour mettre dans sa Famille, Plus d’or que n’en a la Castille : Illustres chefs faisant couper, Pour leurs dignitez vsurper.
Mais trop ie fais le Politique, Et ie sors de mon ecliptique, Pour sur le passé raisonner, Dequoy l’on me pourroit berner.
Voyons plustost le graue Hilaire, Manifester sa mine austere, Et commencer sa cause ainsi : Puis qu’on nous a conduits icy ; D’Eguillon la noble Duchesse, Deuant vous tous, Messieurs, confesse, Que perdre l’on ne la veut pas ; Car ce seroit estrange cas,
Puis refutant d’ardeur extrême, Et faisant passer pour problême, Ce que l’on auoit opposé, Dit que l’on auoit abusé De Souueraine patience, Lors de la derniere audiance.
Il par la fort elegamment, Citant aussi pertinemment, Tres à propos à sa matiere, Du testament, la Loy derniere, La Loy Hac consultissima, Que grand Iustinian forma, Pour apporter regle certaine A volonté derniere humaine : Aussi sçauant Tribonian, Ne ceddant à Papinian, La fit inserer dans le Code, Afin de seruir de methode, Pour bien composer testament, Et cettes il fit sagement. Aussi cita forces passages Beaux & bons comme des Adages, La Loy Lucius Titius, Auec la Loy Domitius ;
Apres quelques lettres il leut, Dequoy fort bien passé se fut, Et de dire quelqu’autre chose Que repeter certes ie n’ose : Et ie m’estonne fort comment Il parla tant ouuertement, Car quand à moy, ie vous assure Que dans vne telle aduanture, Ie m’en fusse fort bien gardé, Crainte d’estre bastonnadé, Et faire rude penitence, D’vn discours de telle importance.
Mais comme l’horloge sonna, Chacun chez soy s’en retourna, En attendant à la huictaine, Qu’on se donna bien de la peine Pour ne rien entendre du tout, Hilaire n’estant point debout ; Ains en son lict gisant malade, Où peut-estre estant à l’estrade ; Car pris auoit medicament, Et mesme quelque lauement, Qui l’empescha faire sortie, Et de plaider pour sa partie : Si qu’au vingt-trois cause on remit, Dequoy fasché le monde on veid.
Donc arriuant cette journée A ce plaidoyer destinée, Chacun y vinst de grand matin, Pour ne point prendre peine en vain.
Apres qu’on eust fait ouuerture, Et que cessé fut le murmure, L’Aduocat recapitula, Et iusqu’à dix heures parla Auec ardeur, de la prudence, Ensemble de l’experience, Du Cardinal de Richelieu, Descendu de tres-noble lieu ; Car dit-on, de race Royalle, Fut cette Eminence Ducalle, Du costé de Louys le Gros, Dont à sainct Denys sont les os. (Ce qui n’est vray, la flatterie Ayant fait cette menterie.) Aussi dit il, qu’absolument Auoit pû faire testament, Sans qu’il encourut de censure, Ny qu’on y trouuast d’ouuerture. Pour disputer à ses parens Ses biens, quoy que trop apparens.
Le lendemain vingt quatriesme, Il parla presque tout de mesme, Et dit pour sa conclusion, Que lettres de rescision Ne peuuent pas estre valables, Que demandeurs non receuables, Estans à l’entherinement ; Il conclud au déboutement.
Apres quoy le ventru Rozée, Auec sa voix organizée, Crotesquement emperruqué ; Qui le sur-taux a pratiqué, Depuis multitudes d’années, Soit pour parroisses abonnées, Ou celuy qui trop rudement Taxé, requiert soulagement,
Ce bon homme dans cette cause, Parla tousiours fort bien en Prose, Pour Monsieur du Pont de Courlé, Du deffunct Nepueu signalé, Fameux General des Galaires, Quoy que sur Mer il ne fut gueres ; Car des Mers le Surintendant, Craignoit pour luy quelque accident.
