Anonyme [1649], LE BANDEAV LEVE DE DESSVS LES YEVX DES Parisiens: Pour bien juger des Mouvemens presans; & de la partie, qu’eux & tous les bons François y doivent tenir. , françaisRéférence RIM : M0_574. Cote locale : A_3_19.
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LE BANDEAV LEVE
DE DESSVS LES YEVX DES
Parisiens :
Pour bien juger des Mouvemens presans ; & de la partie, qu’eux &
tous les bons François y doivent tenir.

LES Rois pour avoir les mains bien longues, ne les ont pas
moins fortes : sur tout en France, où les Sujets n’ont jamais
présumé de pouvoir vaincre leur Maitre : Ce nom de Roy
imprimant vne telle terreur, mesmes dans les esprits plus audacieux,
qu’il ne s’en est point trouvé qui l’ayent osé directement
choquer, mais seulement sous le pretexte d’vne reformation le
plus souvent imaginaire, decrians d’ordinaire le gouvernement
present, & amusans la populace de l’esperance d’vn meilleur & du
bien public : Au lieu de quoy ces entreprises contre ceux qui gouvernent,
se terminent toujours à la ruїne du peuple qui s’est laissé
abuser à cette fausse apparence : bien loin d’apprendre des exemples
passez ; que ces reformateurs n’ont jamais tendu qu’à leurs
fins particulieres, qu’ils ont en definitive bien sceu distinguer des
generales, dont ils couvrent leurs mecontantemens.

Il faut estre bien jeune, ignore l’histoire, ou avoir oublié ce que
nous avons veu & apris de nos peres, pour douter de cette verité.

Aussi, la Majesté de nos Rois est-elle l’image de la Divine : celuy
qui attaque l’vne, se prend à l’autre. Et comme il n’y a peint de juste
cause de blasphemer contre Dieu, il n’y en a point de s’ataquer
à la puissance Souveraine par luy ordonnée : Si l’on en permet la
moindre ouverture, la Royauté cesse de l’estre & demeure litigieuse
entre ceux qui estoient Sujets, & celui qui estoit Roy, mais ne
sont plus ny l’vn ny l’autre, puisque leur condition depend de la
decision de ce qu’on veut mettre en question, pour sçavoir qui est
celai qui en doit estre creu. Il n’y a point de remontrances, quelque
humilié qu’elles puissent feindre, qui lorsqu’on cesse d’obeïr
netoient des rebellions, non guéres dissemblables des teverences
que faisoient les Iuïfs au Sauveur du monde en le [1 mot ill.]. Les
prieres nous sont bien permises, mais si elles ne sont pas trouvées

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justes, c’est impieté contre le Ciel, c’est attentat contre le Roy,
de se mutiner à l’encontre, & vouloir, à la mode des geans de la
Metamorphose, employer la force pour contraindre à obeïr celuy
qui doit commander : Iamais, ce dit Philippes de Comines, aucun
suiet ne s’est bien trouvé d’auoir mesmes essayé de faire peur à son
Maistre.

 

Tout ce qui s’écarte tant soit peu de l’entiere obeyssance, ouvre
la porte à la révolte, dont la temerité fait marcher d’vn pas égal ses
raisons avec celles du Souverain : voire se donne tousiours l’avantage,
& fait perdre d’abord aussi aisement la bonne cause, que David
perdit la sienne devant son peuple debauché par les caioleries
d’Absason : n’y ayant rien de plus aisé à suborner que les affections
d’vne populace, à qui la domination presente est tousiours odieuse.
Mais le retour n’est iamais loin, comme il se void en l’histoire
de ce Roy, &, entre tant d’autres, en celle de ce Royaume, qui
malgré tous ses factieux se trouve en son premier estat depuis tant
de siecles.

