Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.
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LA
VERITE
TOVTE
NVË,
OV
ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables
causes des maux de l’Estat, & les
moyens d’y apporter le remede.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LA VERITÉ TOVTE NVE, OV ADVIS
sincere & des-interessé, sur les veritables causes des maux de
l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede.

Pvis que la colere de Dieu si iustement irritée par nos pechez, a permis que
lors que la France faisoit trembler tous ses ennemis, & estoit en estat de
pouuoir donner la paix au reste de l’Europe, comme elle l’auoit donné à
l’Allemagne, & de se la procurer à soy-mesme auec tant d’auantage, qu’elle
n’auroit pas esté moins durable que glorieuse, elle se trouue aujourd’huy reduite
par nos diuisions domestiques dans vne telle extremité de malheurs,
qu’il faut auoir renoncé à l’amour de sa patrie, & à tout sentiment d’humanité,
pour ne pas contribuer, comme quelques gouttes d’eau afin de tascher à
esteindre cet embrazement, & ses larmes en la presence de Dieu, & ses aduis
à ceux qui peuuent s’en seruir pour le bien general de tout le Royaume, ie
m’estime d’autant plus obligé à parler dans vne occasion si pressante, que ie
n’ay point veu dans tous les Escrits qui ont paru iusques icy, qu’on ait approfondy
iusques dans leur source les causes des maux qui nous font perir, ny
qu’on ait leué ce voile funeste qui empesche presque generalement tout le
monde de discerner les tenebres d’auec la lumiere, les interests cachez d’auec
le zele apparent, & les faux pretextes d’auec les intentions veritables.

Ie proteste deuant le Dieu viuant, & qui peut d’vn coup de tonnere me reduire
en poudre si ma protestation n’est veritable, que ie ne suis par sa grace
porté en cecy ny d’aucun interest, n’y d’aucune haine : & que si ie ne me sentois
pressé de l’escrire par les raisons que ie viens de representer, ie n’aurois
jamais pû me resoudre de mettre la main à la plume, pour dire des choses qui
seront d’autant plus mal receuës de la plus part de ceux qu’elles regardent,
qu’ils sçauent en leur conscience qu’elles sont plus veritables.

Il faut donc voir clairement qu’elles sont les causes de nos maux, afin de iuger
des remedes qui sont capables de les guerir. Et c’est ce que ie vas tahcer
de faire.

La premiere cause est sans doute nos pechez, dont nous ne sçaurions demander
pardon à Dieu auec trop de soûpirs, de gemissemens & de larmes, ny
en faire vne trop seuere penitence. Personne n’ignore quelle fut celle des
Niniuites ; mais au lieu de l’imiter, on se contente de les imiter, & mesmes
de les surpasser dans leurs offences.

Quand aux causes secondes, la dissipation des Finances peut passer sans
difficulté pour la principale & la premiere de toutes. On ne sçauroit penser
sans horreur à la maniere dont elles ont esté administrées depuis le temps du
Cardinal de Richelieu. Au lieu de choisir des hommes dignes de remplir la
charge de Sur-Intendant, qui est la plus importante du Royaume, principalement
durant vne aussi grande guerre que celle que nous soustenons depuis
tant d’années, puis qu’elle en fait mouuoir tous les ressorts : on a veu vn Mareschal
Desfiat disposer plus absolument des tresors de l’Estat, que les autres
ne disposent de leur bien propropre, faire en mesme temps aux portes de Paris,
en Auuergne, & en Anjou, des despences & des bastimens que le Roy
son maistre n’auroit osé entreprendre ; Versailles qui ne seroit pas vne trop

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belle maison pour vn particulier, ayant esté la seule que ce grand Prince ait
bastie durant tout son regne. On a veu vn Bullion, ce monstre d’inhumanité,
d’impudicité, & d’auarice, voller auec la mesme hardiesse, que d’autres
ménageroient l’argent du public, & laisser des biens si prodigieux non seulement
en argent, mais en fonds, que ce grand nombre de terres, qui pourroient
toutes ensemble composer vne prouince, sont des marques toûjours
subsistantes & toûjours visibles de la verité de ce que plusieurs personnes sçauent,
que ce redoutable Ministre qui s’estoit rendu le maistre de son maistre
disoit, qu’il auoit toûjours dans sa boiste de quoy faire pendre ce Sur-Intendant,
afin de le tenir sans cesse dans vne dependance absoluë & vne obeїssance
aueugle. On a veu comme des Harpies subalternes nées pour la ruyne du
peuple, vn Cornuel, qui estoit l’ame de Bullion : ce qui est tout dire en vn mot
pour exprimer sa vertu & sa probité. Vn Bordier, qui tirant son illustre naissance
d’vn Chandelier de Paris, a despensé plus de trois cens mil escus à babir
sa maison du Rincé par vne insolence sans exemple ; mais qui meriteroit
pour l’exemple qu’on le logeast à Mon-faucon qui en est tout proche. Vn
Galland, qui estant fils d’vn paysan de Chasteau-Landon s’est fait si riche en
peu d’années, qu’vn President au Mortier n’a point eu de honte d’espouser sa
vefve. Vn Lambert fils d’vn Procureur des Comptes, qui portant encore
plus dans le cœur que sur le visage le caractere d’vn Iuif, à laissé quatre millions
cinq cens mil liures de bien, dont le President Viole ce bon François,
& ce fidelle seruiteur du Roy, a eu pour sa part plus de quatre cens mil liures.
Vn le Camus, qui estant venu de rien & ayant au moins dix enfans, a
laissé au moins vn million de liures à chacun. Vn Bretonuilliers, qui n’estant
autresfois qu’vn simble Receueur general des Finances de Limoges, a gagné
tant de millions, qu’estant assez bon homme d’ailleurs, il en auoit honte luy-mesme.
Vn de Bordeaux, qui pour n’en auoir pas du tout tant ne doit pas
estre accusé de negligence, puis qu’il a toûjours esté beaucoup plus ardent
& plus hardy que luy pour en acquerir : Et vn Tubeuf, qui de petit Commis
du Mareschal Desfiat est deuenu en peu d’années Intendant des Finances,
President des Comptes, & aussi riche qu’il est grand joüeur. Ie serois trop
long si ie voulois nonmmer tous ceux qui ont fait comme en vn moment tant
de fortunes prodigieuses, & ce grand nombre de Partisans & de Traittans
sortis de la lie du peuple, dont les noms n’ont esté connus que par la somptuosité
de leurs festins, le luxe de leur train & de leurs meubles, la magnificence
de leurs bastimens & les cris qu’ont poussez iusques au Ciel, les aisez
là plus part mal-aisez, dont ils ont rauy le bien, & tant de pauures officiers
qu’ils ne se sont pas contentez de priuer entierement de leurs gages par des
taxes continuelles : mais qu’ils ont mesme reduits à s’enfuyr & à se cacher
pour conseruer leur liberté, en les voulant contraindre par vne barbarie
inimaginable, de payer sur leur autre bien encore d’autres taxes, qu’ils ne
pouuoient prendre sur leurs gages, par ce qu’ils n’en jouїssent plus.

