Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS, A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ. , français, latinRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : E_1_65.
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LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS.

MONSEIGNEVR,

Ie ne suis ny Vassal, ny Domestique de Vostre
Altesse, ie suis François, & cette qualité m’oblige
de vous honorer, comme Prince du Sang de France,
& comme celuy dont les grandes actions ont rendu cet Estat
le plus florissant & le plus glorieux des Royaumes. Ie croy que
tous les autres ont eu pareil respect pour vostre merite, & qu’ils
ont creu la patrie dans vn comble de prosperité, quand ils l’ont
veu triompher par vos armes. Il n’y a personne qui n’ait fait des
vœux pour l’accroissement de vostre honneur, & pour vostre conseruation :
& si vos victoires vous ont cousté quelques gouttes de
sang, l’on en a pleuré la perte auec plus de tendresse, que l’on n’a
témoigné de ioye de l’aduantage qui nous en reuenoit.

Toute la France craignoit pour vous & pour elle la valeur fatale
des deux fameux Enguiens vos predessesseurs, qu’elle enseuelist
auec tant de larmes dans le printemps de leurs années. Vous
estiez ses delices, & l’esperance de sa protection : enfin elle se promettoit
tout de vous, & n’apprehendoit rien de ses ennemis. Vous
aués esté la seule consolation qui luy soit restée de la mort de Monseigneur
le Prince de Condé vostre Pere ; ou du moins auez-vous
donné vne longue intermission au regret eternel qu’elle en deuoit
auoir ; parce que l’on vous a long-temps veu suiure ses bons sentimens
& ses preceptes dans les conseils.

Vous ne fessiez pas pour cela d’estre le mesme Enguien dans la
guerre, & vous l’auez aduantageusement fait voir à cette fameuse
iournée de Lens : où vous suppléâtes auec tant de bon-heur au
mauuais soin, & à l’imprudence de ceux que l’on appelloit nos Ministres.
Vous surmontates les esperances que l’on pouuoit auoir
d’vne campagne, au succez de laquelle ils auoient si mal pourueu :
que ce ne fut pas sans suiet s’ils furent soupçonnez de trahison

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& d’intelligence auec nos ennemis : Ie diray encor d’attentat
à vostre reputation & à vostre personne. L’on auoit eu mesme
opinion du voyage de V. A. en Catalogne, où l’on sçait que vous
futes abandonné, & que l’on ne vous enuoya rien de tout ce qui
estoit necessaire, mesmes pour y soutenir l’effort que fit l’Espagne,
& que la seule presence du Prince de Condé y maintint nos
affaires, & y occupa les forces destinées pour opposer à la reuolte
de Naples si mal mesnagée de nostre costé.

 

C’est peut-estre la principale raison qui nous a esmeu contre la
domination tyrannique de Iule Mazarin. Apres qu’il eut épuisé
presque tout le Royaume de ses finances, l’on n’apprehendat pas
sans raison, qu’il ne precipitast V. A. dans vn dernier peril où vostre
valeur succombast souz la force des ennemis, par les artifices
paricides de ce traistre Sicilien.

N’ayant pû vous perdre, & continuant ses pernicieux desseins
sur cet Estat, il a voulu vous gagner ; de crainte que celuy qui
auoit prodigué sa vie pour la France, ne la voulust encore hazarder
pour la deliurer de son oppression. Il estoit asseuré de la facilité
de M. le Duc d’Orleans par le moyen d’vn valet qui le gouuerne,
& qui estouffe dans le point de sa production tous les bons desirs
de S. A. R. & vous estiez le dernier but de sa politique. Toute
l’Europe ne s’estonnera pas sans suiet, qu’vn acheteur si mercenaire
& si auare, ait pû s’acquerir vne personne si importante, dans
vne saison si contraire, & sur le point de sa ruine.

Vous deuiez estre alors le plus offensé, il venoit de deliurer aux
ennemis vne des principales conquestes de V. A. il marchandoit
auec eux pour la derniere : il ostoit cette recompense à vn Seigneur
de marque, digne d’vn plus grand employ, & mettoit de dans
Ypre la mesme creature qui auoit perdu Courtray, & à qui nos
loix deuoient auoir fait perdre la teste. Bref, comme s’il se fust
ouuertement declaré jaloux & ennemy de vostre gloire & de vostre
reputation, il voulut troubler impudemment les benedictions
publiques que l’on vous donnoit, & la réjouyssance qu’on témoignoit
du gain de vostre derniere bataille, par l’emprisonnement
de deux Magistrats, & nous voulut faire connoistre que vous n’auiez
vaincu que la France, ny combattu que pour l’affermissement
de sa tyrannie.

L’énormité d’vne si estrange action émut les plus tiedes des

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Parisiens. Ils ne croyoient pas qu’il fust possible d’en estre spectateur,
sans en estre complice, si l’on ne la vengeoit, & l’on vous
desiroit pour chef d’vne resolution prise pour vostre honneur, &
pour celuy de la patrie, Vous vintes, MONSEIGNEVR, vous
ne vous en ressentistes pas ; mais quoy qu’il en soit, vous pacifiates
ce desordre au gré de tous les interessez, auec vne legalité qui
vous continua l’amour des peuples. L’on apporta vn temperament
aux desordres de l’Estat, & l’on publia cette belle Declaration
qui doit estre d’oresnauant le fondement inébranlable de la
Monarchie. L’authorité d’vn bon Roy n’y est point lézée, les Princes
qui sont les premiers obiets de la persecution des fauoris y
trouuent leur seureté, le Roy y recouure ses finances dérobées, &
le peuple y rencontre cette tranquillité depuis si long-temps
troublée par l’insolence des mauuais Ministres, & par les rapines
sanguinaires des Partisans.