Il se plaignit, qu’vne Memoire, Qui doit estre auant dans l’Histoire ; Que le nom du feu Cardinal, Qui fit tout à bien, rien à mal, Taxé soit en sa renommée, Qu’on a hautement diffamée ; Immo vero, a demandé, Primo, qu’il luy fust accordé, Que du Roolle de medisance, La Cour rayast son Eminence.
Secundo, que ce testament, Fait auecques grand Iugement, Demeurast dans sa subsistance ; Remonstrant auec l’éloquence, Dont ordinairement se sert Cét homme en taille fort expert, Que Marquis du Pont sa partie, Estoit si plein de modestie, Que quoy qu’il fust des-herité, Il ne s’estoit point irrité : Et tant reueroit la Memoire, De son Oncle remply de gloire, Que pas ne vouloit contester, Mais bien plutost executer
Puis cita forces beaux passages, Dont fit merueilleux assemblages : D’Autheurs cogneus & non cogneus, Et pour rares hommes tenus ; Dont au Palais quoy qu’ancienne, Iamais ne par la langue sienne, Dequoy le monde estonné fut ; Car sans l’oüyr, creu l’on ne l’eust.
Apres qu’il eut conclud, Bataille (Qui ne plaide plus pour la Taille, Ainsi que jadis il faisoit, Pour ceux que trop on cottisoit, Parauant que son éloquence Le fist Aduocat d’importance, Parla pour le Duc de Bresé, Qui ne doit estre mesprisé ; Car de Dame d’Anguien est Frere, De Pere, aussi bien que de Mere ; De la France Grand Admiral, Vaillant, courtois, & liberal : Il dit, quoy que la Cour pourprine De ce testament determine, Son Client n’a point d’interest, De quelle façon soit l’Arrest ; Ainsi qu’à la Cour se rapporte, Et de contester se deporte.
Pour la Sorbonne, Montelon Fit son plaidoyer par trop long, Gaultier consentant deliurance, De son Legat par preference. Pucelle pour la Mission,
Alors commencea sa replique, Par ce qu’on veoid dans la chronique, Qu’homme de grande qualité, Ayant eu la temerité, De parler auecqu’insolence A Prince de haute naissance, Il fut par son gosier pendu, Demeurant en l’air morfondu. Celuy-là ioüoit de la gripe, Lors que regnoit le beau Philippe ; Mais il fut assez impudent Encore que Sur-Intendant, Et de Longueuille fut Comte, Ce Prince luy demandant compte, De luy donner vn desmenty, Dont tost suiuit le repenty : L’histoire Marigny le nomme, Qui dit qu’il n’estoit Gentilhomme. Qu’autre pour le mesme sujet, Quoy que venu de pere abject, Eust les espaules fustigées, Et les oreilles abrogées, Ce que dans Montferrand l’on vid, Où naissance ce galand prit. Il gouuerna Loys vnziesme, Et souffrit sous Charles huictiesme. Doyac cet homme se nommoit, Que Louys cherement aymoit.
Ie confesse que j’eus croyance Qu’on concluroit à l’audiance,
Assez long-temps dura la noise ; Mais premier President l’accoise, Disant, qu’ils plaidassent leurs faits, Et qu’ils remissent leurs bonnets. Ainsi s’assoupit leur querelle, (Et Gaultier parlant auec zele) La violence exagera, Et le pouuoir rememora, Dont abusoit durant sa vie, Ce grand angouleur d’Abaye : Mais par trop parler, soif il eut, Parquoy fit pose, & puis il beut, Ou vin, ou bien eau, ne m’importe, Tant est qu’il eut la voix plus forte.