 

Voila au vray en quel estat estoient les Finances lors de la mort du feu Roy
Voyons maintenant de quelle sorte elles ont esté depuis administrees. On ne
sçauroit sans injustice accuser la Reyne d’auoir eu dessein d’amasser de grands
tresors durant sa Regence, puis qu’au contraire chacun sçait qu’elle doibt
beaucoup, & qu’elle n’a pû acheuer l’Eglise du Val de Grace, qui est le seul
bastiment qu’elle a entrepris. Mais le Card. Mazarin estant entré auec vne

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authorité absoluë dans le Ministere, & ayant trouué les affaires du Roy dans
la necessité où tant de voleries les auoient reduites : fit-il par l’establissement
d’vne bonne Chambre de Iustice (ie dis bonne à la difference de ces autres
Chambres, non pas de Iustice, mais d’Injustice, que nous voyons si souuent
auparauant, & qui ne seruoient qu’à authoriser les crimes au lieu de les
chastier.) Fit-il, dis-ie, par l’establissement d’vne bonne Chambre de Iustice,
remettre dans les coffres du Roy, pour le soustien de l’Estat & le soulagement
du peuple, ce que ces sangsuës auoient desrobé ? Abolit-il le luxe
que ces voleurs auoient introduit, & qui a causé vn luxe general, par la peine
que chacun auoit de souffrir que des gens de neant parussent si fort au dessus
d’eux ? Et en fin choisit-il pour Sur-Intendant vn si homme de bien, si homme
d’honneur, & qui eust les mains si pures, qu’il pust autant par son exemple
que par sa probité & par ses soins, apporter des remedes aux maux que
ses predecesseurs auoient faits ? Au contraire, il se rendit le protecteur
de ces harpies. Il fit des principaux d’entr’eux ses familiers auec lesquels
il passoit les nuicts à jouër grand jeu : ce qui est vn crime, & vn
grand crime à ceux qui sont employez dans les Finances. Il souffrit que par
vne auarice infame, des personnes des plus qualifiees de la Cour, & des Officiers
des Cours Souueraines fussent leurs associez dans les prests, & dans les
prests sur prests, qui estoit vne vsure iusqu’alors inoüye Il rencherit encore
sur ce luxe general, en ne se contentant pas du superbe Salon que le Cardiral
de Richelieu auoit fait bastir pour ses Comedies ; mais en le faisant
rompre en partie, pour donner place aux immenses machines de cette ennuyeuse
Comedie, qui cousta cinq cens mille francs au Roy de l’argent du
peuple, & il fit vn bastiment pour ses cheuaux, dont la magnificence surpasse
celle des Palais des Princes. Enfin, pour couronner toutes ces belles reformations,
il choisit pour Sur-Intendant, le plus vicieux, le plus insolent, & le
plus hardy volleur qui fut en Frãce, en mettant Demery dans les Finances. Cét
hõme dont le pere estoit vn paysan d’vn village de la Republique de Syene
nommé Particelle, duquel il portoit le nom, dont le frere auoit fait amende
honorable à cause d’vne banqueroute à laquelle il auoit part, & que
chacun sçauoit auoir esté tout prest d’estre pendu à Tours en 1619. pour des
maluersations qu’il auoit faites dans la charge de Controlleur de l’Argenterie,
joignant à ses débordemens publics & à son audace sans pareille, vne
cruauté si impitoyable, qu’il rioit en escorchant tout le monde, porta les
esprits dans le desespoir.

 

C’est là la source la plus apparente de nos malheurs, & l’vn des plus grands
crimes du Cardinal, quoy que ie n’ignore pas que le Trafic sacrilege des
Benefices qu’il a estably ; iusques à donner à des Seculiers, & mesmes à des
gens d’espee ses domestiques, des pensions sur des Eueschez & Archeueschez
ne soit encore beaucoup plus grand deuant Dieu, puis que c’est distribuer
à des Laїques comme vn bien profane, le patrimoine sacré de I. C.

Mais voyons la suite. Le Parlement dont la lascheté auoit esté telle que de
n’oser durant ces quatre premieres annees de la Regence, faire vne seule remonstrance
au Roy & à la Reyne touchant ces extremes desordres, quoy.
que son deuoir l’y obligeast, voyant que Demery vouloit toucher à ses gages,
se réueille ? fait par la consideration de son interest ce que la consideration
de son honneur n’auoit pas esté capable de luy faire faire ; s’assemble ;
[5 mots illi.] les Compagnies Souueraines ; excite les autres

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Parlemens ? & par vne audace criminelle ne pretend rien moins que de s’eriger,
sinon de nom, au moins par effect, en tuteur des Roys. En quoy ie
n’entens nullement parler de ceux qui ne s’estans iamais départis du respect
qu’ils doiuent à leur Souuerain, ont gemy en leur cœur, & tesmoigné sur
leur visage & dans leurs aduis, la douleur qu’ils ressentoient de l’strange esgarement
de leurs Confreres ; mais de ceux qui font gloire de porter cét infame
nom de Frondeurs, qui sera en horreur à toute la posterité, & dont
Broussel est le Patriarche.

 

Le Coadjuteur de Paris d’ont l’ambition n’a point de bornes, ne pouuant
se resoudre d’attendre que le temps l’éleuast à la dignité que sa naissance,
son esprit, & sa charge pouuoient iustement luy faire esperer, fut rauy de
rencontrer cette occasion. Et ainsi au lieu de ietter de l’eau pour tascher d’esteindre
le feu qui s’allumoit dans cette capitale du Royaume, qui doit vn
iour estre son siege, il y ietta de l’huyle pour en accroistre l’embrasement :
& a enfin reüssy si heureusement, ou pour mieux dire si malheureusement
dans son dessein, qu’il a esté honoré de cette pourpre qui le deshore, estant
teinte, comme elle est, du sang qui inonde aujourd’hny toute la France par
cette cruelle guerre ciuile, dont il est l’vne des principales causes, & faisant
voir par l’vn des plus pernicieux exemples qui fut iamais, que cette eminente
dignité, au lieu d’estre en sa personne la recompense d’vn grand seruice,
est la recompense d’vn grand crime.

Ce seroit icy le lieu de parler des Barricades & du siege de Paris. Mais
comme ils ne sont que trop connus de tout le monde par les malheureux effects
qu’ils ont produits, il me suffira de dire, que peu de gens ont remarqué
ce me semble, que le Roy n’en voulant qu’au Parlement, & non pas à Paris,
ils n’eurent en effect pour cause, que ce que Paris prit la querelle du Parlement
contre le Roy.