 

Monseigneur le Duc d’Orleans & vostre Altesse l’ont approuuée ;
puis qu’elle s’est faite de vostre consentement & par vostre
conseil, à la suplication du Parlement qui n’a point vsé d’autres
forces que de celles de la raison. La Cour est reuenuë à Paris & la
ville en a receu vne ioye inexprimable : l’on n’a parlé d’autre
chose depuis, que de l’execution des articles ordonnez, non
plus par le Parlement, mais par le Roy : & par ce qu’il estoit
impossible que l’on ne descouurit les larcins du Cardinal Mazarin,
seul autheur de tous nos maux : Ce chef des volleurs
de l’Estat tout-puissant aupres de la Reyne Regente, s’est seruy
de tout son credit pour l’empescher.

Le bruit est tout commun qu’il vous entretient de grandes
esperances pour estre protegé de vostre Altesse : Mais que peut-il,
vous promettre verbalement pour vne action indigne de
vostre Sang & de vostre Vertu, que l’on ne vous accorde en
effet, pour ce que vous auez desia merité ? & n’est-ce pas vne
extreme insolence à ce perfide, de vous proposer pour prix de
son salut de nouueaux estats qui vous sont deuz pour vos seruices,
& que vous ne pouuez receuoir que de la main de ceux contre
lesquels il vous arme. C’est faire peu de cas de ce que vous auez
fait auec tant de gloire, & c’est vne estrange temeriré, d’estimer
plus que tant de villes conquises & de batailles gagnées, la deffense
du plus cruel ennemy de l’Estat. Il n’y va point de vostre
honneur de le maintenir, au contraire, s’en est fait, & vous perdez

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le fruit de toutes les obligarions dont la France vous est
redeuable ; si vous vous seruez contr’elle mesme de la reputation
que vous auez acquis pour elle.

 

Si vostre Altesse daignoit ietter les yeux sur l’estat miserable
où elle se voit reduite par l’oppression de la guerre intestine
que luy ont fait depuis la Regence tant de corbeaux épars dans
les Prouinces, creatures & emissaires de Mazarin, qui l’ont deuorée
iusques aux intestins : il est sans doute que vous auriez horreur
de son miserable cadaure si rongé en toutes ses parties. Songez
que c’est le patrimoine de vos ayeux, & qu’il pourra estre celuy
de vostre posterité, & considerez que la Reyne, Monseigneur
le Duc d’Orleans & vous, jouez l’heritage de vos enfans contre vn
infame filou, qui vous jouë luy mesme, & qui hazarde pour la
plus abominable teste du monde, vos personnes, vos biens & vostre
honneur.

Il a tousiours vescu & joué aux despens d’autruy, comme
celuy qui n’estoit né que pour la perte du public. La fortune
accoucha de ce monstre adulterin pendant son diuorce auec la
vertu, & elle ne l’a promené vagabondant par tant d’estats, que
pour donner vn vain esclat à sa puissance. Ie connois son pays,
& la Sicile mesme qui ne l’aduoüe que pour nostre honte, m’a
fait sçauoir son origine chez vn cabaretier de ses parens en la
Ville de Palerme, à mon retour de Malte. I’y sceus la banque-routte
de son pere qui estoit chapelier & boutonnier de son mestier,
& comme il se retira à Rome où le P. Iulio Mazarini Iesuitte
son frere le mit en condition. Il y vola beaucoup pour amasser
vn peu de bien : il y maria quelques filles, & mit son fils aupres
du Connestable Colone. De-là il passa au seruice du Cardinal
Antonio Barberin, & n’y eut pas le rang que l’on eut donné
à celuy que l’on creu deuoir vn jour pretendre de s’allier auec
cette maison. Il s’y signala par ses débauches, & fut l’intendant
des plaisirs deshonnestes de la Cour Romaine.

Ce fut luy qui donna conseil au Cardinal Antonio de se défaire
d’vn neveu du Pape d’auiourd’huy qu’il auoit esloigné de
ses bonnes graces. Il fut mal-traitté à coups de bastons, & craignant
iustement le dernier effet de la haine Italiene, il ne pût
pas mesmes éuiter la mort dans l’armée de l’Empereur, où il fut
assassiné par le ministere de Mazarin : qui suiuant la bonne coustume
de son pays ne pouuoit souffrir viuant aucun de tous ses ennemis,

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particulierement celuy-cy, qui estoit autant braue qu’il
estoit lasche & poltron. C’est le sujet de son inimitié mortelle
contre le Pape, & de l’exclusion qu’il fit donner par l’Ambassadeur
de France pour l’eslection de sa Saincteté. Depuis il continua dans
le libertinage, & donna au jeu & aux intrigues le reste de son
temps. C’est ce qui le fit connoistre, & qui le fit rebuter du seruice
d’Espagne par les Ministres du Roy Catholique, qui ne trouuoient
en luy ny vertu, ny sincerité, ny capacité, pour seruir dans
les emplois qu’il briguoit.

