Anonyme [1649], LA FRANCE EN DEVIL, PRESENTÉE A LA REYNE, pour le Restablissement de ses Estats & de son Royaume, Par vn de ses fideles Sujets. , françaisRéférence RIM : M0_1425. Cote locale : A_3_62.
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LA
FRANCE
EN DEVIL,

PRESENTÉE A LA REYNE,
pour le Restablissement de ses Estats
& de son Royaume,

Par vn de ses fideles Sujets.

A PARIS,
Chez PIERRE VARIQVET, ruë S. Iean de Latran,
deuant le College Royal.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LA FRANCE
EN DEVIL,
PRESENTÉE A LA REYNE,
pour le Restablissement de ses Estats
& de son Royaume,

MADAME,

Quelque connoissance que i’aye de
ma foiblesse, & quelque profond respect qu’imprime
vostre Majesté dans les esprits de ceux qui l’approchent,
i’auoüe que c’est sans peine, puisque ie
sçay que les faueurs, dont vous auez coustume d’honorer
ceux qui se donnent l’honneur de vous presenter
quelque chose, que i’ay osé m’asseurer pareillement
auec eux le fruict du bon-heur que i’espere
gouster, en presentant à vostre Majesté ce Tableau
de la France renuersée, qui n’attend plus que
les effets de vostre bonté pour la releuer, & la restablir
dans son premier estat. C’est cette piece, MADAME,

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qui desiroit de paroistre il y a long temps
deuant vostre Personne, pour luy faire connoistre
les veritez de son pauure Peuple affligé, dont elle
estoit abusée. C’est cette veritable France qui vous
reclame il y a long temps, ce sont toutes les Villes de
vos Estats en general, qui d’vne viue voix luy demandent
Iustice. Ouy, MADAME, c’est vostre
Royaume en vn mot, dans lequel l’on n’entend plus
que pleurs & gemissemens, que desordre, que guerres,
que remuement par tout. C’est pourquoy i’espere
que vostre genereux courage ne permettra iamais
de voir ses Sujets abbatus, par l’authorité que
vous auiez confiée à vne personne qui s’en est renduë
indigne ; ses Prouinces troublées, ses Villes espuisées
par le sang de son Peuple, ses Finances taries
par l’auarice d’vn Estranger. Non, non, MADAME,
vostre Majesté ne permettra pas, que son
Royaume soit oppressé au detriment de son Peuple ;
non, vostre conscience ne se gesnera iamais aux afflictions
& cruautez faites à ses Sujets ; sans doute
vostre pieté ne se captiuera iamais pour affliger ses
Prouinces, & c’est ce que toute la France a reconnu
depuis vostre gouuernement, & c’est par sa voix que
Dieu demande à present à vostre Majesté, les premices
du pouuoir qu’il luy a mis entre les mains. Il
veut donc que l’authorité qu’il vous a dõnée, trauaille
à la defense de son Estat, de ses Prouinces & de ses
Villes, pour meriter tout ce qu’il vous prepare de benedictions :
Il n’est donc pas besoin pour cela de leuer
des armées, equipper des Soldars, ny se donner tant

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de peines : Vostre Auguste Parlement fournir à cette
heure vn ample sujet à vostre zele, qui ne souhaite
rien tant que de ioüyr de vostre presence, qu’il a
perduë vn long temps, par vn extreme malheur à la
France, auec son roy, vostre cher Fils, qu’il regrette
auec tant de peine : C’est vn Corps sans Ame, sans
la quelle il ne peut agir & ne peut faire ses fonctions :
C’est donc à iuste cause, MADAME, que vostre
Majesté me permettra de dire, que sans elle les autres
membres sont nuls ; de mesme que le Soleil cesse
de continuer sa course, il brusle tout, & desseche ce
qu’il rencontre. Il en est de mesme de nostre ieune
Monarque, depuis qu’il a esté enleué de nostre presence,
nous n’auons eu que guerre & que cruautez,
que nous auons soufferts depuis son depart ; c’est
vn mal important, où le remede doit estre appliqué :
En vn mot, c’est vn mal publique, qui ne respire que
d’heure en heure, de moment en momens les effets
de vostre misericorde. Ie ne doute donc point, MADAME,
que vostre Majesté ne soit touchée d’vne
sensible douleur, quand elle verra, comme ie luy
representeray, les degasts que ces nouueaux troubles
ont fait dessus son Peuple ; & ie me figure que son
zele tout surpris, n’accusera iamais cet Auguste Senat,
dans lequel sont ces braues Catons, affectionnez
pour leur Roy & ses Peuples, de luy auoir esté
rebelles, puisque sa misericorde penche déja à la Iustice,
encline à l’equité, & preste à l’abolition de toutes
choses. Ce n’est pas, MADAME, que ie soupçonne
en aucune façon l’Auguste Parlement de la

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capitale de vostre Royaume, d’auoir agy au delà des
termes de la Iustice, puis qu’il n’a rien fait que les
Loix bien policées ne demandassent. Ce n’est donc
pas vostre Parlement, mais ce sont ceux qui ont
l’honneur de paroistre deuant vostre Majesté, qui
ont creu que pour estre entretenus à vos frais, il ne
falloit pas considerer le Peuple, que pour succer son
sang, pour n’estre pas egales aux fortunes qu’ils tiennent
de vostre Maison. Non, non, MADAME,
nous sçauons bien que ce n’est pas vostre Majesté
qui desire que l’on foule son Peuple, la France le sçait
assez, par l’affection que vous n’auez cessé de luy
porter, depuis le bon-heur qu’elle a eu de vous voir
dans ses Prouinces, & principalement depuis le commencement
de sa Regence, qui n’a passe que pour
vn siecle remply de bon-heur & tousiours heureux.
Non, ce n’est pas vostre reuenu qui nous ruine, c’est
bien au contraire, nous sommes mescontens de voit
que ce que nous donnons d’vn cœur libre & franc,
qu’il n’en reuienne pas la sixiéme partie dans vos
coffres. C’est donc auec cause legitime que vostre fidele
Parlement est forcé auiourd’huy de prendre les
armes contre ces Partisans & carnassiers du sang populaire,
qui ne se contentent pas de succer iusques
à l’extremité de nostre sang, mais encore se saisissent
de nos corps, pour les faire pourir dans les prisons
à force du temps qu’ils y sont detenus. Voyez
donc, MADAME, si c’est ainsi que vostre Majesté
desire qu’on vse à l’endroit de ces fideles François, si
c’est ainsi qu’elle commande qu’on les tyrannise, si

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c’est là les proüesses qu’elle veut que l’on tire d’eux :
Non, MADAME, cela ne fut iamais dans la pensée
de tous vos bons Sujets, par l’inclination que vous
auez tousiours euë de les obliger : & moy-mesme
i’oseray asseurer, auec vostre permission, que les
larmes me sont plus frequentes, que ne sont à ceux-là
la ioye de nos miseres. C’est pourquoy, MADAME,
ie vous supplieray de ne vouloir changer
ces bonnes volontez que vous auez tousiours euës
pour la France en fiel, ou en amertume, puisque
nous sommes tout prests à souffrir telles peines que
bon vous semblera nous faire endurer. Mais sans
aller plus loin, nous sçauons que vostre Majesté
est d’autant plus portée pour nostre soulagement,
comme nous, semblablement d’vne voix vnanime,
de nous dire tousiours ses tres humbles, tres-obeïssans,
& tres-fideles Sujets.

 

FIN.

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