Apres que ce grand orage fut passé, & qu’il sembloit qu’on deust iouyr de
quelque calme, ceux qui ne pouuoient esperer d’arriuer promptement que
par le trouble au but ou leur ambition les portoit, s’aduiserent de l’affaire de
Ioly, & choisirent la Boulaye pour exciter sous ce pretexte, par vn crime qui
meritoit mille roües, vne sedition generale dans Paris. Monsieur le Prince
tesmoigna chaleur pour le chastiment des coupables, & demanda iustice
pour luy mesme, sur l’opinion qu’il eut auec beaucoup d’aparence, qu’apres
auoir manqué le dessein d’exciter vne sedition, ils l’auoient voulu faire assassiner.
C’est icy où ceux qui viendront apres nous auront peine à croire,
que la trahison & la perfidie ait pû aller aussi auant que le Cardinal fut capable
de la porter. Car en mesme temps qu’il tesmoignoit d’estre entierement
attaché à Monsieur le Prince depuis s’estre accommodé auec luy par l’entremise
de Monsieur le Duc d’Orleans, & l’animoit à perdre le Coadjuteur,
dont il se declaroit l’ennemy mortel, en approfondissant l’affaire de la Boulaye
& l’assassinat qu’il croyoit auoir esté entrepris contre sa personne, il traittoit
en ce mesme temps auec le Coadjuteur, & tous les autres ennemis iurez
de Monsieur le Prince ; pour arrester Monsieur le Prince : & huict iours auparauant
sa detention, qui estoit resoluë il y auoit desia quinze iours & qu’on
cherchoit à tous momens l’occasion d’executer, il luy donna vn escrit de sa
main & signé de luy, aux asseurances duquel il estoit absolument impossible
de rien adiouster. Ainsi lors que Monsieur le Prince auoit suiet de se croire le

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mieux à la Cour, puis qu’il n’auoit acquis la haine des peuples, que pour
auoir seruy le Roy durant le siege de Paris, il se trouue dans le Bois de Vincennes,
par vn effect de la sincereté & de la iustice de ce Ministre : & vne amnistie
generale pour la Boulaye & ses adherans iointe mesme à des recõpenses.
fut aussi vn illustre tesmoignage de l’équité & de la prudence de sa politique.

 

Vne prison si iuste, & dont toutes les fausses couleurs que le Cardinal employa
dans cette Lettre de cachet, qu’il tiroit vanité d’auoir faite, ne peurent
souffrir la lumiere du Soleil sans disparoistre aussi tost ; excita vne plainte si
generale contre luy, qu’apres le retour du Roy du voyage de Guyenne ; il fut
contraint de s’en aller : & la liberté de Monsieur le Prince fut resoluë à des
conditions qui ne luy estoient pas des-agreables, quoy qu’elles fussent tres-auantageuses
pour le Roy. Mais par vn aueuglement & vne imprudence inimaginable,
le Cardinal deuança les Deputez de sa Maiesté qui alloient au
Havre les luy porter, & le mit en liberté sans aucunes conditions : ce qui a
esté l’vne des principales causes des malheurs dans lesquels nous sommes
maintenant, ainsi que la suitte le fera voir.

Iusques alors Monsieur le Prince non seulement n’auoit rien fait d’indigne
de la grandeur de sa naissance : mais il l’auoit encore surpassée par la grandeur
de ses actions. Il auoit porté la terreur du nom François par tout où il
auoit porté les armes du Roy. Il pouuoit compter ses Campagnes par le gain
des plus grandes batailles qui ayent esté données, & par la prise des plus fortes
places qui ayent esté assiegées de nostre siecle. Il passoit dans tout le Septentrion
pour vn autre Roy de Suede, & dans tout le reste de l’Europe, pour
le plus heureux, le plus vaillant, & le plus grand Capitaine du monde : Et
enfin pour comble de gloire il faisoit gloire d’vne inuiolable fidelité enuers
son Roy, & d’vne ardante passion enuers sa patrie.

Mais par vn changement non moins estrange & deplorable, que criminel
& funeste, cét Astre qui l’ançoit de toutes parts les rayons d’vne si viue lumiere,
est comme tombé du firmament dans vn abysme d’aueuglement &
de tenebres. Monsieur le Prince au lieu de ne penser qu’à iouїr d’vne reputation
dont sa prison auoit encore rehaussé l’éclat & le lustre : Au lieu de ne
penser qu’à reconnoistre par de nouueaux seruices l’extresme obligation qu’il
auoit au Roy, de luy auoir donné le gouuernement de Guyenne qui vaut
trois fois celuy de Bourgongne qu’il auoit auparauant : Au lieu de ne penser
qu’a contraindre par de nouueaux trophées nos ennemis de consentir à vne
paix, qui ne luy auroit pas esté moins glorieuse, qu’vtile & honorable à la
France : on le vid se retirer de la Cour : aller en Bery : passer en Guyenne :
allumer la guerre de tous costez : se saisir de l’argent du Roy : surprendre ses
places : oublier iusques à vn tel point sa qualité de Prince du Sang de France,
l’oseray-ie dire, & le croira-t’on vn iour ? que de flechir le genoüil deuant
l’Espagne : rechercher son assistance pour faire la guerre à son Maistre ; à son
bien-facteur, à son Roy : deuenir client & pensionnaire de celuy dont il foudroyoit
auparauant les armées : establir dans Bourg & dans la Guyenne ceux
qu’il auoit forcez dans Thionuille, dans Dunquerque & dans tant d’autres
places du Luxembourg & de la Flandre : Et pour comble de transport & de
fureur, implorer le Demon à son secours, en implorant celuy de Cromvvel,
ce demon sorty de l’enfer pour tremper dans le sang de son Roy & d’vn des
meilleurs Roys du monde, ses mains parricides & sacrileges, ce Mahumed

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de nostre siecle, qui en renuersant toutes les Loix diuines & humaines fait
le Prophete, & affecte de viure comme vn simple particulier, lors qu’il est en
effet l’vsurpateur & le tyran de l’Angleterre.

 

Voilà ce qu’à fait M. le Prince, sans que ny la crainte de Dieu qui tonne sur
la teste des ingrats & des rebelles : ny la crainte de ternir deuant les homme
toute la glore de ses actions passées : ny la crainte de rendre son nom incomparablement
plus odieux à toute la posterité, que ne l’est encore aujourd’huy
celuy de Charles de Bourbon, ait peu destourner son esprit du dessein
qu’il auoit formé par vn ambition inconceuable, de se rendre Maistre absolu
d’vne grande partie du Royaume.

Chacun sçait qu’il prit pour pretexte d’vn tel crime, que le Cardinal, qui
estoit alors hors de France, de uoir reuenir. Comme si quand il auroit desia
esté de retour, il n’eust pas deu se contenter de se retirer dans son gouuernement
ou dans l’vne de ses places, pour representer de là au Roy le tort qu’il
se seroit fait en la rappellant, plustost que de se seruir de son gouuernement
& de ses places, pour mettre le feu dans le Royaume, pour appeller les Estrangers
à sa ruїne, & pour causer ces maux sans nombre, dont ceux que
nous voyons font vne partie.