Aussi parla-il d’action, Soustenant que l’extraction Des Vignerots n’auoit noblesse
De moy pour mon sentiment dire, Non que ie pretende mesdire, Mais tant seulement raisonner Sans pour ce passionner, Quand Lieutenance Magistrale, Et Iustice Presidiale, De gens tenans le Chastelet (Non trop loin de la pierre au laict) Eurent d’adjuger la puissance, Ce Duché dans leur Audiance ; Ils deuoient bien se souuenir, Que toute grace il faut bannir, Alors que l’on rend la Iustice : Qu’il ne faut suiure le caprice Des puissans, ny de la faueur, Et que tout homme ayant grand cœur, Au pauure, aussi bien comme au riche D’equité ne doit estre chiche : Que si Monsieur le Lieutenant, En ce temps le Siege tenant, Eust bien consideré l’affaire, De tous il eust receu l’enchere, Et sans precipitation, Eust fait l’adjudication ; Par ainsi, toutes les personnes Dont les debtes estoient fort bonnes, Eussent receu contentement, De leur deub ayant payement : Mais l’authorité Cardinale Forçea pour lors la Magistrale, Chacun aussi sçait bien comment, Falloit obeir promptement. Quand Gaultier eut fait sa replique, Qui n’estoit mal satyrique, Suruint l’Aduocat Chenuot, Qui ne boit pas si bien qu’Huot.
Mais Hilaire dit hautement, Que c’estoit impertinemment, Que cet homme Maistre de dance, De legs demandoit deliurance, N’estant point couché sur l’Estat. De cet Eminent Potentat.
Cette interuention finie, Dont on ne se soucia mie, Les deux Aduocats arcboutans, L’vn de l’autre pas trop contens, Se donnerent force estocades, Dont la pluspart estoient bien fades (I entens estocades du bec) Car, soit à cause du respec Qu’a la Cour l’vn & l’autre porte, Ou pour quelque cause plus forte, Garde n’eurent de se gourmer ; Car sans qu’on eust fait informer,
Lors premier Huissier de son roolle Où maintes causes l’on enroolle, Vn coup frapa sur son bureau ; Puis on s’en alla bien & beau, Premier Huissier pourtant rechine, Et d’vne mine bien chagrine, Dit qu’affaires point ne se font, Ny qu’escus en ses mains ne vont : Mais il a tort d’estre en colere, Puis que pour cette grande affaire, Il sera tant recompensé, Qu’il n’en sera plus courroucé.
Ainsi la foule desempare, Et de reuenir se prepare Au lendemain de bon matin, Ou peuple du pays Latin, Du Marais, de Place Royalle, Detous quartiers, mesmes de Halle, Toutes sortes de nations, Et de toutes conditions, Se rangerent proche la porte, Composant puissante cohorte.
I’y remarquay des Courtisans, I’y veids mesme des Paysans,
Montmort guindé dessus sa beste, Partit pour venir à la Feste, Et quoy que l’on n’y disna point, I’y veids le moule à son pourpoint.
Auant que derniere iournée, Soit dans cét escrit terminée, Ne veux sous silence passer, Que noble Dame fit dresser De recusation Requeste, Vne ou plusieurs, ne m’en enqueste, Non pas mesme, en quel iour ce fut, Que dans grande Chambre on les leut : (A vous, à moy, cela n’importe) Quoy que ce soit, requeste auorte ; Ainsi, ceux qui sont recusez, (Sinon qu’ils s’en soient excusez) N’ont laissé de demeurer Iuges, Nonobstant tous les subterfuges De la Duchesse d’Aiguillon, Dont sur la iouë eust vermillòn.
Pour reuenir ; ma destinée Me logea vers la cheminée. Apres que porte ouuerte on eust, Et que tout le monde entré feust ; A moy comme aussi plusieurs autres Fusmes dessus les jambes nostres Tant que le Plaidoyer dura, Dont ma bouche ne murmura,
Silence fait, Monsieur Briquet, L’vn des trois Astres du parquet, Pour le Roy portant la parolle, Ne dit rien du tout de friuolle ; Car puissamment il raisonna, Et tout le droict examina, Que pouuoit auoir la Duchesse, Par disposition expresse De Monseigneur le Cardinal, (Nom qu’il perdit au iour final ; Qu’il laissa pour la sepulture, Son corps remply de pourriture) Car depuis cet heureux moment A cessé ce haut compliment ; Et Monsieur, à peine on le nomme Estant mort ainsi qu’vn autre homme.