Se dispenser icy de cette Loy, c’est rendre la condition d’vn Roy
de France, dont les prerogatiues surpassent celles de tous les autres
Monarques du monde, inferieure à celle du moindre de ses Generaux
d’armées, voire de ses Capitaines : aux ordres desquels vn
Soldat n’oseroit resister ni reuoquer en doute sa puissance, & refuser
l’obeїssance au moindre Officier qu’il aura establi sur luy & sur
ses compagnons. Sans parler de l’Eglise, laquelle ouvriroit la porte
à toutes sortes d’heresies ; si elle donnoit la licence à chacun de
resister à son Chef : Et ceux qui employent auiourd’huy le nom de
Parlement pour faire tant de bruit, voudroyent-ils qu’il fust permis
à d’autres qu’à ceux de leurs Corps, de donner des Arrests en
la matiere qui leur est commise, quelque iustice evidente qui parust
dans les griefs d’vne partie opposante à leur execution : qui n’est pas
mesme empéchée par les requestes civiles qu’on leur presente ? D’où
vient donc qu’ils ne rendent pas au Roy en leur cause la justice à
laquelle ils veulent que tous les autres se tiennent ?

Mais posé que le pouvoir du Roy ne fust plus Souverain : à
quoy ne sçauroit consentir aucune ame, non seulement Françoise,
mais Chrestienne, puis que nostre Seigneur & ses Apostres s’y sont
eux mesmes assujettis & nous ont enioint d’estre suiets aux puissances
Souveraines : mais raisonnable, puis que c’est le droit des gens
qui ne se peut violer sans passer pour brutaux : si est ce que cette

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puissance de controler les Rois ne doit pas estre au premier occupant.
Et ie ne voy pas de raison pourquoy le Parlement de Paris,
qui n’est qu’vn des neuf Parlemens de France, à tous lesquels la
seule justice distributiue de leur ressort, entre leurs iusticiables, a
esté confiée par le Roy & ses predecesseurs, se puisse attribuer le
droit de syndiquer les actions du Roy & de la Reine regente sa
Mere, plustost que les huict autres Parlemens, & vn plus grand
nombre d’autres Compagnies aussi Souveraines que la leur, & qui
ont à la verité mesme pouvoir du Roy, de iuger les differens de
tous les particuliers ; mais seulement, tant qu’il plaira à sa Majesté,
comme ils verront dans leurs Lettres : plustost encore que le Lieutenant
General du Roy en toutes ses Provinces & armées, qui est
son Altesse Royale, & que le premier Prince du Sang, qui est le
Prince de Condé : lesquels ont tant contribué à la gloire de cette
Couronne, & qui sont incomparablement plus interessez que tous
ces Corps-la, dans la conduite & conservation de l’Estat : duquel
ces neuf Parlemens quand ils seroient tous ensemble, comme il n’y
en a qu’vn, ne font qu’vne petite portion, assauoir vne partie du
tiers Estat : l’Eglise composant la premiere, & la Noblesse la seconde :
De sorte qu’vn des cadets de Bretagne auroit aussi bonne
grace qu’eux, de vouloir faire la loy à ses aisnez.

 

Mais accordons à ceux du Parlement (car leur authorité a prévalu
chez eux sur tous les autres cette possession sans titre, qu’il n’y
a point d’autre Parlement en France que le leur, sauf le droit d’autruy
qui ne le leur accorde pas :) concedons leur qu’ils ayent droit
de reformer, & quoy ? sera-ce l’Estat. Il n’est pas de leur gibier : ils
ne doiuent tenir en cette action que le rang de simples suiets, &
quand ils en auroient la commission des Estats generaux approuvée
du Roy qui en est le Chef : Ils deuoient au moins commencer
par eux mesmes pour empescher qu’on ne leur reprochast ce qu’on
faisoit à cette Lamie qui voyoit clair par tout ailleurs que chez elle.

C’est là où ils eussent ait voir qu’ils estoient veritablement touchez
de compassion enuers leurs compatriotes, ostans ou du moins
diminuans leurs épices & autres droits, puis qu’ils sont obligez de
rendre la justice gratuitement aux suiets du Roy, abolissans les chicaneries,
abregeans la longueur des procez, & iugeans sommairement
ceux que l’on peut vuider sur le champ, au lieu de les appointer
contre l’Ordonnance & les rendre, comme ils font, immortels :
qui est le plus grand fleau du Royaume, qui abat le plus

