LA
DEFFAICTE
GENERALLE, DE L’INFANTERIE DE L’ARMÉE
Mazarine : Par l’Armée de son Altesse
Royalle, Commandée par le Comte de
Tauanne, à l’Assaut General donné à la
Ville d’Estampes le 5. Iuin 1652.

Auec les Noms des Morts & Blessez.

C’est vne merueille qui n’est pas petite, qui
n’est connüë que des gens de bien, que le
Ciel sçait & descouure les plus cachées pensées
des hommes, lors que leurs intentions & entreprises
sont accompagnées de lequité, qu’il fauorise
leurs desseins & leur donne vn entiere accomplissement
selon leur volonté, auparauant
mesme qu’ils ayent imploré son secours. C’est
ce qui paroist auiourd’huy éuidemment, les

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Prieres publiques ne sont pas resolues que l’on
recognoist la Iustice des Armes de nos Princes,
par l’esclat de leurs Victoires, la Renommée publiant
à haute voix les progrez qu’ils ont faits &
remportez sur l’ennemy, & le Perturbateur du
repos Public, que l’on nomme Mazarin & celle
fondé sur l’equité qui accompagne toutes leurs
actions, & au moment que nous commençons
de reclamer la Misericorde du Tout-Puissant
pour obtenir la prosperité de l’Estat, & vne
bonne Paix. Nos Princes qui ont entrepris de
paruenir à vne si bonne & heureuse fin, reçoiuent
& en fassent iournellement Trophées sur
Trophées, & Victoires sur Victoires, lesquelles
prosperitez l’on peut dire auec verité estre les
plus solides fondements de la Paix que nous
esperons.

 

Que nous faut-il donc attendre des faueurs
Celestes, apres que nous luy serons entierement
sousmis par des actions de Graces Extraordinaires
que l’on se prepare de rendre,
sinon la destruction entiere de ceux qui ont
iusques icy causé les desordres, & empeschent
encores le Restablissement de la tranquillité
Publicque, lesquels malgré toute leurs
puissances, & les grandes exeortes esquelles
ils mettoient leur appuy, seront forcez de faire

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[1 ligne ill.] de fois mesprisée.

 

Le Mazarin ne s’est pas contenté des premieres
seignées que son Armée a souffert de
puis quelle s’est campée deuant la Ville d’Estampes,
& quoy qu’on luy ait remonstré la
difficulté de venir about d’vne si difficille entreprise,
il va de leur compte de cét aduis &
à persisté dans l’opiniastreté de ce Siege, luy
estant fort indifferent si tant de braues hommes
qui ne luy touchent de rien, y ont esté
massacrez prenant plaisir de faire que les
François se couppent la gorge les vns aux
autres pour le soustien de la Fortune.

Et voyant que le Duc de Lorraine estoit
à Paris, & ses Trouppes au nombre de huict
à neuf mil hommes effectifs aux enuirons de
cette Ville, lesquels joincts auec les nouuelles
Leuées faictes par Messieurs les Princes,
composeront vn corps d’Armée considerable
capable en mesme temps non seulement
de faire leuer le Siege. Les Mazarins par
tout où il sera iceluy Mazarin, enuoya les ordres
au Mareschal de Turenne pour presser
les Assiegez autant qu’il seroit possible. Ce
fut ce qui eschauffa si fort ce General à la

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prise & reprise de la demie Lune, dont vous
auez ouy parler où il perdit l’eslite de son Infanterie,
les Nouuelles estant allées iusques
dans son Camp, que l’Armée de Lorraine auec
les Trouppes des Princes se disposoient
pour passer la Riuiere de Seine, qu’à cét effet
il y auoit esté fait vn Pont de Batteaux, preuoyant
que cette Armée ne manqueroit de
le venir visiter, consulta les Principaux Officiers
de l’Armée Mazarine pour sçauoir s’il
deuenoient à d’écamper ou bien a attendre
la fin du Siege. Ils resolurent de faire vn
puissant effort pour tascher de prendre la
Place auant l’arriuée du secours, de sorte
qu’ayant iugé la bresche assez raisonnable, il
preparerent vn Assaut General de toute leur
Armée, qu’il donnerent par trois fois le Mercredy
cinquiesme du present mois de Iuin,
dont I’on ne sçauroit exprimer auec quelle
chaleur les soldats des deux parties faisoient
parroistre leur valleur, où ils estoient animez
par le courage de leurs Chef : Mais s’il
a esté bien attaqué, encores mieux deffendu.
Les Assiegez ayans fait vn feu continuel,
s’estans seruis outre leurs Armes ordinaires
de huict cens Faux enmanchées a l’enuers

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qui ont fait vne horrible boucherie de
tout ce qui s’est rencontré deuant eux, & a
mesme-temps du dernier Assaut le Comte de
Tauanne estant sorty auec huict cens Cheuaux,
il a chargé les Ennemis par derriere si
a propos que de toute l’Infanterie de l’Armée
Mazarine, il n’est resté que douze cens
hommes, la pluspart blessez, en estant demenré
sur la place prés de trois mil cinq
cens : Entre lesquels sont plusieurs Officiers,
Sçauoir sept Capitaines, huict Lieutenant du
Regiment de Champagne, dix Capitaines,
quatorze Lieutenans des Regimens de Nauarre
& Piedmont, tous les Officiers des Regimens
de Charnauel & Duty, y sont presque
demeurez auec beaucoup d’autres, dont on
ne sçait pas les noms. Il y a apparence que
cét eschet fera perdre l’enuie aux Mazarins
de resister d’auantage deuant la Place, par
l’vne ce Traicté autant honteuse que l’entreprise
a esté temeraire.

 

FIN.

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