Anonyme [1652], LA DEFFAITE DES MAZARINS DEVANT ESTAMPES PAR L’ARMEE DE SON ALTESSE ROYALE, A l’assaut general qu’ils ont voulu donner, où ils ont perdu plus de cinq cens hommes. Apportée par le Courier de Monsieur le Comte de Tauanes, le 6. Iuin 1652. , françaisRéférence RIM : M0_970. Cote locale : B_19_39.
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LA
DEFFAITE
DES MAZARINS
DEVANT ESTAMPES
PAR L’ARMEE DE SON
ALTESSE ROYALE,
A l’assaut general qu’ils ont voulu
donner, où ils ont perdu plus de
cinq cens hommes.

Apportée par le Courier de Monsieur le Comte de
Tauanes, le 6. Iuin 1652.

A. PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Sainte Anne.

M. DC. LII.

Auec permission de Son Altesse Royale.

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La deffaite des Mazarins deuant
Estampes par l’armée de
Son Altesse Royale, à l’assaut
general qu’ils ont voulu donner,
où ils ont perdu plus de
quatre cens hommes.

QVE l’affliction d’vne mere est sensible,
quand sur sa vieillesse elle voit
ses enfans (qu’elle espere estre ses supports)
se massacrer l’vn l’autre inhumainement
deuant ses yeux. La France en est reduite
à ce point, elle qui a l’honneur d’estre la
plus ancienne Monarchie de l’Europe, & qui en
estoit il n’y a que deux iours, par maniere de dire,
la plus puissante & la plus victorieuse, voit ses miserables
enfans se deschirer l’vn l’autre cruellement,
& luy porter à tous momens le poignard
dans le sein. Le Cardinal Mazarin auec toute sa
politique, sçauoit fort peu ce que c’estoit que
des guerres ciuiles, quand il faisoit si peu d’estat
des premiers troubles de la Bourgongne & de la
Guienne, mais maintenant il peut voir par leur
suite, que c’est vn feu qu’il ne faut peut-estre negliger

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d’esteindre d’abord, puis qu’il n’en faut
qu’vne bluette pour embrazer tout vn Estat.
Nous en voyons aujourd’huy l’experience, puis
que tant de sang qui s’y répand iournellement,
au lieu de l’esteindre l’anime encor dauantage.

 

Nous auons encor apris auec douleur par vn
Courier qui vint hier au soir à S. A. R. l’opiniastreté
des Mazarins à l’attaque de cette demi-lune qui
met la Lune toute entiere dans beaucoup de testes
Mazarines, & les braues gens qu’ils y ont
perdu à cette derniere attaque qu’ils ont voulu
tenter, d’où ils ont esté repoussez auec la mesme
chaleur qu’ils auoient esté dans les autres, mais
loin de s’ennuyer ou se dégouster d’vn siege si
sanglant, les assiegeans cherchent à tous momens
de nouuelles occasions pour tesmoigner leur
courage en assaillant, & les assiegez à faire paroistre
le leur en se bien deffendant, ils ont encore
dans ce dernier combat perdu quantité de braues
gens.

Les Mazarins ayant esté si mal-traitez dans
les attaques precedentes, auoient vn peu moderé
leur chaleur pour ce qui est des attaques, mais
ils n’auoient pas pour cela laissé leurs canons inutils :
car le Courrier asseure qu’ils ont tiré plus de
trois cens coups de canon, & ietté quantité de
bombes & grenades, dont les nostres ne se sont
gueres épouuantez. Enfin desesperez de ne pouuoir
rien gagner sur les nostres, ils resolurent de

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donner vn assaut general hier matin ; & pour cét
effet Monsieur le Mareschal de Turenne fit mettre
toute l’armée sous les armes, & la disposer à
ce temeraire dessein, & mesme la fit auancer en
cette disposition,

 