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les courages des François & les détourne de l’exercice des armes
& des autres arts, voire se trouvent la plus certaine & plus ordinaire
ruïne des familles : c’est alors que l’on eust inferé qu’ils auoient de
bonnes intentions pour le bien public au lieu dequoy, sans donner
ordre aux abus à la reformation desquels ils ne sont pas seulement
bien fondez, mais y sont obligez par le deuoir de leurs charges, ils
s’ingerent sans aueu à mettre leur faux en la moisson d’autruy :
se monstrãt grands zelateurs du bien public, lors qu’ils ne trouuent
point d’autre remede pour se garentir des taxes qu’on leur demande
pour ioüir de la Paulette, ce qui fait appeler par quelques vns
nos desordres, la guerre du droit annuel.

 

Mais posons le cas, Messieurs que vous ayez commancé à regler
les abus que vous laissez chez vous, & dont il vous importe peu que
tout le monde se trouve mal, puisque vous vous en portez bien : Est-ce
à coups d’épée & de canon que la reformation de l’Estat se doit
faire, ou bien par vos loix, ausquelles ces violences sont si contraires,
que le bruit des vns empesche qu’on ne puisse prester audiance
aux autres.

Nous avons, ce dites vous esté obligez à prendre les armes par
la necessité maitresse des loix. Ceux qui traitent les cas de conscience,
ne demeureront pas d’accord, qu’il y ait aucune juste cause
de lever les armes contre son Prince, non plus, que d’estre parricide.
Nul esprit bien sensé ne dira aussi, que le Roy ait commande
au Parlement ny aux Habitans de Paris choses impossibles, comme
il l’eust falu pour rendre cette necessité, absoluë, la seule condition
qui vous pouvoit aucunement excuser devant les hommes, mais
non pas devant Dieu, qui nous commande estans persecutez en
vne ville, de fuïr en l’autre.

Sa Majesté avoit seulement ordonné aux vns, d’aller resider en
vne ville de leur ressort, qui n’est eloignée que de 24 lieuës de leur
demeure, le plus vieux d’entr’eux en faisant souvent plus de cent,
quand il luy plaist d’y aller en commission ; & aux autres, de ne favoriser
point le sejour des premiers en vn lieu qui leur est inter dit,
pour des raisons notoires, & que le Souverain ne seroit pas mesmes
[1 mot ill.] de leur rẽdre, comme il fait. La crainte que les esprits deffians
veulent joindre, du chastiment pour leur tumulte, estoit cessee par
le premier retour du Roy à Paris, & se pouvoit plutost accroistre
que diminuer, par la continuation de leur desobeїssance, si la bonté
de leurs Majestez n’est oit en possession, non seulement de pardonner

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aux Sujets humiliez, mais de ne penser qu’à l’extremité &
à regret, à dompter les rebelles, estans resolues de ne dénier leurs
bonnes graces, qu’à ceux qui demeureront opiniâtres à les refuser.

 

C’est recourir à vn eschapatoire trop ridicule pour s’y arrester, de
dire que vous n’en voulez pas au Roy : Il faut laisser aux enfans
ce discours avec des noix pour les en amuser : & l’on ne doit plus
rien trouver estrange de ceux qui osent appeller le party du Roy,
celuy que le Roy en personne, la Reine Regente sa Mere, son Altesse
Royale, le Prince de Condé, & les Officiers de sa Couronne,
assiegent, & contre lequel sa Majesté pointe ses canons. Changez
auparavant les noms à toutes les autres choses, & ne parlez plus par
tout ailleurs que par antiphrase, comme icy, & alors nous vous
pourons entendre. Le Roy envoye-t’il des Heraulds à son parti,
& s’il leur en envoye, les refuse-t’il ? Le Roy traite-t’il par Deputez
avec lui mesme ? Il n’y eut iamais que le visionnaire Antiphon
qui se saluoit, s’interrogeoit & se repondoit, qui en vsat de la sorte.