 

Il prit par despit le party de France, & ceux qui ont escrit de la
Paix de Cazal, l’ont assez mal à propos loüé pour luy complaire,
de ce qu’il y eut du bon-heur. La fortune qui le conduisoit aueuglément
dans le piege où il doit perir, luy prepara cette entrée en
France, où il fut bien receu du Cardinal de Richelieu, qui ne pût
mieux faire veoir qu’il s’estimoit au dessus de sa pourpre, que d’en
reuestir son valet. Ie l’appelle valet, car tout Paris sçait comme il
vesquit, & ceux de la Chambre du Cardinal de Richelieu, luy faisoient
present de ses vieilles hardes pour le r’abiller, iusques à des
souliers, & des vieux gands. Il doit encor son chappeau à l’auersion,
que le mesme Cardinal auoit contre ceux de nos Euesques
qui le pouuoient meriter : Le sieur de Chauigny Secretaire d’Estat,
dans l’employ des affaires estrangeres, qui l’auoit pris en affection,
& qui le receuoit tous les iours à sa table, y apporta des
soins extraordinaires, dont nous auons veu la recompense dans la
Regence d’auiourd’huy, que l’on peut appeller l’interregne des
François, & l’Empire du Sicilien.

L’histoire ne perdra rien de la plainte de tous les peuples qu’il
a fait gemir dedans & dehors le Royaume, par la guerre qu’il a
continuée pour affermir son authorité, & Vostre Altesse en entendra
parler toutes les Nations, qui ne pourront que vous blasmer
de l’auoir voulu arracher des mains de la Iustice, & de luy
auoir voulu liurer la Iustice mesmes, pour esteindre ce petit reste
de la splendeur de nostre ancienne Monarchie, que la tyrannie n’a
pû offusquer.

Seroit-il bien possible que vous eussiez ignoré qu’il a fait ses efforts
pour entrer au seruice de M. le Duc d’Orleans, & pour oster
à la Royne, & à M. le Prince, pere de V. A. la part que le feu Roy
leur auoit donnée à la Regence du Royaume. Ce fut vn valet à
louër l’espace de quelque temps, tout le monde l’auoit en horreur,

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& il n’y eut que Monsieur l’Euesque de Beauuais qui se laissa surprendre
par ses fourbes qui l’ont esloigné de la Cour, & du Conseil
de la Royne : sa Majesté ayant par mal-heur pris plus de creance
en vn homme de cette qualité, qu’en tout ce qu’elle auoit aupres
d’elle de gens de bien & d’honneur ; desquels on esperoit que son
gouuernement seroit aussi plein de Iustice qu’elle auoit témoigné
de zele & de compassion pour les miseres publiques, dans vne vie
priuée.

 

Depuis que sa Majesté l’a appellé au Ministere, a-on veu autre
chose que ieux, que balets, que comedies, que farceurs, que
bouffons, & que traitres dans la maison du Roy ? & ne peut-on
pas dire que tout l’Estat a esté mordu de la Tarantule. C’est vne
beste de son pays, dont la morsure & le chant excitent diuerses
passions : quelques-vns rient & dancent sans suiet, & les autres
pleurent amerement, & tous quelques fois iusques à la mort ; si
elle n’est preuenuë de celle de cet animal immonde. Il en a esté
de mesme souz son administration, & dans nostre seruitude : pendant
que toute la Cour estoit dans des delices imaginaires par ses
enchantemens, les Prouinces gemissoient souz le joug & sous
l’oppression de ses harpies, & cruels comites & ces bourreaux de
l’Estat les tenoient dans vne captiuité plus authorisée que la puissance
legitime que les Roys donnent aux grands qui les gouuernent.
Ils n’ont point esté traittez en sujets par ses Traittans & Partisans,
mais comme des voleurs questionnez & gehennez pour
descouurir la cache de leurs larcins. Enfin, il ne leur restoit qu’vne
ame affligée de la prison d’vn corps qui estoit encore souuent
prisonnier & hors d’estat d’aller chercher vne vie moins miserable
hors du pays natal.

Il a rendu le nom & l’Empire des anciens peuples Francs ridicules
à tous leurs voisins, & méprisables à la posterité, & l’on ne
parlera iamais des Vespres Siciliennes auec tant d’exageration,
que de la licence que nos Princes ont permise au dernier homme
de la plus basse populace de Sicile. Toutes les Histoires nous mettent
ce pays en horreur, nos Roys l’ont eu en abomination, & aucun
d’eux n’a perdu le desir d’expier sur cette nation perfide le
sang de ses suiets victimez dans cette terre de Lestrigons. Ce sang
crie vengeance à sa Patrie par la bouche de ses enfans tourmentez
par ce Phalaris Parlemitain, & vous demande l’execution de l’Arrest
de l’an 1617. si vous ne voulez plutost luy permettre la satisfaction

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qu’obtinrent les Cypriots que les Iuifs auoient mis à feu
& à sang souz l’Empire de Trajan. Il fut defendu à tout Iuif de
mettre le pied dans leur isle, à peine de la vie, & l’on n’exẽpta pas
de la rigueur de cette loy les exilez & les amis des Romains, &
non pas mesmes ceux qui y abotderoient par la contrainte des
vents, où que la tempeste y auroit iettez.

 

Dyen. Cass. in
ea iusula duce
Ariemiene
censturantes
Iudæi circiter,
centum
& quadragiatacapitum
millia trucidarunt.
Qua
facti atrocitate,
Iudæus de
cætero legibus
& [1 mot ill.] Cyprum
attingere
prohibetur,
si vel vi
tempestatis,
vel per errorem
illuc delatus
fuerit,
ceu capite
damnatus,
statim morte
mulctatur.