Le Roy par vn tres-sage Conseil va en Berry : s’asseure de Bourges : bloque
Montrond, & s’auance iusques à Poictiers. L’approche de sa Majesté
ne fut pas neantmoins capable d’arrester l’audace de M. le Prince, les vastes
esperances qu’il auoit conçeuës luy faisant croire qu’il pouuoit tout entreprendre.
Et ainsi au lieu de ceder à la presence de son Maistre, il osa attaquer
Coignac presqu’à sa veuë : Mais il connut par la sorre dont le Comte d’Harcour
luy fit leuer ce siege : par la maniere dont il le poussa à Thonnay-Charante ;
& par promptitude auec laquelle il le contraignit de porter dans la
Guyenne la guerre qu’il auoit promis auec tant de brauade & de pompe à ces
rebelles par eminence de Bordelois, de porter à cent lieuës d’eux. Il connut,
dis-ie, que s’il estoit le mesme Capitaine, il ne commandoit plus les mesmes
Soldats : que s’il estoit le mesmes General, il n’estoit plus à la teste des mesmes
armées, de ces armées victorieuses des plus belliqueuses nations du monde.
Il connut la difference qu’il y a de combattre pour le seruice de son Roy
sans rien craindre que de ne rencontrer pas des occasions assez perilleuses
pour luy tesmoigner sa fidelité, ou de sentir sa conscience bourelée de mille
remords, d’auoir continuellement deuant les yeux l’image affreuse d’vne
prison, si le sort des ames luy estoit contraire, Il éprouua à Miradoux, à la
loüange immortelle de ces deux braues Regimens Champagne & Lorraine,
qu’vn village pouuoit sans estre forcé tenir durant quatorze iours, contre
celuy qui n’en auoit employé que treize à prendre Dunquerque.

Ainsi Monsieur le Prince apres la leuée de ce siege estoit prest de se voir reduit,
ou à implorer la misericorde du Roy ; ou à receuoir la honte mille fois
pire que la mort, d’aller augmenter dans Madrid le nombre des courtisans
du Roy d’espagne. Mais il trouua son azile dans Paris par le moyen du retour
du Cardinal à la Cour, dont il me faut parler maintenant, & dont ie ne sçaurois
parler qu’auec des soûpirs meslez de larmes.

L’esloignement de ce malheureux Ministre confirmé par diuerses Declarations
du Roy verifiées, auoit donné vne telle ioye à toute la France, qu’excepté
ces furieux Bordelois, & ceux qui estoient particulierement deuoüez à

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M. le Prince, tout le reste estoit demeuré dans le deuoir : & le Parlement de
Paris, nonobstant la cabale que M. le Prince y a tousiours entretenuë, auoit
verifié la Declaration qui le noircit du crime de leze Maiesté. Ainsi le Roy
estoit sur le point de chastier hautement sa rebellion : de restablir glorieusement
son authorité : de rendre le calme à son Estat ; & de faire en suitte vne
paix generale tres-aduantageuse : si d’vn costé les artifices de M. le Prince,
qui durant qu’il declamoit le plus contre le Cardinal, & prenoit pour pretexte
de sa reuolte le dessein de son retour negotioit auec luy par Gouruille
qui l’alla trouuer à Cologne, afin de le porter à reuenir : & si d’vn autre costé
la Princesse Palatine, le Mareschal du Plessis, Senetaire le pere, & quelques
autres personnes de la Cour, n’eussent par vne l’asche complaisance & par
vn pur mouuement d’interrest particulier, fortifié la Reyne dans le dessein de
le rappeller, sous pretexte de maintenir l authorité du Roy, & en luy alleguant
pour cela l’exemple de la faute qu’auoit faite le feu Roy de la Grande
Bretagne, en abondonnant le Comte de Statforrd à la fureur du Parlement
d’Angleterre : quoy que cét exemple soit tres-different de celuy dont il s agit
par ce que ce Vice-Roy d’Irlande auoit toutes les bonnes qualitez qui manquent
au Cardinal : qu’il estoit si innocent, que ses ennemis, qui estoient ses
Iuges, furent reduits pour trouuer quelque couleur à le condamner, de faire
par vne iniustice & vne illusion abominable à la Iustice, vne loy toute nouuelle,
qu’ils reuoquerent aussi-tost apres qu il fut iugé, & qu’au lieu qu’ils
vouloient à quelque prix que ce fust aüoir sa teste, chacun demeuroit d’accord
que le Roy pouuoit permettre au Cardinal non seulement de demeurer
en lieu de seureté ; mais de iouїr de tous ses benefices & de tout son bien.

 

Monsieur le Duc d’Orleans, qui iusques alors n’auoit point voulu s’engager
dans les interests de M. le Prince, fut si extremement touché d’apprendre
que le Cardinal se mettoit en estat de reuenir, qu’il se resolut, bien qu’auec
vne extreme repugnance (car il faut rendre ce tesmoignage à la verité) de signer
l’vnion auec M. le Prince. Mais il laissa passer le Cardinal, au lieu de
l’en empescher comme il l’auroit pû faire, s’il fust monté à cheual auec ce qu’il
auroit fort facilement ressemblé dans vne telle rencontre, & ce qu’il auoit
desja des troupes entretenuës sous son nom, quoy qu’en effect elles soient au
Roy ; lesquelles il ioignit depuis sous le commandement de Valon à celles de
M. le Prince commandées par Tauannes, & à celles des Espagnols commandées
porClichan, dont les Ducs de Beaufort & de Nemours furent Generaux.

Le Parlement de Paris sçachant le Cardinal à la Cour, surceoir pour vn
mois l’effect de la Declaration qu’il auoit verifiée contre M. le Prince : ce
qui est vne entreprise sur l’authorité du Roy, dont on ne pourroit assez s’étonner
si elle n’estoit encore moins considerable que la hardiesse qu’il eut de
luy donner place sur les Fleurs de Lys, quoy que declaré criminel de leze
Maiesté, quoy que portant l’escharpe rouge, & quoy que faisant trophée de
l’enleuement d’vn quartier des Troupes du Roy, qu’il vonloit faire passer
pour vne bataille generale remportée sur son armée. Le seul President de
Bailleul eut le courage de luy dire qu’il s’estonnoit qu’il osast ainsi prendre
sa place. Mais s’il se mit en deüoir de soûtenir par cette action l’honneur de la
Compagnie qu’il presidoit, l’insolence que nombre de factieux eut de luy faire
vne huée que de pétits escoliers auroient eu honte de faire dans vne classe,
fit voir combien cette mesme Comprgnie degenere maintenant de la gloire

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de ses predecesseurs ; dont il ne faut pas s’estoner, puis que cette malheureuse
Paulette qui expose au plus offrant & dernier encherisseur le pouuoir de iuger
souuerainement de nos biens, de nostre honneur & de nos vies, fait entrer
dans ces charges qui deuroient estre la recompense du sçauoir & de la vertu,
ou des personnes la puls part de tres-petite naissance & de nul merite, ou de
ieunes gens qui surpassent les Courtisans en beaux habits, en belles liurées, &
en toutes sortes de dissolutions ; qui font gloire de Paroistre auec plus de galans
& de point de Gennes, & plus poudrez & plus frisez que des femmes, au
cours, au bal, à la comedie, dans les palais des Altesses, & dans ces Academies
où les cartes & les dez sont les Liures qu’ils estudient pour apprendre à bien
rẽdre la iustice, & les impietez & les blasphemes, les dicts & les paroles notables
de ces Sages, non pas de l’ancienne Grece, mais de la nouuelle France.