Vous avez bien de la peine à couvrir vos actions de plus de fueilles
qu’il n’en faudroit pour faire vn gros volume, mais si l’on veut
donner le tort à l’agresseur, est ce le party du Roy qui a donné le
premier branle à ces Mouvemens, & auquel par consequent on
doit imputer la cause de nos troubles, comme c’est celuy lequel remuë
l’eau, auparauant tranquille, qui la trouble. Ne sont-ce pas
vos frequer tes assemblées de Chambres faites contre ses defenses ?
Est ce donc luy qui a interrompu le calme où estoit la France
il y a huit mois ? Qui vous a empesché de les laisser écouler, &
autant encore s’il eust esté besoin pour laisser faire la paix generale,
que ces tumultes ont empeschée ?

Car puisque le mal dont vous vous plaignez, dure à vostre dire
il y a 40 ans, & que le Parlement ne s’est soulevé que depuis huit
mois, la cause de cét armement en doit estre attribuée au Parlement
& non pas à ce mal inveteré : qui n’a pas toutefois empesché
durant les cinq années dernieres que la France n’ait triomphé de
ses ennemis, ce qu’elle n’a cessé de faire que depuis vostre soulevement,
que vous appellerez comme il vous plaira.

Les charges, dites vous, estoient insuportables, & les finances
mal ménagées : le Cardinal premier Ministre gastoit tout. Ces
plaintes sont aussi vieilles que cette Monarchie : les régences particulierement
n’ayant iamais esté exemptes de calomnies. Sans recourir
aux exemples éloignez de nostre memoire & de celle de

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uos peres. Catherine de Medicis l’vne des plus sages & vertueuses
Princesses de son âge, n’auoit-elle pas, au dire des factieux de son
temps, fait mourir ses enfans l’vn apres l’autre, pour estre tousiours
Regente ? La defunte Reine Mere, aussi grandement vertueuse,
n’a-t’elle pas esté si publiquement blasmée de n’auoit pas assez soigneusement
recherché les autheurs de la mort de Henri le Grand
son époux qu’il luy fallut souffrir dans les articles de la Conference
de Loudun, que le parti contraire employast qu’on feroit la recherche
des autheurs de cet assassinat ?

 

L’Arrest que vous pretendez avoir donné sans exploit ny aucune
forme de iustice depuis vostre interdiction, contre ce Cardinal,
monstre assez que vostre haine vous rend incapables de connoistre
de ce qui le concerne c’est pourquoy ceux qui voudroiẽt parler en
sa faueur, ce que ie ne pretends pas ici, devroient choisir des iuges
moins passionnez : Mais il y aura bien peu de candeur en ceux qui
ne confesseront pas que c’est par sa trop grande douceur qu’il est
auiourd’huy persecuté : Aussi, ne vous plaignez vous pas moins des
autres que de luy, mais la difference est, que vous le craignez moins
que vous ne faisiez son predecesseur : qui a bien fait voir par les resnes
qu’il vous tenoit hautes, qu’il vous connoissoit mieux que luy
qui vous les a tant relaschées.

Il est vray que la charge des imposts a esté grande, mais elle ne
pouvoit estre gueres moindre en vn estat qui soustenoit seul la principale
despence que luy & tous ses Alliez ont faite en vne guerre de
14. ans contre l’Empereur, le Roy d’Espagne & tous leurs Confederez,
auec les prodigieux succez que tout le monde admire qui
meritoient d’autres complimens des François, qui en ont remporte
l’honneur, que des factions qui ont obligé leur Roy victorieux
de ses ennemis, à sortir de nuit de sa ville capitale, pour le iuste
soupçon qu’il auoit des siens : Ce que la posterité aura de la peine à
croire, & rougira pour ceux à qui cette ingratitude ne fera point
auiourd’huy de honte.

Et toutefois depuis la Regence, les tailles ont esté diminuées de
quinze millions, outre les 35 autres millions dont le peuple fut déchargé
l’année passée : ce qui n’a pas empesché qu’on n’ait remüé
Ciel & terre contre la Reine pour la rendre par là odieuse. Et quant
à ceux qui ont manié ces finances, ie ne pretends non plus parler à
leur iustification : il y a trop d’auersion contre eux par ceux mémes
qui ne les connoissent non plus que le paysan faisoit Aristides qu’il

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bannissoit : Seulement vous remarqueray-je, que ceux qu’on a
detesté en vn temps, sont souvent tenus pour des Saints en vn autre :
Tant nostre humeur est volage : Ce qui n’empesche pas que le
pauvre peuple ne patisse tousiours de ces iugemens temeraires.