Ce Sicilien icy s’est voulu exempter du crime de sa patrie par
de plaisantes attestations, qu’il estoit d’vne race de vieille faction
Angeuine, ou Françoise, & il eut bien mieux fait de la renier comme
vne marastre qui ne luy auoit donné aucun bien, & de se dire
Bourgeois de l’Vniuers, & fils de la terre comme les Cyclopes
ses compatriotes, que d’attribuer à ses ayeux tout ce qui s’est pû
faire de notable par les habitans de Mazarini en Sicile, dont les
Seigneurs & Comtes que i’ay veus, & qui se surnomment Branciforté
le desaduouënt de l’affinité qu’il a voulu faire auec eux,
comme encor le defunct Magalotti Mareschal de camp, tué deuant
la Motte, qui a nié en ma presence qu’il fust son parent, auec
tant d’auersion pour cette proximité, qu’il disoit mesmes qu’il aimeroit
mieux n’estre pas son amy, s’il falloit estre l’vn & l’autre
ensemble.

Si la generosité Françoise vous empesche de consentir qu’il
porte la peine de la barbarie de son pays par reprezailles, comme
estant le premier que nous ayons trouué en France, n’empeschez
pas qu’il ne soit puny de ses crimes personnels, qui sont la ruine
de la mesme France, & l’intelligence qu’il a auec nostre ancien
ennemy, son Prince naturel : du moins vueillez estre son Iuge auec
le Parlement, & ne croyez pas qu’il soit plus honorable à V. A.
de l’auoir protegé contre la Iustice, & contre le ressentiment general
de tout le Royaume. Aymez-vous mieux conseruer sa
personne, que vostre honneur & l’amour des peuples, & vouléz-vous
qu’il échappe auec ce suiet de vanité, que des Princes qui
ont d’autant plus de suiet de le haïr, qu’ils ont part à l’estat qu’il a
pillé, se soient exposez & opposez pour sa defense.

Serons nous tousiours si mal-heureux que de voir vostre Altesse
dans des hazars continuels par ses menées. Il ne vous a fait
combattre que pour vous perdre, & ce pernicieux dessein n’aura-il
esté sans effet que pour vous conseruer pour luy mesme, contre
vn peuple qui seul a prié Dieu pour vostre conseruation. Iettez les
yeux sur la justice de sa Requeste, considerez vostre condition,

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examinez celle de l’accusé, voyez de quelles armes il est poursuiuy,
& si i’ose dire d’auantage, songez vne fois seulement que
Monseigneur le Duc d’Orleans & vous, estes inuestis par certaines
gens de sa cabale & qui courent sa fortune, qui vous obseruent
& vous obsedent ; pour empescher que la justice qui vous suit, &
qui vous tend les bras, ne vous puisse approcher. Il y en a sans
doute aupres de vous qui sont de sa liurée & qui craignent d’estre
liurez, qui sont à ses gages, & qui ne sont n’y a vostre Altesse ny
à la patrie. Ils se veulent auec luy mettre à l’abry du Sacré Sang
de nos Roys ; mais c’est en vain, & ie prie Dieu qu’il les choisisse
à vos costez sans qu’il vous touche de son foudre.

 

Vostre Altesse ne peut les garentir de sa valeur, ny de sa qualité,
contre celuy qui vous les a données, & qui peut bien vous empescher
de rien entreprendre sur les siens. Dieu oste souuent le courage
aux Princes ; mais nous le prions de vous conseruer le vostre,
& qu’il vous donne de meilleures inspirations, afin que nous ne
nous plaignions pas iustement de vostre fureur, & que vos ennemis
n’attribuënt pas à vne seule impetuosité, ce que vous auez
fait au de-là des frontiéres, comme ce que vous faites iniustement
aux portes de Paris, sans y auoir esté prouoqué, que par de
mauuais conseillers. Vous estes le seul Prince qui l’ait iamais
entrepris, & Dieu vueille que vous ne seruiez point d’exemple à
ceux qui viendront apres vous. Il est vray, que vostre Bisayeul
paternel en est venu là, & qu’il y fut defait par vostre Bisayeul maternel
qui mourut victorieux : mais ç’a esté pour sa querelle particuliere,
pour sa Religion, & contre la mesme faction de la Cour
que vous soustenez : encor en vsa-il comme vn enfant qui porte
respect à la maison de son pere, & nos ancestres nous ont appris
qu’il ne fut fait aucun desordre dans les villes & dans les maisons
mesmes éparses à la campagne, qui appartenoient à ses ennemis.

Cependant nous entendons que vostre armée n’a laissé à
commettre aucun acte d’hostilité par tout où elle a passé, &
qu’elle a fait dans Saint Denys, ce que le Turc n’a point commis
dans Hiérusalem. Cette ville est dediée au Patron des Roys, de
la maison Royalle, & du Royaume de France, c’est le sanctuaire &
le Sacré depost de vos augustes Predecesseurs. Est-il possible que
vostre Altesse ait pû commander ou bien souffrir vn si sensible outrage
contre leur glorieuse memoire, & que le respect des cendres
du grand Saint Louis, de qui vous descendez, & dont vous

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portez le nom & les armes, ne vous ait pû destourner d’vn si étrange
procedé, contre vne ville jnnocente, & de si long temps protegée
& possedée par les Bourbons ? Elle appartient à Monseigneur
le Prince de Conty vostre frere, & cela feroit croire que
vous estes deuenu l’ennemy de vostre maison, comme de vostre
patrie, & qu’vne passion estrangere auroit étouffé dans vn si grand
Cœur & l’amour François & l’amour fraternel.

