Anonyme [1652 [?]], LA FRANCE AVX FRONDEVRS. PREMIERE ELEGIE. , françaisRéférence RIM : M0_1420. Cote locale : B_19_28.
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LA
FRANCE
AVX
FRONDEVRS.

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LA FRANCE
AVX
FRONDEVRS.

PREMIERE ELEGIE.

 


ESPRITS seditieux, Subjets dénaturez,
Et de vostre Monarque ennemis conjurez,
Parricides Enfans, quel demon vous possede ?
Vos forfaits à mes maux donnent-ils du remede ?
Depuis ce jour fatal que la rebellion
Ietta mes fleurs de Lys aux griffes du lyon,
Ce superbe animal qui rampoit sur la terre
Triomphe des mal-heurs de vostre injuste guerre.
Mes ennemis vaincus sont par vous mes vainqueu,
La France en ses Enfans voit ses persecuteurs,
La fureur qui vous guide au milieu des bataille.
Vous fait à tous momens déchirer mes entrailles,
L’Espagne par vostre ordre arme des bataillons
Qui jusques dans mon sein plantent ses pauillons ;
Mes paysans bruslez par ces cruels gens-d’armes
Pour éteindre leurs feux ne versent que des larmes ;

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Le Laboureur par tout sous les pieds des cheuaux
Voit détruire en tremblant le fruit de ses trauaux ;
Ses sillons s’vnisans sous le faix d’vne Armées
Font douter à ses yeux si la terre est semée,
Le Bouuier, qui s’enfuit de crainte de mourir
Rencontre le trespas à force de courir ;
Le Berger effrayé des orreur de la guerre
Va chercher vn azile au centre de la terre,
Mais le Soldat épris d’vn feu l’vxurieux
Que le crime conduit dedans ces sombres lieux,
Fait entendre au Berger sa femme desolée,
Qui presque entre ses bras se trouue violée :
Le desordre & la mort volent de tous costez,
Les François des François vendent les libertez ;
Le Barbare Kosaque, & le Croate impie
Vont dans les Temples saincts fouler la saincte
Hostie ;
L’on voit sur nos Autels repaistre des cheuaux
Qui fracassent les morts dans leurs sacrez tombeaux :
Dans les Conuents pillez mille Vierges Sacrées
En sauuant leur honneur ont esté massacrées ;
Les Lorrains enrichis de mes champs desolez,
Reuendent dans leur Camp les biens qu’ils m’ont
volez,
Et leur perfide Prince ou vostre espoir se fonde
Qui se trompe luy-mesme en trompãt tout le monde,
Ce Iuif errant que Dieu ne peut voir sans couroux

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S’en reua sans combattre, & se mocque de vous
Tandis que sa retraite estonne mes Prouinces
L’épouuante se met dans le party des Princes,
L’alarme dans leur Camp sonne de toutes parts ;
Mon Roy fait aupres d’eux voler ses Estendars,
L’on se met en bataille, & le Canon qui tonne
Couure de morts le champs que la parque moissonne.

 

 


Condé, qui sans la peur porte par tout l’effroy
Est contraint de ceder la victoire à son Roy ;
Malgré tous les efforts de ce grand Capitaine,
Qui presque en vn moment est par toute la plaine,
Qui dans ce grand combat fait seul mille combats
La mort qui court par tout estonne ses Soldats.
Le fer, le feu, le sang, le plomb & la fumée,
Qui cachent au Soleil le corps de son Armée,
Ouurent ses escadrons, & dans le champ de Mars
Son Monarque triomphe au milieu des hazards :
Le Prince connoissant son effort inutile
Fait trauerser aux siens ma capitale Ville,
Qui voyant des François arborer sur ses Ponts
Les Drappeaux Espagnols rougit de mes affronts.

 

 


Si tost qu’ils sont campez, toute la populace
De mille pelottons en vn seul se ramasse,
Où l’on voit le Senat, & les Consuls troublez
Qui sont pour le public pesle-mesle assemblez :
Là sur ces Fleurs de Lys où regnoit la Iustice
Le criminel au Iuge ordonne le supplice ;

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Des Brigans apostez demandent hautement
L’vnion où la mort de tout le Parlement ;
Le signal de sa perte au mesme temps se donne,
Ils tirent sur ce Corps qui soustient la Couronne,
Et font voir dans la pourpre & dãs le sang des morts,
Les membres separez de cét illustre Corps.
Cependant du flambeau de la guerre ciuile
La fureur met la flâme à la Maison de Ville,
Et ceux qui sont du feu pour le peuple assiegez
En éuitant le feu sont du peuple égorgez :
La crainte des Consuls qui croit auec les flâmes
Saisit sensiblement les prisons de leurs ames,
Se coule dans leur sang, & le glace si fort
Qu’ils meurent en temblans de la peur de la mort :
Les notables Bourgeois blanchis de leurs années,
Suiuent de leurs Consuls les tristes destinées ;
Les Curez, sans paslir confessent les Curez
Qui les ont à la mort dignement preparez,
Puis fondans tous au Ciel leur vnique esperance
Ils treuue du secours contre toute apparence.
Dieu, qui les veut sauuer de cét embrazement
Se presente à leurs yeux dans le sainct Sacrement ;
La clochette qui sonne annonce sa venuë,
Il calme à son abord la populace esmeuë,
Et luy montre en rendant ses feux sans mouuemens
Qu’il est le Souuerain de tous les Elemens ;
Et ce peuple aueuglé d’vne brutale rage
O se deuant son Dieu deffaire son image ;

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Loin d’adorer son Maistre auec les armes bas
Il donne en sa presence, & reçoit le trespas ;
Et ce Moteur du monde offencé d’vn tel crime
Veut bien pour le sauuer estre encore sa victime ?
O d’vn diuin amour effet prodigieux !
Les forfaits à la fin le chassent de ces lieux ;
La nuit presque aussi tost sans Lune & sans Estoilles,
Pour separer ce peuple estend ses sombres voiles ;
Et pour croistre l’effort des mutins irritez
La fureur dans leurs yeux fait briller des clairtez :
Enfin las du massacre, & de ces cris funebres
Qui volent iusqu’au Ciel dans l’horreur des tenebres,
Chacun dans le remors, la tristesse & l’effroy,
Pour prendre son repos se retire chez soy.

 

FIN.

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