 

Toutes ces raisons cessant, qu’vn esprit non passionné jugera possible
dignes de quelque consideration, voyons, comme dit Bodin
en sa Republique, parlant des changemens qu’on fait en vn Estat,
si le vieil edifice de nostre Monarchie ne recevroit point plus de
dommage par l’ébranlemẽt qu’on lui apporteroit en l’application
de nouveaux materiaux, que d’affermissement par ce changement-la :
veu que nous sçavons bien ce que nous voulons quiter, mais non
pas ce qui lui succedera : Et si la fin participe de ses moyens, iugeons
par la comparaison du gouvernement que le Parlement de Paris
impugne, & par celuy qu’il exerce à present, auquel des deux il
vaudroit mieux se ranger.

Il se plaint des grandes charges du Peuple, & des profusions des
sommes qui ont esté employées à la solde de plus de cent mille
hommes de guerre, qui ont si glorieusement combatu pour la dignité
de cette Couronne ; & ce pendant ils ont pour faire la guerre
au Roi, plus despensé d’argent en deux mois, que sa Maiesté ne
faisoit en six, contre les ennemis declarez de la France.

Ils ont voulu reduire le Roy à ne retenir point sans l’interroger,
plus de 24 heures vn prisonnier d’Estat, & ils ont en ce temps rempli
la seule Bastille, de plus d’accusez (dont la pluspart n’en sçavent
pas encore le suiet) qu’il n’y en a eu durant les six années qu’a duré
la Regence.

Ils ont blasmé les partizans d’avoir ruїné les affaires du Roy, &
eux ont rafflé toutes ses tailles qui devoient entrer en son épargne,
& tous les autres deniers publics, iusques à avoir vendu le sel des
greniers de sa Maiesté à la moitié de son prix, sans avoir oublié l’argent
de plusieurs particuliers sur lequel ils ont pû mettre la main,
qu’ils ont confisqué sans forme de iustice.

Ils se sont plaints qu’on leur ostoit leur liberté, & ils ont leur
tenu iusques aux Ambassadeurs & aux Evesques prisonniers dans
Ville.

Mais possible que leur gouvernement, que Dieu nous reserve
apres que les troupes de Paris, & celles que luy promettent les
Princes & Seigneurs mal-contans, auront dissipé toutes les armées
du Roy, sera plus doux, lors qu’ils seront venus à bout de leurs desseins.

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Pour en iuger, voyons quels ils sont.

 

Sans s’arrester à ce qu’ils en ont publié dans leurs écrits, notamment
dans celui qui est intitulé. Le Contract de mariage du Parlement
avec la Ville de Paris, qui ne se peut lire sans l’indignation
de tous les gens de bien : Le premier de ces desseins, qu’ils ne peuvent
desavouer, puis que c’est la principale question qui les arreste
auiourd’huy, nous fera connoistre le reste. Ils veulent donner des
Ministres au Roy, changeans ceux qui ne sont pas à leur gré, qui
seroit proprement estre les maistres & les Directeurs du Conseil
du Roy & de la personne du Roy mesme (comme il a paru en ce
qu’ils ont osé appeller enlevement, sa sortie de Paris sans leur congé)
puis qu’il ne se feroit rien dans la Cour que par leurs ordres
& par ceux de leurs creatures. Iugez où les affaires d’Estat en
seroyent reduites, comment le secret seroit obserué entre trois
cens curateurs du Roy, ausquels vn beaucoup plus grand nombre
tiré des autres Parlemens & Cours Souveraines auroit mesme
pouvoir qu’eux de s’adioindre.

Qui nous cautionnera que ces Ephores non au nombre de sept
comme à Lacedemone, mais de plus de sept fois septante, pourroyent
convenir entr’eux du chois de ces Ministres, & demeurer
d’accord du reste. A faute dequoy, combien de mouvemens & de
guerres ciuiles nous causeroyent leurs differans avis & interests
de tant de diverses familles ? Y auroit il assez de finance en l’épargue
pour contenter leur avidité, assez de charges & d’honneurs
pour satisfaire à leur ambition ? Car de se feindre vne République
où les hommes fussent sans ces passions & sans toutes les autres,
elle ne se trouveroit pas mesmes chez Platon.