 

I’espere que ceux qui liront cecy pardonneront bien cette petite digression
à la douleur qui me presse, de voir ainsi à la honte de nostre siecle toutes les
loix renuersees par ceux qui deuoient les maintenir : de voir que de ieunes
escoliers si ignorans que nul particulier ne les voudroit prendre pour des arbitres
d’vne affaire de vingt escus, deuiennent au sortir du college, auec vne
peau de parchemin qui leur en couste quarante mille, les arbitres de la fortune
de tout le monde ; & que leur presomption va iusqu’à se croire plus capables
de decider les affaires les plus importantes de l’Estat, que n’auroient
fait les Silleris, les Villeroys, & les Ieannins, apres auoir passé toute leur vie
à s’instruire de la veritable politique dans les negotiations, les ambassades,
& les plus importans emplois, que les plus grandes affaires des plus grands
Estats puissent fournir aux plus grands Ministres.

Mais pour reprendre la suite de mon discours. Comme lors que le Cardinal
estoit hors de France, M. le Prince auoir toûjours negotié auec luy ; aussi
n’a-t’il point discontinué depuis son retour : ce que nul de ceux qui sont tant
soit peu informez de ce qui se passe ne peut ignorer. Mais parce qu’autant que
M. le Prince est attaché à ses interests : autant M. le Duc d’Orleans proteste
de n’en auoir point : & qu’ainsi S. A. R. ne desire pas moins que le Cardinal
se retire, que M. le Prince l’apprehende à cause qu’il perdroit par là le pretexte
qu’il luy importe si fort de conseruer, pour en profiter dans toutes les
rencontres pui s’offriront à son ambition démesurée : il n’a pas esté au pouuoir
de M. le Prince d’executer son traitté quelque passion qu’il en eust. Mais
lors que le Duc de Lorraine est venu à la priere de M. le Duc d’Orleans, pour
sauuer ce qu’ils auoient de troupes dans Estampes, dont la perte estoit sans
cela inéuitable, il s’est bien gardé de luy rendre Clermont & Stenay, parce
qu’il l’auroit obligé par là de s’attacher aux interests de M. le Duc d’Orleans
& aux siens : ce qui auroit contraint le Cardinal de s’en aller, & luy auroit
fait perdre non seulement ces deux Places, mais les aduantages incomparablement
plus considerables qu’il veut retirer, en consentant que le Cardinal
demeure, ou que s’il s’éloigne ce ne soit que pour peu de temps, & seument
pour la forme.

Ainsi le Duc de Lorraine voyant qu’il auoit rendu à M. le Duc d’Orleans,
per la leuee du siege d’Estampes, dont il a esté en effet la seule cause, l’assistance
qu’il auoit desiree de luy, & qu’il falloit ou donner bataille au Mareschal
de Turenne qui estoit tout prest de l’attaquer, ou executer le Traitté
qu’il auoit fait auec le Roy de ne se mesler plus des affaires des Princes, &

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de sortir de France dans quinze iours, lors que le siege d’Estampes seroit leué
il prit le party qu’il auroit fallu auoir perdu l’esprit pour ne pas prendre, qui
estoit de ne point hazarder vn combat, parce que s’il eust esté des-auantageux,
comme il y auoit grande apparence, il eust perdu en perdant son armee
la seule chose qui le rend considerable, n’ayant plus ny Estat ny Places :
& que s’il l’eust gagné ce n’auroit pû estre qu’auec vne si grande perte, que
ce qui luy seroit resté de troupes dans vn pays estranger (pour ne pas dire
ennemy, puis que la folie de Paris a esté telle que de le receuoir auec des
acclamotions publiquiques, lors que son armee desoloit ses campagnes auec
des cruautez imaginables) le rendoit si peu consideré de ceux mesmes, pour
lesquelles il auroit hazardé toute sa fortune, qu’ils luy auroient donné la
loy, apres ses auoir tirez de l’estat où ils estoient de ne pouuoir éuiter de li
receuoir du Roy leur Maistre.

 

La retraitte du Duc de Lorraine, l’arriuee du Mareschal de la Ferté aupres
du Roy auec quatre mil hommes, & la foiblesse des troupes des Princes augmentant
le desir & l’impatience de M. le Prince de voir son traitté auec le
Cardinal executé, il accorde de tout son cœur qu’il demeure. Mais M. le
Duc d’Orleans insiste à vouloir qu’il s’en aille, & ne veut point s’engager
par escrit à consentir qu’il reuienne dans quelque temps. Le Cardinal au
contraire croyant que l’estat des choses luy est fauorable s’opiniastre à ne
point s’esloigner du tout : La Reyne fortifie le Roy dans ce sentiment : Leurs
Majestez viennent de Melun à S. Denys auec toute l’armée, & on fait vn
pont de bateaux sur la Seine, ce qui donna l’alarme aux trouppes des Princes
qui estoient à S. Cloud & à Poissy.

Cetse approche du Roy faisant apprehender à M. le Prince que les seruiteurs
da sa Majesté dans le Parlement ne reprissent cœur, il ne fut pas fasché
que pour les intimider, on les mal traittast comme on fit au sortir de la grãd’Chambre :
Et Monsienr de Beaufort ce grand Heros, autrefois l’Idole de
Paris, joüant plustost le personnage d’vn Brasseur de biere & d’vn Arteuelle
que non pas celuy d’vn Prince, commanda aux coquins qui auoient fait toute
cette émeute de se trouuer l’apresdinée à la place Royale, où s’estans rendus
au nombre de 3. ou 4. mille, il les alla haranguer auec son eloquence ordinaire,
qui luy reüssit si bien, qu’ils ne manquerent pas le lendemain au sortir de
l’assemblée du Parlement de faire de si belles descharges sur des Presidens au
Mortier & des Conseillers, qu’ils en rendirent quelques vns vaillans malgré
eux pour se sauuer, & apprirent aux autres qu’on peut courir autant de fortune
au milieu des ruës de Paris, que dans vne grande bataille.

Voila sincerement & en peu de mots l’estat des affaires jusqu’à la fin de
Iuin 1652. que i’escris cecy, & les principales causes de nos malheurs. La dissipation
& les maluersations des Finãces : la mauuaise conduite & la foiblesse
du Cardinal Mazarin : les cabales & les intrigues du Cardinal de Rets : les
entreprises & les attentats du Parlement ont fourny de sujet & de moyens
pour commencer à ébranler l’authorité Royale qui est la baze & le fondement
de l’Estat : l’ambition effrenée de M. le Prince a joint vne guerre ciuile
à vne guerre estrangere : la trop grande facilité, pour ne pas dire le manque
de vigueur de M. le Duc d’Orleans, a perdu les occasions d’esteindre ce feu
dans sa naissance, soit en empeschant M. le Prince de prendre les armes, ou
en se declarant son ennemy s’il les prenoit ; soit en s’opposant au retour du

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Cardinal, ou par la force au passage des riuieres, ou par la fermeté de ses
Conseils, en se rendant à Poictiers aupres du Roy : la flatterie de quelques
Courtisans inseressez a fortifié & fortifie encore aujourd’huy par vn crime
detestable & contre leur propre conscience. l’esprit de la Reyne à conseruer
ce Ministre fatal à la France, malgré les vœux de toute la France : & en fin la
Reyne par vne fausse persuasion de maintenir l’authorité du Roy son fils, met
en proye le Royaume du Roy son fils, & ces conquestes qui nous ont cousté
tant de sang & de millions, en abandonnant les vns à l’inuasion de nos ennemis,
& en abandonnant l’autre à la fureur des armes estrangeres, & à la rage
des nostres propres.