De ces nullitez il parla, Que Gautier articulez a, Pour ce grand testament destruire, Où ne trouua guere à redire, Puis a loüanges estallé, Et tous les beaux faits enfilé, De celuy-là, qui la Sorbonne, De vieille a faite belle & bonne ; Beaux faits desquels il se seruit Et par où tant d’or il rauit Sous ombre d’enuahir l’Espagne, Desolant toute la campagne Par imposts & tributs nouueaux, Faisant passer François pour veaux. Il reuinst à Monsieur le Prince, Seigneur qui n’est poirt du tout mince, Puis le Duc d’Anguien loüangea, Sans que point du tout mensongea,
Puis dit que bruit de populace, Ne doit auoir telle efficace, Qu’il puisse le persuader, De confiscation demander, De l’inumerable cheuance, Dont il auoit grande abondance, Ce qu’on ne peut sans que procez, Soit fait au corps pourry d’abcez,
En apres prit conclusion, Disant n’estre de lesion, Et que clause estoit authentique, Faite en forme fort iuridique, Par laquelle dans le contract, Par homme fait n’estant grain fat, La Princesse auoit à l’hoirie, Renoncé quoy que l’on en die, Puis demanda commission, Et d’auoir la permission, Pour exacte recherche faire, Des deniers que par la misere, Des peuples, deffunct Cardinal, Soit sous le tiltre d’Admiral, Ou bien sous quelque pretexte autre, Auoit pris du mien & du vostre, Et qu’à l’Estat l’argent seruit, Qu’à l’Estat autresfois rauit ; Ainsi dans l’Espargne Royale, Que l’on mette somme totale.
Quand tout dit il eut, il se teut, Et ie croy que d’vn Substitut, Luy fut fort bien venu l’vsage, Pour vn peu frotter son visage, Car ayant parlé long-temps hault, Il ne pouuoit que moult n’eust chault ;
Adonc il se sied & s’essuïe, Et pendant que le monde bruïe. Monsieur le Premier President, Opinions va demandant, A tous les Conseillers d’Eglise, Portans au menton barbe grise, Puis à Messieurs Conseillers Lais, Anciens Iusticiers du Palais.
Cependant pour cesser tumulte, Huissier de sa baguette insulte, Sur les non parlans & parlans, Et les plaidoyers controollans. Il dit que l’on fasse silence, Afin d’auoir intelligence, De ce que portera l’Arrest, Où plusieurs prennent interest.
Monsieur Molé reprend sa place, Et prononce de bonne grace, Ayant pris aduis tour à tour ; Sur l’appel au Conseil, la Cour,
Alors Gaultier leuant la creste, A fait iudiciaire requeste, Et le sequestre a demandé, Tant que le procez soit vuidé : Mais la requeste l’on appointe, Et comme le reste elle est jointe.
Là dessus se leue la Cour, Et laisse le doré sejour, De cette Chambre lambrissée, Où Iustice est bien dispensée, Apres la foule s’en alla, Et tout le peuple s’escoula :
Ie croy que toutes les parties, Apres qu’elles furent sorties, Tant demandeurs, que deffendeurs, Remercier furent Messieurs : Car touchant la noble Duchesse, Que disposition expresse, A colloquée vtilement, Dedans ce fameux testament, Elle sçait que trop bien son monde, Et de trop de sagesse abonde, Pour s’oublier de son deuoir, A quoy ne la faut esmouuoir.
Quand à moy, faut que ie te die, Que pendant cette tragedie, Chaleur m’auoit tant alteré, Que ma foy ie fusse expiré, Si i’eusse esté long-temps sans boire ; (Aussi n’eus-je escrit cette Histoire,) Ie te diray donc nettement, Que ie m’en allay joliment,
De la cause voila la suite, Que si bien ie ne l’ay deduite C est que comprise ie l’ay mal. Mais comme es vn homme legal, Excuse moy ie t’en supplie, Si non ne m’en fascheray mie ; Si pourrant ne m’excuse pas Ce sera pour moy piteux cas, D’autant qu’en matiere de carmes, Tu pipes beaucoup mieux qu’aux armes : Toutefois m’en consoleray, Et plus qu’en prose n’escriray.
FIN.
LA Cour a permis à la Veufue Theodore Pepingué, |
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