Et quand ils seroient tombez d’accord de mettre d’autres Ministres
& d’autres Officiers de la Couronne à leur dévotion, qui nous
asseurera qu’ils feront mieux que les autres ? Ne voyez vous pas
que, sans parler des guerres perpétuelles ausquelles donneroit lieu
le iuste interest de nos Princes, tant qu’ils eussent exterminé,
comme ils feroient vray semblablement, tous ces Ixions, nous
ne serions pas plus avancez que le premier iour. Pourquoy donc
travailler ainsi en vain & pour obtenir vne chose non seulement
incertaine, mais qui nous plongeroit en de plus grands maux &
moins remediables qu’à présent ?

Ceux qui recherchent de plus loing les causes de nos troubles
présens pour y apporter le reméde aux Estats généraux que nous

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touchons, les trouvent dans cet abus de la Iustice, lequel l’ayant
renduë arbitraire & remis en la liberté des Cours Souveraines
de se dispenser de la Loy & de l’Ordonnance, a mis l’honneur, la
vie, & les biens des hommes en leur puissance ; Ce qui les ayant
fait craindre & respecter d’vn chacun, les Compagnies dont le ressort
s’est trouvé grand comme celuy de Paris, se sont tellement enflez
de ce pouvoir excessif, que ne se contentant pas de voir les particuliers
assujetis à leurs volontez, dont par ce moyen ils dependent,
elles on voulu étendre leur domination jusques sur Leurs
Majestez & sur leur Conseil.

 

A ces Mouvemens encore n’a pas peu servy le prix excessif, où
l’ambition des hommes en cette consideration a fait mon en leurs
Offices, qui n’en vaudroient pas le quart ; s’ils les exerçoient selon
leur institution & conformément aux Ordonnances : & comme au
payement de ces sommes immenses, plusieurs d’entr’eux se sont
obligez au delà de leur bien & de celuy de leurs femmes, le mauvais
estat où se trouvẽt leurs affaires les rend, cõme dit Salustre[1 lettre ill.] en la
conjuration de Catilina, autant amateurs de chãgement dans l’Estat,
que les autres de la tranquilite publique : qui est aussi l’vne des
causes de la dissention qui se trouve dans ce Corps : la plus faine
partie estant contrainte de ceder à l’autre qui les a fait assembler
plusieurs fois contre les defenses expresses de leurs Majestez, &
prendre des resolutiõs en leurs assemblées, lesquelles si elles n’eussent
tendu, comme elles devoient, qu’à supplier le Roy & son Conseil,
de remedier aux desordres qu’ils trouvoient en ses Finances,
& aux autres abus dont ils se plaignent, ils ne les eussent pas fait
imprimer & publier, comme ils ont fait, avant que la Déclaration
du Roy y fust intervenuë : derobans par ce peculat à sa Majesté l’affection
de ses peuples pour se l’appliquer par vn moyen infaillible
à se faire agréer de tout le monde, c’est à dire en publiant qu’il ne
faloit plus payer.

Moyen d’autant plus lasche, que ce Corps l’employa en vn temps
où la crise des affaires mettoit l’Estat en péril, & se servir de l’avantage
qu’vn ennemi généreux n’auroit pas voulu prendre sur son
ennemi, si occupé & affoibli par vne si longue maladie, dans la
minorité de son Roy, lors que l’Espagnol puissamment armé sur la
frontiére estoit prest d’entrer en France : comme il eust fait, si la
mémorable Victoire de Lens ne luy eust fait barriere.

Le Conseil du Roy, bien qu’il connust la mauvaise intention des
demandes de ce Corps, ainsi faites à contretemps, n’ayant pas laissé

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de les luy accorder sur la promesse de cesser ses assemblées, elles
n’ont pas laissé de continuer : & tant s’en saut que le Parlement en
ait tesmoigné satisfaction, que les Barricades se firent en mesme
temps : & sans en plus parler, puis qu’elles sont condamnées à vn
éternel oubli, il n’a pas depuis voulu permettre, que le Roy tirast
du secours présent de ce qu’on luy avoit laissé de son revenu apres
vne si grande largesse.