 

C’est icy où j’auouë que les paroles me manquent, & Dieu me garde de
les esgaler à mon sujet. Il faudroit estre vn Demon pour pouuoir auec vn
charbon tiré de l’enfer, faire vn crayon qui fut capable de representer toutes
les horreurs, toutes les inhumanitez, tous les meurtres, tous les violemens,
toutes les impietez, & tous les sacrileges que commettent toutes ces
armees, qui ne sont plus composées d’hommes, mais de Demons. Et quand
ie ne serois pas. Chrestien, & par consequent tres-persuadé des chastimens
espouuantables de l’autre vie, il me suffiroit de croire vn Dieu, pour ne
pouuoit douter, que rien ne l’empesche d’exterminer tous ces tygres impitoyables
& ces scelerats d’vne maniere terrible, que par ce que des crimes si
monstrueux ne sçauroient estre punis que par des supplices eternels.

Que tous ceux qui ont contribué à cette guerre, qui la fomentent, qui la
soustiennent ; & qui pouuant empescher les desordres abominables qu’elle
cause ne le font pas, iugent donc, s’ils croyent vn Dieu, quels chastimens
ils doiuent attendre de fa Iustice.

Que le Cardinal Mazarin qui est le sujet de cette sanglante tragedie, &
pour lequel ie proteste sur mon salut n’auoir ny auersion ny hayne
particuliere, non plus que contre aucun de tous ceux dont ie parle dans ce
discours, ne croye pas mal employer vne heure de temps, pour faire
vne reflexion serieuse du compte qu’il luy faudra rendre vn iour deuant le
Tribunal redoutable de Iesus-Christ (ce qui sera peut-estre plustost qu’il ne
pense) & ce qu’il pourra respondre lors que ce nombre innombrable de
pauures, vefues, d’orphelins, de femmes, de filles, & de Vierges consacrees
à Dieu, auec vne voix mille & mille fois plus forte que celle du sang
d’Abel, l’accuseront d’estre la principale cause de leur ruine totalle, de la
mort cruelle de leurs maris, de la fin tragyque de leurs peres, & de la perte
irreparable de leur honneur : lors que tant de Prestres l’accuseront d’auoir
esté cause qu’ils ont esté arrachez du pied des Autels, chassez de leurs Eglises,
pillez, massacrez, ou rendus errans & vagabonds, & reduits auec tout
ce pauure peuple que Dieu auoit sousmis à leur conduite, à mener vne vie si
deplorable qu’ils s’estimeroient heureux de la finir en se donnant la mort, si
les loix du Christianisme le pouuoient permettre : & enfin lors que le sang
de I. C. l’accusera, qu’il a esté cause qu’on l’a traitté d’vne maniere dont
l’horreur faisant glacer le mien dans mes veines, ne me permet pas de representer
les sacrileges plus que diaboliques.

Mais quand le Cardinal ne seroit pas Chrestien comme il est ; quand il ne
seroit point touché de l’apprehension des iugements de Dieu, peut-il bien
vouloir passer pour coupable aux yeux de tout l’Europe & de tous les siecles â

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venir, de la plus haute ingratitude qui fut iamais, en refusant de se retirer
auec seureté & auec la jouїssance de tout son bien, pour faire cesser les maux
de la France à laquelle il doit toute sa grandeur & sa fortune ? Peut-il estre si
insensible aux interests de nostre ieune Monarque, pour lesquels il est obligé
par tant de bien-faits d’auoir encore plus de passion que s’il estoit né son suiet,
que de ne vouloir pas, non seulement par sa retraite ; mais aux despens de sa
propre vie, s’il en estoit besoin, procurer le calme & le repos à son Estat ? Et
en fin peut-il estre si méconnoissant des extremes obligations qu’il a à la Reyne,
que de vouloir en s’opiniastrant à demeurer, faire que le Roy luy reproche
vn iour, comme il le luy reprocheroit sans doute, que par le plus méchant
conseil qui fut iamais, elle l’auroit porté à preferer aux vœux de tout
son Royaume & au salut de son Estat, la conseruation d’vn Ministre, que la
haine generale conceuë contre luy rend desormais incapable de le bien seruir,
quand il seroit le plus grand Ministre du monde ? Car ne seroit-ce pas
preferer la conseruation du Cardinal au salut de l’Estat, que d’accorder à
M. le Prince pour le maintenir en effect, quoy qu’on l’éloigna pour peu de
temps en apparence, les conditions dont on sçait qu’ils sont demeurez d’accord
ensemble, & qu-il importe extremément d’examiner, afin que les Peuples,
& particulierement Paris ouurent les yeux, pour connoistre iusques à
quel point les Grands se ioüent d’eux, & de quelle sorte ils sacrifient à leurs
interests & à leur ambition, leur repos, leurs biens, & leurs vies.

 

Au lieu de se contenter de remettre à M. le Prince par vne amnistie les
plus grands crimes que puisse commettre vn suiet contre son Roy, & vn
Prince contre le Monarque du sang duquel il a l’honneur d’estre descendu.

On luy donne des millions par cét infame Traité, par ce qu’il en a reçeu du
Roy d’Espagne ; & qu’il a pris tout ce qu’il a pû rauir de l’argent du Roy.

On luy donne le Gouuernement de Prouence pour M. le Prince de Conty
son frere, par ce que M. le Prince de Conty a commencé de ce faire connoistre,
& continuë de se signaler par la rebellion & par la reuolte.

On luy donne le Gouuernement d’Auuergne pour le Duc de Nemours,
par ce que le Duc de Nemours n’a point de honte de deuoir à M. le Prince
pour auoir manqué à son deuoir, ce qu’il deuoit attendre du Roy s’il se fust
acquitté de son deuoir.

On luy donne le Baston de Mareschal de France & la Lieutenance generale
de Guyenne pour Marchin, cét infame deserteur. ce traistre, qui ayant
esté honoré par le Roy de la charge de Vice-Roy de Catalogne, si éleuée au
dessus de la bassesse de sa naissance, a en effect liuré la Catalogne au Roy
d’Espagne ? non seulement en l’abandonnant dans le temps oû elle auoit le
plus de besoin d’assistance ; mais en débauchant tout ce qu’il a pû des Troupes
de sa Maiesté qu’il commandoit, pour les amener à M. le Prince : ce qui seroit
vn exemple plus preiudiciable à l’Estat que la perte de toute vne prouince.

On luy donne vn autre Baston de Mareschal de France, ou la dignité de
Duc & Pair à son choix, pour Doignon ce petit cadet de S. Germain Beaupré,
par ce que tenant de la trop grande bonté du Roy Brouage & d’autres
gouuernemens, dont vn Prince qui se seroit signalé par des seruices tout extraordinaires
se seroit estimé trop bien recompensé, il a par vne perfidie detestable,
& que nul supplice ne peut expier, employé en faueur de M. le
Prince les places & les vaisseaux du Roy contre le Roy mesme, & parce qu’il

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traite auec Cromvvel, ce qui est le crime des crimes.