 

Pardon, Monseigneur, si j’ose vous dire, que son Altesse a
fait vn coup d’Estat qui vaut toutes vos grandes victoires, & que
si vous auez la force & la vaillance des Bourbons, il est le principal
heritier de la sagesse de son pere, & de l’affection qu’il portoit à la
France & aux Parlemens. Il sera éternellement loüé d’auoir preferé
le salut des Citoyens, à tous ses biens & au soustien de la fortune
d’vn indigne estranger, & vostre Altesse réueillée quelque
iour comme vn autre Philippe de Macedoine, s’accusera d’auoir
blasmé sa generosité, & la sainte resolution de Madame de Longueuille
vostre sœur, & de Monseigneur le Duc son mary. Si le
conseil de ce sage Prince digne successeur de la branche restauratrice
de l’Estat, & de la reputation de ces grands Cõtes de Dunois,
eut pû r’appeller en vous les sentimens d’vn vray pere de la patrie,
comme vous en auez esté le protecteur : vous attiriez sur vous
toutes les benedictions que Dieu depart ordinairement aux prieres
d’vn peuple iuste : vous terrassiez la fortune, vous renuersiez le
throsne qu’elle s’est éleué sur nos épaules, & vous restablissiez le
Royaume dans ce repos, que vous l’obligez de chercher par la
voye des armes en se defendant contre vous mesme.

Tout le monde est Soldat pour vne telle occasion, qui est le
pretexte le plus specieux des armes du Roy dans l’Allemagne :
Ainsi, MONSEIGNEVR, Vous auez affaire contre tout ce qu’il y
a de François, contre vos plus affectionnez seruiteurs, contre vos
parens, & contre ceux mesmes qui vous ont àccompagné dans
vos conquestes, & qui ont donné de leur sang pour sauuer celuy
de V. A. vous ne pouuez pas esperer comme vn autre Pompée,
de faire naistre des Legions d’vn coup de pied, la terre que vous
foulez est vostre ennemie, & elle n’enfantera point de Soldats que
pour vous combattre, & pour la defendre.

Ces estudieurs de bons mots, ces lasches Parasites, & ces plaisans
impies que l’on souffre auec tant d’impatience sur le theatre
de la Cour, ont beau vous predire de grands progrez, & vous

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promettre vne Scene Tragicomique de nos Magistrats, & des
principaux Bourgeois de Paris, traisnans les chaisnes de leur ville
à la suite de vostre triomphe. Ils font vne mauuaise application
du seul exemple qui soit dans nos Croniques, qui nous en donnent
beaucoup d’autres du supplice de la corde, qu’ont subi leurs
semblables, & qu’ils ne peuuent éuiter que par le feu, qui doit
estre la punition de quelques-vns.

 

Ce n’est point icy le tumulte extrauagant d’vne insolente populace,
c’est vn armement necessaire, authorisé par ceux qui sont
les depositaires de l’authorité du Roy dans sa minorité, contre
l’ennemy de son Estat, & pour la liberté ancienne. C’est plutost
vne inspiration du Ciel qui demande la ruïne des meschans, &
qui les veut oster de dessus la face de la terre : & la confiance que
nous auons en sa misericorde, & la consolation d’vne mort glorieuse,
plus desirable qu’vne vie languissante, nous rendent plus
aguerris que la plus vieille milice. Tout le Royaume est dans vne
mesme vnion, & dit comme les Machabées : *Releuons l’abaissement
de nostre peuple, & combattons pour nostre nation, & pour nostre loy, &
pour nos Saints. Nos Rois sont nos Dieux, & nos Parlemens, & nos
Pasteurs sont nos Saints. Ils ont l’esprit de Dieu, & nous peuuent
dire : Ne craignez point la puissance ny le nombre de vos ennemis, soustenez
courageusement, Et ne tremblez point, le Seigneur aura pitié de nous,
il va defaire aujourd’huy cette armée en nostre presence, et les estrangers
apprendront que nous auons qui nous deffende & qui nous deliure d’esclauage.
Il y a long-temps que tant de saintes ames implorent la Iustice
Diuine contre cet ennemy de la paix publique, & contre ses supposts,
& le Ciel ne resonne à present d’autres Echos que de ces
paroles : Mon Dieu vangez-nous de cet homme & de son armée, faites-les
tomber sous le glaiue : Vueillez vous ressouuenir des blaspéhmes de ses
gens, & ne l’endurez pas plus long temps sur la terre.

Erigamus
detectionem
populi nostri,
& pugnemus
propopulo nostro,
& Sanctis
nostris.

Ne timueritis
multitudinẽ
eorum, &
impetumenrü
ne formidetis.
miserebitur
nostri Dominus
& conteret
exerciium
istum,
ante faciem
nostram, hodie,
& scient
omnes gentes.
quia est qui
redimat : &
liberet Israel,
Machab lib 1.

Vne seule consideration retient nostre courage, & c’est pourtant
ce qui nous anime dauantage ; c’est que nous ayons à combattre
au nom du Roy contre nos freres, qui ont suiuy le Roy
quand ce Rauisseur de tout ce que nous auons de plus cher & de
plus precieux nous l’a enleué, & contre des Princes, que cet
imposteur aueugle pour rẽdre sa ruine plus celebre par leur peril,
ou par leur perte. Nous prions Dieu que cette guerre se termine
plus doucement, & qu’il vous illumine de la mesme grace qu’il
respandit sur la Noblesse de Bretagne sur le point de s’entretuër

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pour Pierre Landais fils d’vn Chaussetier, & fauory de François
II. Duc de Bretagne, & que les deux armées s’vnissent pour liurer
son semblable à la potence.