 

Car les grandes dépenses de la guerre ayant consumé dés le vivãt
du feu Roy deux années de son revenu par avance, & la continuation
des mesmes frais n’ayant pas permis qu’on les ait remplacez,
on avoit toujours esté contraint de traiter pour l’avance qu’il faloit
fournir pour l’année courante & la suivante. Que font ces Messieurs ?
Ils l’empeschent, & le font empescher.

Voila où se trouvoyent réduites les affaires du Roy lors de sa
sortie de Paris, sans vous parler des médisances publiques, injures
atroces, & libelles diffamatoires, précurseurs & compagnons inseparables
de la revolte, beaucoup moins excusable à la Ville de Paris
qui ne s’est enorgueillie au point de rejimber contre son Maistre,
que par l’abondance que sa présence luy avoit acquise apres l’avoir
enrichie de la despoüille des autres ; Tous les Seigneurs & gens de
condition tant soit peu remarquables y estant iusques à lors venus
manger les 3 quarts du revenu de leurs villages, au lieu qu’ils l’employent
maintenant à leur faire la guerre, comme les Bourgeois ce
qu’ils avoient gaigné avec eux.

Despence, qui achevera bien tost de les ruïner, si le repentir ne
succede promptement à leur faute : De laquelle ils trouvent autant
de marques qu’il y a d’endroits où ils peuvent ietter leur veuë.

Regardent ils le Louvre ou le Palais Cardinal, demeures de
leurs Majestez ? Ils leurs representent la mesme horreur que fait le
corps du Soleil éclipsé, présages des changemens ordinaires qui
le suivent : auiourd’huy aussi desert de Noblesse, comme tous leurs
quartiers qu’elle peuploit, où s’il y en reste, ce sont des gens armez
contre le Roy, qui piafent à leurs dépends, en attendant qu’ils soiẽt
admis à poursuivre la remission de leur crime, s’ils ne se hastent de
l’abolir par l’amnistie que la bonté Royale leur présente.

Iettent-ils les yeux sur le Palais destiné à rendre la Iustice ? il ne
sert plus que de cohuë aux brigues des factieux : l’appellant & l’intime
n’y ont plus affaire : les plus iudicieux ne se voulans pas trauailler
inutilement à soliciter leurs procez deuãt des Iuges qui ont
bien d’autres affaires en teste, & dont les Arrests aussi bien n’ont

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plus de force, comme ayans esté interdits, & leur pouvoir osté par
celuy qui le leur auoit donné.

 

Leurs Marchands apres avoir débité quelques baudriers à leur
nouvelle milice pour des especes qu’ils peuvent aisément reconnoistre,
parce qu’elles sont toutes sorties de leur bourse, ont loisir
d’aller à la garde sans crainte de perdre leurs chalans, ne s’y faisant
plus d’empiéte, tout le commerce estant interrompu, leurs lettres
d’eschange protestées, & en vn mot tout leur crédit perdu.

Portent-ils leur veuë dans la campagne de dessus les murailles de
leur ville ? tout y fume d’embrasemens, tout y est desolé de saccagemens,
Ils y ont apellé par leur desobeïssance les Alemans, les Polonois
& autres nations estrangéres, qui leur aprennent la pratique
de la guerre, qu’ils n’avoyent auparavant veuë que dans les Gazettes :
ce Royaume seul s’estant trouvé iusques à présent garanti du
logement d’ennemis par la sage conduite & prévoyance de nos généraux,
& de ce Cardinal qu’ils blasment tant aussi bien que ces
prédécesseurs.