Apres auoir fait auec leurs canons vne bresche
à passer trente hommes de front. Mais nos assiegeans
rauis de voir les Mazarins disposez pour
cette entreprise, parurent à la bresche auec des
piques, pertuisanes, & faux renuersées, que
Monsieur le Comte de Tauanes auoit fait faire au
nombre de trois cens, resolus à leur bien disputer
ce passage, & les animant mesme par beaucoup
d’iniures & moqueries a les venir assaillir :
mais comme ils virent nos gens si bien preparez
à les receuoir, ils se retirerent au petit pas pour
gagner leurs quartiers : ce qu’ayant veu Messieurs
de Tauanes & Clinchamp, firent vne sortie sur
eux si furieuse. qu’ils leur tuerent plus de quatre
à cinq cens hommes, & puis retournez dans leur
Ville reparerent la bresche auec du fumier, qu’ils
ont abondamment : si bien qu’ils furent contraints
de retirer quelques-vns de leurs canons,
pour faire vne nouuelle batterie du costé des
Cordeliers, ce qui fit croire à nos gens qu’ils
auoient quelque dessein de se retirer : mais l’on
croit que le Mareschal de Turenne hazardera
encore vn assault general, & que s’il ne luy reussit
pas mieux que les autres il retirera ses trouppes

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pour s’opposer à celles que le Duc de Loraine
amesne pour secourir nos Heros, car il n’y a pas
d’apparence qu’il veuille prendre cette ville de
force, on preuoit bien qu’il perdroit son armée,
ny ayant maisons que nos gens ne fassent seruir
de fort pour se deffendre.

 

Les trouppes de Son Altesse de Lorraine commencerent
hier au soir de passer à Choisi, où le
pont de batteaux fut acheué pour cét effet, Son
Altesse Royale fut aduertie que quatre compagnies
du Regiment des Gardes auec deux cens
cheuaux qui estoient à Corbeil, auoient paru
pour empescher le passage : dequoy Monsieur le
Prince estant aussi auerti depescha de sa Caualerie
pour soustenir ses troupes d’infanterie qu’il a
leuez icy, qui sont postez en ce lieu : ie ne croy
pas qu’ils se hazardent à leur vouloir empescher
le passage si pres de Paris, car ils pourroient bien
auoir des Bourgeois à leur trousse, si bien que
l’on espere que toute l’armée sera passée ce septiesme
de cé mois, & on les fera filer du costé
d’Estampes sans bagage : c’est ce qui donne beaucoup
à penser au Mareschal de Turenne, qui
sans doute ne se seroit pas hazardé à vne telle entreprise
s’il auoit sceu l’arriuée des troupes de Son
Altesse de Loraine si promptement. Ce la met
la Cour en vn grand grabuge. Les gendarmes &
Cheuaux Legers, & beaucoup d’autres Officiers
ont demandé a se retirer, & sur le refus qu’on

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leur en a fait ont protesté de ne point seruir si on
ne les payoit, ayant representé à Sa Majesté les
despences immenses qu’ils ont esté obligez de
soustenir pendant ces guerres, & qu’ils ne vouloient
point apres auoir perdu tout leur bien,
exposer encor leur vie pour le soustien d’vn Ministre
estranger, dequoy le Mazarin aduerty
essaya par toutes ses ruses de les faire appaiser,
mais neantmoins il ne sont pas encor satisfait.

 

Les Melunois crient incessamment à le Reine,
de leur donner la paix, souffrant beaucoup d’incommoditez
& de misere par le sejour de la, Cour,
on les amuse de cette esperance pour les appaiser &
mesme on y a fait courir vn bruit que les affaires
estoient entierement accommodées, & qu’on
auoit renuoyé les Deputez, pour en donner les
nouuelles à Paris, ce que nous auons tres-bien
sceu estre faux par leur retour.

Son Altesse Royale, Monsieur le Prince, &
Monsieur le Duc de Beaufort, vont aujourd’huy
à cheual pour voir passer l’armée de Son Altesse
de Loraine auec beaucoup de Gentils-hommes &
de volontaires qui les accompagnent, & apres cela
Monsieur le Prince la doit conduire droit vers
Estampes, Dieu luy veuille donner vn heureux
succez.

Nous attendons les particularitez de ce dernier
combat par vn autre Courier, qui peut-estre nous
apportera encore quelque chose de meilleur.

FIN.

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