 

Fac vindictà
in homine isto
& exercitu
eius, & cadat
in gladio, memento
blasphemias
eorum,
& ne
dederis eis,
vt permaneant,
ibid.

Nostre siecle a besoin de cet exemple pour esperer vn meilleur
gouuernement à l’auenir, & pour la consolation de ses souffrances,
& V. A. n’a que ce moyen pour r’entrer dans l’amour & dans l’admiration
des peuples. Apres cela, nous ioindrons toutes nos forces
pour contraindre les ennemis du dehors à nous offrir la paix,
que ce traistre a refusée à toute la Chrestienté, & nous recouurerons
vne nouuelle vie par vostre faueur. Autrement nous nous
tenons obligez à defendre nostre liberté, le repos de nos familles
& nos vies : C’est la preuue de la plus parfaite sagesse que de se resoudre
à tous les dangers, & de tout entreprendre pour le salut de la Republique :
nous sommes nez pour elle plus que pour nous, & nous ne pouuons
jamais mieux employer vne vie que nous deuons aussi bien au destin, qu’en la
sacrifiant à la patrie : C’est vne debte de l’eternité, que tout l’àge d’vn homme
ne peut acquitter.

Sepient qui
ennia Reipabiliæ
causa
suscipienda
pericula putabit
sapæ
ipse secum lequitur :
non
mihi scli, sed
etiam atque
adeò multo
potius, natus
sum patriæ,
vita quæ fato
debetut, saluti
patria potissimum
soluatur

quid est quod
ame satis et
persolui posfie.
Cic. ad herren

Helas ! en quels termes serons-nous reduits de defendre l’honneur
de la Couronne, & de la nation contre ceux qui y ont plus
de part. Les fauoris ont accoustumé de briguer l’amour du peuple
pour opprimer plus facilement les Princes. C’est quasi la seule
marque, & le premier témoignage qu’ils doiuent donner de
leur puissance, & il y en a eu fort peu qui n’ayent cu quelque victime
de vostre Royale maison. Les témoignages en sont trop recens
de toutes parts, & en la personne mesme de Monseigueur le
Prince de Condé pere de V. A. qui n’en est échappé que par
bon-heur, & par vne prudence singuliere. Nous n’auons iamais
veu les Rois seuir contre leur sang si frequemment, que lors qu’ils
ont abandonné le gouuernail de l’Estat à quelque mignon. Si
les grands du Royaume ne se sousmettent seruilement à des commandemens
des honnestes, il croit qu’ils luy enuient sa fortune, &
les traitte en ennemis : mais comme cette administration, dont il
abuse, appartient naturellement aux enfans de France, quel milieu
peut-on trouuer entre ces deux oppositions, & que doit-on
penser d’vne alliance entr’eux, sinon au desaduantage de celuy
qui a le droit & l’authorité. Il est au pouuoir de Monseigneur le
Duc d’Orleans, & de vous, Monseigneur, d’abolir auiourd’huy
ce nom & ce ministere omineux qui a trop duré pour nostre bien,
& qui ne peut plus subsister apres tant d’exemples, qu’à l’abbaissement,

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& pour l’extinction de vos familles.

 

Les Parlemens y apportent l’authorité des Loix tous les François
conspirent à ce dessein : Il n’y a que vous qui retenez sur la
maison Royalle vn ioug infame, que le peuple ne peut souffrir, &
qu’il secouë si genereusement. Nous sommes en armes pour cela,
& vous vous faites Capitaine des gardes d’vn homme indigne
de la plus basse charge d’aupres de V. A. si bien qu’il faut vne armée
pour amener vn criminel infame qui ne deuroit estre traisné
que par des sergens.

Ne voulez-vous point vous souuenir que c’est vne corneille déguisee,
& que quand on a voulu commencer a la plumer, tout ce
qu’elle auoit d’éclat estoit emprunté. Il n’a d’esprit que pour
tromper par de fausses apparences, & pour corrompre de nostre argent
les femmes de la Cour, & quelques interessez : il ne sçait rien
de toutes les sciences, quoy qu’il ait fait ramasser vne riche bibliotheqne,
il n’a bien fait à aucun veritable docte, nous n’auons
pour toutes pieces de sa composition que des Commentaires sur
les brelans, & la seule statüe qui restera de luy en France sera le
valet de carreau dans le Hoc Mazarin. Il ne parle qu’in discrettement,
il écorche le François, & ses comparaisons ne sont que
de mechaniques dans ses harangues. Il n’a pour Conseillers
que des infames, pour domestiques que des criminels de France,
ou des bandis d’Italie, pour intrigues que des garces & des filoux,
pour amis que des volleurs & des blasphemateurs, des
joueurs & des bouffons, qui ne connoissent rien, & qui sont indignes
de prendre aucune part en nos affaires.

Auec ces belles perfections il nous enleue nostre Roy, nostre
Reyne & nos Princes. Nous sçauons bien par quel artifice il a eu
Monseigneur le Duc d’Orleans, & il est tout public qu’il s’est seruy
pour le persuader, d’vn nommé Barbier fils d’vn mouleur de
bois, sous promesse de faire de ce pedant vn Cardinal de la Riuiere :
mais l’on ne peut s’imaginer par quel conseil V. A. s’est vouluë
ietter dans ce party, ny qui vous aura pû porter à dire dans
vostre lettre écrite à la ville, que le Parlemint s’entendoit auec les
ennemis de l’Estat, ny comment vous auez à mesme temps commencé
la guerre contre Paris. Est-ce que cette ville deuoit adiouster
foy à cette calomnie doublement insigne, par la qualité
des accusateurs surpris & trompez par la malice du Sicilien, &
par celle des accusez ? ou bien la croyez-vous si lasche que d’exposer

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a la passion d’vn enragé la seule marque qui luy reste de sa Majesté,
& de ce qu’elle a d’auantageux sur toutes les villes du monde ?