Voila tous les avantages que la ville de Paris a iusques à present
receus de la réformation du Parlement, le temps leur aprendra le
reste. Car pour la rüine qu’ils ont causée à vingt mille familles, ie
n’en parle point, puis qu’il suffit à leur dire, que c’estoyent des Partizans,
ou de leurs amis & alliez. De sorte qu’ils ont démenti la maxime
de la Physique, qui veut que la génération de l’vn vienne de
la corruption de l’autre ; & le proverbe, que l’vn ne perd point que
l’autre n’y gagne : ne pouvant montrer qui a gagné en leur reformation,
qui a causé tant de pertes.

D’où il me semble desia voir, que non seulement le simple bourgeois,
mais le Parlement a honte de cette équippée : mais comme
il est plus malaisé de se retirer d’vn mauvais pas que d’y glisser, ils
trouvent de la peine à en sortir.

Courage neantmoins, mes chers compatriotes, perdez cette fausse
opinion, qu’il y ait du deshonneur aquitter son erreur : Leurs
Majestez font la moitie du chemin : Elles ont plus d’intérest en vostre
conservation qu’en vostre perte, ne résistez pas plus long-temps
à leurs tendresses : Ayez seulement envie d’estre sauvez, vous le serez.
A plus forte raison serez vous exempts de mal. puis que ceux
mesme qui vous l’ont procuré, sont receus en grace Ouvrez vostre
cœur à vostre Roy qui y veut venir loger : Dieu mesmes tout bon
qu’il est, ne sçauroit habiter chez nous si nous ne l’y voulons recevoir,
& cette reception ne se fait pas sans vne préparation précédente :

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Toute celle que leurs Majestez requiérent de vous, c’est la
mesme affection qu’elles vous offrent. Refuserez vous vn si précieux
tresor à si bon marché ? Ie ne le puis croire.

 

Sur tout apres la funeste catastrophe qu’a naguéres eu ce soulévement
du Parlement d’Angleterre contre son Roy, pour lequel les
Anglois disoyent au commencement avoir pris les armes. Barbarie
exécrable & pleine d’horreur, qui doit émouvoir tous les Rois
& tous les peuples, & particulierement porter tous les cœurs véritablement
François à se présenter en foule aux pieds de leur Roy,
& luy parler en ces termes : Sire, comme l’exemple des entreprises
du Parlemẽt d’Angleterre a authorisé les actions du nostre envers
le vulgaire, qui n’a pas sceu distinguer l’équivoque du nom de Parlement,
qui signifie en Angleterre les trois Estats généraux, au lieu
qu’il ne comprend en France qu’vne partie du troisiéme : nous avõs
telle aversion à l’énormité du crime de celuy-la, qui a osé mettre
ses mains parricides sur son Roy, que pour la tesmoigner à Vostre
Majesté, nous luy venons protester que si le Parlement de Paris ne
change de dessein de s’opposer à vos volontez : nous, de qui dépend
l’vsage des mots, le contraindrons à changer de nom, & rendrons
celuy de Parlement aussi odieux à la posterité, que l’est auiourd’huy
celuy de Tyran, depuis la violence d’aucuns de ceux qui
portoyent ce nom, auparavant si révéré qu’il servoit de titre aux
Souverains.

Mais nous espérons que ce Corps si cupide d’honneur, & dans
lequel il y en a plusieurs qui ne peuvent estre accusez que de foiblesse
ou connivence, ne nous voudra pas laisser tout entier celuy
d’auoir sacrifié, comme nous faisons à Vostre Majesté, nos biens
& nos vies, pour aller éprouver contre les Espagnols qui nous ont
voulu séduire, ce que peuvent toutes vos armes iointes ensemble,
s’ils ne se veulẽt à l’instant réduire à la raison par vne paix aussi glorieuse
à l’Estat que celle de l’Empire, & qu’ils ont eux mesmes cy-deuant
consentie : ne pouvant souffrir que nostre procédé puisse
en aucune façon préiudicier à la gloire de nostre Prince léguime
ny meliorer la condition des anciens ennemis de sa Couronne.

Achevé d’imprimer le vingt-septiesme Février

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Anonyme [1649], LE BANDEAV LEVE DE DESSVS LES YEVX DES Parisiens: Pour bien juger des Mouvemens presans; & de la partie, qu’eux & tous les bons François y doivent tenir. , françaisRéférence RIM : M0_574. Cote locale : A_3_19.