 

On luy donne des Lettres de Duc & Pair de France pour Montespan, parce
qu’il ne se peut rien adiouster à son infidelité enuers son maistre.

On luy donne asseurance de cent mil escus pour le Duc de la Rochefoucaut,
parce que pour le seruir il n’a perdu aucune occasion de desseruir son
Souuerain.

On restablit à sa priere le President de Maisons dans la charge de Sur-Intendant
des Finances, parce qu’il l’a exercé auec tant de suffisance & de probité,
qu’il a reparé en fort peu de temps les breches que ses grandes pertes au
ieu, & les immenses despenses de sa royale maison de Maisons, auoient faites
en son bien.

On donne en sa faueur vne grande somme au President Viole, parce qu’il
a esté Frondeur enragé dans Paris, Chef du Conseil des factieux endiablez de
Bordeaux, & Sur-Intendant des Finances pillées & rauies à force ouuerte
dans les receptes du Roy.

Et on luy accorde encore d’autres conditions non moins honteuses, &
mesme pour des femmes, que i’aurois honte de rapporter.

Cela se peut-il nommer vn accommodement de M. le Prince auec le Roy ?
Et ne seroit-ce pas plustost vn veritable partage de l’Estat fait entre le Roy &
M. le Prince ? puis qu’il deuiendroit par ce moyen Duc de Guyenne, Comte
de Prouence : maistre non seulement des places qu’il tient des-ja, mais de
toutes celles qu’il feroit conseruer à ceux qui ont merité par leurs des-obeїssance
de les perdre auec la vie ; Distributeur des Gouuernemens de Prouinces,
des Duchez & Pairies, des Offices de la Couronne ; & de tant de charges
importantes ; Egalement puissant sur la terre & sur la mer ; En pouuoir de se
vanger de ceux de toutes ces grandes prouinces sur lesquelles s’estendroit sa
domination, qui n’ont pas suiuy son party ; Et en estat de recommencer
quand il luy plairoit sous le mesme pretexte du Cardinal, ou sur quelqu’autre
vne nouuelle reuolte auec dautant plus dauantage, que cette exemple mille
sois plus pernicieux qu’on ne sçauroit croire, de donner à l’infidelité & au
demerite les recompenses qui ne sont deues qu’à la fidelité & au merite, attireroit
à luy tous les mechans, dont le nombre n’est que trop grand dans vn
siecle aussi corrompu qu’est le nostre, & decourageroit tous les gens de bien.
Ce qui le rendroit si formidable par luy mesme, qu’y ioignant encore le
secours qu’il pouroit tirer des Espagnols ses fidels alliez, qui apres auoir esprouué
que l’vnion de nos forces a porté leur Monarchie iusques sur le bord
du precipice, ne perdront iamais d’occasion de nous ruiner en nous diuisant ;
on pourroit dire auec verité qu’il n’y auroit pas seulement pour vn Roy en
France ; mais qu’il v en auroit deux, dont cét vsurpateur & ce tyran qui regneroit
au delà de la riuiere de Loire, pourroit exciter à toute heure vne nouuelle
guerre au Roy legitime, & allumer dens tout le reste de ses Prouinces
vn feu semblable à celuy qui embrase maintenant Paris, & qu’il entretient
& qu’il augmente auec tant de soin, pour faire tourner les choses au point
qu’il desire.

Le remede à vn mal si redoutable, & dont la seule pensée donne de l’horreur
à ceux qui n’ont pas perdu auec le iugement l’amour de leur propre salut
& de leur patrie, estant d’esloigner de bonne foy & pour iamais le Cardinal
puis que cela estant M. le Prince ne sçauroit pretendre que l’abolition du

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crime qu’il a commis par sa reuolte, & que leurs Majestez seront receuës dans
Paris & dans toutes les autres villes du Royaume non seulemẽt auec les respects
qui leur sont d’eus, mais auec des larmes de ioye & tous les applaudissemens
imaginables : seroit-il bien possible que la Reyne par vn aueuglement
prodigieux, & en se laissant flater à ces personnes qui ne se soucient
pas que tout se perde, pourueu qu ils trouuent dans la ruine publique l’establissement
de leur fortune particuliere, voulust pour retenir le Cardinal
abandonner les interests du Roy son Fils, abandõner les interests de la France,
& abandonner les siens propre ? Seroit-il bien possible qu’elle voulust que
le Roy luy reprochast à l’aduenir que toute la France luy reprochast à iamais
& qu’elle se reprochast vn iour deuant Dieu elle-mesme à elle-mesme, d’auoir
par fausse generosité fait vne telle breche à la Couronne de son fils, par
le conseil qu’elle luy auroit donné de se rendre inflexible à l’esloignement de
ce Ministre, si ardamment souhaité de tous ses peuples ?

 

Au nom de Dieu, MADAME, laissez-vous toucher à nos vœux comme
il s’est laissé toucher aux vostres, en nous donnant ce grand Prince par vn
espece de miracle, lors que nous n’osions plus nous le promettre. Considerez
ie vous supplie : mais auec les sentimens d’vne Reyne Tres-Chrestienne
comme vous l’estes, auec les sentimens d’vne Reyne qui fait profession de
pieté comme vous faites & auec les sentimens qu’auroit eu sans doute la
Reyne Blanche, si elle se fut trouuée dans vne semblable rencontre. Considerez,
s’il vous plaist, la resolution que vous deuez prendre dans cette importante
affaire, qui arreste maintenant sur vostre Majesté les yeux de toute
l’Europe.

Il n’y a MADAME, que l’vn de ces deux aduis à prendre ? Ou de conseruer
le Cardinal, soit en ne permettant pas qu’il s’en aille, soit, s’il se retire
en le rappellant dans le temps dont on conuiendroit auec les Princes, auquel
cas on tombera ineuitablement dans les inconueniens que i’ay remarquez.
Ou de l’éloigner pour tousiours & de bonne foy, auquel cas le Roy sera tomber
les armes des mains des Princes, conseruera son Estat en son entier, restablira
glorieusement son authorité, gagnera le cœur de tous ses suiets, redonnera
le calme à son Royaume, & contraindra l’Espagne de consentir à vne
paix qui estant iuste ne sçauroit pas n’estre point auantageuse à la France. I’ose
croire, MADAME, que s’il plaist à V. M. d’examiner cela deuant Dieu,
auec la response que i’ay renduë à ce qu’on luy allegue du feu Roy d’Angletere
touchant le Compte de Statfort, elle ne iugera pas qu’il y ait lieu de deliberer
à preferer tant de bien à tant de maux.

Et vous SIRE, qui auez ce merueilleux aduantage, qu’au milieu de tant
de souffrances, qui reduisent vos peuples au desespoir, & tirent des larmes
de sang du cœur de tous les veritables François, non seulement on n’accuse
vostre Majesté de rien ; mais on considere son innocence comme l’ancre sacrée
qui nous reste, & qui peut nous garantir du naufrage ; faites que nos esperances
ne soient pas vaines. Nous vous regardons, SIRE, comme vn Roy
donné du Ciel pour le bon-heur de la France : agissez comme vn Roy qui seroit
descendu du Ciel. Nous vous regardons comme le successeur de Sainct
Louis : agissez comme vn autre sainct Louis : Rendez à Dieu ce que
vous deuez à Dieu en exterminant les impietez & les crimes abominables
qui ont contraint sa iustice d’appesantir sa main sur nous par
[1 ligne illi.]