 

Quoy ! ce Parlement qui s’est deuoüé à la prosperité de l’Estat
seroit liurê ? V. A. refuse d’abondonner l’ennemy du Royaume,
& nous vous en abandonnerions les protecteurs, que deuiendrions-nous ?
que deviendroit Paris, que le theatre d’vne proscription
plus sanglante & plus frequente que Constantinople ?
vous auez pour pretexte l’authorité d’vn Roy mineur, en quoy
peut-elle auoir esté violée en la personne d’vn vsurpateur, que le
Parlement poursuit pour rendre compte des finances qu’il a vollées,
& au Prince pupille, & à son Estat, & qu’il a transportées
hors du Royaume. Le Parlement qui à verifié la Regence de la
Royne, l’a-il erigée en tyrannie pour Iule Mazarin Sicilien, & ennemy
originaire de la France ? s’est-il absolument démis de la
connoissance qu’il a droit de prendre des affaires publiques, &
ceux que les Roys reconoissent pour Iuges de leurs causes Ciuîles
& des conspirations des Princes du Sang ; n’auront-ils point ce
droit contre vn homme si inferieur a leur qualité. Peut-il estre
leur Iuge si cette auguste Compagnie n’est iusticiable que de soy
seule, si vous ne le pouvez estre vous mesme qu’auec eux, & si les
Roys soumettent leurs interests à leurs arbitre ?

Dyon. Cassin,
curia iurauit
suo tussis
nemmem Senatorum
occisum
iri. Quod
sacramentum
quamuis etiã
insidiis petitus
esset in
violatum seruauit,
nihil
vnquã de suo
arbitrio statuit,
sed Principes
viros in
consilium sem
per adhibebat.

L’Empereur Nerua protesta en plein Senat qu’il ne permetroit
iamais la mort d’aucun des Senateurs, & il garda sa parole enuers
ceux mesme que l’on accusa d’auoir attenté à sa vie. Ce sage Prince
n’ordonna iamais rien de son mouuement, & prenoit le conseil
des principaux. Enfin Adrien, quoy que cruel, iura encor
qu’il ne souffriroit point qu’vn Senateur fut condamné que par le
Senat. Il en a esté de mesme de nos Roys : les plus anciens auoient
accoustumé de resoudre toutes les affaires de l’Estat dans
les champs de Mars, puis de May ; par ce que dans ces mois, il se
faisoit vne conuocation d’Estats pour aduiser aux besoins, & à la
reformation du Royaume. Ils ont depuis transporté ce droict au
Parlement de Paris, auec mesme authorité, pour estre Iuge equitable
entr’eux & le peuple, ils y ont gardé leur place, & en ont
assigné d’autres aux Princes, & aux plus grands de leur Couronne.

Aelius Spartianus
In
Senatu quoque
excusatis,
que facta erãt
iurauit se
nunquam Senatorem
nisi
ex Senatus
sententia puniturum.

Vostre Altesse est née Conseiller de cette Cour Souueraine,
qui est la veritable Image du Senat Romain souz les Empereurs :

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C’est le vray lieu du throsne de nos Roys, & le veritable conseil
de Paris, de toute la France, & des nations mesmes estrangeres
qui s’y sont soumises. L’on n’y trauaille que pour la gloire & par
honneur : ces saints Areopages taschent par leurs peines, & par
leurs veilles à nous donner le repos, & les plaisirs d’vne douce
vie : Ils suënt pour le bien du public, ils s’exposent courageusement
à l’inimitié des meschans, & ont quelquesfois a combattre
contre les plus puissans. Ils se sont conseruez iusqu’à maintenant
auec vne reputation entiere ; les Roys les plus victorieux
& les plus puissans les ont honorez, & y ont eux-mesmes conduits
les Princes leurs voisins, pour leur faire voir ce r’acourcy de
la grandeur & de la dignité de leur Estat : & les fauoris les veulent
abbaisser iusques à venir receuoir leurs commandements, &
prendre leurs Arrests par écrit dans leur garderobe.

 

Summum
populi Romani,
populorum
& gentium
omuiũ
Consilium Senatus.
Cicero pro
domo sua.

Idem pro P.
sextio. qui autem
bonam
famam, bonorum,
quæ sola
verè gloria
nominam potést,
expetunt,
otium quærere
debent, &
voluptates
non sibi, sudandum
est,
bis pro communibus
commodis,
adeundæ inimicitiæ,
subeundæ
sæpe pro
Republica tẽpestates :
cum
multis audatibus
improbis,
nonnunquam
etiam
potentibus,
dinicandum.

Ie prendray la liberté de vous dire, que c’est vn bon-heur à
V. A. de n’estre iusticiable que d’vne si celebre assemblée, &
que c’est ce qui asseure vostre condition : Toutes fois vous estes
en armes pour exterminer son authorité, & pour changer cette
Monarchie en vn Estat Desporique. L’on dit plus, l’on dit que
l’on demande les testes des plus gens de bien, & que l’on a déja
disposé de leurs biens de la ville & de la campagne. Voyla le sujet
de la guerre, dont nous ne pouuons parler plus veritablement
qu’auec Ciceron, discourant de celle de Marc-Antoine, & dire
comme luy, *Cette guerre icy n’est point vne discorde ciuile, elle n’est allumée
que par l’esperance de quelques meschans qui ont adnoté nos biens, &
qui déja les partagent entr’eux chacun selon sa volonté. Apres vous
auoir exorté à r’entrer dans vous-mesmes, & dans l’interest de la
Patrie : si vous persistez à la molester, je tourneray ma voix vers
le Parlement, & ie l’exciteray d’appuyer son authorité de toutes
les forces de la France,

* Hoc bellum
non exdissentione
partiũ,
sed ex nefariasse
perditissimorum
ciuiũ,
excitatum,
quibus bona
sortunæque
nostræ notatæ
sunt, & iam
ad cuiusque
epinionem
distributæ.

Ie me seruiray des paroles du mesme Ciceron, duquel il a
executé le conseil, il s’est preparé à poursuiure l’autheur de
nos maux, dés le iour de sa fuitte : Le peuple s’est declaré pour
luy, & l’on doit esperer que ce mal naissant, prendra bien tost fin
par la diligence de ces Magistrats. L’on n’a point perdu de temps,
les leuées sont faites, & nous auons d’excellens Chefs. La Renommée
n’attend que de les voir partir pour publier auec la Iustice
de nostre cause, la punition & la vengeance de l’orgueil de
ce meschant gladiateur estranger. Il connoistra que ce n’est point

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à Paris qu’il fait la guerre, & qu’il a affaire à tout le Royaume :
Il sçaura que c’est de la puissance & de la force d’vn peuple,
dont il ne croyoit triompher que par la diuision qu’il attendoit.
La ville de Paris sera loüée eternellement d’vne genereuse
action, qu’elle eust volontiers cedée à Vostre Altesse :
elle aura le tiltre de Protectrice de cet Estat, que vous deuriez
auoir ambitionné pour couronner vne vie cy-deuant toute heroïque,
que vous exposez contre vostre terre natale, pour appuyer
le plus detesté de tous les hommes.

 

Vnde est
adhuc bellum
ni si ex
retardatione
& mora ?
vt primum
post
discessum
latronis, vel
potius desperatam
fuganelibere
Senatus haberi petuit, semper flagitaut, vt conuocaremur… si ex eo tempore dies
nullus-inter nissus esset, bellum prosecto nullum haberemus. Omne malum nasiens facilè opprimitur,
inueteratum sit, plerum que robustius… quam brem Legatorummentionem
nullam censeo faciendam, rem administrandam arbitror sine vlla mora, & confestim gerendam
censeo : tumultum decerni, iustitium indici, saga sumi, dicoupportere, delectum haberi sublatis
vacationibus in vrbe, & in Italia praterea Gallia tota. Que si erunt facta. opinio ipsa
& fama vestræ seueritatis obruet scelerati gladiatiris amentuam. Sentiet sibi bellum cum
Republica esse susceptum, experietur consentientis Senatus neruos at que vires ; nam nunc quidem
partium contentionem esse dictitat. Cicero Philpp. 3.

Vostre Frere puisné vous enleuera l’appanage qui vous deuoit
estre plus cher : Et ce ieune Scipion sera plus estimé de la
conseruation d’vn Citoyen, que vous ne le pourrez estre du
carnage de tant d’ennemis : Et la France n’aura cette gloire de
s’estre deliurée par ses seules forces, & malgré les vostre de
son persecuteur, & du plus meschant de tous les tyrans qui
l’ayent opprimée Ie n’ay que le temps de finir pour prendre les
armes, & il n’en reste pas dauantage à Vostre Altesse, pour les
quitter, & pour changer cette resolution desesperée contre vostre
païs, & contre vostre sang, en celle de les seconder dans leur
genereuse entreprise, & de rendre la paix à ce Royaume, à qui
l’on ne fait la guerre, que sur l’esperance de vostre courage, &
de vostre fortune.

Ibid.
Galliuque quæ
[1 mot ill.] prasidet
atque præfedit huic Imperie
[1 mot ill.] commant,
vereq.
audetur, quod
se [2 mots ill.]
non iradadit,
sed opposuit Antonio.

Ie prie Dieu & les Patrons de cette ville, qui ont chassé les
Huns & les autres nations Barbares de ses murailles qu’ils vous
touchent le Cœur, & qu’ils vous fassent desister de vostre entreprise
par vn sage conseil, plutost que de vous humilier par
nos forces, & qu’ils ne permettent pas que la posterité puisse

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dire, que nous ayons trouué nostre salut dans la perte de nostre
premier Prince du Sang. Agréez, s’il vous plaist, ce dernier
sentiment que ie ne pourrois pas vous exprimer de bouche,
sans y mesler des larmes, & me faites l’honneur de croire
que ie voudrois mourir pour vostre seruice en toute autre occasion
que celle-cy, qui arme tous les bons François contre
vous ; puisque vous auez autrefois agreé, que ie me donnasse
l’honneur de me dire de V. A.

 

MONSEIGNEVR,

Le tres-humble & tres-obeyssant
Seruiteur
GEORGES DE PARIS.

A PARIS,
Chez NICOLAS BOISSET, Imprimeur, ruë
Calende, à l’Image Saint Estienne.

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Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS, A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ. , français, latinRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : E_1_65.