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lité de fils ce que Dieu vous oblige de luy rendre, & reünissez à vous par
vostre bonté & par vn oubly du passé toute la maison Royale. Rendez à vos
peuples ce que vous leur deuez, non seulement en qualité de Roy, mais de
pere, puis que les sujets d’vn Roy Tres Chrestien ne sont pas seulement ses
suiets ; mais ses enfans. Choisissez pour Ministres les plus grands personnages
& les plus vertueux de nostre Estat. Que le seul nom de Fauory vous soit
en horreur, par le souuenir de tant de maux que ceux qui ont remply ces
places fatales aux Monarques & aux Monarchies ont causez à vostre Royaume.
Faite reslenrir la Iustice Restablissez la discipline militaire. Reglez les
desordres des Finãces. Bannissez le luxe. Enrichissez vos Prouinces par l’augmentation
du commerce sur la mer & sur la terre : Et faites auec l’assistance
de Dieu, que par vn changement miraculeux & digne du fils Aisné de l’Eglise
on voye succeder la pieté à l’impieté, l’vnion à la diuision, la iustice à l’in,
justice, la discipline à la licence, l’ordre au desordre, la modestie au luxe
l’abondance à la necessité, & enfin vn siecle d’or à l’vn des plus malheureux
siecles qui fut iamais.

 

Mais, SIRE, vn grand ouurage ne peut s’accomplir que dans le calme : ce
calme ne peut arriver que par la paix generale : cette paix generale ne se peur
faire qu’en suitte d’vne paix domestique, ferme & asseurée : cette paix domestique
ne peut estre ferme & asseurée que par l’esloignement du Cardinal :
& cét esloignement ne dépend que d’vne seule parole de Vostre Majesté.
Ainsi, SIRE, si iamais Roy a pû faire voir qu’il est l’image de Dieu viuant, V.
Majesté le peut faire voir maintenant ; puis que comme Dieu en creant le
monde tira par vne seule parole la lumiere des tenebres, & l’ordre qui reluit
dans tout l’Vniuers de la confusion du cahos, Vostre Majesté peut par vne
seule parole faire esclater le iour dans cette nuict funeste qui nous enuironne,
& changer de telle sorte la face des choses que nous croyrons estre dans
vn nouueau monde. Seroit-il bien possible, SIRE, quand mesme la Reyne
vostre Mere trompée par les detestables conseils qu’on luy donne, s’opposeroit
dans vostre esprit à ce dessein, que vostre Majesté ne voulust pas par vne
seule parole garantir son Royaume du peril qui le menace, & en le tirant d’vn
abysme de mal-heur, le combler de felicicité & de gloire.

Mais si Dieu pour la punition de nos pechez ne permet pas que cette image
si sincere & si naїue de nos maux & des remedes qu’on y peut donner, arriue
iusques à leurs Majestez par l obstacle qu’y apporteront ceux qui ont
tant de sujet de craindre qu’elles ne connoissent la verité : que deuons nous
faires, & qu’elle resolution deuons nous prendre pour nous empescher de
perir ? le croy que toutes les personnes non passionnées qui liront cecy, iugerõt
que si pour estre capable d’en dire son auis, il suffit d’estre detaché de tout
autre interest que de celuy du bien public, i’ay droit de dire le mien, parce
que ceux à qui l’on donne le nom odieux de Mazarins, le nom factieux de
Princes, & le nom detestable de Parlementaires, seront également mécontens
de moy ; & qu’ainsi il ne peut y auoir que les bons & veritables François
qui soient satisfaits de ce discours,

Ie dis donc sans crainte, & auec l’asseurance que me donne le temoignage
de ma propre conscience : Que si le Roy, nonobstant toutes les remonstrances
& les supplications qui luy ont esté faites iusques icy d’éloiger le Cardinal
veut absolument le conseruer ; il faut se sousmettre & luy obeїr ; il faut que

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Paris luy ouure ses portes, sinon auec ses acclamations de ioye ordinaires,
au moins auec les mesmes respects : Nous luy deuons cela cõme à nostre Roy.
puis que Dieu nous le commande, & nous nous le deuons à nous mesme.
puis qu’il n’y a point d’homme raisonnable qui ne demeure d’accord, qu’encore
que le Cardinal soit tel que ie l’ay representé, dix Ministres semblables à
luy, ne sçauroient faire en dix ans autant de maux que nous en souffrons depuis
deux mois, & que nous en souffrirons tousiours de plus en plus, si nous
nous portons dans la reuolte.

 

Que si nous en vsons de la sorte, & n’employons autres armes pour combatre
le Cardinal que nos prieres & nos larmes enuers Dieu, & enuers le
Roy, afin qu’ils nous en deliurent, ne deuons-nous pas esperer que sa Majesté
estant pleinement satisfaire de nostre obeїssance, mieux informée qu’elle
n’est du tort que luy fait cét infortuné Ministre elle écoustera fauorablement
nos plaintes ; elle exaucera nos vœux ? & fera par elle mesme & auec
ioye, en l’éloignant volontairement, ce qu’on ne la sçauroit contraindre de
faire, quand on le pourroit, sans ruiner toute la France, en l’exposant en
proye à la vangeance de ses anciens & irreconciliables ennemis, & à la fureur
de tant de nouueaux tyrans qui s’éleueroient dans la pluspart de nos
propres Prouince & de nos places.

Voila sans déguisement & sans artifice, aussi bien que sans interest & sans
passion, ce que i’estime que l’on doit faire Mais il n’y a point de temps à perperdre
pour se resoudre. Le moindre moment importe de tout, lors qu’on est
sur le bord du procipice : Et cette conioncture est telle ? que trois iours,
deux iours, vn iour de retardement, peut encore si fort accroistre nos maux
qu’ils deuiendront possible irremediables.

GRAND DIEV qui depuis tant de siecles faites des miracles continuels
pour soustenir cette Monarchie, ne permettez pas qu’estant encore assez
puissante pour faire trembler ses ennemis, elle se destruise par elle méme,
Inspirez au Roy des sentimẽs d’amour pour les peuples. Inspirez aux peuples
des sentimẽs d’amour, de respect & d’obeїssance pour leur Roy. Faite que toute
la maison Royale & tous les ordres du Royaume conspirẽt ensemble pour
la grãdeur & pour la felicité du Royaume ; & que cette reünion generale, qui
ne sçauroit pas ne point produire la paix generale, appaise nos douleurs, essuye
nos larmes, & adoucisse de telle sorte la memoire de nos maux passez, que
que nous ne nous en souuenions que pour vous rendre des actions de graces
immortelles d’auoir fait ceder vostre iustice à vostre clemence, en arrestant
le cours de vos chastimens, qui quelques terribles qu’ils soient, sont beaucoup
moindre que nos pechez.

FIN.

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Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.